Auteurs(trice)
Associé directeur du bureau de Calgary, Calgary
Associé, Droit du travail et de l'emploi, Calgary
Le gouvernement de l’Alberta a récemment annoncé le projet de loi 32, la Restoring Balance in Alberta’s Workplaces Act, qui, s’il est adopté, modifiera certaines dispositions du Employment Standards Code (l’« ESC ») et du Labour Relations Code (le « LRC ») de l’Alberta. Plusieurs de ces modifications aideront les employeurs à mieux gérer leur main-d’œuvre et régleront nombre de problèmes survenus au cours des dernières années en raison de précédentes modifications apportées au ESC et au LRC.
Modifications au ESC
Si le projet de loi 32 est adopté, trois importantes modifications au ESC entreront en vigueur le 15 août 2020 et d’autres modifications entreront en vigueur le 1er novembre 2020 :[1]
Prise d’effet : le 15 août 2020
Exigences en matière de préavis de licenciement collectif
- Lorsque des employeurs licencient 50 employés ou plus à un seul emplacement sur une période de quatre semaines, ils devront remettre au ministre du Travail (le « ministre ») un préavis écrit de licenciement collectif.
- Ce préavis doit être remis au moins quatre semaines avant la date de prise d’effet du premier licenciement (ou dès qu’il est raisonnable de le faire dans les circonstances).
- Les employeurs n’ont pas à remettre un tel avis lorsqu’il s’agit d’employés saisonniers ou d’employés qui sont engagés pour une durée ou une tâche déterminées.
- Le préavis est remis au ministre pour lui donner le temps de prévoir de l’aide pour les employés touchés.
Licenciements temporaires
- Pour les licenciements temporaires qui ne sont pas liés à la COVID-19, les employés peuvent être licenciés pour une période prolongée allant de 60 à 90 jours au total dans une période de 120 jours.
- Pour les licenciements liés à la COVID-19, les licenciements peuvent encore durer jusqu’à 180 jours consécutifs..[2]
Dérogations et exemptions
- Des règles plus flexibles pour les employeurs qui veulent déroger aux exigences prévues par le ESC ou être exemptés de ces exigences, ou renouveler une telle dérogation ou exemption. Les nouvelles dispositions assouplies comprennent la présentation de demandes au directeur par des associations ou des groupes d’employeurs.
Prise d’effet : le 1er novembre 2020
Indemnités de congés payés
- Les règles pour calculer les indemnités de jour férié sont simplifiées pour mieux concorder avec les cycles de paie.
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Le « salaire quotidien moyen » ne comprendra pas l’indemnité de congé annuel ni l’indemnité de jour férié. Il s’agira plutôt du salaire total des employés dont la moyenne est établie selon le nombre de jours qu’ils ont travaillé dans :
a) les quatre semaines précédant immédiatement le jour férié; ou
b) les quatre semaines se terminant le dernier jour de la période de paie immédiatement avant le jour férié.
Un employeur peut choisir l’option a) ou b) ci-dessus, selon ce qui concorde le mieux avec les cycles de paie.
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Règles de paie
- Si un employé reçoit un trop-perçu, les employeurs n’ont pas à obtenir une autorisation écrite de l’employé pour déduire un montant équivalent au trop-perçu. Cela comprend le recouvrement de trop-perçus causés par une erreur de paie et le recouvrement d’une indemnité de congé annuel auprès d’un employé qui a pris des congés avant de les accumuler.
Paiement du salaire à la cessation d’emploi
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Les employeurs devront payer à un employé son dernier salaire dans l’un des délais suivants :
a) 10 jours consécutifs après la fin de la période de paie au cours de laquelle le licenciement a lieu; ou
b) 31 jours consécutifs après le dernier jour d’emploi.
Un employeur peut choisir l’option a) ou b), selon l’option qui permet de faire concorder le mieux possible l’indemnité de départ avec les cycles de paie.
Accords de calcul de la moyenne des heures de travail
- Des règles plus flexibles pour les employeurs pour conclure des accords de calcul de la moyenne des heures de travail.
- Les employeurs ne sont pas obligés d’obtenir le consentement d’un employé et ils peuvent instaurer ou modifier un accord de calcul de la moyenne des heures de travail en remettant un préavis de deux semaines.
- Les accords de calcul de la moyenne :
- doivent être faits par écrit;
- doivent indiquer l’horaire de travail avec les heures quotidiennes et hebdomadaires;
- peuvent contenir une période de calcul de la moyenne pouvant compter jusqu’à 52 semaines;3] et
- n’ont pas à prévoir de date de fin.
- Les employeurs peuvent négocier avec les employés la façon dont les modifications d’horaire ou les quarts de travail manqués sont traités. Les employés doivent toutefois se reposer pendant huit heures entre les quarts de travail.
- Les heures supplémentaires des employés qui ont signé un accord de calcul de la moyenne des heures de travail sont payées selon le taux le plus élevé entre le taux hebdomadaire ou le taux quotidien lorsqu’un taux quotidien est inclus.
- Sauf si un taux pour les heures supplémentaires quotidiennes est prévu dans l’accord, les employeurs n’ont pas à fournir un tel taux.
- Une limite d’heures supplémentaires hebdomadaires s’applique, que des heures supplémentaires quotidiennes soient incluses dans l’accord ou non.
- Les employeurs doivent payer les heures supplémentaires cumulées pendant la période de calcul de la moyenne à un employé au plus tard 10 jours après la période de paie coïncidant avec la fin de la période de calcul de la moyenne.
Périodes de repos
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Les périodes de repos sont structurées de façon à ce que les employeurs soient tenus d’offrir, qu’elles soient payées ou non :
a) une période de repos d’au moins 30 minutes pour les quarts de travail durant entre cinq et dix heures;
b) deux périodes de repos d’au moins 30 minutes pour les quarts de travail durant plus de dix heures.
- La période de repos peut se prendre pendant ou immédiatement après les cinq heures de travail, ou à tout moment convenu par l’employeur et l’employé.
- Si un employeur et un employé en conviennent, une période de repos de 30 minutes peut être divisée en deux périodes de 15 minutes chacune.
Modifications au LRC
Si le projet de loi 32 est adopté, de nombreuses modifications importantes au LRC entreront en vigueur.
Préambule
- L’un des objectifs précis du Code est de maintenant régler rapidement les dossiers se rapportant à l’emploi et au travail.
Audiences du conseil des relations de travail
- Un seul président ou vice-président du conseil des relations de travail (le « conseil ») peut siéger seul, plutôt qu’à trois membres, pour prendre des décisions dans une situation d’urgence.
- Un seul président ou vice-président peut également siéger seul pour poser les gestes suivants :
- réviser une sentence arbitrale de griefs;
- prendre des décisions précises au titre du LRC, y compris déterminer si une personne est un employé, si un groupe d’employés en particulier est un syndicat, si une organisation peut entamer des négociations collectives, si une personne est membre d’un syndicat ou déterminer la situation d’une personne au sein d’un syndicat;
- obliger la production de documents, ou obliger un témoin à fournir une preuve orale ou écrite.
Élargissement des motifs de rejet sommaire
- Le conseil peut rejeter de façon sommaire un dossier s’il lui a été présenté avec des motifs inappropriés ou s’il constitue un abus de procédure. Ces éléments s’ajoutent aux motifs de rejet sommaire existants : absence de bien-fondé, dossiers frivoles, futiles ou vexatoires.
Modifications à l’accréditation
- Lorsque le conseil découvre qu’un scrutin de représentation a été altéré par une pratique interdite, produisant ainsi un résultat qui ne reflète pas les véritables souhaits des employés, le conseil peut :
- ordonner un autre scrutin et prendre des mesures pour s’assurer qu’il reflète les véritables souhaits des employés;
- accréditer le syndicat comme agent négociateur si le conseil le juge approprié, dans les cas où aucun autre recours ne serait suffisant pour remédier aux effets de la pratique interdite; ou
- refuser d’accréditer le syndicat dans les cas où aucun autre recours ne serait suffisant pour sanctionner la pratique interdite.
Modifications à la demande d’accréditation
- Après avoir reçu une demande, le conseil doit mener ses propres enquêtes, puis décider s’il accepte la demande d’accréditation dans un délai de six mois. Le président a le pouvoir de prolonger la période d’examen du conseil au-delà de la période de six mois dans des situations exceptionnelles.
Activité de « maraudage » pour s’emparer des droits de négociation
- Lorsqu’un syndicat de construction prend possession des droits d’un autre syndicat, la convention collective ne peut pas être résiliée de façon anticipée pour en adopter une nouvelle.
Limitation des demandes d’accréditation à répétition
- Lorsqu’une demande d’accréditation est rejetée, le demandeur ne peut pas représenter la même demande ou une demande très similaire pendant six mois.
Arbitrage de la première convention collective
- L’accès à l’arbitrage de la première convention collective est limité. Le conseil doit être convaincu que l’arbitrage est nécessaire : l’une des parties doit avoir adopté une pratique déloyale et aucun autre recours ne serait suffisant pour contrer la pratique déloyale.
Modifications à la médiation améliorée
- Le processus de médiation améliorée est maintenant expressément mis sur pied comme une autre solution à la médiation. Le processus de médiation améliorée est suffisant pour déterminer si la médiation est nécessaire avant de décréter un lock-out ou d’organiser un vote de grève.
Modifications à un vote de grève ou un lock-out illégaux
- Le conseil peut interrompre la retenue et le versement des cotisations syndicales en cas de grève illégale. Le conseil peut interrompre les cotisations syndicales pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois. En cas de lock-out illégal, le conseil peut ordonner à un employeur de verser les cotisations des employés au syndicat.
Modifications apportées à l’inversion du fardeau de la preuve
- Les employeurs ne seront désormais tenus responsables du fardeau de la preuve dans des pratiques de travail injustes que pour des cas portant sur des licenciements d’employés. Les syndicats assumeront maintenant le fardeau de la preuve en réponse aux demandes alléguant de la coercition, de l’intimidation, des menaces, des promesses ou une influence indue visant à encourager ou décourager un employé à devenir membre d’un syndicat ou à participer à une activité organisée par le syndicat ou pour le syndicat.
Sanction du syndicat pour les membres occupant un poste « non syndiqué »
- Un employé ne peut pas être sanctionné par un syndicat pour avoir occupé un poste non syndiqué très différent, sauf si l’emploi menace les intérêts légitimes du syndicat. Un syndicat doit fournir un autre emploi raisonnable aux employés avant de prendre des mesures disciplinaires à leur encontre pour avoir occupé un poste non syndiqué. Le conseil tiendra compte de nouveaux facteurs pour déterminer si l’autre emploi est raisonnable :
- si l’autre emploi est considérablement similaire à l’emploi original, en utilisant les caractéristiques de chaque emploi;
- si l’autre emploi est un poste de direction au sein de l’unité de négociation, qui est en lui-même déraisonnable;
- si l’autre emploi fait partie du même secteur que l’emploi original;
- tout autre facteur que le conseil estime être pertinent.
Pouvoirs d’un arbitre
- Un arbitre du travail ne peut pas prolonger les délais des griefs. En outre, l’exigence explicite pour les arbitres de prendre des décisions en conformité avec les principes d’arbitrage en droit du travail du Canada est supprimée.
Devoir de représentation juste – règlement des plaintes
- Le conseil a le pouvoir d’ordonner un rejet sommaire dans le cas où un employé a rejeté un règlement raisonnable et juste d’une plainte de manquement au devoir de représentation juste.
Modifications en raison de la COVID-19
- Un organisme de réglementation sera créé pour régler les problèmes liés à la COVID-19.
Les modifications importantes suivantes n’entreront en vigueur que par proclamation.
États financiers des syndicats
- À la fin de chaque exercice financier d’un syndicat, chaque syndicat doit fournir à tous les membres un état financier de ses activités pour l’exercice financier précédent. Ce document doit indiquer avec précision la situation financière et les activités du syndicat. Dans le cas où un syndicat ne fournit pas d’état financier ou fournit un état financier insuffisant, le conseil peut ordonner la production d’un état financier suffisant. La réglementation précise davantage le contenu obligatoire de ces états financiers, et les différentes exigences s’appliquant aux différents types de syndicats.
Retenue des cotisations syndicales
- La retenue ou le versement des cotisations syndicales qui ne sont pas liées à des activités syndicales centrales doivent être acceptés par un employé. Les employés ne sont pas tenus de verser des cotisations pour des causes politiques ou caritatives sans avoir choisi de les accepter. Lorsque le motif du versement d’une cotisation syndicale en particulier est remis en question, une partie peut demander au conseil que la nature de la cotisation soit précisée.
Renouvellement anticipé d’une convention collective
- Les parties à une convention collective peuvent conclure une nouvelle convention collective avant la date d’expiration de la convention originale. Les employés doivent être informés par leur syndicat qu’aucune nouvelle demande d’accréditation ou de révocation n’est permise si les employés votent pour conclure la nouvelle convention collective.
Piquetage secondaire
- Le piquetage secondaire est interdit sauf si le conseil a accepté une demande de piquetage à un emplacement secondaire en particulier.
Révision d’une sentence arbitrale
- La norme pour une décision arbitrale déraisonnable étant supprimée, le conseil peut déterminer lui-même la norme d’une décision déraisonnable. Le conseil peut également accorder des dépenses pour la révision d’une décision arbitrale.
Domaine de la construction
- Plusieurs des nouvelles modifications ne touchent que le secteur de la construction :
- les syndicats non enregistrés peuvent maintenant organiser des unités de négociation regroupant tous les employés dans le domaine de la construction et de l’entretien;
- les conflits de travail se limitent maintenant aux travaux d’entretien sur un gros projet;
- plus d’une convention collective peut s’appliquer à un projet d’envergure, et les syndicats ne peuvent être liés que par une convention collective qu’ils ont signée;
- les conflits découlant de projets d’envergure peuvent maintenant être réglés par arbitrage;
- le Building Trades of Alberta peut maintenant négocier des ententes de projet multimétiers en dehors des ententes d’enregistrement de construction.
Conclusion
Ces modifications proposées au ESC et au LRC aideront à fournir aux employeurs albertains des outils pratiques pour gérer de façon plus efficace et responsable leur main d’œuvre. Si vous avez des questions à propos de ces modifications ou d’autres questions liées au droit du travail et de l’emploi, le groupe du droit de l’emploi et du travail d’Osler peut vous aider.
Les auteurs aimeraient remercier les étudiants d’été, Jenny Lee et Adam Rempel, pour leur contribution importante à cet article.
[1] Gouvernement de l’Alberta, Restoring balance in Alberta’s workplaces (juillet 2020), en ligne : <https://www.alberta.ca/restoring-balance-in-albertas-workplaces.aspx>.
[2] Ensemble distinct de règles provenant du projet de loi 24, COVID-19 Pandemic Response Statutes Amendment Act, 2020
[3] Le directeur des normes du travail pourra approuver des prolongations après 52 semaines. Cela est différent des règles actuelles, où les périodes de calcul de la moyenne peuvent compter jusqu’à 12 semaines.