Authors
Associée, Droit des sociétés, Toronto
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Associé, Litiges, Toronto
Dernière mise à jour : le 21 mai 2020
La propagation mondiale de la COVID-19 continue d’avoir des répercussions importantes sur les entreprises canadiennes, peu importe les secteurs et les industries; sa portée, son envergure et ses effets financiers sont en constante évolution. Ces répercussions soulèvent des questions chez les émetteurs assujettis canadiens qui doivent évaluer l’impact de la pandémie sur leurs obligations d’information annuelle ou trimestrielle et d’autres obligations prévues par les lois sur les valeurs mobilières.
Les émetteurs canadiens trouveront ci-dessous d’importants points à considérer, alors qu’ils tentent de se conformer aux obligations d’information continue, et à d’autres obligations prescrites par les lois sur les valeurs mobilières, et d’évaluer l’incidence de la COVID-19 sur leur entreprise :
Obligations d’information continue
- Les émetteurs assujettis devraient déterminer s’ils sont en mesure de déposer leurs états financiers intermédiaires ou annuels dans les délais requis
En reconnaissant les conséquences de la COVID-19 sur les émetteurs assujettis et les autres participants au marché, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié des dispenses générales temporaires de dépôt de certains documents d’information continue devant être normalement déposés par les émetteurs assujettis au plus tard le 1er juin 2020.[1] La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) et d’autres membres des ACVM ont depuis publié de nouvelles décisions générales prévoyant une aide similaire du 2 juin au 31 août 2020.[2] Les dispenses générales accordent une prolongation de 45 jours aux dépôts d’états financiers, de rapports de gestion, de notices annuelles et de certains autres documents. Les fonds d’investissement et les émetteurs autres que des fonds d’investissement qui ont déjà utilisé la dispense préalable pour prolonger tout délai de dépôt, de livraison et de renouvellement de prospectus survenant au plus tard le 1er juin 2020 ne peuvent pas utiliser les décisions renouvelées pour prolonger davantage leurs délais de déclaration. Les émetteurs assujettis qui choisissent de se prévaloir de ces dispenses et qui remplissent les conditions des dispenses n’auront pas à déposer de demande d’interdiction d’opérations limitée aux dirigeants puisqu’elles ne se trouveront pas en défaut. Les dispenses sont accordées suivant les ordres de dispense générale émis par chaque territoire de compétences. Leurs conditions correspondent, en grande partie, à celles qu’aurait respectées l’émetteur si ce dernier avait demandé et obtenu une interdiction d’opérations limitée aux dirigeants, à l’égard des restrictions à la négociation des titres par les initiés assujettis et les mises à jour périodiques obligatoires, par communiqué de presse, concernant les changements importants au sein de l’entreprise. Pour de plus amples informations sur le report des obligations de divulgation continue, veuillez consulter notre mise à jour ici et notre mise à jour sur la divulgation Q1, ici. Toutefois, avant de se prévaloir de la dispense, surtout pour le dépôt des états financiers et du rapport de gestion connexe, les émetteurs assujettis devraient prendre le temps de bien analyser les répercussions d’un tel report sur leurs autres obligations, dont le respect des clauses restrictives et autres exigences similaires. Pour en savoir davantage, consultez notre bulletin sur les ordres de dispenses générales temporaires ici.
- Dispense de respecter l’échéance d’envoi des états financiers annuels audités
Nous constatons que les dispenses générales, dont il question ci-dessus, imposent les mêmes conditions si un émetteur souhaite se prévaloir des ordres de dispense de l’obligation de l’émetteur assujetti de transmettre ses états financiers aux porteurs de titres dans les 10 jours suivant la date du dépôt de ces états financiers ou dans les 140 jours suivant la date de clôture d’exercice (selon ce qui est applicable à l’émetteur assujetti). Ces conditions peuvent s’avérer coûteuses pour un émetteur qui respecte normalement ses obligations de dépôt en vertu des lois sur les valeurs mobilières applicables (notamment le dépôt de ses états financiers et rapport de gestion connexe).
Nous avons été en communication avec le personnel de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario à propos de l’échéance d’envoi des émetteurs assujettis qui ont déposé leurs états financiers annuels avant les échéances prescrites par le Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue (Règlement 51-102), puisque ces documents sont souvent envoyés avec les documents reliés aux procurations. Nous sommes d’avis qu’un émetteur assujetti qui respecte normalement ses obligations de dépôt en vertu des lois sur les valeurs mobilières applicables peut publier un communiqué informant les porteurs de titres de son intention de retarder la transmission de ses états financiers et rapport de gestion, alors que l’émetteur assujetti doit envoyer ses documents relatifs à l’assemblée, puis retarder l’impression et l’envoi de ses états financiers et rapport de gestion jusqu’à ce qu’il soit prêt à envoyer sa circulaire de sollicitation pour son assemblée annuelle.
- Les émetteurs assujettis devraient surveiller l’incidence de la COVID-19 sur toute perspective financière communiquée précédemment.
Étant donné la nature de la pandémie, les circonstances entourant le virus évoluent rapidement. Même si la COVID-19 est un événement mondial indépendant de la volonté des émetteurs assujettis, ces derniers sont responsables de divulguer toute incidence importante du virus et de la pandémie sur leurs activités. Ils doivent tenir compte des changements rapides des effets de la pandémie sur leur entreprise et suivre de près l’influence de ces changements sur les perspectives financières précédemment publiées. Selon le Règlement 51-102, dans leur rapport de gestion ou dans un communiqué de presse publié avant le dépôt du rapport de gestion, les sociétés ouvertes canadiennes doivent indiquer les événements et circonstances qui sont raisonnablement susceptibles d’entraîner un écart important entre les résultats réels et l’information prospective importante communiquée au public antérieurement. De ce fait, les émetteurs assujettis doivent donc déterminer si des événements découlant de la pandémie influent sur des prévisions de bénéfices ou d’autres perspectives financières qu’ils ont précédemment communiquées. Si c’est le cas, ils doivent prendre les mesures nécessaires pour modifier ou retirer ces perspectives financières.
- Les émetteurs assujettis doivent définir les risques et les effets particuliers du virus sur leurs activités
Les facteurs de risque et les répercussions importantes de la COVID-19 sur un émetteur varient selon la nature de l’entreprise de l’émetteur. Les émetteurs assujettis canadiens doivent indiquer les risques particuliers et les incertitudes liés à la pandémie qui s’appliquent à eux dans leur rapport de gestion et leur notice annuelle. Il est important qu’un émetteur évite les phrases toutes faites, et donne une explication détaillée des risques, de leur importance et de leur incidence potentielle sur la situation financière, les activités et les flux de trésorerie de l’émetteur. Voici quelques-uns de ces risques :
- Perturbations causées par les restrictions de voyage
- Perturbations de la chaîne d’approvisionnement de l’émetteur en raison de quarantaines ou de confinements généralisés dans le territoire de résidence de l’émetteur ou ailleurs
- Perturbations des activités en raison de la mise en quarantaine d’employés et de fermetures imposées par le gouvernement
- Incertitude entourant les répercussions de la pandémie sur le coût du capital
- Les émetteurs assujettis doivent rester attentifs aux changements importants et les traiter de façon appropriée dans les circonstances
Les répercussions de la COVID-19 évoluent rapidement. Il est essentiel pour les émetteurs de rester à l’affût des changements dans leur entreprise, leurs activités ou leur capital qui devraient raisonnablement avoir un effet important sur le cours du marché ou la valeur de leurs titres. Les émetteurs assujettis doivent continuer de se conformer aux exigences du Règlement 51-102, soit en publiant immédiatement un communiqué de presse traitant de la nature et de la substance de tout changement important et en déposant une déclaration de changement important dans les 10 jours suivant ce changement.
Autres obligations en vertu des lois sur les valeurs mobilières
En vertu des lois sur les valeurs mobilières, les dirigeants, administrateurs et autres initiés doivent comprendre et respecter leurs obligations relatives à la négociation de titres et se conformer aux politiques de négociation et de périodes d’interdiction des émetteurs assujettis qu’ils desservent.
La prudence est de mise pour les initiés qui négocient des titres lors de périodes de bouleversements. La volatilité externe reflète souvent la dynamique de changements « sur le terrain » qui, dans le feu de l’action, peuvent paraître futiles par rapport à la notion d’importance des lois sur les valeurs mobilières. En revanche, les organismes de réglementation et les investisseurs peuvent, avec le recul, les juger importants. La négociation de titres par les initiés peut engendrer des risques réputationnels en ces temps imprévisibles. Elle peut alerter les organismes de réglementation qui peuvent alors poser des questions et mener des enquêtes longues et coûteuses, et ce, même si la négociation a respecté les politiques et lois applicables. Dans une déclaration publique, la Securities of Exchange Commission (SEC) des États-Unis a souligné que, dans la situation actuelle, les initiés apprennent constamment de nouvelles informations confidentielles importantes qui revêtent une valeur encore plus significative qu’en temps normal, et un plus grand nombre de personnes peuvent aussi y avoir accès contrairement à des circonstances normales. La SEC rappelle aux administrateurs, aux dirigeants, aux employés, aux consultants et aux conseillers professionnels qu’il est interdit de négocier en fonction d’informations privilégiées. Elle rappelle également aux émetteurs publics l’importance de se conformer aux contrôles et procédures de divulgation, aux politiques sur les opérations d’initiés, et autres politiques et procédures visant à contrer la diffusion et l’utilisation inappropriées d’informations confidentielles. Les sociétés ouvertes doivent envisager d’imposer des périodes d’interdiction, s’il y a lieu, pour réduire les risques de contestation ou d’opérations inappropriées effectuées par ceux qui entretiennent des « relations spéciales » avec un émetteur assujetti.
- Les émetteurs assujettis doivent tenir compte des lois sur les sociétés applicables lorsqu’ils changent la date, l’heure ou l’emplacement d’une assemblée annuelle des actionnaires
La Bourse de Toronto (TSX) a publié une dispense générale de ses exigences, afin de permettre aux émetteurs inscrits de tenir leur assemblée annuelle de 2020 à n’importe quelle date jusqu’au 31 décembre 2020 inclusivement. Les émetteurs devront néanmoins considérer certaines exigences prévues par les lois sur les sociétés lorsqu’ils détermineront la date à laquelle ils tiendront leur assemblée annuelle (notamment le fait de déterminer si une dispense est nécessaire ou disponible). Veuillez consulter notre bulletin sur les dispenses de la TSX, ici, qui traite de ces questions plus en détail.
De plus, les ACVM ont établi des directives sur la tenue des assemblées annuelles et les documents reliés aux procurations connexes dans le contexte de la COVID-19. Ces directives font suite à celles précédemment publiées par les ACVM, à savoir qu’elles soutiennent les mesures prises par les émetteurs pour réduire les risques de transmission et qu’elles permettent aux émetteurs de communiquer avec leurs principaux organismes de réglementation pour discuter de toute question portant sur l’envoi de documents reliés aux procurations dans le contexte de la COVID-19.
Les ACVM ont déclaré que compte tenu des problèmes découlant de la COVID-19, un émetteur assujetti qui a déjà envoyé et déposé ses documents définitifs reliés aux procurations peut aviser les porteurs de titres d’un changement à la date, à l’heure ou à l’emplacement de son assemblée annuelle (y compris la tenue d’une assemblée « virtuelle ») par communiqué de presse sans envoyer de documents de sollicitation ni modifier ses documents reliés aux procurations, pourvu qu’il prenne toutes les mesures raisonnables pour en informer les intermédiaires, les agents chargés des transferts, les fournisseurs de services de vote par procuration et autres parties prenant part à l’infrastructure du vote par procuration. Les ACVM ont pris soin de souligner que les émetteurs doivent continuer de se conformer à leurs documents constitutifs et aux lois sur les sociétés applicables (ou obtenir toute dispense requise). Les directives des ACVM fixent aussi les attentes liées à la communication des informations sur la tenue d’une assemblée virtuelle, notamment des instructions claires aux porteurs de titres sur la façon d’accéder, de participer et de voter à de telles assemblées. À cet égard, les principes des ACVM reflètent ceux adoptés par la SEC.
Nous avons précédemment fourni un bulletin concernant la capacité des émetteurs au Canada de tenir des assemblés des actionnaires virtuelles, que vous pouvez consulter ici. Les émetteurs devront tenir compte d’un mélange de lois sur les sociétés et sur les valeurs mobilières, s’ils veulent modifier la date de clôture des registres ou l’emplacement de leur assemblée. Les éléments particuliers à prendre en compte dépendront des circonstances applicables de l’émetteur.
Principaux points à retenir
Les répercussions sur les sociétés canadiennes progressent au même rythme que la pandémie. Il est important de se rappeler que les obligations d’information différeront d’un émetteur à l’autre. Les sociétés ouvertes canadiennes doivent évaluer sans cesse les effets de la pandémie sur leur entreprise, et déterminer si l’information qu’elles ont publiée devrait être mise à jour ou modifiée.
Les organismes de réglementation canadiens révisent régulièrement leurs attentes à l’égard des participants au marché, y compris les obligations d’information imposées aux sociétés ouvertes. Nous avons récemment diffusé une publication à ce sujet, et nous avons mis à votre disposition un tableau de décisions réglementaires que nous gardons à jour et que vous pouvez consulter ici. Nous vous invitons à consulter ces documents fréquemment afin de rester informés.
Les auteurs reconnaissent l’aide inestimable de Sotiri Varlokostas pour rédiger cet article.