Le projet de loi 113, intitulé Loi concernant les vérifications de dossiers de police, a reçu la sanction royale le 3 décembre 2015 et, une fois entré en vigueur, il deviendra la Loi de 2015 sur la réforme des vérifications de dossiers de police (la Loi). La Loi prévoit la procédure régissant la présentation des demandes de recherches à effectuer dans les bases de données du Centre d’information de la police canadienne (CIPC), ou d’autres bases de données policières, relativement au filtrage d’un particulier à certaines fins, y compris l’emploi et l’adhésion à des organismes.
La Loi autorise les corps de police à effectuer trois types de vérifications de dossiers de police : a) la vérification de casier judiciaire; b) la vérification de casier judiciaire et d’affaires judiciaires; et c) la vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables. Les données autres que celles relatives à une condamnation (c.-à-d. les accusations) ne peuvent être divulguées qu’aux fins de vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables et que si ces données satisfont aux critères de la divulgation exceptionnelle prescrits à l’article 10 de la Loi.
La Loi a d’importantes répercussions pour les hôpitaux et les autres établissements de soins de santé, et plus particulièrement, les établissements de soins de longue durée et les résidences pour personnes âgées. La vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables est obligatoire en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée et de la Loi de 2010 sur les maisons de retraite. Même si ce n’est pas obligatoire aux termes de la Loi sur les hôpitaux publics (LHP), la plupart, sinon tous les hôpitaux de l’Ontario procèdent systématiquement, eux aussi, à la vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables avant d’embaucher du personnel, d’accepter des bénévoles ou de procéder à la nomination de membres du personnel professionnel.
La Loi apporte des modifications corrélatives à ces lois ainsi qu’à d’autres lois afin d’établir clairement que tous les « relevés des antécédents criminels » exigés par la loi sont dorénavant des « vérifications de dossier de police », en vertu de la Loi.
Et, en vertu de l’article 10 de la Loi, la « divulgation exceptionnelle » des données relatives à des accusations contre une personne qui n’ont pas mené à une condamnation, quel que soit le motif de la non condamnation, n’est pas autorisée, sauf si ces données répondent aux critères suivants :
- L’accusation de nature criminelle à laquelle se rapportent les données porte sur une infraction précisée dans les règlements pris en vertu de la Loi.
- La victime présumée était un enfant ou une personne vulnérable.
- Après examen des données relatives au particulier, le fournisseur de vérifications de dossiers de police a des motifs raisonnables de croire que ce dernier s’est régulièrement livré à des actes de prédation indiquant qu’il présente un risque de préjudice pour un enfant ou une personne vulnérable, compte tenu de ce qui suit :
- Le particulier semble avoir ciblé ou non un enfant ou une personne vulnérable;
- Le comportement du particulier a été répété ou non et visait ou non plus d’un enfant ou d’une personne vulnérable;
- Le moment où s’est produit l’incident ou le comportement;
- Le nombre d’incidents;
- La raison pour laquelle l’incident ou le comportement n’a pas donné lieu à une déclaration de culpabilité;
- Toute autre considération prescrite.
En vertu de la Loi, une « personne vulnérable » s’entend d’une personne qui, en raison de son âge, d’une déficience ou d’autres circonstances temporaires ou permanentes : a) soit est en position de dépendance par rapport à d’autres personnes; b) soit court un risque d’abus ou d’agression plus élevé que la population en général de la part d’une personne en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis d’elle. De toute évidence, les patients d’hôpitaux répondent à cette définition.
Ces nouvelles conditions préalables à la divulgation de « données de non-condamnation » constituent d’importants obstacles pour les hôpitaux dans l’obtention de données exactes sur un candidat à un emploi ou relativement à la nomination de membres du personnel professionnels de l’hôpital. L’obstacle le plus important est peut-être qu’auparavant, un particulier pouvait simplement consentir à une vérification de ses antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables, et que dorénavant, son consentement n’est plus nécessaire en vertu de la Loi. Si une demande de vérification des antécédents en vue d'un travail auprès de personnes vulnérables est refusée par le fournisseur de vérifications de dossiers de police, le particulier doit présenter une demande officielle de réexamen. Le fournisseur doit réexaminer sa décision dans les 30 jours suivant la réception de la demande de réexamen. Les données de non-condamnation ne seront pas divulguées si, après un réexamen, le fournisseur établit que les données ne satisfont pas aux critères susmentionnés.
En l’absence de divulgation volontaire par un demandeur de données de non-condamnation, les hôpitaux pourraient se trouver dans l’impossibilité de savoir si un candidat a été accusé, ou même accusé à maintes reprises, de crimes ayant un lien avec leur aptitude à travailler auprès de patients et de membres du personnel d’un hôpital. Cela pourrait nuire à la capacité de l’hôpital d’assurer la sécurité des patients en vertu de la LHP, et de protéger le personnel contre la violence et le harcèlement en milieu de travail en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.
Lorsque la Loi entrera en vigueur, les hôpitaux et les autres établissements de soins de santé perdront la capacité de vérifier officiellement les données de non-condamnation, à moins que les critères stricts de la divulgation exceptionnelle ne soient remplis. Ils dépendront de la divulgation volontaire de ces données, tout en prévoyant que certains candidats puissent dorénavant contester les demandes de divulgation volontaire d’accusations de nature criminelle.
En cherchant à atténuer les répercussions de la Loi, les hôpitaux et les autres établissements de soins de santé devraient consolider et communiquer de nouveau leurs attentes à l’égard des médecins quant à leur obligation de divulgation d’accusations de nature criminelle « d’une manière franche, honnête, complète et exacte ». C’est la norme qu’applique la Commission d’appel et de révision des professions de la santé (CARPS) lorsqu’elle examine la conduite d’un médecin pendant le processus de délivrance d’une accréditation (voir Rosenhek v. Windsor Regional Hospital, 2009 CanLII 88685 (CARPS) paragraphe 18).
Fait important, le défaut de s’y conformer (particulièrement dans des circonstances où un candidat a tenté de se prévaloir de la Loi pour empêcher que ces données soient divulguées), peut constituer un motif raisonnable de refuser une demande de nomination ou de nouvelle nomination.
Cet article a paru à l’origine dans Hospital News.