Auteurs(trice)
Associé, Droit des sociétés, New York
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Associé, Droit des sociétés, Toronto
La semaine dernière, le personnel des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) a publié l’Avis 51-365 du personnel des ACVM [PDF], qui recense les activités du programme d’examen de l’information continue des ACVM pour les exercices 2023 et 2024. Même si ce rapport biennal met en évidence bon nombre des préoccupations qui ont déjà fait l’objet de rappels de la part des ACVM par le passé, il aborde également pour la première fois des préoccupations concernant des domaines d’information émergents, tels que les affirmations exagérément promotionnelles concernant l’intelligence artificielle (IA) et l’écoblanchiment.
Information exagérément promotionnelle sur l’IA
Dans leur rapport, les ACVM mentionnent l’IA et la durabilité comme domaines dans lesquels certains émetteurs ont présenté de l’information exagérément promotionnelle dans leurs documents d’information continue, ce qui a donné lieu à de l’information fausse ou partiale. Les ACVM ont rappelé aux émetteurs assujettis qui adoptent de nouvelles technologies (y compris l’IA) qu’ils devaient s’interroger sur la nécessité de fournir de l’information sur l’utilisation qu’ils en font et les différents risques émergents qui y sont associés.
En outre, les ACVM ont rappelé aux émetteurs que les déclarations quant aux capacités des technologies d’IA qu’ils utilisent devaient avoir un fondement raisonnable et être étayées par des faits et les activités de la société. Faute de mesures de la performance étayées dans les états financiers et de détails supplémentaires sur les aspects particuliers des activités de la société liées à l’IA ou l’évaluation de ses capacités, les déclarations générales sur l’IA peuvent être trompeuses et promotionnelles. Par exemple, une description de l’émetteur comme un chef de file de l’IA alors qu’il ne génère pas de revenus significatifs des aspects de ses activités liés à l’IA constitue de l’information trompeuse.
Les ACVM ont indiqué qu’elles s’attendaient à ce que les investisseurs considèrent généralement comme importants divers éléments liés à l’utilisation de l’IA, notamment les suivants :
- les sources et les fournisseurs dont proviennent les données qu’utilise chaque système d’IA pour exécuter ses fonctions
- le fait que le système d’IA utilisé par l’émetteur soit développé par celui-ci ou fourni par un tiers
- l’effet que l’utilisation ou le développement des systèmes d’IA, ou la dépendance envers ceux-ci, est susceptible d’avoir sur les activités, les résultats d’exploitation et la situation financière de l’émetteur
- le fait que le système d’IA ait entraîné ou non des incidents soulevant des problèmes d’ordre réglementaire, éthique ou juridique
- tout autre enjeu se rattachant à l’adoption de systèmes d’IA
Préoccupations liées à l’écoblanchiment
Dans leur rapport, les ACVM font également état d’une multiplication des émetteurs formulant des affirmations potentiellement trompeuses, infondées ou incomplètes à propos de la durabilité de leurs activités, produits et services. Les ACVM ont rappelé aux émetteurs assujettis que de telles affirmations étaient interdites et constituaient de l’écoblanchiment, en leur donnant quelques exemples :
- de l’information concernant une cible de transition vers la carboneutralité, sans indiquer ce que comprend cette cible et sans proposer de plan crédible pour y arriver
- de l’information voulant qu’un produit ou un service important soit « respectueux » des facteurs ESG ou « conforme » aux normes du secteur en la matière sans l’accompagner du détail de ces normes, des facteurs pris en considération et de la façon dont ils sont évalués
Les ACVM recommandent aux émetteurs assujettis de veiller à ce que, lorsqu’ils décrivent les activités ayant un lien avec les facteurs ESG, l’information fournie :
- omette tout libellé exagérément promotionnel
- soit factuelle et impartiale
- soit précise et étayée par les activités de la société
En ce qui concerne les éléments d’information susceptibles de constituer de l’information prospective (par exemple, les plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre), les ACVM ont rappelé que les émetteurs devaient avoir un fondement valable pour établir cette information, exposer les facteurs de risque importants qui pourraient entraîner un écart substantiel entre cette information et les résultats réels, indiquer les hypothèses ou les facteurs importants utilisés dans l’établissement de cette information et décrire leur politique en matière de mise à jour de cette information.
Enfin, les ACVM ont invité les émetteurs assujettis à se montrer prudents lorsqu’ils utilisent des expressions ou des termes généraux comme « ESG », « durabilité », « investissement responsable », « éthique » ou « vert », car ceux-ci peuvent englober un large éventail d’enjeux ayant notamment trait au changement climatique, aux émissions de gaz à effet de serre et à la biodiversité. Les ACVM ont indiqué qu’elles s’attendaient à ce que les émetteurs précisent leur signification, les facteurs pris en considération et la façon dont ceux-ci ont été pondérés et priorisés. Les ACVM ont insisté sur le fait que, pour ne pas risquer d’induire les investisseurs en erreur, les émetteurs assujettis devraient indiquer clairement les paramètres de leurs objectifs liés aux facteurs ESG. Ils devraient indiquer, par exemple, les objectifs sociaux qui sont prioritaires et ceux qui ne le sont pas.
L’accent mis sur l’écoblanchiment laisse entrevoir celui que les ACVM mettront sur l’information relative au changement climatique. Puisque, concernant l’information relative au changement climatique, les ACVM envisagent d’adopter un règlement en application des lois canadiennes sur les valeurs mobilières, on doit s’attendre à bien d’autres changements dans ce domaine.
Rapport de gestion
Les ACVM, en plus d’exhorter les émetteurs à éviter les formules toutes faites, les ont invités à améliorer la qualité de l’information qu’ils fournissent dans leurs rapports de gestion. Dans leur rapport, les ACVM présentent une liste non exhaustive des lacunes et des améliorations à apporter :
- Inclure toute perte de valeur ou reprise de perte de valeur importante pour permettre aux investisseurs d’en comprendre l’incidence sur les activités poursuivies;
- En cas de comptabilisation d’une perte de valeur, expliquer comment les activités poursuivies ont contribué à ce que la valeur recouvrable de l’actif soit inférieure à sa valeur comptable;
- Dans le cas de regroupements d’entreprises, les émetteurs qui comptabilisent des montants importants au titre du goodwill doivent expliquer ce qui a motivé la décision de la direction de payer une contrepartie beaucoup plus élevée que la juste valeur des actifs acquis, et donner une description détaillée des immobilisations incorporelles comptabilisées. En cas de comptabilisation d’un montant important au titre d’une perte de valeur au cours de la période ou de l’exercice où le regroupement d’entreprises a lieu, indiquer les circonstances ayant mené à la perte de valeur et ce qui a changé par rapport aux données d’entrées clés ou aux hypothèses qui ont servi à établir la répartition du prix d’achat.
- Pour les émetteurs ayant des pertes de crédit attendues (PCA), décrire comment les estimations des PCA sont effectuées et, s’il existe des risques et des incertitudes liés à l’estimation des PCA, inclure des informations sous forme de tableaux sur la juste valeur des actifs détenus en garantie, l’exposition maximale au risque de crédit et l’exposition nette qui en résulte, ainsi qu’une analyse de ces risques et incertitudes, en particulier des risques d’illiquidité liés aux actifs financiers.
- En ce qui concerne l’information prospective, les ACVM ont rappelé aux émetteurs qu’ils ne pouvaient communiquer une telle information que s’ils avaient un fondement valable pour l’établir (le fait qu’un émetteur n’ait pas de plans approuvés par le conseil d’administration ou les ressources nécessaires pour les concrétiser peut indiquer l’absence d’un fondement valable) et qu’ils devaient indiquer l’ensemble des hypothèses ou des facteurs importants utilisés dans l’établissement de l’information prospective (y compris la situation financière actuelle de l’émetteur, sa situation opérationnelle et sa capacité).
- En ce qui concerne les perspectives et projections, les émetteurs doivent les limiter à une période raisonnable. Dans bon nombre de cas, des incertitudes indépendantes de la volonté de l’émetteur font que cette période ne s’étendra pas au-delà de la date de clôture de l’exercice suivant de l’émetteur. Les ACVM ont rappelé aux émetteurs qu’ils sont tenus de fournir une analyse à jour indiquant tout écart important entre les résultats réels et les perspectives ou projections communiquées antérieurement pour la période considérée.
- En ce qui concerne la situation de trésorerie et les sources de financement, les émetteurs doivent fournir des renseignements les concernant ou des renseignements contextuels afin de permettre aux investisseurs de bien comprendre comment l’émetteur répondra à ses besoins de trésorerie et respectera ses engagements en matière de dépenses en immobilisations, que ce soit au moyen de ses activités, de l’obtention de facilités de crédit supplémentaires, du report de projets prévus ou de la réduction des dépenses liées au personnel. En outre, les ACVM ont noté que les émetteurs assujettis devaient aborder les manquements ou les risques significatifs de tels manquements relativement à leurs dettes ainsi que leur capacité à respecter les clauses restrictives financières et non financières connexes (y compris une analyse des défaillances croisées et des plans pour remédier aux manquements).
Autres lacunes relevées
Les ACVM ont également attiré l’attention des émetteurs sur d’autres lacunes qu’elles ont relevées, notamment les suivantes :
- Des contrats importants et des changements apportés à ces contrats n’ont pas été déposés.
- Des dispositions de contrats importants ont été caviardées, en sus de celles pour lesquelles l’émetteur assujetti a des motifs raisonnables de croire que leur divulgation serait gravement préjudiciable à ses intérêts ou violerait des dispositions de confidentialité.
- Des déclarations de changement important n’ont pas été déposées ou ne l’ont pas été en temps opportun, et relativement au changement important, des faits significatifs concernant le temps et les ressources nécessaires pour mener à bien le changement ainsi que les obstacles et les obligations qui y sont associés sont des éléments qui peuvent ne pas avoir tous été abordés dans le communiqué joint.
- En ce qui concerne l’information à fournir en application du Règlement 43-101 sur l’information concernant les projets miniers, les ACVM ont observé des lacunes dans les rapports techniques, notamment les suivantes : absence de vérification des données par la personne qualifiée ou omission de déclarations concernant l’avis de la personne qualifiée sur le rapport technique; information manquante sur la préparation des échantillons, les mesures de sécurité, les procédés d’analyse, le forage et les activités de production de projets en cours; information manquante concernant l’expérience pertinente de la personne qualifiée; absence d’indépendance de la personne qualifiée alors que les circonstances l’exigent; et omission de déposer un rapport technique relatif à un terrain minier important dans certaines circonstances.
- Un certain nombre de lacunes de nature comptable relatives à la dépréciation des actifs, aux unités génératrices de trésorerie, aux immobilisations incorporelles dans les regroupements d’entreprises, aux PCA et à la ventilation des produits des activités ordinaires.
Points à retenir
Pour les émetteurs, le rapport est un rappel utile que, veillant à ce que l’information fournie soit conforme à la réglementation, le personnel des ACVM enverra aux émetteurs dont l’information est lacunaire des lettres d’observations ciblées. Comme l’indique le rapport, au cours de l’exercice 2024, 21 % des conclusions ont donné lieu à des observations nécessitant le nouveau dépôt de documents et, dans 8 % des cas, les émetteurs ont fait l’objet de mesures d’application de la loi, se sont vu imposer des interdictions d’opérations ou ont été inscrits à la liste des émetteurs en défaut.