MISE À JOUR : Respect des règles de concurrence pendant la crise du COVID-19 : le gonflement des prix, les pratiques commerciales trompeuses et la collusion

Apr 14, 2020 6 MIN READ

Dans une déclaration publique le 8 avril 2020, le commissaire de la concurrence a reconnu les circonstances extraordinaires de la crise de la COVID-19 et a informé les entreprises que le Bureau ne remettrait probablement pas en question les efforts de collaboration de bonne foi et pour une durée limitée des concurrents visant à répondre à la crise et à satisfaire les besoins essentiels des Canadiens.[1] Le commissaire a également ouvert un canal de communication permettant aux entreprises d'obtenir des orientations informelles du commissaire de la concurrence sur les projets de collaboration entre concurrents. Cette déclaration est venue mettre à jour les directives précédentes du Bureau qui n'avait signalé aucun changement dans l'approche de l'application de la loi malgré la crise.[2]

Nous notons que la déclaration du commissaire vise spécifiquement les collaborations entre concurrents. Les entreprises qui ne sont pas en concurrence (comme un fournisseur et son client) et qui ne sont pas des concurrents potentiels, et qui souhaitent collaborer pour augmenter l’efficacité de la chaîne d'approvisionnement dans l'environnement de la COVID-19 ne doivent pas craindre d'être soumises à une inspection sous la législation canadienne en matière de concurrence.

Les dernières orientations du commissaire font suite à des déclarations similaires de souplesse dans l'application de la législation par d'autres autorités internationales de réglementation en matière de concurrence.[3] Dans sa déclaration, le commissaire a reconnu que les « circonstances exceptionnelles » entourant la pandémie pourraient nécessiter « l’établissement rapide de collaborations entre concurrents d’envergure et de durée limitées » pour faciliter l'approvisionnement régulier des Canadiens en produits et services essentiels. Il a noté que les entreprises peuvent devoir former des groupes d’achats collaboratifs ou partager des ressources de la chaîne d’approvisionnement, comme des installations de distribution, pour veiller à ce que tous les Canadiens puissent accéder aux nécessités de la vie, et le Bureau a indiqué qu’il ne souhaitait pas que des aspects spécifiques de l’application de la loi en matière de concurrence puissent potentiellement « réfréner » des actions possiblement nécessaires pour aider les Canadiens.

Dans le passage le plus important, le commissaire a déclaré que « le Bureau souhaite donc signaler qu’il s’abstiendra généralement d’exercer un contrôle dans la mesure où il y a un impératif clair en faveur de la collaboration d’entreprises à court terme dans le cadre de la réponse à la crise et où les collaborations sont entreprises et effectuées de bonne foi sans dépasser ce qui est absolument nécessaire. » (accent ajouté) Il est important que la déclaration du commissaire n'ait pas exclu de cet assouplissement de l'application de la législation une éventuelle collaboration sur les questions de prix, de production et de marchés, mais le commissaire a souligné qu’il n’aura « aucune tolérance envers toute tentative d’abuser de cette flexibilité ».

Étant donné la portée légale de ses orientations et les risques criminels associés à certaines formes de collaboration entre concurrents, le Bureau a ouvert un canal de communication permettant aux entreprises d'obtenir des orientations informelles. Les entreprises qui souhaitent obtenir de telles orientations sont tenues de fournir les informations suivantes concernant toute forme de collaboration :

  • les entreprises impliquées et les paramètres de la collaboration, notamment l’envergure et la durée proposées;
  • une description détaillée de la façon dont la collaboration atteindra un objectif clair relativement à l’intérêt public par rapport à la COVID-19;
  • une explication de la nécessité de la collaboration afin d’atteindre cet objectif;
  • une description de toute orientation demandée auprès des autorités pertinentes sur la question de savoir si la collaboration envisagée contribuera effectivement à renforcer la réponse du Canada en ce qui a trait à la COVID-19.

Le Bureau n'a pas de délai précis pour fournir des orientations et ses orientations peuvent être soumises à un certain nombre de conditions, notamment une limitation dans le temps et la possibilité d'une divulgation publique. Il n'y a aucune obligation de demander de telles orientations. Par conséquent, certaines entreprises peuvent choisir de procéder à une collaboration sans demander d'orientation, après avoir sollicité l'avis d'un avocat en matière de concurrence.

De nombreuses collaborations liées à la COVID-19 ont impliqué, et devraient impliquer, des groupes d’achats collaboratifs. Bien que le commissaire ait toujours estimé que les accords d’achats collaboratifs ne sont généralement pas soumis à l'application des dispositions pénales de la loi canadienne – ils sont plutôt susceptibles d'être examinés en vertu des dispositions civiles de la loi – il n'existe qu'une jurisprudence limitée interprétant ces accords. La déclaration du Bureau nous rappelle que ses orientations ne protègeraient pas les entreprises contre la possibilité de poursuites privées en dommages et intérêts. Ainsi, les concurrents devraient continuer à aborder avec prudence les accords d’achats collaboratifs, tout comme ils le feraient pour une éventuelle collaboration en matière de fourniture ou de vente de biens et de services au Canada.

En tant que déclaration d'intention d'application, les orientations du Bureau ne modifient pas les interdictions pénales existantes du Canada concernant les accords anticoncurrentiels relatifs à la fixation des prix, à la répartition des marchés ou aux restrictions de production. En outre, elles ne lient pas le Service des poursuites pénales du Canada, l'autorité chargée de faire appliquer les lois pénales canadiennes en matière de concurrence.

Pour de plus amples informations ou pour toute question concernant l'impact de la déclaration du Bureau ou les possibilités de consultation avec le Bureau sur la collaboration des concurrents, veuillez contacter les membres du groupe droit de la concurrence et investissement étranger d'Osler.

 


[1] Déclaration du Bureau de la concurrence à propos de la collaboration entre concurrents pendant la pandémie de COVID-19 (lien vers la déclaration sur le site web du Bureau).

[2] Déclaration du commissaire de la concurrence à propos de l’application de la loi pendant la situation causée par la COVID-19 (lien vers la déclaration sur le site web du Bureau). Voir la mise à jour fait par Osler le 30 mars 2020.

[3] Voir, par exemple, Joint Antitrust Statement regarding Covid-19 by the U.S. Department of Justice (Antitrust Division) and the Federal Trade Commission date du 27 mars 2020 (lien vers la déclaration sur le site web de la FTC).