Auteurs(trice)
Associé, Droit des sociétés, Vancouver
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Pour les sociétés minières à la recherche de capitaux en 2021, un élément clé a été l’insaisissable question de la conjoncture favorable des marchés. Malgré un cours des produits de base relativement élevé et la confiance affichée par les investisseurs (en particulier à l’égard de l’inflation), cette année a été marquée par des périodes d’inactivité et par une ruée vers la mobilisation de capitaux dès que les conditions du marché devenaient favorables. Le marché était alors fortement en faveur des émetteurs établis, laissant les petits émetteurs démunis pour obtenir les capitaux dont ils ont tant besoin.
Les nouveaux venus ont en général obtenu les plus piètres résultats, malgré un marché des premiers appels publics à l’épargne (PAPE) au départ très dynamique au Canada, mais qui n’a apparemment pas profité au secteur minier. Bon nombre d’entreprises visant une inscription en bourse par voie de PAPE ou de prise de contrôle inversée (PCI) ont donc été contraintes d’ajuster leur plan d’affaires afin de se tenir en permanence prêtes à lancer une opération de financement.
Pour les sociétés minières cherchant à accéder aux marchés de capitaux publics, un des principaux défis est l’obligation de tenir à jour un rapport technique en vertu du Règlement 43-101 sur l’information concernant les projets miniers (Règlement 43-101).
Rapports techniques dans le contexte des PAPE/PCI
Une disposition clé du Règlement 43-101 concerne l’obligation faite aux émetteurs de déposer un rapport technique à jour à l’appui des renseignements scientifiques ou techniques se rapportant à un projet minier sur un terrain important pour l’émetteur, si les renseignements sont présentés dans un des documents d’information prescrits. Il s’agit notamment des prospectus et des circulaires d’information où les actionnaires sont invités à approuver une acquisition, par exemple une PCI.
Pour être considéré comme « à jour », un rapport doit contenir tous les renseignements scientifiques et techniques importants concernant le projet, ce qui peut rendre difficile la détermination d’une date butoir pour l’établissement du rapport alors que les émetteurs poursuivent leurs activités d’exploration ou de développement du projet. De plus, le rapport technique doit être établi par une ou plusieurs personnes qualifiées (selon la définition qu’en donne le Règlement 43-101) ou sous leur supervision, ces personnes devant être indépendantes de l’émetteur. Si l’exigence d’indépendance permet une vérification objective des actifs, elle signifie également que les délais d’établissement du rapport ne relèvent pas exclusivement du contrôle de l’émetteur.
En vertu des règles d’inscription à la cote des marchés boursiers, un rapport technique indépendant est requis à l’appui des exigences d’inscription applicables aux émetteurs du secteur minier. Les marchés boursiers utilisent également le rapport technique pour évaluer les sources et les utilisations des fonds de l’émetteur en s’appuyant sur le programme de travaux qui est recommandé dans le rapport technique. Le processus d’examen en vue de l’inscription exige des renseignements à jour concernant le budget global de l’émetteur que le marché boursier rapproche ensuite des liquidités de l’émetteur après avoir donné effet au financement.
En conséquence, même les émetteurs prêts à lancer leur PAPE/PCI ont besoin d’au moins quelques mois pour préparer un dépôt public. Avec un délai idéal de deux mois pour mener à bien un PAPE ou une PCI, le calendrier global est gérable. Toutefois, en 2021, deux difficultés liées à ces échéances sont devenues apparentes. En premier lieu, les émetteurs ont souvent été contraints d’attendre que la conjoncture du marché devienne favorable pour lancer leur opération de financement. De plus, lorsque le marché devenait réceptif à une opération de financement, les émetteurs constataient que les délais de l’examen réglementaire des appels publics à l’épargne étaient considérablement plus longs en raison du volume élevé d’opérations se déroulant simultanément. Dans certains cas, les émetteurs se sont retrouvés bloqués pendant six mois ou plus et ont dû engager des frais supplémentaires en raison de l’obligation de mettre à jour en continu leurs rapports techniques pendant cette période.
Ce problème se pose avec davantage d’acuité pour les émetteurs ayant un seul projet ou ceux en démarrage pour lesquels l’importance des progrès subséquents est incertaine. Selon toute vraisemblance, si la date limite pour l’établissement du rapport n’est pas rapprochée de celle du document d’information à l’appui duquel il est déposé, les organismes de réglementation des valeurs mobilières ou les marchés boursiers se demanderont si le rapport est à jour et si les exigences du Règlement 43-101 et des règles d’inscription des marchés boursiers ont bien été satisfaites.
Si aucune solution magique ne permet de régler ce problème, les émetteurs peuvent cependant prendre certaines mesures pour réduire au minimum les conséquences négatives d’une prolongation du processus de PAPE/PCI sur leurs projets :
- Se préparer à l’éventualité d’un retard dans leurs programmes de travaux : Les émetteurs doivent faire preuve de souplesse dans la planification de leurs programmes de travaux en tenant compte des délais liés au PAPE ou à la PCI. Si une telle démarche peut se traduire par une réduction de l’optimisation des programmes sur le plan technique, un tel résultat est cependant préférable à un retard du PAPE ou de la PCI. Les émetteurs doivent prendre en considération le calendrier logistique lié aux aspects tels que l’octroi de permis et les analyses afin de s’assurer que les résultats sont inclus dans le rapport technique. Les travaux qui ne sont pas importants et les interprétations servant à la préparation des programmes de travaux subséquents peuvent avoir lieu après la date limite pour l’établissement du rapport technique. La planification est importante pour s’assurer que le rapport technique demeure à jour en cas de retard dans le processus de PAPE/PCI.
- Mise en quarantaine des résultats : Il est possible de mettre en quarantaine les résultats de l’exploration auprès de fournisseurs externes (p. ex., des laboratoires d’analyse). Cela peut permettre d’éviter de devoir les inclure dans un rapport technique. Dans un tel cas, l’émetteur indique que le travail a été effectué, mais que les résultats sont à venir. Toutefois, il peut être plus difficile d’établir qu’un rapport technique est à jour si une partie importante des résultats est mise en quarantaine. Les émetteurs doivent être prêts à fournir à la personne qualifiée appelée à être l’auteur du rapport les éléments visuels et les autres renseignements préliminaires permettant de donner l’assurance que rien dans les résultats à venir n’est de nature à invalider les conclusions du rapport technique. Cette condition est plus facile à remplir pour les travaux moins importants comme le forage intercalaire que pour ceux qui sont cruciaux pour le projet et détermineront en partie les travaux subséquents.
- Mettre à jour l’information non incluse dans le rapport technique : Dans les cas où les travaux additionnels ne sont pas considérés comme importants, l’émetteur peut terminer la rédaction du rapport à une date limite antérieure à la fin des travaux en cours. L’émetteur peut alors inclure dans un document d’information une mise à jour concernant les travaux réalisés après la date limite du rapport. Ainsi, l’émetteur garde son dossier d’information à jour sans avoir à composer avec des balises changeantes pour son rapport technique. Toutefois, les émetteurs doivent savoir que la personne qualifiée qui établit le rapport devra examiner tous les renseignements techniques subséquents afin de s’assurer qu’ils ne remettent pas en cause ses conclusions dans le rapport — et ce, même si une autre personne qualifiée est responsable de la communication de l’information. De plus, l’émetteur doit veiller à ce que le budget et le programme des travaux indiqués dans le rapport technique soient de nature prospective, et que les travaux à effectuer utilisent le produit du PAPE ou de la PCI et non pas les travaux antérieurs. Au titre de leurs obligations en matière d’information, les émetteurs doivent rapprocher les sources de fonds jusqu’à la fin du mois précédant le dépôt du prospectus (PAPE) ou de la circulaire d’information (PCI) et le budget doit être conforme à ces sources.
Malheureusement, il n’existe pas de solution idéale pour régler le dilemme de l’actualité du rapport technique. Cette situation est souvent source de frustration pour les émetteurs prévoyant une introduction en bourse, en particulier en présence de plusieurs paliers d’examen réglementaire (organismes de réglementation des valeurs mobilières et marchés boursiers) et en l’absence de délimitation claire de ce qui est important pour le projet ou pour l’émetteur.
Autres solutions de financement en l’absence d’un rapport technique à jour… des changements à l’horizon
Pour bon nombre de petits émetteurs, une des répercussions majeures de l’absence d’un rapport technique « à jour » est l’impossibilité de satisfaire aux exigences nécessaires pour garder à jour sa notice annuelle. La principale conséquence d’une telle situation est qu’il ne remplit alors plus les conditions pour pouvoir réaliser un appel public à l’épargne sous le régime du prospectus simplifié, beaucoup moins coûteux que celui du prospectus ordinaire. D’un point de vue stratégique, les avantages de l’accès au régime du prospectus simplifié sont obtenus en tenant un dossier d’information continue exhaustif et à jour. Pour de nombreux émetteurs, ce coût est prohibitif, avec pour conséquence que les petites sociétés émettrices du secteur minier sont souvent pratiquement limitées aux placements privés sur le marché dispensé.
Ces dernières années, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont porté une attention particulière aux initiatives d’allègement du fardeau réglementaire, y compris en ce qui concerne la mobilisation de capitaux. Une préoccupation majeure exprimée par les acteurs du marché, en particulier les petits émetteurs du secteur minier, est le coût de la réalisation d’un appel public à l’épargne compte tenu de l’inadmissibilité de la plupart d’entre eux au régime du prospectus simplifié. Comme nous l’avons mentionné dans notre article intitulé Des changements progressifs au cours d’une année historique à l’égard de l’activité des marchés des capitaux, l’une des plus récentes initiatives proposées par les ACVM est destinée à combler cette lacune.
Si elle est adoptée, la nouvelle Dispense pour financement de l’émetteur coté permettra aux émetteurs admissibles de placer auprès du public des titres de capitaux propres inscrits à la cote librement négociables. En général, le montant maximum pouvant être réuni se limiterait au montant le plus élevé entre 5 000 000 $ et 10 % de la capitalisation boursière de l’émetteur, à concurrence de 10 000 000 $ au cours d’une année civile. Pour se prévaloir de la dispense, l’émetteur doit avoir des titres inscrits à la cote d’une bourse canadienne, être un émetteur assujetti depuis au moins 12 mois, avoir déposé tous les documents d’information périodique et occasionnelle et « être en activité ». Les révisions proposées visant à ajouter la Dispense pour financement de l’émetteur coté au Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus ne décrivant pas expressément la signification de l’exigence d’« être en activité », nous nous attendons à ce que les ACVM adoptent une approche raisonnablement libérale de l’application des exigences aux émetteurs du secteur minier afin que ceux dont les sites sont dans les premiers stades de l’exploration et dont les programmes de travaux sont encore limités puissent se prévaloir de cette dispense.
Il est important de souligner que l’obligation de dépôt du document d’offre en vertu de la Dispense pour financement de l’émetteur coté n’entraînera pas l’exigence de déposer un rapport technique en vertu du Règlement 43-101. Ainsi, les émetteurs pourront se prévaloir de la dispense pour réaliser leur opération de financement par le placement d’actions librement négociables (sans la décote pour non-liquidité des placements privés correspondante) sans avoir à évaluer si leurs rapports techniques sont à jour. Nous prévoyons que cette dispense, si elle est adoptée, constituera un excellent outil de financement pour les émetteurs du secteur minier qui ne remplissent pas les conditions requises pour pouvoir déposer un prospectus simplifié, dont les rapports techniques ne sont peut-être pas à jour et qui ont besoin de capitaux pour financer leurs programmes de travaux et faire avancer leurs projets et leur information technique.
Financement en 2022?
Avec la mise en œuvre prochaine de nouvelles dispenses de prospectus et la poursuite des efforts déployés par les autorités de réglementation des valeurs mobilières pour alléger le fardeau réglementaire, les émetteurs disposeront probablement en 2022 de nouvelles options pour réunir des capitaux qui viendront remédier à certaines difficultés auxquelles ils se heurtaient pas le passé. Les nouvelles dispenses pour financement sont indépendantes des obligations de tenir des rapports techniques à jour qui limitaient jusqu’ici la capacité des émetteurs à réunir des capitaux auprès du public. Ces mesures n’aideront pas les émetteurs envisageant un PAPE ou une PCI à tenir un rapport technique à jour, mais il existe par ailleurs plusieurs stratégies qu’ils peuvent utiliser pour gérer leurs programmes et leurs résultats de façon à réduire les incidences possibles sur leur opération en cours. Nous encourageons les émetteurs à avoir une discussion approfondie à ce sujet avec leurs conseillers afin d’être en mesure de profiter du marché dès que les conditions deviendront favorables.