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Arrêt Bertsch : une décision ontarienne qui fournit des indications sur les clauses de licenciement figurant dans les contrats de travail

7 Nov 2024 7 MIN DE LECTURE

Le récent arrêt Bertsch v. Datastealth Inc.[1] marque un changement dans la jurisprudence, changement qui est bienvenu pour les employeurs de l’Ontario qui, au moins depuis que la Cour d’appel a rendu son jugement dans l’affaire Waksdale v. Swegon North America Inc.[2] (comme nous l’avons vu dans un billet paru précédemment [en anglais seulement]), ont été confrontés à une jurisprudence favorable aux employés lors de la rédaction des clauses de licenciement devant figurer dans les contrats de travail.

Dans l’affaire Bertsch, le demandeur a introduit une action pour congédiement injustifié dans laquelle il alléguait que son contrat de travail ne limitait pas la rémunération à laquelle il avait droit en cas de licenciement parce que les clauses de licenciement étaient « [traduction libre] ambiguës et ne renvo[ya]ient pas correctement aux exemptions d’indemnisation prévues par la loi en cas de congédiement », en violation de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la LNE) de l’Ontario. Le demandeur a prétendu en particulier que les clauses de licenciement en question, dont un extrait est reproduit ci-dessous, ne respectaient pas la définition de « motif valable » prévue par la loi et étaient donc nulles et non avenues en vertu de l’arrêt Waksdale :

[traduction libre]

5. Cessation d’emploi par la Société : Si la Société met fin à votre emploi avec ou sans motif valable, vous ne recevrez que la rémunération et les indemnités minimales, le cas échéant, qui vous sont dues en vertu de la [LNE] et de ses règlements, […] y compris, mais sans s’y limiter, les salaires impayés, l’indemnité de vacances et toute rémunération minimale tenant lieu de préavis de licenciement (ou d’indemnité de licenciement), l’indemnité de cessation d’emploi (le cas échéant) et le maintien des avantages sociaux. Vous comprenez et acceptez que, conformément à la LNE, il existe des circonstances dans lesquelles vous n’aurez pas droit à un préavis de licenciement, à une indemnité de licenciement, à une indemnité de cessation d’emploi ou au maintien des avantages sociaux.

Vous comprenez et acceptez que le respect des exigences minimales de la LNE satisfait à tout droit prévu par contrat ou par la common law que vous pourriez avoir eu égard à un préavis de cessation d’emploi ou à une indemnité en tenant lieu. Vous comprenez et acceptez en outre que la présente disposition s’applique à vous pendant toute la durée de votre emploi au sein de la Société, indépendamment de sa durée ou de toute modification de votre poste ou de votre rémunération.

11. a) Si l’une des rémunérations auxquelles vous avez droit en vertu du présent contrat est, ou risque d’être, inférieure à la rémunération minimale à laquelle vous avez droit en vertu de la [LNE] […], vous recevrez à la place la rémunération à laquelle vous avez minimalement droit en vertu de la [LNE] […].

h) Le présent contrat constitue l’intégralité de l’entente entre vous et la Société en ce qui concerne votre emploi, et ni vous ni la Société n’ont fait une quelconque déclaration, donné une quelconque garantie ou pris un quelconque engagement relativement au présent contrat, à l’exception de ce qui y est expressément prévu. Les parties ont expressément examiné s’il existait d’autres obligations implicites de la part de la Société à votre égard, en common law ou autrement, en dehors des clauses écrites du contrat ou en vertu de la loi, et confirment qu’il n’existe aucune obligation de ce type. Le présent contrat ne peut être modifié ni résilié sans l’accord écrit de la Société.

k) […] L’invalidité, pour quelque raison que ce soit, de l’une quelconque des clauses du présent contrat n’entraînera en aucune manière l’invalidité de l’une quelconque des autres clauses […].

En réponse, par voie de motion introduite en vertu de la règle 21 des Règles de procédure civile, l’employeur défendeur a demandé au tribunal d’interpréter les clauses pertinentes du contrat et d’annuler ou de rejeter la demande pour défaut de divulgation d’une cause d’action défendable.  La règle 21 stipule, entre autres, qu’une partie peut demander à un juge, par voie de motion, « qu’une question de droit soulevée par un acte de procédure dans une action soit décidée avant l’instruction, si la décision de la question est susceptible de régler la totalité ou une partie de l’action, d’abréger considérablement l’instruction ou de réduire considérablement les dépens ».

Malgré les protestations du demandeur, selon lesquelles une motion introduite en vertu de la règle 21 n’était pas appropriée dans les circonstances, le tribunal a convenu avec l’employeur défendeur que l’affaire se prêtait à une motion au titre de l’article 21. Il a confirmé, en fait, que l’affaire Bertsch était « [traduction libre] un bon exemple où l’interprétation du contrat par le tribunal à ce stade était utile, efficace et juste ».

Réitérant le principe de base selon lequel les clauses de licenciement doivent « [traduction libre] être clairement conformes à la LNE, ne pas contrevenir potentiellement à la LNE et à ses règlements, [et] exclure correctement le préavis prévu par la common law », le tribunal a finalement tranché en faveur de l’employeur défendeur. Il a déclaré que, dans l’affaire Bertsch,les clauses de licenciement étaient claires et sans ambiguïté et, par conséquent, elles ne contrevenaient pas à la LNE, si, en tout état de cause, on les interprétait de manière raisonnable. En outre, il a noté que, même si « [traduction libre] les clauses contractuelles […] [n’étaient] pas simples », elles conservaient néanmoins leur caractère exécutoire, et a suggéré que les employés « [traduction libre] auraient intérêt à consulter un conseiller juridique avant de signer » un contrat de travail contenant de telles clauses. Le tribunal a également estimé que « [traduction libre] lorsque le sens de la clause est clair », un déséquilibre de pouvoir présumé entre l’employeur et le candidat à l’emploi ne modifie pas l’évaluation de son caractère exécutoire.

En conséquence, le tribunal a rejeté la demande sans autorisation de modification et a accordé à l’employeur défendeur des dépens d’indemnisation partielle de 6 000 $.

Points à retenir pour les employeurs

Cette affaire nous rappelle que les tribunaux continueront d’examiner les clauses de licenciement dans les moindres détails techniques afin de s’assurer qu’elles sont conformes à la LNE dans tous les scénarios possibles. Toutefois, comme le montre l’affaire Bertsch, les tribunaux peuvent confirmer des clauses de licenciement rédigées conformément à la jurisprudence et au libellé de la LNE, même s’il y a déséquilibre de pouvoir présumé entre l’employeur et le candidat à l’emploi. 

En outre, l’arrêt Bertsch démontre que, dans les cas de congédiement injustifié, il n’est pas nécessaire d’investir du temps et des ressources dans une longue procédure judiciaire. Au contraire, une motion au titre de la règle 21 peut constituer une réponse simple, rapide et efficace lorsque le seul point litigieux est l’interprétation d’une clause de licenciement.

Si vous avez des questions au sujet des décisions précitées ou si vous avez besoin d’aide pour rédiger ou revoir des contrats de travail avant, pendant ou après des négociations avec des candidats à l’emploi ou des employés existants, veuillez communiquer avec l’un des membres de l’équipe d’Osler.


[1] 2024 ONSC 5593.

[2] 2020 ONCA 391.