Des initiatives gouvernementales accélèrent de nouveaux investissements dans la transition énergétique dans l’Ouest canadien

11 Jan 2023 13 MIN DE LECTURE

L’élan vers la transition énergétique et un avenir carboneutre s’est accéléré l’année dernière, promettant de nouveaux investissements importants dans l’Ouest canadien en 2023 et au-delà. Une nouvelle stratégie et de nouvelles incitations gouvernementales associées à une certitude réglementaire accrue et à la possibilité de générer des revenus supplémentaires par la création et la vente de crédits de carbone ont amélioré la faisabilité de nombreuses initiatives de transition énergétique, notamment le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC), l’hydrogène et la production d’électricité carboneutre entre autres. Nous nous attendons à ce que ces industries connaissent une croissance marquée dans les années à venir, car le Canada s’efforce d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions pour 2030 et 2050. 

Le plan fédéral de réduction des émissions pour 2030

En mars 2022, le gouvernement canadien a publié son Plan de réduction des émissions pour 2030. Ce plan présente ce que le gouvernement fédéral compte faire par secteur en matière de tarification du carbone, de carburants à faible teneur en carbone et de transition énergétique. Dans la foulée de la publication de ce plan, le gouvernement a également annoncé son engagement de financer à hauteur de 2,2 milliards de dollars son Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, qui soutient des initiatives climatiques de gouvernements provinciaux et d’administrations municipales, d’écoles, d’institutions et d’organismes sans but lucratif.

Le Plan de réduction des émissions pour 2030 comprend des mesures précises visant à accroître l’adoption de véhicules à émission zéro (en exigeant, par exemple, que tous les nouveaux véhicules légers vendus d’ici 2035 soient des véhicules à émission zéro), à décarboniser la production d’électricité (y compris un objectif de réseau carboneutre à l’échelle du Canada d’ici 2035) et à soutenir des initiatives de réduction des émissions dans tous les segments de l’économie. Le Plan crée également un fonds Accélérateur net zéro de 8 milliards de dollars qui appuiera des investissements à grande échelle dans des secteurs industriels clés partout au pays pour assurer que le Canada reste concurrentiel dans une économie nette zéro tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre (GES).

Développement du CUSC et de l’hydrogène bleu

Le CUSC et l’hydrogène bleu – qui consiste à produire de l’hydrogène à partir de gaz naturel et à utiliser le CUSC – demeurent des stratégies clés pour réduire les émissions dans l’Ouest canadien, l’Alberta étant à l’avant-garde de la promotion et du soutien de ces industries.

À ce jour, en 2022, l’Alberta a sélectionné 25 projets à développer dans la province. Comme nous l’avons décrit en mars 2022, dans le bulletin d’actualités d’Osler du 1er avril 2022, le gouvernement de l’Alberta a annoncé sa sélection initiale de six propositions visant à créer des centres de captage du carbone dans la zone industrielle de Heartland au nord d’Edmonton. Les propositions acceptées avaient été sélectionnées à partir d’une demande de propositions de projets complets (DPPC) publiée par la province en décembre 2021. Une deuxième DPPC a été publiée le 3 mars 2022 pour des projets à l’extérieur de cette zone industrielle. La deuxième DPPC s’est soldée par la sélection de 19 propositions de projets supplémentaires dans la province.

Bien qu’aucun de ces projets ne soit encore en cours de développement, les entreprises sélectionnées commencent à étudier la manière de développer en toute sécurité leurs centres de CUSC dans le but d’obtenir l’approbation réglementaire de l’Alberta Energy Regulator (AER) dans un avenir proche dans le cadre du système Carbon Sequestration Tenure Management de l’AER. De plus, plusieurs entreprises de l’Alberta ont annoncé d’importants projets d’investissement liés aux centres de CUSC. Il s’agit notamment de l’installation d’hydrogène bleu d’Air Products à Edmonton, d’une valeur de 1,3 milliard de dollars, et de l’initiative Oil Sands Pathways Alliance, d’une valeur de 16,5 milliards de dollars.

En mai 2022, la Saskatchewan a annoncé qu’elle avait commencé une étude fondamentale pour élaborer le plan d’un possible centre de distribution d’hydrogène dans la région de Regina-Moose Jaw. Le rapport devrait être prêt d’ici la mi-2023. La Colombie-Britannique a annoncé des efforts de planification semblables pour un centre de distribution d’hydrogène dans le Grand Vancouver.

Décisions réglementaires en Alberta et en Colombie-Britannique

Nombre de cadres réglementaires qui sont en place dans l’Ouest canadien ne traitent actuellement pas de la transition énergétique ou n’envisagent pas les nouvelles technologies et ressources qui y sont associées. Des réformes et des précisions réglementaires sont nécessaires dans certains domaines pour garantir que les nouveaux développements sont gérés de manière appropriée et que les investisseurs sont en mesure de comprendre ce qui est nécessaire pour créer de nouveaux projets de transition énergétique.

Alberta

Le budget 2022 du gouvernement de l’Alberta comprend un investissement de 41 millions de dollars au cours des trois prochaines années pour mettre la dernière touche aux régimes de réglementation des ressources géothermiques et des ressources minérales critiques comme nous l’avons évoqué dans le bulletin d’actualités d’Osler du 30 juin 2022. Alors qu’il reste à terminer le cadre des ressources minérales, les règles et règlements relatifs au développement de la géothermie ont été achevés en 2022, notamment les Geothermal Resource Development RulesCes règles décrivent les exigences réglementaires applicables aux promoteurs qui cherchent à tirer parti des ressources géothermiques de la province en vertu de la Geothermal Resource Development Act. L’AER a également publié sa directive sur le développement des ressources géothermiques, qui contient l’information réglementaire nécessaire aux développeurs géothermiques pour commencer la production, comme nous le résumions dans le bulletin d’actualités d’Osler du 25 août 2022. Il convient également de noter que, en 2022, l’Alberta Utilities Commission (AUC) a mené une enquête sur la faisabilité technique et réglementaire de mélanger de l’hydrogène dans le flux de gaz naturel pour les services publics de gaz de la province. Le 30 juin 2022, l’AUC a publié son rapport définitif sur l’enquête, y compris des réformes réglementaires précises qui apporteront plus de clarté sur l’utilisation de l’hydrogène à cette fin en Alberta.

Colombie-Britannique

En juillet 2020, la Colombie-Britannique a rationalisé sa réglementation en matière de géothermie afin d’améliorer le processus d’autorisation de nouveaux projets géothermiques dans la province.

En juillet 2021, la province a modifié son Greenhouse Gas Reduction (Clean Energy) Regulation (GGRR) afin de permettre une production et une utilisation accrues de ressources renouvelables en gaz et en hydrogène. Le GGRR modifié permet désormais aux entreprises de services publics de réaliser des investissements limités dans le temps et en volume dans des gaz renouvelables et de fournir des pourcentages plus élevés de ces gaz afin de stimuler le marché national des carburants renouvelables.

La Colombie-Britannique a également introduit une nouvelle loi sur la réduction des émissions en juin 2022. La Low Carbon Fuels Act a élargi la portée de la norme sur les carburants à faible teneur en carbone de la province pour inclure les carburants d’aviation et des navires parmi les carburants réglementés. À la suite de ce changement, tous les carburants de transport d’origine fossile vendus dans la province sont désormais réglementés par la norme. La Low Carbon Fuels Act a également modifié la norme pour permettre aux projets de réduction des émissions qui captent le carbone directement dans l’air de créer des unités de conformité, ce qui, espère le gouvernement provincial, se traduira par des investissements accrus dans la technologie pour traiter le dioxyde de carbone à l’échelle atmosphérique.  

Nouvelle norme fédérale sur les combustibles propres

En juin 2022, le gouvernement fédéral a rendu public son Règlement sur les combustibles propres, lequel impose des exigences annuelles de réduction du volume et de l’intensité carbonique aux « fournisseurs principaux » d’essence et de diesel. Le règlement établit un marché pour les unités de conformité. Des unités sont créées en menant des projets de réduction des émissions de dioxyde de carbone (y compris le CUSC), en important ou en produisant des carburants à faible intensité de carbone ou en remplaçant l’utilisation de carburants à forte intensité de carbone par les véhicules par une énergie de substitution à plus faible intensité de carbone. Les producteurs de biocarburants, les hôtes de sites de recharge de véhicules électriques, les propriétaires/exploitants de stations-service et les entreprises en amont et en aval peuvent être en mesure de faire qualifier leurs projets pour créer et vendre des unités de conformité en vertu de la réglementation.

Ce régime prend effet le 1er janvier 2023 et devrait susciter une forte demande ainsi que des incitations financières pour de nouveaux projets de réduction des émissions de dioxyde de carbone partout au pays.

Budget fédéral de 2022 : crédits d’impôt pour les promoteurs et les investisseurs

Le budget fédéral déposé le 7 avril a introduit deux importants crédits d’impôt à l’investissement liés à la transition énergétique.

Le premier est un crédit remboursable pour les entreprises qui engagent des dépenses admissibles pour l’achat d’équipements de CUSC et de production d’hydrogène bleu. Les dépenses « admissibles » comprennent uniquement celles qui sont liées à l’achat et à l’installation d’équipements utilisés pour capter, transporter, stocker ou utiliser du dioxyde de carbone dans le cadre d’un nouveau projet de CUSC.

Le deuxième est un crédit pour les technologies propres pouvant atteindre 30 % pour les investissements dans la carboneutralité, les solutions de stockage dans des batteries et l’hydrogène propre. Dans la mise à jour économique de l’automne publiée le 3 novembre 2022, le gouvernement a confirmé que le crédit d’impôt pour les technologies à zéro émission s’applique aux investissements dans la production et le stockage d’énergie propre (y compris les petits réacteurs modulaires et l’énergie éolienne, hydraulique et solaire stockée dans des batteries), le chauffage à faible intensité de carbone et les véhicules industriels à émission zéro utilisés dans l’exploitation minière ou l’industrie de la construction.

Lors de sa mise à jour économique de l’automne, le gouvernement fédéral a également annoncé un nouveau crédit d’impôt pouvant atteindre 40 % pour les investissements dans la production d’hydrogène. La conception de ce crédit d’impôt n’a pas encore été annoncée, mais il inclura probablement un système d’investissements à plusieurs niveaux d’intensité de carbone et pourrait suivre la conception d’incitatifs semblables introduits cette année aux États-Unis. Le crédit pour les technologies à zéro émission et le crédit pour la production d’hydrogène seront tous deux offerts dès l’an prochain, lors du dépôt du nouveau budget fédéral. Alors que le crédit pour les technologies à zéro émission devrait être maintenu jusqu’en 2035, celui pour la production d’hydrogène sera éliminé progressivement après 2030.

Combinés au financement gouvernemental annoncé dans le budget fédéral de 2022 (et d’autres sources, dont des gouvernements provinciaux), ces crédits d’impôt devraient susciter de nouveaux investissements dans le CUSC, l’hydrogène et d’autres technologies à zéro émission.

Prix fédéral des GES et crédits compensatoires fédéraux

En février 2022, Environnement et Changement climatique Canada a annoncé la création d’un Fonds issu des produits du système de tarification fondé sur le rendement. Comme nous l’avons résumé dans le bulletin d’actualités d’Osler du 2 mars 2022, le Fonds vise à réinvestir les recettes du système fédéral de tarification du carbone dans des technologies propres et l’énergie verte dans les provinces où les produits ont été recueillis. Le système fédéral de tarification du carbone fondé sur les émissions ne s’applique que dans les provinces qui n’ont pas leur propre système de tarification du carbone. Bien que l’Alberta et la Colombie-Britannique ne soient donc pas concernées par l’annonce, la Saskatchewan peut se réjouir de réinvestir dans des initiatives locales une partie des produits recueillis auprès des grands émetteurs industriels de la province.

Le système fédéral de tarification fondé sur les émissions a également été mis à jour en juin 2022 lorsque le gouvernement fédéral a lancé son Régime de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre pour les projets de réduction des GES. Ce régime a été mis en œuvre en vertu du Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serrequi est entré en vigueur à ce moment-là. Le régime établit les exigences qui doivent être satisfaites pour créer des crédits compensatoires pour différents types d’activités. En vertu du règlement, les promoteurs sont tenus d’enregistrer leurs projets de réduction de GES dans le cadre d’un protocole donné afin qu’ils puissent créer des crédits compensatoires pouvant être utilisés dans le régime de crédits compensatoires. Il est possible pour des installations régies par le système fédéral de tarification fondé sur les émissions d’acheter et d’utiliser des crédits compensatoires à des fins de conformité. Ce régime de crédits compensatoires peut offrir des possibilités de revenus supplémentaires pour certains types d’activités de réduction des émissions au pays.

Principales évolutions à surveiller pour l’année à venir

Les objectifs fixés dans le Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada sont ambitieux et nécessiteront de nouveaux investissements considérables dans divers domaines. Pensons notamment aux véhicules à émission zéro et aux infrastructures de ravitaillement et de recharge associées, à la production d’hydrogène et au CUSC ainsi qu’à l’exploitation de minéraux critiques. Le développement de la production d’électricité carboneutre (par l’entremise de projets éoliens, solaires ou géothermiques ou de petits réacteurs nucléaires modulaires) et du stockage (y compris les projets de stockage par pompage et les batteries à échelle commerciale) sera également essentiel.

De nouvelles possibilités de financement public, des crédits d’impôt et les flux de revenus provenant de crédits de carbone devraient encourager les investissements dans ces secteurs, les entreprises cherchant à tirer parti de ces incitatifs et de la plus grande certitude offerte par les régimes réglementaires modifiés.