Auteurs(trice)
Associée, Droit du franchisage et commerce de détail, Toronto
Associé, Franchisage et distribution, Toronto
Associée, Litiges, Toronto
Sociétaire, Franchisage et distribution, Toronto
Dans l’affaire Royal Bank of Canada v. Everest Group Inc.,[1] la Cour d’appel de l’Ontario (la « Cour ») a rendu une décision très attendue concernant un différend sur les pratiques de divulgation suivies dans le cadre de la concession de plusieurs franchises par Paramount Franchise Group.
Voici les principales conclusions de la Cour dans cette affaire :
- La Cour a conclu que l’employée de niveau intermédiaire du franchiseur était, à l’égard de celui-ci, une « personne qui a un lien » exposée à la même responsabilité que le franchiseur et ses administrateurs et dirigeants en vertu de la Loi Arthur Wishart.[2] La Cour a confirmé la conclusion du juge de première instance suivant laquelle un employé était, à l’égard du franchiseur, une personne qui a un lien au sens du paragraphe 1(1) de la Loi Arthur Wishart. La Cour est allée plus loin que le juge de première instance en déclarant que l’employée « [traduction libre] n’était peut-être pas une administratrice ou une dirigeante, mais elle n’était pas non plus une employée de bureau ou une employée subalterne » et jouait « [traduction libre] un rôle important dans le processus d’examen des demandes, du fait qu’elle exerçait un jugement professionnel et conseillait ceux et celles qui prenaient la décision finale ». Il est important de comprendre que, lors du procès, le franchiseur a concédé que l’employée de niveau intermédiaire satisfaisait au critère de « contrôle » de la définition de « personne qui a un lien » (comme nous l’expliquons plus loin), ce qui peut ne pas être le cas dans d’autres situations.
La décision laisse entendre que les employés qui se situent à un niveau inférieur à celui d’administrateur ou de dirigeant, mais supérieur à celui d’employé de bureau ou d’employé subalterne, peuvent être exposés à une responsabilité personnelle importante, même s’ils n’ont pas le pouvoir de prendre la décision finale en ce qui concerne la concession d’une franchise. - La Cour a confirmé les conclusions du juge de première instance selon lesquelles :
- le franchisé, en tant que partie faisant la demande, a le fardeau de prouver qu’il est en droit de se prévaloir du droit de résolution prévu à la Loi Arthur Wishart;
- le franchisé peut résoudre un contrat de franchisage qui a déjà été résilié par le franchiseur;
- de manière générale, les exemptions à l’obligation de remettre un document d’information qui sont prévues dans la Loi Arthur Wishart doivent être interprétées de manière restrictive.
Il est à noter, bien que la Cour n’ait pas eu à se pencher sur la conclusion controversée du juge de première instance selon laquelle un « contrat de franchisage générique » (generic franchise agreement) (c.-à-d. un contrat de franchisage ne prévoyant aucun emplacement ou territoire précis) n’avait pas pour effet de concéder une franchise au sens de la Loi Arthur Wishart, des questions subsistent quant à l’utilisation des « contrats de franchisage génériques ».
Vous trouverez ci-dessous un examen approfondi des faits et des conclusions dans le cadre de cette affaire.
Les parties
La décision rendue en première instance par la Cour supérieure de justice de l’Ontario s’intitule Premium Host Inc. v. Paramount Franchise Group.[3] Les demandeurs étaient trois franchisés du système de franchise moyen-oriental « Paramount Fine Foods » (les « franchisés ») : Versatile Holdings Inc. (« Versatile »), Everest Group Inc. (« Everest ») et Premium Host Inc. (« Premium Host »). Les franchisés étaient des entités juridiques distinctes (même si leur propriétaire était le même) et ont tous conclu des contrats de franchisage distincts avec le franchiseur, Paramount Franchise Group Inc. (« Paramount »). Versatile et Everest ont tous deux conclu des contrats de franchisage visant des franchises nouvellement construites, tandis que Premium Host a conclu un contrat de franchisage visant une franchise ayant fait l’objet d’une revente, sise à l’« emplacement Heartland ».
Les demandes
Les franchisés ont tous cherché à résoudre leurs contrats de franchisage en application du paragraphe 6(2) de la Loi Arthur Wishartau motif que Paramount aurait, entre autres, prétendument omis d’inclure des états financiers dans le document d’information et de remettre les documents d’information sous forme de « document unique en une seule fois ». Les franchisés ont également cherché à obtenir une indemnité de la part de personnes affiliées à Paramount, à savoir Paramount Franchise Inc. (« Paramount Leasing »), Fakih Group Inc., 2302733 Ontario Inc. (« Paramount Wholesale »), Mohamad Fakih, Holly Graham et Michel Gagnon,[4] au motif que, à l’égard de Paramount, elles étaient des « personnes qui ont un lien » au sens de la Loi Arthur Wishart.
Contestant la demande de recours en résolution, Paramount a soutenu, entre autres, qu’elle était exemptée des obligations de divulgation, puisque, selon elle, trois des exemptions de divulgation prévues au paragraphe 5(7) de la Loi Arthur Wishart s’appliquaient en l’espèce : a) l’investissement dans la franchise était supérieur à 5 millions de dollars (exemption prévue à l’alinéa 5(7)h)), b) il s’agissait de la concession d’une franchise supplémentaire à un franchisé (exemption prévue à l’alinéa 5(7)c), et c) il s’agissait de la revente d’une franchise effectuée par le franchisé et non pas par le franchiseur ou par son intermédiaire (exemption prévue à l’alinéa 5(7)a)).
Dans les cas où l’emplacement de la franchise n’était pas connu au moment de la signature du contrat de franchisage, Paramount avait pour pratique de faire signer aux franchisés un contrat de franchisage générique (c.-à-d. un contrat de franchisage qui ne prévoyait pas l’emplacement ou le territoire de la franchise), puis de signer un autre contrat de franchisage identique contenant les renseignements propres à l’emplacement, une fois que le territoire ou l’emplacement avait été cerné et déterminé. Paramount a suivi cette pratique avec Versatile. Lorsque Versatile a demandé à résoudre le second contrat de franchisage, celui propre à l’emplacement, Paramount a fait valoir que le premier contrat de franchisage était le bon contrat à résoudre et que, puisqu’il avait été signé plus de deux ans avant l’avis de résolution, sa résolution était prescrite.
Les conclusions
Le juge de première instance a examiné de nombreux faits sous-jacents concernant le processus de divulgation, le contenu des documents d’information et le moment où ils ont été remis aux franchisés. Les faits ont été compliqués par un dossier de documentation incomplet dans lequel les demandeurs et les défendeurs ont fourni des preuves contradictoires.
S’appuyant sur des motifs étendus, le juge de première instance a rejeté les demandes de recours en résolution présentées par Versatile et Everest. Même si Premium Host a présenté une demande de recours en résolution qui, en matière de documentation, posait des problèmes similaires à celles de Versatile et d’Everest, le juge de première instance l’a accueillie au motif que Paramount n’avait pas divulgué tous les renseignements importants concernant l’emplacement Heartland dans un seul document d’information remis sous forme de document unique en une seule fois.[5]
Le juge de première instance a déterminé qu’aucune des trois exemptions à l’obligation de divulgation invoquées par Paramount ne s’appliquait.[6]
En outre, le juge de première instance a conclu que le contrat de franchisage générique n’avait pas pour effet de concéder une franchise au sens de la Loi Arthur Wishart, de sorte que le délai de deux ans applicable à une demande de recours en résolution n’a commencé à courir qu’après la signature du second contrat de franchisage, celui propre à l’emplacement.[7]
Étant donné que les personnes qui ont un lien avec le franchiseur sont solidairement responsables avec le franchiseur de l’indemnité prévu au paragraphe 6(6) de la Loi Arthur Wishart, le juge de première instance a examiné quelles personnes affiliées à Paramount répondaient à la définition de « personne qui a un lien » prévue au paragraphe 1(1) de la Loi Arthur Wishart. La définition en question comporte deux critères, qui doivent tous deux être remplis :
À l’égard du franchiseur, personne qui :
a) d’une part, directement ou indirectement : (i) soit le contrôle ou est sous son contrôle, (ii) soit est sous le contrôle d’une autre personne qui le contrôle également, directement ou indirectement;
b) d’autre part : (i) soit participe directement à la concession de la franchise, selon le cas : (A) en participant à l’examen ou à l’approbation de la concession de la franchise, (B) en faisant, auprès du franchisé éventuel et pour le compte du franchiseur, des démarches en vue de concéder la franchise ou d’offrir, notamment par voie de commercialisation, de la concéder; (ii) soit exerce un contrôle important sur l’exploitation du franchisé et envers laquelle ce dernier a une obligation financière continue à l’égard de la franchise.
M. Fakih a admis être, à l’égard du franchiseur, une personne qui a un lien, et les personnes que l’on prétendait qu’elles étaient, à l’égard du franchiseur, des personnes qui ont un lien ont admis remplir le critère de « contrôle » de la définition de personne qui a un lien.[8]
Le juge de première instance a conclu que Paramount Leasing (l’entité détentrice du bail avec laquelle les franchisés ont conclu un sous-bail) était, à l’égard du franchiseur, une personne qui a un lien parce qu’elle exerçait un contrôle opérationnel important sur les franchisés.[9] Il a conclu que Mme Holly Graham (directrice des ventes de franchises et du développement international de Paramount) était, à l’égard du franchiseur, une personne qui a un lien parce qu’elle avait participé à l’examen ou à l’approbation de la concession de la franchise.[10] Enfin, il a conclu que ni Fakih Group ni Paramount Wholesale n’étaient, à l’égard du franchiseur, des personnes qui ont un lien.
L’appel
En appel, Versatile et Everest ont allégué ce qui suit :
- le juge de première instance a commis une erreur en leur demandant, et non au franchiseur, de prouver qu’il n’y avait pas eu de divulgation ou que les renseignements divulgués étaient insuffisants;
- à titre subsidiaire, le juge de première instance a commis une erreur en concluant que les franchisés n’avaient pas prouvé qu’il n’y avait pas eu de divulgation ou que les renseignements divulgués étaient insuffisants;
- le juge de première instance a commis une erreur en concluant que Paramount Wholesale et le groupe Fakih n’étaient pas, à l’égard du franchiseur, des personnes qui ont un lien.
En appel incident, Paramount, Paramount Leasing, Paramount Wholesale, Fakih Group Inc., Mohamad Fakih et Mme Graham ont allégué ce qui suit :
- le juge de première instance a commis une erreur en concluant que les exemptions de divulgation prévues au paragraphe 5(7) de la Loi Arthur Wishartne s’appliquaient pas aux obligations de divulgation envers Premium Host;
- le juge de première instance a commis une erreur en concluant que la résiliation d’un contrat de franchisage au motif que le franchisé l’avait violé n’empêchait pas le franchisé de le résoudre;
- le juge de première instance a commis une erreur en concluant que l’omission d’états financiers concernant une franchise appelée « emplacement Heartland » était un fait important donnant à Premium Host le droit de bénéficier de l’indemnité prévue par la loi;
- le juge de première instance a commis une erreur en concluant que Holly Graham et Paramount Leasing étaient, à l’égard du franchiseur, des personnes qui ont un lien.
La Cour a rejeté chacune de ces allégations.
Si vous avez des questions sur cette affaire ou sur son incidence sur la divulgation relative à vos franchises ou sur vos processus contractuels, veuillez communiquer avec un membre du groupe Franchisage d’Osler.
[1] Banque Royale du Canada v. Everest Group Inc., 2024 ONCA 577.
[2] Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises, L. O. 2000, chap. 3 (la « Loi Arthur Wishart »).
[3] Premium Host Inc. v. Paramount Franchise Group, 2023 ONSC 1507 (« 2023 ONSC 1507 »).
[4] Les actions à l’encontre de M. Gagnon ont été abandonnées, et celui-ci n’a pas témoigné au procès. Voir 2023 ONSC 1507, paragraphe 39.
[5] 2023 ONSC 1507, paragraphes 418, 421.
[6] 2023 ONSC 1507, paragraphes 334, 342 et 352.
[7] 2023 ONSC 1507, paragraphes 360, 361.
[8] 2023 ONSC 1507, paragraphe 426.
[9] 2023 ONSC 1507, paragraphes 434, 435.
[10] 2023 ONSC 1507, paragraphe 459.