Préparer le terrain : Le ministre de l’Abordabilité et des Services publics de l’Alberta dépose le projet de loi 52, intitulé Energy and Utilities Statutes Amendment Act, 2025 Préparer le terrain : Le ministre de l’Abordabilité et des Services publics de l’Alberta dépose le projet de loi 52, intitulé Energy and Utilities Statutes Amendment Act, 2025

24 avril 2025 14 MIN DE LECTURE

Le 10 avril 2025, le ministre de l’Abordabilité et des Services publics de l’Alberta, l’honorable Nathan Neudorf (le Ministre), a déposé le projet de loi 52, intitulé Energy and Utilities Statutes Amendment Act, 2025 [PDF] (le projet de loi 52 ou le projet de loi), par lequel il propose d’apporter plusieurs modifications à plusieurs lois de l’Alberta, à savoir les lois intitulées Electric Utilities Act, Gas Distribution Act, Gas Utilities Act, Hydrogen and Electric Energy Act et Petroleum Marketing Act. Parmi les principales modifications figurent des dispositions permettant la mise en place d’un marché de l’énergie restructuré, une planification et une gestion modifiées du transport de l’électricité en Alberta, ainsi que des dispositions autorisant le gaz naturel de consommation mélangé à de l’hydrogène.

Dans le présent bulletin, nous donnons un aperçu du projet de loi modifiant les lois de l’Alberta intitulées Electric Utilities Act, Gas Distribution Act et Gas Utilities Act[1].

Changements touchant le marché de l’énergie et la planification du transport

Le projet de loi 52 est l’un des premiers outils législatifs que le gouvernement de l’Alberta propose pour mettre en œuvre les initiatives stratégiques relatives au marché de l’énergie restructuré (le Restructured Energy Market ou REM) et à la planification optimale du transport (l’Optimal Transmission Planning ou OTP). Le projet de loi propose d’apporter à l’Electric Utilities Act des modifications qui, entre autres, changeraient certaines obligations de l’Alberta Electric System Operator (AESO) en ce qui concerne le fonctionnement du marché de l’énergie et la planification du réseau de transport, et permettraient au Ministre d’édicter de nouveaux règlements et de nouvelles règles pour l’Independent System Operator (ISO) afin de mettre en place le REM. Les détails du REM et de l’OTP restent soumis aux efforts d’engagement continu de l’AESO depuis que le Ministre lui a transmis des lettres d’orientation[2].  Osler a déjà discuté du REM et de l’OTP dans un bulletin précédent.

Mise en place du marché de l’énergie restructuré

Si elles sont adoptées, les modifications proposées dans le projet de loi 52 remplaceraient le pool énergétique en temps réel actuel par un marché à un jour (day-ahead market) et un marché en temps réel, permettraient des mécanismes de tarification administrative et locale, imposeraient à l’AESO la tâche de prioriser les coûts et de gérer les contraintes de transport par le biais de la répartition et de la tarification de l’électricité, et conféreraient au Ministre le pouvoir d’édicter des règlements et de modifier, par voie législative, les règles de l’ISO en vue de mettre en place le REM. Les modifications reflètent largement les changements législatifs que l’AESO proposait dans le rapport de recommandations initiales qu’elle a remis au Ministre au début de 2024[3].

Les modifications prévoient les changements législatifs nécessaires à la mise en place du REM par le biais de l’adoption ou de la modification de règlements et de règles de l’ISO suivant un calendrier accéléré. Le gouvernement de l’Alberta prévoit tout mettre en place d’ici 2027.

Les principales modifications proposées par le projet de loi 52 sont les suivantes :

  • Remplacement du pool énergétique par un marché à un jour et un marché en temps réel : les modifications permettraient à la fois un marché à un jour (où l’électricité et les produits de fiabilité peuvent être échangés à terme) et un marché en temps réel (où l’électricité et les produits de fiabilité peuvent être échangés en temps réel, comme le marché actuel de l’énergie seulement). Bien que l’AESO ait récemment annoncé qu’elle s’éloignait d’un marché de l’énergie à un jour lors de la consultation sur le REM[4], les modifications proposées dans le projet de loi 52 faciliteront l’amélioration du marché de la fiabilité à un jour et le développement d’autres produits à un jour. Il est à noter que la définition proposée de « marché à un jour » (day-ahead market) comprend un marché aussi bien pour l’énergie électrique que pour certains services auxiliaires (alinéa 1(1)(h.1)), ce qui semblerait faciliter les produits du marché de l’énergie à un jour, si jamais ils venaient à voir le jour.

Le gouvernement de l’Alberta a indiqué qu’il soutenait la décision de l’AESO d’abandonner le marché de l’énergie à un jour et de continuer à améliorer uniquement le marché actuel de la fiabilité à un jour[5]. L’AESO a indiqué qu’elle envisageait de modifier le marché actuel de la fiabilité à un jour, notamment en ce qui concerne la taille de l’offre et de la demande, l’introduction de prix de rareté et l’acquisition de nouveaux produits de fiabilité, tels que les réserves de chargement (ramping reserves)[6].

  • Imposition à l’AESO de la tâche de gérer les coûts globaux et les contraintes de transport par le biais de la tarification et la répartition de l’électricité. À l’heure actuelle, l’AESO gère le pool énergétique et répartit l’électricité en fonction du mérite économique relatif conformément au paragraphe 18(1) de l’Electric Utilities Act. L’AESO n’a qu’une capacité limitée de reconstituer le prix du pool ou de répartir la production en dehors de l’ordre de mérite établi dans le pool énergétique. Les modifications proposées par le projet de loi 52 modifieraient plusieurs des tâches de l’AESO en matière de répartition et de tarification de l’électricité, ce qui permettrait à l’AESO de mettre en place et de rendre opérationnel le REM, notamment :
    • au lieu de procéder à la répartition en fonction du mérite économique relatif, l’AESO doit répartir l’énergie électrique et les services auxiliaires « [traduction libre] de manière à réduire au minimum le coût global de la répartition de l’électricité » (paragraphe 17(c));
    • l’AESO doit « [traduction libre] prioriser, restreindre ou modifier la répartition ou la tarification de l’énergie électrique pendant les périodes de contraintes de transport » (paragraphe 17(b.1));
    • l’AESO doit « [traduction libre] faire fonctionner le marché de l’électricité d’une manière qui tienne compte des contraintes de transport » (paragraphe 18(2));
    • la tarification établie par l’AESO peut varier en fonction de la localité (paragraphe 18(6));
    • l’AESO peut, conformément aux règles de l’ISO, établir des cadres comportant des prix d’offre minimal et maximal (par exemple, des prix plafonds pour le marché secondaire, des prix de rareté ou des prix négatifs), des processus de révision et d’actualisation de la tarification, et des garde-fous limitant l’exercice d’un pouvoir commercial excessif et assurant la transparence (telles que les règles 206.1 – Interim Secondary Offer Cap et 206.2 – Interim Supply Cushion Directives récemment approuvées par l’ISO) (paragraphe 18(7)).
  • Intervalles de règlement : Le projet de loi 52 supprimerait l’intervalle de règlement maximal actuellement prescrit de 60 minutes pour le règlement financier des opérations et déléguerait à la place la détermination des intervalles de règlement soit au Ministre en vertu des règles de l’ISO relatives au REM, soit à l’ISO, selon le cas (alinéa 1(1)(xx.1)). Le Ministre a donné instruction, et l’AESO a indiqué, que le REM inclurait une transition vers un intervalle de règlement de cinq minutes[7].
  • Définition élargie de « services auxiliaires » (ancillary services) et acquisition de tels services : Le projet de loi 52 élargit la définition de « services auxiliaires », qui passent de services qui sont nécessaires pour que le réseau soit exploité de manière à « [traduction libre] fournir un service satisfaisant avec des niveaux acceptables de tension et de fréquence » aux services « [traduction libre] nécessaires aussi bien au transport et à la distribution de l’électricité qu’à la fiabilité continue de l’exploitation du réseau électrique interconnecté » (alinéa 1(1)(b)). Les modifications permettraient également à l’AESO d’acquérir des services auxiliaires hors marché, sous réserve des règlements (article 17.1).
  • Pouvoirs du Ministre : Comme l’a proposé l’AESO dans son rapport de recommandations initiales au Ministre[8], la mise en place du REM dans les délais prévus nécessite une législation accélérant ou supprimant l’examen réglementaire des règles de l’ISO relatives au REM par l’Alberta Utilities Commission (la Commission). Les modifications conféreraient au Ministre le pouvoir d’adopter des règlements modifiant les règles de l’ISO sans que la Commission s’en mêle, y compris le pouvoir d’adopter des règlements limitant la compétence de la Commission en matière de plaintes en vertu des articles 25 et 26 de l’Electric Utilities Act.

La mise en place du REM par voie législative privilégie la rapidité et la certitude par rapport à la transparence et à la précision technique[9], et a suscité l’inquiétude de nombreuses parties prenantes. Toutefois, le Ministre a indiqué que les règles de l’ISO relatives au REM qu’il mettrait en place seraient provisoires et qu’elles seraient, en définitive, soumises à l’approbation de la Commission[10].

Les modifications proposées conféreraient également au Ministre le pouvoir d’adopter des règlements sur la gestion des contraintes de transport par l’AESO (paragraphe 41(a.3)) ou les services auxiliaires qui peuvent être inclus dans le marché à un jour et le marché en temps réel (paragraphe 41(a.4)).

Répartition des coûts

L’un des thèmes clés mis en avant par le gouvernement de l’Alberta dans ses orientations stratégiques et ses annonces sur le projet de loi 52 est la répartition des coûts en fonction de la causalité des coûts. Il est à noter que les modifications proposées par le projet de loi 52 confèrent à l’AESO le pouvoir d’adopter pour l’ISO des règles prévoyant le recouvrement des coûts des services auxiliaires (alinéa 20(1)(d)), ce qui permettrait à l’AESO de mettre en place des règles répartissant les coûts des services auxiliaires en fonction des principes de causalité des coûts.

Dans sa lettre d’orientation du 10 décembre 2024 adressée à l’AESO, le Ministre a également demandé que le cadre de répartition des coûts pour les nouvelles infrastructures de transport soit fondé sur les principes de causalité des coûts, de sorte que la contribution du propriétaire du groupe turbine-alternateur (la CPG) serait remplacée par un paiement pour le renforcement du transport (le PRT) initial et non remboursable. Les exigences relatives à l’actuelle CPG sont prévues dans le Transmission Regulation; il faut donc prévoir que le gouvernement modifiera prochainement ce règlement et les tarifs de l’ISO afin d’instaurer le PRT.

Suppression de la politique zéro congestion

S’il est adopté, le projet de loi 52 jettera également les bases de l’abandon de la politique actuelle de planification du transport « zéro congestion »[11]. En effet, en plus des mécanismes de gestion des contraintes de transport fondés sur le marché et de l’optimisation de l’utilisation efficiente des installations de transport actuelles mentionnés ci-dessus, les modifications proposées reconnaîtraient ce qui suit :

  • la tâche qu’a l’AESO de fournir aux acteurs du marché une possibilité raisonnable d’échanger de l’énergie électrique et des services auxiliaires n’exige pas la suppression des contraintes de transport (paragraphe 29(2)) et n’oblige pas non plus l’AESO à planifier le réseau de transport de manière à supprimer toutes les contraintes de transport ou à garantir un accès sans contrainte (paragraphe 29(3)).
  • en ce qui concerne la planification du réseau de transport, l’AESO « [traduction libre] n’est pas obligée de planifier la suppression de toutes les contraintes de transport » (alinéa 33(1)(a)) et doit mettre en œuvre les extensions et les améliorations d’une manière qui « [traduction libre] maintient la fiabilité du réseau et dont on peut raisonnablement attendre qu’elle maximise l’efficience économique » (alinéa 33(1)(b)).
  • l’AESO est également habilitée à édicter des règles pour gérer les contraintes de transport, y compris des règles visant à prioriser, à restreindre ou à modifier la répartition ou la tarification de l’énergie électrique pendant les périodes de contraintes de transport (alinéa 20(1)(c.1)).

Le Market Surveillance Administrator (MSA) de l’Alberta a qualifié la politique zéro congestion de « gaspillage substantiel des ressources de la société » (substantial waste of society’s resources)[12]. L’abandon de cette politique pourrait créer un risque pour les producteurs qui souhaitent livrer de l’électricité au réseau. Toutefois, le gouvernement a justifié ce changement par le fait qu’il réduira le besoin global de nouvelles infrastructures de transport, évitant ainsi aux consommateurs une nouvelle escalade des coûts de transport – l’un des principaux objectifs de la politique de transport du gouvernement.

Favoriser l’innovation dans le domaine de l’hydrogène

Le projet de loi 52 propose d’apporter aux lois intitulées Gas Distribution Act et Gas Utilities Act des modifications qui autoriseraient le mélange de l’hydrogène et du gaz naturel dans les réseaux de distribution de gaz destiné à des clients résidentiels et commerciaux jusqu’à une « limite maximale de mélange » (maximum blending limit) établie par règlement en vertu de la Gas Utilities Act. L’Alberta est la plus grande province productrice d’hydrogène au Canada, et son gouvernement a indiqué son intention de la positionner comme un leader mondial dans l’économie de l’hydrogène, comme en témoigne sa feuille de route sur l’hydrogène de 2021, qui mettait en évidence les marchés clés pour la croissance de l’hydrogène en Alberta, notamment les réseaux de distribution de gaz destiné à des clients résidentiels et commerciaux.

En vertu des modifications qu’il est proposé d’apporter à la Gas Utilities Act, les compagnies de gaz qui souhaitent fournir du gaz naturel mélangé à de l’hydrogène aux consommateurs devront obtenir l’approbation préalable de la Commission (article 48.2) et ne pourront recouvrer les coûts des services de gaz naturel mélangé à de l’hydrogène qu’auprès des consommateurs qui le reçoivent (article 48.3). En outre, en vertu de ces modifications, le Ministre disposera de nouveaux pouvoirs réglementaires, y compris le pouvoir d’exempter les projets pilotes lancés avant le 25 février 2025 (paragraphe 48.4(2)).

Le Ministre a indiqué que le gouvernement de l’Alberta travaillait avec des organismes de réglementation, tels que l’Association canadienne de normalisation, pour ce qui est de fixer le taux de mélange à un niveau sûr[13].

Conclusion

Osler continuera à suivre la situation de près. Notre cabinet possède une vaste expérience en matière de conseil aux entreprises de services publics et aux producteurs, tant en Alberta qu’ailleurs au Canada. Si vous avez des questions concernant les conséquences des changements en train d’être apportés aux politiques, veuillez communiquer avec un membre du groupe Affaires réglementaires ou du groupe Énergie d’Osler ou avec les auteurs du présent article.


[1] Les numéros d’articles, de paragraphes ou d’alinéas indiqués ci-après renvoient aux articles, aux paragraphes et aux alinéas de la loi en question, en sa version modifiée, comme si le projet de loi 52 avait été adopté en sa forme actuelle.

[2] Voir la lettre d’orientation du 3 juillet 2024 et la lettre d’orientation du 10 décembre 2024.

[3] AESO, « Alberta’s Restructured Energy Market – AESO Recommendation to the Minister of Affordability and Utilities », PDF 38 et 39 de 139.

[4] Voir AESO AESO REM DFS – Week 3 Presentation (mis en ligne le 10 avril 2025) (1.41 MB), PDF 8.

[5] Gouvernement de l’Alberta, « Powering prosperity with strong utilities – April 10, 2025 » en ligne <https://youtu.be/zizOnPquJhg>, à 7:02; voir également Gouvernement de l’Alberta, « Transforming the utilities system ».

[6] Voir AESO AESO REM DFS – Week 3 Presentation (mis en ligne le 10 avril 2025) (1.41 MB), PDF 8, 11 et 15 de 17.

[7] Voir la lettre d’orientation du Ministre du 10 décembre 2024; voir aussi le Restructured Energy Market High-Level Design de l’AESO (13 décembre 2024), PDF 48 de 50.

[8] AESO, « Alberta’s Restructured Energy Market – AESO Recommendation to the Minister of Affordability and Utilities », PDF 37-39 de 139.

[9] AESO, « Alberta’s Restructured Energy Market – AESO Recommendation to the Minister of Affordability and Utilities », PDF 72 sur 139.

[10] Gouvernement de l’Alberta, « Powering prosperity with strong utilities – April 10, 2025 » en ligne <https://youtu.be/zizOnPquJhg>, à 11:15.

[11] Transmission Regulation, Alta Reg 86/2007, alinéa 15(1)(e).

[12] Voir MSA, « Confidential Advice to Executive Council and the Minister of Affordability and Utilities » (21 décembre 2023), en ligne (PDF) : <https://www.albertamsa.ca/assets/Documents/MSA-Advice-to-Minister.pdf> [PDF], 26 sur 51.

[13] Gouvernement de l’Alberta, « Powering prosperity with strong utilities – April 10, 2025 » en ligne <https://youtu.be/zizOnPquJhg> à 1:30 et 4:07.