Auteurs(trice)
Associé, Droit des sociétés, Vancouver
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Le congrès de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs de cette année a marqué un retour à l’époque prépandémique. Le congrès est revenu à sa date habituelle, en mars, ce qui ne manque jamais de nous rappeler que c’est encore l’hiver (selon les normes de Toronto). Par bonheur, la météo n’a eu d’incidence que sur les déplacements vers Toronto et non sur le congrès lui-même, mais elle a ravivé le débat « juin plutôt que mars » au sein de l’ACPE. La salle de conférence a semblé plus animée que ces dernières années, l’ACPE annonçant près de 24 000 délégués, ce qui dépasse la fréquentation du congrès de 2020 ; les cocktails dînatoires débordaient de monde et un sentiment général d’optimisme au sein du secteur minier était palpable. Nous sommes heureux de vous faire part de nos réflexions sur le congrès de cette année.
Les minéraux critiques sont au goût du jour
Sans surprise, comme nous l’avons écrit dans notre article paru dans la Rétrospective de l’année juridique 2022, à une époque de plus en plus axée sur la transition énergétique, les minéraux critiques étaient au centre des préoccupations de nombreux délégués que nous avons rencontrés. L’adoption par les gouvernements de politiques axées sur l’identification, la mise en valeur et le contrôle des minéraux critiques a concentré l’attention (et le battage médiatique) sur bon nombre de ces produits de base.
Le lithium a certainement été le minéral le plus discuté, comme en témoigne l’augmentation significative du nombre de sociétés d’exploration et d’extraction de lithium présentes au congrès et suscitant l’intérêt des investisseurs. Le secteur naissant du lithium en Amérique du Nord a fait l’objet d’une attention particulière. Du fait qu’il y a peu d’exemples de projets nord-américains ayant réussi à atteindre le stade de la production et comme ces projets ont tendance à être situés dans des régions éloignées dotées de peu d’infrastructures, la question est de savoir si, malgré leur enthousiasme, les investisseurs se trompent de cible ou si, en raison de la transition énergétique, la demande sera telle que le prix du lithium restera élevé à un point tel que les projets éloignés seront rentables.
L’autre nouvelle intéressante dans le domaine des minéraux critiques, et du lithium en particulier, est l’émergence d’investissements directs par les utilisateurs finaux dans le domaine des véhicules électriques. Pour la plupart, ces investissements sont motivés par des questions d’écoulement des stocks, ce qui souligne la demande à long terme prévue pour ces minéraux et la concurrence au sein du secteur de l’automobile relativement au passage aux véhicules électriques.
L’identification des minéraux critiques a également fait l’objet de diverses discussions, allant des comparaisons des listes de minéraux critiques établies par les gouvernements (en particulier, l’inclusion de l’uranium et de la potasse par le Canada) à la rareté des nouveaux gisements de minéraux critiques et aux défis posés par la mise en exploitation de nouvelles mines. Il est intéressant de noter que, bien que l’importance du cuivre dans le cadre de la transition énergétique soit largement reconnue, les projets d’extraction de cuivre ne reçoivent pas autant d’attention qu’on pourrait s’y attendre compte tenu des pénuries de cuivre que l’on prévoit dans les années à venir.
Les délais doivent être raccourcis
Dans un contexte où l’on s’efforce d’assurer l’approvisionnement en minéraux critiques, le défi perpétuel de le faire rapidement continue d’alimenter la réflexion du secteur. Compte tenu de la multitude d’évaluations environnementales, de consultations auprès des collectivités et des parties prenantes et d’examens par celles-ci nécessaires à la réalisation d’un projet, cela peut prendre des dizaines d’années avant qu’une mine nouvellement découverte arrive au stade de la production. D’aucuns reconnaissent que, pour que le secteur suscite de l’intérêt, les processus de développement doivent être simplifiés et raccourcis. Eu égard aux minéraux critiques, les gouvernements considèrent cette question comme étant prioritaire dans leurs stratégies, mais il reste à voir si des changements significatifs peuvent être apportés afin que la mise en valeur des minéraux critiques s’accélère.
À titre d’exemple, citons le Cercle de feu de l’Ontario, projet qui a attiré l’attention pendant le congrès. Le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il avait approuvé le cahier des charges relatif à l’évaluation environnementale d’un plan mené par les Premières Nations visant l’aménagement des routes nécessaires à la réalisation du projet. Près de 16 ans se sont écoulés depuis la découverte du Cercle de feu et, bien que la région ait attiré beaucoup d’attention, le projet est loin d’être prêt à receler les minéraux critiques enfermés dans le sol éloigné du nord de l’Ontario.
Risque géopolitique
Le secteur minier est un secteur mondial sur lequel les tensions géopolitiques se font toujours sentir. Ainsi, l’accroissement de l’incertitude politique et économique à l’échelle mondiale a une incidence sur le développement de projets et la conclusion d’ententes. De même, à l’échelle des pays, les risques se sont accrus partout dans le monde et se répercutent sur les marchés de diverses façons. Pensons aux risques persistants liés à l’agitation sociale en Amérique latine et les risques d’imposition accrue dans divers pays (récemment mis en évidence par la querelle en cours au Panama), alors que les gouvernements se tournent de plus en plus vers le secteur minier pour financer leurs besoins budgétaires.
De telles incertitudes ont une incidence sur la conclusion d’ententes, les acheteurs se tournant vers des territoires plus sûrs pour croître. Par bonheur, cela devrait être de bon augure pour les projets canadiens.
Le besoin continu de financement
Les petites sociétés minières continuent de se heurter à des difficultés perpétuelles pour lever des capitaux. Bien qu’il y ait eu certains signes de vie – un certain nombre de sociétés minières ont levé des capitaux au début de l’année (et le prix d’un premier appel public à l’épargne à redevances sur le lithium a pu être établi) –, il y a toujours des obstacles. Les marchés boursiers restent tendus. Nous avons constaté qu’un certain nombre de petites sociétés avaient décidé de ne pas s’offrir un stand dans la salle d’exposition et qu’il y avait des espaces vides, ce qui suggère que l’époque des listes d’attente est révolue. Autrefois, le stand d’exposition était, pour les petites sociétés, un élément essentiel de l’ACPE ; elles pouvaient ainsi se faire connaître et entretenir des relations avec les investisseurs. Cette situation reflète peut-être des difficultés sous-jacentes sur les marchés financiers canadiens.
Les enjeux géopolitiques ont également une incidence sur la levée de capitaux. Les tensions politiques persistantes entre les États-Unis et la Chine (et la réaction du Canada, qui a annoncé une politique restreignant la propriété des sociétés minières canadiennes par des intérêts étrangers) ont entraîné la quasi-disparition des investissements chinois. À l’heure actuelle, on ne sait pas très bien comment ces capitaux seront remplacés ni par qui.
Cette situation a été quelque peu compensée par les modifications qui sont en train d’être apportées à la réglementation en vue de faciliter la levée de capitaux, notamment la dispense de prospectus pour financement d’émetteurs cotés (FEC) mise en place en 2022. Depuis son adoption, un certain nombre d’émetteurs ont profité de l’occasion pour lever des capitaux au moyen de l’émission d’actions librement négociables sans prospectus. Le recours à la dispense pour FEC comporte d’importantes limitations, mais les faits démontrent que les mesures d’allègement de la charge réglementaire peuvent avoir un effet positif.
Comme toujours, le secteur minier reste optimiste et pense que cette année sera riche en possibilités, que ce soit pour la levée de capitaux, la conclusion de fusions et d’acquisitions ou le développement de projets. La conjoncture économique mondiale, la demande découlant de la transition énergétique et l’intérêt des investisseurs pour les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) continueront probablement à se manifester tout au long de l’année, mais nous ne pouvons que quitter l’ACPE 2023 en nous sentant revigorés par un sentiment d’optimisme.