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Gouvernance : la composition des conseils d’administration et la rémunération sous les projecteurs

Auteur(s) : Andrew MacDougall

9 décembre 2015

La composition des conseils d’administration et le recrutement ont continué d’être des questions clés en matière de gouvernance en 2015, à la suite de modifications apportées aux exigences en matière de divulgation et d’initiatives relatives à la gouvernance d’entreprise de la part d’investisseurs institutionnels visant à promouvoir la possibilité pour les actionnaires de proposer des candidats (l'accès aux procurations), et ce, aux États-Unis et au Canada. La rémunération est aussi demeurée une question prioritaire. Alors que des actionnaires institutionnels ont manifesté leur opposition lors de votes consultatifs sur la rémunération tenus par trois grands émetteurs canadiens, la  Securities and Exchange Commission a mis de l’avant plusieurs initiatives réglementaires relatives à la rémunération.

Composition des conseils d'administration

Divulgation de la diversité au sein des conseils – Depuis le 31 décembre 2014, la plupart des émetteurs canadiens (autres que ceux dont les titres sont inscrits à la cote de la Bourse de croissance TSX et les fonds de placement) sont assujettis à des exigences de divulgation en ce qui a trait à la représentation des femmes au sein des conseils d’administration et des hautes directions. Notre sondage sur la divulgation auprès d'émetteurs inscrits à la cote de la TSX nous a donné un portrait des pratiques actuelles, et le résultat est décevant. Nous avons observé d’importants manquements au chapitre de la conformité, une faible représentation des femmes au sein des conseils d’administration et des hautes directions, le nombre peu élevé d’émetteurs ayant des politiques du conseil ou des objectifs visant à augmenter la mixité au sein des conseils, et pratiquement aucun émetteur ayant des cibles de représentation féminine à la haute direction. Les conseils d’administration canadiens devraient envisager des façons d’accroître la diversité au sein des conseils d’administration et des hautes directions. La mesure dans laquelle les émetteurs canadiens parviennent à augmenter la représentation des femmes dans des postes de direction dictera l’ordre du jour sur les questions de gouvernance en 2016.

(Pour plus de renseignements, veuillez consulter notre rapport intitulé Pratiques de divulgation en matière de diversité.)

Renouvellement des conseils d’administration – Les émetteurs assujettis aux exigences de divulgation en matière de diversité doivent aussi communiquer les limites à la durée du mandat des administrateurs ou les autres mécanismes de renouvellement du conseil. À défaut, ils doivent expliquer pourquoi ils n’ont pas de tels mécanismes. Plus tôt cette année, l’Institut des administrateurs de sociétés (IAS) a publié un rapport qui concluait que le fait d’apporter des limites à la durée du mandat peut constituer un mécanisme de soutien, mais ne devrait pas être le seul processus utilisé pour renouveler le conseil, et pourrait même être contre-productif. L’IAS recommandait plutôt que le renouvellement du conseil soit fondé sur la gestion du rendement, dans le cadre d’une culture qui exige la responsabilisation des administrateurs et qui se concentre sur les besoins futurs du conseil.

Une étude menée par le personnel des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sur les pratiques de divulgation en matière de gouvernance d’entreprise jusqu’au 31 juillet 2015 a démontré que seulement 19 % des émetteurs examinés avaient adopté une combinaison quelconque de limites à la durée des mandats et/ou de limite d’âge. Parmi ces émetteurs, plus de la moitié (53 %) n’avaient adopté que des limites d’âge, 24 % n’avaient adopté que des limites à la durée des mandats, et 23 % avaient adopté les deux. Toutefois, la grande majorité des émetteurs ne se sont dotés d’aucun mécanisme officiel pour le renouvellement du conseil à part leur processus d’évaluation des administrateurs. Les conseils d’administration canadiens continuent de discuter de l’utilité d’adopter divers mécanismes officiels pour renouveler le conseil.

Accès aux procurations – L’« accès aux procurations » désigne les propositions visant à permettre aux actionnaires admissibles de présenter des candidats au poste d’administrateur dans les documents de sollicitation de procurations de l’émetteur. Les règles proposées par la SEC pour mettre en place l’accès aux procurations ont été annulées par les tribunaux, et cela a incité des actionnaires institutionnels à présenter des propositions d’actionnaires à des sociétés américaines pour faire adopter l’accès aux procurations au moyen de modifications apportées aux règlements. La SEC a autorisé la présentation de ces propositions, en dépit d’objections des émetteurs américains; il en est résulté qu’un nombre croissant d’émetteurs américains ont adopté l’accès aux procurations.

Conformément à la règle proposée à l’origine par la SEC, l’accès aux procurations aux États-Unis permet aux actionnaires détenant collectivement au moins 3 % des actions en circulation et qui sont actionnaires depuis au moins trois ans à présenter des candidats pour combler jusqu’à 25 % des postes au conseil, et de voir leurs candidats figurer dans la circulaire de sollicitation de procurations. Dans certains cas, les émetteurs ont soit limité (à 10 ou 20) le nombre d’actionnaires qui peuvent collectivement proposer de telles candidatures, soit conservé le pouvoir d’exclure des candidatures si l’émetteur a reçu un avis d’intention de présenter des candidats en vertu des dispositions de préavis de l’émetteur relatives à la présentation de candidatures.

La plupart des lois sur les sociétés canadiennes autorisent déjà les actionnaires à présenter une proposition d’actionnaires qui inclut des candidats visant à remplacer jusqu’à 100 % des titulaires de postes au conseil, et à intégrer cette proposition dans la circulaire de sollicitation de procurations, à condition que les actionnaires en question détiennent un nombre d’actions minimum et qu’ils soient actionnaires pendant une période déterminée avant de présenter la proposition.

La Coalition canadienne pour une bonne gouvernance (CCGG) fait la promotion d’une version de l’accès aux procurations qui diffère de celle qui est prévue dans les dispositions législatives du Canada et de la version adoptée aux États-Unis. La proposition de la CCGG est de permettre aux actionnaires détenant collectivement au moins 3 % des actions en circulation (5 %, dans le cas des plus petites entreprises) à présenter des candidats pour combler jusqu’à 25 % des postes au conseil et à faire figurer leurs candidats dans la circulaire de sollicitation de procurations de l’émetteur, sans exigence quant à la durée de la détention d’actions avant la présentation des candidatures. L’absence de toute exigence quant à la durée de la détention d’actions est quelque peu étonnante, étant donné les critiques récentes à l’égard des « perspectives à court terme » formulées par de grands investisseurs, y compris par des membres de la CCGG. Étant donné les dispositions en vigueur dans les lois sur les sociétés à l’égard de l’accès aux procurations au Canada, et particulièrement compte tenu du fait qu’elles favorisent davantage les actionnaires que les propositions en matière d’accès aux procurations aux États-Unis, il est peu probable que les sociétés canadiennes adoptent volontairement la version américaine de l’accès aux procurations ou la proposition de la CCGG.

Cumul des mandats d’administrateur – Dans sa plus récente mise à jour des lignes directrices sur le vote par procuration, [Institutional Shareholder Services] (ISS) a adopté une norme plus stricte pour déterminer les cas où un administrateur cumule trop de mandats (« overboarding »). Dorénavant, un administrateur qui est chef de la direction est considéré comme cumulant trop de mandats s’il siège au conseil de plus d’une société ouverte en plus du conseil d’administration de la société qui l’emploie (auparavant, il fallait que ce soit plus de deux sociétés). Un administrateur qui n’est pas chef de la direction cumule trop de mandats lorsqu’il siège à plus de quatre conseils d’administration de sociétés ouvertes (auparavant, c’était plus de six sociétés).

Rémunération

Vote consultatif sur la rémunération – Les votes consultatifs sur la rémunération qui ont eu une issue négative cette année à Barrick Gold Corporation (73,4 % contre), à Yamana Gold Inc. (62,73 % contre) et à la Banque canadienne impériale de commerce (56,84 % contre) ont démontré que la divulgation de la rémunération de la haute direction continue d’être surveillée de près par les actionnaires et les médias. C’était la deuxième fois que Barrick Gold obtenait des résultats négatifs au terme de cet exercice; elle a enregistré le plus faible taux d’appui des actionnaires au Canada (14,8 % en 2013) et le deuxième taux le plus bas (26,6 % en 2015). Dans certains cas, les actionnaires ont également exprimé leur insatisfaction en s’abstenant de voter pour le président du comité de la rémunération et, dans le cas de Barrick, pour les membres du comité de la rémunération.

(Pour plus de renseignements, veuillez consulter notre Bulletin intitulé Le vote consultatif sur la rémunération revient en force : trois rejets au cours d’une même semaine.)

Le vote consultatif sur la rémunération est facultatif au Canada et l’adoption de ce mécanisme continue d’augmenter, bien que très lentement. Cet été, la CCGG a fait parvenir une lettre aux émetteurs afin de les inciter à adopter le mécanisme de vote consultatif sur la rémunération. Cependant, les résultats des votes de cette année constituent un rappel important du fait que les émetteurs doivent soigneusement prendre en considération les conséquences relatives à la divulgation lorsqu’ils prennent des décisions en matière de rémunération, qu’ils devraient faire preuve de transparence quant aux motifs de leurs décisions (particulièrement lorsqu’ils prennent des décisions qui peuvent se révéler impopulaires) et qu’ils devraient éviter de surprendre leurs actionnaires.

Divulgation des ratios relatifs à la rémunération – La SEC a publié des règles définitives sur la divulgation du ratio de la rémunération du chef de la direction par rapport à la rémunération médiane des employés, qui exigeront la divulgation de ces renseignements à compter de 2018. Les émetteurs canadiens qui sont des émetteurs privés étrangers aux États-Unis ne seront pas tenus de se conformer à cette exigence, à moins qu’ils choisissent de se conformer aux exigences canadiennes en matière de divulgation de la rémunération des hauts dirigeants en procédant à la divulgation conformément aux règles américaines. Comme l’a noté la SEC, ni la loi intitulée Dodd-Frank Act, qui exige que la SEC adopte de telles règles, ni son contexte législatif, n’énoncent les objectifs ou les avantages que cette exigence est censée procurer. Il est peu probable que les émetteurs canadiens divulguent de tels renseignements, même s’ils pourraient trouver intéressant, à des fins internes, d’estimer ce que serait leur ratio.

Rémunération au rendement – La SEC a proposé des règles relatives à la divulgation de la rémunération au rendement en avril 2015. Là encore, les émetteurs canadiens qui sont des émetteurs privés étrangers aux États-Unis ne seront pas tenus de se conformer à cette exigence, à moins qu’ils ne choisissent de se conformer aux exigences canadiennes en matière de divulgation de la rémunération des hauts dirigeants en procédant à la divulgation conformément aux règles des États-Unis. En prévision de l’application de ces règles et en réponse aux demandes d’actionnaires institutionnels exigeant une meilleure démonstration du lien entre le rendement de l’entreprise et la rémunération du chef de la direction, de nombreuses sociétés ouvertes américaines et canadiennes ont adopté différentes approches dans la communication de renseignements supplémentaires concernant la rémunération réalisée ou réalisable du chef de la direction au cours d’une période de trois à cinq ans.

La règle proposée par la SEC emprunte une approche différente : elle prescrit une façon de calculer la rémunération qui exige la divulgation par rapport au rendement total pour les actionnaires (RTA), et la divulgation non seulement en ce qui concerne le chef de la direction, mais les autres membres de la haute direction visés également. Si la SEC adopte une règle définitive qui correspond à la proposition, cela pourrait faire augmenter le recours au RTA comme mesure du rendement et accroître l’attention accordée par l’entreprise et par les investisseurs aux fluctuations des actions à court terme.

(Pour plus de renseignements, veuillez consulter notre Bulletin intitulé La SEC propose des règles concernant la divulgation de la rémunération au rendement.)

Récupération de la rémunération – Au cours de l’été, la SEC a proposé des règles visant à obliger les émetteurs de titres inscrits à la cote d’une bourse américaine à adopter, communiquer et appliquer des politiques en matière de récupération de la rémunération incitative afin de recouvrer la rémunération incitative excessive reçue au cours de la période de trois ans précédant la date à laquelle l’émetteur est tenu de redresser des états financiers déjà publiés en raison d’une erreur. Que les hauts dirigeants aient participé ou non à des actes répréhensibles ou qu’ils aient ou non une part de responsabilité dans l’erreur qui a mené aux états financiers erronés n’a aucune incidence sur la question de savoir si le haut dirigeant est touché et sur la somme qui doit être récupérée.

Tous les émetteurs inscrits à la cote d’une bourse américaine, y compris les sociétés canadiennes qui sont des émetteurs privés étrangers, seraient assujettis aux exigences proposées en matière de récupération. Les émetteurs privés étrangers seraient autorisés à ne pas procéder au recouvrement, dans les circonstances très limitées où la récupération irait à l’encontre de la loi dans leur pays d’origine. Un nombre important d’émetteurs canadiens, y compris des émetteurs canadiens qui ne sont pas inscrits à la cote d’une bourse américaine, ont adopté des arrangements en matière de récupération de la rémunération. La plupart de ces arrangements prévoient deux critères de déclenchement, soit le redressement des états financiers et une inconduite de la part du dirigeant ayant contribué au redressement. Cependant, certains émetteurs canadiens se sont dotés d’une norme « sans égard à la faute », où l’absence d’inconduite de la part du dirigeant n’est aucunement pertinente. La proposition de la SEC accélérera probablement le rythme d’adoption d’arrangements de récupération au Canada, et augmentera sans doute le nombre d’arrangements ayant pour critère de déclenchement le redressement des états financiers, même en l’absence d’inconduite.

(Pour plus de renseignements, veuillez consulter notre Bulletin intitulé La SEC propose d’adopter des normes d’inscription concernant la récupération de toute rémunération incitative attribuée par erreur.)