Le 20 mars 2020, la Cour suprême du Canada (CSC) a rendu le jugement R. c. K.G.K. (K.G.K.), où elle aborde la façon de déterminer si le délai spécifiquement attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict a porté atteinte au droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable. La période de délibération en vue du prononcé du verdict commence après la présentation de la preuve et des plaidoiries et s’étend jusqu’à ce que la décision soit rendue.
La décision est liée à l’arrêt historique Jordan, dans lequel la CSC a créé un nouveau cadre permettant de déterminer si un accusé est jugé dans un délai raisonnable en vertu de l’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés (la « charte »). Le cadre a établi des plafonds numériques (18 mois pour les affaires devant des tribunaux provinciaux et 30 mois pour les affaires devant des cours supérieures) au-delà desquels les délais sont présumés déraisonnables.
R. c. K.G.K. : sommaire
Bien que la CSC ait confirmé que l’alinéa 11b) de la charte s’applique au temps de délibération en vue du prononcé du verdict, elle clarifie que les plafonds présumés établis dans l’arrêt Jordan ne s’appliquent pas à cette période. En effet, il s’applique seulement à compter de la date de dépôt des accusations jusqu’à la fin réelle ou anticipée de la présentation de la preuve et des plaidoiries.
Pour évaluer si le droit d’un accusé d’être jugé dans un délai raisonnable a été enfreint par le délai attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict, le juge doit déterminer si le temps consacré aux délibérations a été « nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être compte tenu de l’ensemble des circonstances ». Pour déterminer si ce critère est respecté, la cour de révision examine, entre autres choses, les éléments suivants : la proximité du temps écoulé avant que le juge du procès ne prenne la cause en délibéré avec le plafond pertinent fixé par l’arrêt Jordan; la complexité de l’affaire; n’importe quel élément au dossier émanant du juge ou de la cour; et le temps qu’il faut généralement pour trancher une affaire de nature semblable dans des circonstances semblables.
La détermination s’effectue principalement dans un contexte de présomption d’intégrité judiciaire, selon laquelle le juge du procès a mis en balance la nécessité d’instruire rapidement les affaires et les considérations liées à l’équité du procès pour rendre un verdict juste. La présomption reconnaît que le juge s’acquitte de ses responsabilités selon son serment professionnel et au meilleur de ses capacités. Il incombe à l’accusé de réfuter cette présomption, et la CSC reconnaît que le seuil est élevé en raison de l’importance considérable de la présomption d’intégrité.
Commentaires
La manière dont les tribunaux appliqueront le critère de « nettement plus long » reste à voir. La décision K.G.K. a été rendue dans un contexte unique, où les délibérations du juge du procès en vue du prononcé du verdict ont eu lieu avant que l’arrêt Jordan ne soit rendu. La CSC précise qu’elle aurait tranché différemment si l’affaire avait été entendue entièrement après le prononcé de l’arrêt Jordan.
En outre, la présomption d’intégrité judiciaire signifie que l’accusé a le lourd fardeau de prouver qu’il y a eu un délai déraisonnable attribuable au temps de délibération en vue du prononcé du verdict. Pour l’instant, le type de preuve qu’un accusé doit soumettre pour réfuter cette présomption n’est pas précisé. Il importe néanmoins de noter que la juge Abella, dans une opinion concordante, précise qu’une telle présomption élève le fardeau à un seuil « inatteignable » pour l’accusé. Bien que l’alinéa 11b) de la charte s’applique apparemment au temps de délibération en vue du prononcé d’un verdict, le moins qu’on puisse dire est que demander à un accusé de démontrer qu’un juge n’a pas agi avec intégré représente tout un défi.