Auteur
Associé, Franchisage et distribution, Toronto
Dans la cause Hepburn c. AlarmForce, un franchisé avait présenté une requête en jugement sommaire partiel, alléguant que le franchiseur n’avait pas fourni un document d’information et avait manqué à son obligation d’agir de bonne foi et de façon équitable dans le contexte du renouvellement de son contrat de franchisage.
La principale question était d’établir si les différences entre le contrat de franchisage original et la forme de contrat fournie par le franchiseur au renouvellement représentaient un « changement important » exigeant la présentation d’un document d’information par le franchiseur. Le franchiseur s’appuyait sur la dispense au moment du renouvellement pour affirmer qu’aucune divulgation n’était requise.
Dans son rejet de la demande, la Cour supérieure de l’Ontario a retenu qu’un « changement important » doit être considéré dans le contexte de toutes les circonstances. En l’occurrence, la preuve présentée par les deux parties comportait d’importantes lacunes qui empêchaient la Cour d’évaluer adéquatement les enjeux. De plus, le recours demandé était trop large.
Faits de l’espèce
En 1995, les parties ont conclu un contrat de franchisage et des ententes de modification du contrat de franchisage. Ensemble, ces ententes donnaient au franchisé le droit d’exploiter une franchise d’AlarmForce dans le Sud-Ouest de l’Ontario pendant 10 ans. Le contrat de franchisage prévoyait également un droit de renouvellement pour deux périodes supplémentaires de 10 ans « aux conditions alors offertes aux nouveaux franchisés ».
En 2005, à l’expiration de la durée de la franchise initiale, le franchisé a demandé un contrat de renouvellement de la part du franchiseur. Malgré diverses communications entre les parties, le franchiseur n’a pas fourni de contrat de renouvellement avant 2007. En recevant le contrat de renouvellement, le franchisé a demandé un document d’information, alléguant que les différences entre les contrats de franchisage originaux et le contrat de renouvellement constituaient un changement important. Le franchiseur n’a pas fourni de document d’information, le contrat de renouvellement n’a jamais été signé et le franchisé a continué d’exploiter la franchise.
Par la suite, les parties se sont engagées dans diverses négociations infructueuses et le franchiseur a présenté de multiples offres pour acheter la franchise. La situation s’est débloquée en 2014 lorsque le franchiseur a envoyé un avis de résiliation prenant effet à la fin 2015. Le franchisé a accusé réception de l’avis de résiliation sous toute réserve et a intenté une poursuite de 18 millions de dollars en dommages-intérêts.
Décision de la Cour supérieure de l’Ontario
Dans sa requête en jugement sommaire partiel, le franchisé voulait que soit déclaré le manquement du franchiseur à produire le document d’information requis et à respecter son obligation d’agir de bonne foi et de façon équitable dans sa conduite à propos du renouvellement.
Le Tribunal a rejeté la demande, soulignant l’insuffisance des preuves des parties, notamment sur les points suivants :
- Le franchiseur n’a pas déposé de témoignage par affidavit de personnes ayant traité avec le franchisé avant 2015.
- Il n’y avait aucune preuve indiquant si le contrat de renouvellement de 2007 contenait les conditions offertes aux nouveaux franchisés d’AlarmForce en 2005, comme l’exigeait le contrat de franchisage original.
- Tant le franchisé que le franchiseur ont présenté des affirmations imprécises « sans mention de source ni de fondement ».
La Cour a notamment retenu que l’existence d’un changement important exigeant une divulgation doit être considérée dans le contexte de « toutes les circonstances ». Le franchiseur avait décidé de délaisser le modèle de franchise pour un modèle de services aux entreprises, et présenté de multiples offres pour acheter la franchise du franchisé. La Cour a indiqué le changement de modèle d’exploitation du franchiseur influe sur l’interprétation de son contrat de renouvellement et peut constituer en soi un changement important.
Enfin, la Cour a statué que la déclaration demandée par le franchisé relativement au manquement à l’obligation d’agir de bonne foi et de façon équitable était trop large : un tel manquement pouvait être constaté même si AlarmForce n’avait pas l’obligation de fournir un document d’information. AlarmForce a également avancé que des moyens de défense fondée sur la prescription pouvaient s’appliquer et que les recours du franchisé pour un tel manquement étaient limités, à supposer qu’ils existent.
La Cour a conclu qu’étant donné la nature des enjeux et les lacunes dans la preuve soumise, un procès était nécessaire.
Points à retenir
Un jugement sommaire, dans des circonstances appropriées, peut améliorer l’accès à la justice et entraîner la résolution d’actions de façon proportionnée, rapide et abordable. Cette cause vient rappeler encore une fois que franchisés et franchiseurs doivent tous soumettre une preuve complète dans les demandes en jugement sommaire; chaque partie doit faire de son mieux dans la présentation de la preuve, y compris en fournissant des sources pour toutes ses allégations.
Cette cause rappelle également les risques que comporte de se prévaloir d’une dispense de divulgation. De plus, les franchiseurs qui envisagent d’étendre leur présence d’entreprise au détriment de leur réseau de franchise doivent prendre cette cause en compte dans l’évaluation du bien-fondé de divulguer ou non des changements à leur modèle d’exploitation.
Si vous avez des questions sur cette cause ou sur vos pratiques de divulgation, veuillez communiquer avec un membre de notre équipe du franchisage et de la distribution.