Les différends fiscaux sont à la hausse en raison de l’augmentation des ressources allouées à l’audit par le gouvernement

6 Déc 2016 6 MIN DE LECTURE

En réaction aux inquiétudes accrues du public au sujet de l’évasion fiscale et de l’évitement fiscal, le gouvernement fédéral a annoncé dans son budget 2016 l’allocation d’une somme supplémentaire de 444,4 millions de dollars à l’Agence du revenu du Canada (ARC) au cours des cinq prochaines années pour lutter contre ces problèmes. Un Comité permanent des finances a été convoqué pour étudier les efforts de l’ARC à cet égard. Les fonds fédéraux sont affectés à l’embauche d’auditeurs et de spécialistes supplémentaires et à la lutte contre l’évasion fiscale criminelle, et devraient générer un revenu supplémentaire de 2,6 milliards de dollars pour le gouvernement fédéral.

Compte tenu de l’intérêt du public, il n’est pas surprenant qu’on ait constaté en 2016 que l’ARC a augmenté le nombre d’audits et leur portée, la prise de positions agressives aux termes de la règle générale anti-évitement (RGAE) et des règles relatives au prix de transfert et l’imposition de sanctions à des niveaux sans précédent.

L’ARC a aussi fait remarquer au Comité permanent que la réputation des conseillers fiscaux d’une société peut influer sur sa décision de soumettre la société à un audit ou non.

Nous nous attendons à ce que ce contexte d’activités accrues relativement aux audits et aux cotisations persiste à court terme. Les entreprises devraient examiner attentivement les pratiques de gestion des risques en fiscalité, surveiller les développements importants en droit et ajuster leur planification fiscale en conséquence, en plus de s’assurer que les processus adéquats sont en place pour se préparer à l’augmentation des activités d’audit.

Accroissement des activités d’audit

Le Comité permanent des finances a déclaré au Parlement en octobre que l’ARC comptait actuellement 20 % plus d’auditeurs qu’elle n’en avait en 2006. L’ARC continue d’adopter une approche fondée sur les risques lorsqu’elle mène des audits sur des grandes sociétés, concentrant ses efforts sur la planification fiscale agressive et internationale. L’ARC a aussi fait remarquer au Comité permanent que la réputation des conseillers fiscaux d’une société peut influer sur sa décision de soumettre la société à un audit ou non.

Les efforts de collecte de renseignements déployés par l’ARC se sont accrus en 2016, une tendance qui devrait se poursuivre à la lumière des ressources supplémentaires consacrées aux activités d’audit et de l’émergence des déclarations pays par pays, un outil d’évaluation des risques d’audit découlant du Projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) de l’OCDE et du G20. Les demandes de renseignements libellées en termes généraux et les exigences de renseignements officielles sont maintenant utilisées de manière routinière pour contraindre les contribuables à produire des renseignements. Elles peuvent représenter un lourd fardeau sur les ressources des contribuables, étant pratiquement comparables à un processus d’interrogatoire préalable lors d’un litige.

Lignes directrices prévues relativement à des questions critiques

Un certain nombre de grandes sociétés sont sur le point de soumettre leurs différends hautement médiatisés avec l’ARC concernant la RGAE et les nouvelles cotisations relatives au prix de transfert devant les tribunaux canadiens. Les décisions dans ces affaires et d’autres affaires similaires seront critiques quant à la détermination des principaux enjeux auxquels est confrontée cette catégorie de contribuables canadiens, qui comprend les multinationales exerçant des activités au Canada.

L’interaction entre la RGAE et les modifications législatives qui s’appliquent prospectivement pour contrer les formes particulières d’opérations que l’ARC juge répréhensibles a été débattue dans deux causes devant la Cour canadienne de l’impôt en 2016, générant des résultats différents. Dans l’affaire Univar, le contribuable n’a pas eu gain de cause dans son appel concernant des opérations qui avaient fait l’objet de nouvelles cotisations aux termes de la RGAE et qui étaient visées par des règles particulières adoptées après la réalisation des opérations. Cependant, dans la décision Oxford Properties, la Cour de l’impôt a refusé d’accepter l’argument de l’ARC selon lequel les modifications législatives adoptées après la période d’imposition en cause reflétaient une politique fiscale préexistante. Les deux décisions ont fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale.

Dans un certain nombre d’appels en instance, la Cour de l’impôt sera également invitée à revoir la portée du pouvoir de « redéfinition » de l’ARC au titre des règles sur les prix de transfert pour écarter l’effet juridique des opérations entreprises par des groupes multinationaux. Bien que ces règles soient en place depuis près de 20 ans, la disposition de redéfinition n’a pas encore été interprétée par les tribunaux.

Les pénalités en matière d’établissement de prix de transfert bondissent

Les pénalités en matière d’établissement de prix de transfert ont continué de grimper en 2016. Les données de l’ARC montrent que les pénalités ont décuplé en 2015 par rapport à l’année précédente. Les pénalités totales imposées dans des cas d’établissement de prix de transfert ont augmenté dans l’ensemble, passant de 58,6 millions de dollars en 2012 à 479 millions de dollars en 2015, et 225 millions de dollars ont été imposés entre le mois de janvier et le 30 juin 2016. La pénalité moyenne pour les nouvelles cotisations en matière d’établissement de prix de transfert a grimpé, passant de 3,45 millions de dollars en 2012 à 16 millions de dollars en 2015, avec une moyenne de 12,5 millions de dollars en 2016. Les pénalités pèsent particulièrement lourd sur les contribuables, non seulement parce qu’elles peuvent entacher leur réputation, mais aussi parce qu’elles ne peuvent être compensées par d’autres attributs fiscaux. À l’instar de la règle de redéfinition, les dispositions en matière de pénalité relative aux prix de transfert n’ont pas encore fait l’objet de directives judiciaires, et seront au programme de la Cour de l’impôt pour 2017.

Avec l’attribution de plus de ressources à la division des audits de l’ARC et l’intérêt du public pour cet engagement à lutter contre l’évitement fiscal perçu, nous nous attendons à ce que le nombre et l’importance des différends fiscaux au Canada continuent de grimper à court terme. Les décisions des tribunaux au cours des prochaines années seront importantes à l’atteinte d’équité et de prévisibilité pour les contribuables, un objectif clé du système fiscal canadien.