Auteur
Associée, chef du groupe de pratique du droit de la concurrence et de l’investissement étranger, Toronto
Le 3 mai 2018, le Bureau de la concurrence (le Bureau) a publié la version préliminaire de son Plan annuel 2018-2019 : Instaurer la confiance pour promouvoir la concurrence sur le marché aux fins de consultation publique. Cette version préliminaire fournit des détails sur les priorités et les objectifs du Bureau pour les années qui viennent, et présente la façon dont le Bureau poursuivra ses travaux en vue de favoriser la concurrence et l’innovation au Canada. Les technologies financières demeurent l’une des grandes priorités du Bureau et l’un de ses objectifs clés pour l’année qui vient; le Bureau est résolu à effectuer une autre étude de marché et à cibler 10 interventions de promotion axées sur les technologies financières.
Les technologies financières ont occupé le premier plan dans les travaux de promotion du Bureau au cours des dernières années. À la suite de vastes consultations pluriannuelles auprès d’intervenants sur la façon dont la technologie peut être utilisée (et l’est effectivement) pour changer les manières dont les Canadiens accèdent aux produits et services financiers et les consomment (voir Stimuler la concurrence et l’innovation dans le secteur des services financiers – Portail de l’étude de marché sur les technologies financières 2017 du Bureau de la concurrence) à la fin de décembre 2017, le Bureau a publié un vaste rapport intitulé L’innovation axée sur les technologies dans le secteur canadien des services financiers (Rapport sur les technologies financières).
Le Rapport sur les technologies financières était axé sur les innovations qui ont ou pourraient avoir une incidence sur la façon dont les consommateurs canadiens et les petites et moyennes entreprises abordent les produits et services financiers relativement aux paiements (p. ex. les portefeuilles numériques), aux prêts (p. ex. le sociofinancement), au courtage et aux conseils d’investissements (p. ex. les conseillers-robots). Le Bureau prône la modernisation de la réglementation des services financiers au Canada par la réduction des obstacles à la concurrence, afin de favoriser l’innovation et la croissance des technologies financières au pays. Afin de favoriser encore davantage la réglementation des services financiers axée sur la concurrence, le Rapport sur les technologies financières présente les 11 vastes recommandations qui suivent aux organismes de réglementation et aux décideurs politiques :
- Neutralité sur le plan de la technologie et du mode de prestation : les règles devraient prendre en charge et encourager de nouvelles technologies vers des offres novatrices aujourd’hui et dans le futur.
- Réglementation fondée sur des principes : la réglementation devrait être fondée sur les résultats escomptés, plutôt que d’être des règles strictes sur la façon de parvenir à ces résultats. Cela permet une plus grande souplesse dans le développement de technologies et dans l’application des règles, à mesure que la technologie change.
- Réglementation fondée sur la fonction : la réglementation devrait être fondée sur la fonction, plutôt que sur l’identité d’une entité. Cette approche garantit que toutes les entités assument la même charge réglementaire, et que les consommateurs ont les mêmes protections lorsqu’ils traitent avec des fournisseurs de services concurrents.
- Réglementation proportionnelle au risque : la réglementation devrait être proportionnelle aux risques qu’elle vise à atténuer. « Cela exige une approche à plusieurs niveaux : les fonctions dont l’interruption présente de faibles risques pour le système financier ne doivent pas forcément avoir la même surveillance stricte que celles à risques élevés. » Une réglementation proportionnelle fera en sorte que les nouveaux venus aient des chances équitables pour l’innovation.
- Harmonisation à l’échelle nationale : il faudrait s’employer à harmoniser la réglementation à l’échelle du Canada, de façon à limiter les coûts et les difficultés associés à des obligations de conformité non uniformes. Par contre, l’uniformité peut faciliter l’entrée et l’expansion des technologies financières au Canada et à l’étranger.
- Collaboration : promouvoir une plus grande collaboration entre les organismes de réglementation, entre les secteurs public et privé, et entre les participants du secteur, au moyen de bacs à sable réglementaires, de centres d’innovation et autres (tout en assurant une protection contre les possibilités de collaborations anticoncurrentielles).
- Leadership en matière de politiques : désigner un responsable des politiques de technologies financières précis et unique pour le Canada, possédant une expertise sur les plans fédéral, provincial et territorial afin de faciliter le développement des technologies financières. Un tel organisme pourrait servir de portail pour d’autres organismes et devenir pour les entreprises de technologies financières un centre d’information à guichet unique, et encourager les investissements publics et privés dans les entreprises et les technologies novatrices.
- Meilleur accès à l’infrastructure et aux services centraux : favoriser un meilleur accès à l’infrastructure et aux services de base (y compris les systèmes de paiement dans le cadre de gestion des risques approprié) pour faciliter l’élaboration de services de technologies financières novatrices.
- Accès « ouvert » aux systèmes bancaires : adopter un accès « ouvert » aux systèmes et aux données au moyen des interfaces de programmation d’applications. En disposant d’un meilleur accès aux données sur les consommateurs (et de mesures de protection appropriées), les technologies financières pourraient aider les consommateurs à surmonter leur incapacité ou leur réticence à comparer les offres des fournisseurs en favorisant le développement d’outils adaptés de comparaison des prix et d’autres applications qui faciliteraient le changement de fournisseur. En permettant l’exécution d’un plus grand nombre de processus financiers sans la nécessité d’un réseau de succursales classique, on bonifiera les choix pour les consommateurs dans les régions où la concurrence est faible.
- Vérification d’identité numérique : L’identification numérique pourrait aider les nouveaux joueurs tout comme les fournisseurs de services établis à réduire le coût d’acquisition de la clientèle, tout en abaissant les coûts de changement de fournisseur pour les consommateurs et en facilitant la vérification d’identité en vertu des lois et règlements en vigueur.
- Examen continu : une révision périodique des cadres réglementaires en assurerait la pertinence vis-à-vis les innovations à venir, de manière à ce qu’ils atteignent les objectifs établis sans pour autant inhiber la concurrence.
Bon nombre de ces recommandations avaient déjà été présentées par le Bureau en octobre 2017 au ministère des Finances du Canada, sous le titre de Mesures stratégiques possibles pour soutenir une économie forte et en croissance : préparer le secteur financier du Canada pour l’avenir.
Par conséquent, il ne serait pas étonnant que les technologies financières continuent d’être sur l’écran radar du Bureau en matière de promotion pour l’exercice 2018-2019. Par contre, on s’étonne que la version préliminaire du Plan annuel mentionne que le Bureau est résolu à émettre un autre avis d’étude de marché sur les technologies financières en mai 2018 et qu’il entreprenne des interventions de promotion axées sur les technologies financières.
Affaire à suivre! Ces engagements pourraient changer dans la version définitive du Plan, étant donné qu’un nouveau commissaire sera à la tête du Bureau de la concurrence à partir du 1er juin 2018.