Blogue sur la défense dans le cadre d’actions collectives intentées au Canada

En l’absence d’une question commune, un recours collectif pour manquement à l’obligation fiduciaire proposé par des investisseurs échoue

11 Nov 2024 4 MIN DE LECTURE

Dans une récente décision, la Cour supérieure de l’Ontario a mis en lumière les enquêtes individuelles qu’il est souvent nécessaire d’effectuer dans le cadre des recours collectifs proposés concernant des investisseurs et des décisions de placement. Dans l’affaire Boal v. International Capital Management Inc.,[1] affaire où le demandeur alléguait un manquement à l’obligation fiduciaire à l’encontre d’un conseiller en placement qui se trouvait en situation de conflit d’intérêts,le juge Akbarali a refusé la certification au motif que l’existence d’une obligation fiduciaire, son contenu et son manquement ne pouvaient pas être déterminés de façon commune pour l’ensemble du groupe proposé.

Contexte et historique de l’instance

Le demandeur prétendait que les défendeurs, y compris un conseiller en placement, avaient violé leurs obligations fiduciaires lorsqu’ils avaient omis de divulguer les avantages qu’ils tireraient des opérations qu’ils recommandaient aux investisseurs. Il n’était pas contesté que certains défendeurs avaient enfreint les règles de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) auxquelles ils étaient soumis : certains défendeurs avaient conclu un règlement avec l’ACFM. Le demandeur a demandé la restitution des profits que les défendeurs avaient tirés des opérations.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, cette motion en certification a une longue histoire. Dans un premier temps, le juge Perell a refusé la certification.[2] Il a estimé que la prétention de manquement à l’obligation fiduciaire était vouée à l’échec et que l’existence d’une obligation fiduciaire ad hoc dépendrait des circonstances de chaque relation conseiller-client.

Une majorité de juges de la Cour divisionnaire a confirmé cette décision.[3] Dans une opinion dissidente, le juge Sachs a estimé qu’il n’était pas évident que, telle qu’elle était plaidée, la prétention de manquement à l’obligation fiduciaire était vouée à l’échec.

La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli le pourvoi, essentiellement pour les motifs du juge Sachs, et a établi que le demandeur avait satisfait au critère de la cause d’action prévu à l’alinéa 5(1)a) de la Loi de 1992 sur les recours collectifs.[4] En conséquence, la Cour d’appel a renvoyé l’affaire devant la Cour supérieure pour qu’elle se prononce à nouveau sur le critère des questions communes et celui du meilleur moyen. 

Le nouveau prononcé sur les questions communes

Le juge Akbarali a ensuite refusé la certification au motif que le demandeur ne satisfaisait pas au critère des questions communes prévu à l’alinéa 5(1)c). Il a estimé que l’évaluation de l’existence d’une obligation fiduciaire ad hoc à l’égard d’un membre particulier du groupe nécessiterait des enquêtes individuelles parce que la preuve indiquait une variabilité importante entre les membres du groupe, y compris en ce qui concerne les éléments suivants :

  • la compréhension du conflit d’intérêts potentiel : Les investisseurs avaient une compréhension différente des intérêts des défendeurs (par exemple, la participation des défendeurs dans les billets). Certains investisseurs étaient conscients du conflit d’intérêts potentiel lorsqu’ils ont choisi d’investir.
  • l’expérience : Certains membres du groupe étaient des investisseurs avertis, d’autres non.
  • la confiance : Le degré de confiance accordé aux défendeurs n’était pas uniforme.
  • l’appui : Chaque investisseur a pris ses propres décisions de placement et s’est appuyé, à des degrés divers, sur les recommandations et les conseils des défendeurs.

En conséquence, le juge Akbarali a conclu que l’existence d’une obligation fiduciaire, son contenu et son manquement ne pouvaient pas être déterminés de façon commune pour l’ensemble du groupe. Il faudrait effectuer des enquêtes individuelles pour connaître la situation propre à chaque investisseur, la nature de sa relation avec les défendeurs et les renseignements qu’il avait reçus avant l’opération.

Points à retenir

En analysant de la sorte les questions communes proposées, la Cour a rempli de façon exemplaire la fonction de gardien revenant à un tribunal de certification appelé à analyser les types d’enquêtes individuelles qu’il est souvent nécessaire d’effectuer dans le cadre des affaires concernant des investisseurs et des décisions de placement. En l’espèce, en se fondant sur la preuve, le juge Akbarali a estimé que la variabilité de l’expérience, de la confiance, de l’appui et de la compréhension des conflits d’intérêts parmi les membres du groupe empêchait la certification en application de l’alinéa 5(1)c) de la Loi de 1992 sur les recours collectifs.


[1] Boal v. International Capital Management Inc. et al., 2024 ONSC 5803.

[2] Boal v. International Capital Management Inc., 2021 ONSC 651.

[3] Boal v. International Capital Management Inc., 2022 ONSC 1280.

[4] Boal v. International Capital Management Inc., 2023 ONCA 840.