Le régime de commerce international du Canada a connu de nombreux changements en 2018. Une grande partie de ces changements est attribuable au président américain Donald Trump, qui semble avoir accéléré la mise en œuvre de son programme commercial en 2018. Les entreprises canadiennes ont eu d’importants défis à relever, notamment la renégociation non prévue, et souvent houleuse, de l’Accord de libre-échange nord-américain (l’ALENA) et l’imposition réciproque de droits de douane sur les biens échangés entre le Canada et les États-Unis. Cependant, en cette fin d’année, nous entrevoyons de plus grandes occasions pour les entreprises engagées dans le commerce et les investissements à l’étranger, vu l’entrée en vigueur de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (le PTPGP) au Canada à la fin de l’année, et le début du processus de ratification de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (l’ACEUM) qui pourrait ultimement remplacer l’ALENA.
L’ACEUM n’est pas encore tout à fait finalisé
La renégociation de l’ALENA, qui devait se terminer en 2017, s’est poursuivie jusqu’à l’automne 2018. La prolongation des négociations a donc donné lieu à des grincements de dents, car les pourparlers achoppaient souvent sur d’importants obstacles. Cependant, le 30 septembre 2018, on a annoncé la conclusion d’un nouvel accord, appelé l’ACEUM au Canada, et l’USMCA aux États-Unis, en remplacement de l’ALENA.
De nombreuses modifications importantes ont été apportées à l’ACEUM en comparaison avec ce qui avait été fait dans le cas de l’ALENA. Le tableau ci-dessous présente certains des principaux changements :
Volet | ALENA | ACEUM |
Industrie laitière | Le Canada a largement exempté son industrie laitière, sous gestion de l’offre, de ses obligations générales de libre-échange aux termes de l’ALENA | L’ACEUM oblige le Canada à donner accès à son marché des produits laitiers, ce qui correspond actuellement à environ 3,5 % du marché, et à supprimer les restrictions sur les importations de produits laitiers de catégories 6 et 7 |
Chapitre 11 | Prévoyait le règlement des différends entre investisseurs et États | Le mécanisme d’arbitrage des différends entre investisseurs et États sera supprimé graduellement pour les plaintes contre le Canada ou par des Canadiens d’ici trois ans |
Exportation d’automobiles | Exigence relative à la teneur de l’ALENA : 62,5 % pour les voitures de tourisme et les utilitaires légers, 60 % pour les autres véhicules | Exigence relative à la teneur de l’ALENA : 75 %, assortie d’exigences concernant le salaire horaire minimum des travailleurs (mise en œuvre progressive)
Tarifs de l’article 232 : jusqu’à 2,6 millions de véhicules canadiens exportés aux États-Unis sont exemptés de droits de douane, en cas de droits de sauvegarde imposés par les États-Unis |
Seuils minimums d’importation aux fins de recouvrement d’impôt et de droits | Le seuil minimum est de 20 $ pour les droits de douane et la taxe de vente | Le seuil minimum est de 150 $ pour les droits de douane et de 40 $ pour la taxe de vente (en dollars canadiens) |
Propriété intellectuelle* | Droits d’auteur correspondant à la vie de l’auteur, plus 50 ans
Protection des données pendant 8 ans pour les produits biologiques |
Droits d’auteur correspondant à la vie de l’auteur, plus 70 ans
Protection des données pendant 10 ans pour les produits biologiques |
Disposition de temporisation | Aucune | Entente d’une durée de 16 ans, devant être réexaminée au cours des six premières années et susceptible de reconduction pour une durée additionnelle de 16 ans. |
L’ACEUM a été signé par les trois pays, le 30 novembre 2018, lors de la réunion du G20 en Argentine. L’entente suivra le processus de ratification de traité des trois pays en cause.
Il est peu probable que la ratification de l’ACEUM se heurte à d’importants obstacles au Canada et au Mexique, mais aux États-Unis, elle doit être acceptée par les deux chambres du Congrès. Comme le Parti démocrate contrôle actuellement la Chambre des représentants, il pourrait soulever des questions qui retarderaient ou empêcheraient la ratification, particulièrement s’il n’est pas satisfait du résultat négocié reflété dans le libellé de l’ACEUM, ou s’il n’est pas disposé à accorder un « gain » politique au président Trump à l’égard du nouvel accord commercial. Par conséquent, même si le gros du travail a déjà été accompli, il reste encore beaucoup à faire avant que l’ACEUM remplace l’ALENA et régisse le commerce entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Suppléments et mesures de sauvegarde relatives à l’acier et à l’aluminium
Par ailleurs, les entreprises canadiennes qui exercent des activités commerciales transfrontalières ont dû composer avec des mesures des États-Unis et des contre-mesures du Canada, lesquelles ont entraîné l’imposition de droits de douane sur des biens qui, auparavant, n’y étaient pas assujettis. Ces mesures visent particulièrement l’acier et l’aluminium. Ces deux métaux ont été assujettis à des droits de douane mondiaux imposés par les Américains, après que les États-Unis ont procédé à un examen relatif à la sécurité nationale, rarement utilisé, de l’importation de ces produits, et ont déterminé que ces importations posaient un risque pour la sécurité nationale des États-Unis. Même si, au départ, les importations canadiennes étaient exemptes de ces droits de douane, les États-Unis ont par la suite imposé un supplément de 25 % sur la plupart des produits de l’acier, et un supplément de 10 % sur la plupart des produits de l’aluminium importés du Canada.
Le Canada a répliqué aux mesures des États-Unis en imposant ses propres suppléments sur les importations d’acier et d’aluminium des États-Unis, ainsi que sur un éventail d’autres produits américains, dont les produits d’épicerie et les électroménagers.
Dernièrement, le Canada a appliqué des mesures de sauvegarde provisoires sur les importations mondiales d’acier, craignant une augmentation du volume d’exportations de produits de l’acier vers le Canada, destinées à l’origine aux États-Unis, en imposant une surtaxe de 25 % jusqu’en mai de l’an prochain sur certains produits de l’acier importés à des niveaux supérieurs aux normes historiques. Parallèlement, le Canada a lancé une enquête sur l’application de mesures de sauvegarde à long terme afin d’en déterminer la nécessité et la forme éventuelle. L’audience relative à cette enquête aura lieu au début de la nouvelle année, et une recommandation sera formulée en avril.
En conséquence de toutes ces mesures, l’année a été difficile pour les importateurs d’acier et les consommateurs, car ils ont subi une augmentation des coûts et du faire face à une situation imprévue.
Mise en œuvre du PTPGP
Le PTPGP sera mis en œuvre au Canada le 30 décembre 2018. Cette entente découle du Partenariat transpacifique (le PTP), qui était un accord commercial régional global négocié entre 12 pays bordant l’océan Pacifique, y compris les États‑Unis. Cependant, peu après être entré à la Maison‑Blanche en janvier 2017, le président Trump a fait passer un décret retirant unilatéralement les États‑Unis du partenariat. Puisque le PTP devait être ratifié par au moins six pays qui, ensemble, représentaient plus de 85 % du produit intérieur brut (le PIB) de tous les signataires, le PTP ne pouvait pas être mis en œuvre sans les États-Unis.
Les 11 signataires restants ont remis l’accord sur la table et entamé des négociations supplémentaires pour en arriver à un nouvel accord qu’ils ont signé le 8 mars 2018, et renommé « PTPGP ». Le PTPGP inclut par renvoi les dispositions du PTP, à l’exception de certaines dispositions relatives à la propriété intellectuelle et au règlement des différends entre investisseurs et États, qui étaient auparavant des enjeux importants pour les États-Unis.
Le PTPGP entre en vigueur au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon, à Singapour et au Mexique à la fin de 2018. Le PTPGP entrera en vigueur au Vietnam à la mi-janvier (le pays l’a ratifié le 12 novembre 2018). Le processus de ratification pour le Brunéi, le Chili, la Malaisie et le Pérou est encore en cours.
Une fois que le PTPGP aura été mis en œuvre, 99 % des exportations actuelles du Canada vers les marchés des signataires du PTPGP ne seront plus frappées de droits de douane. L’accord permettra l’expansion des chaînes d’approvisionnement mondiales et un plus grand nombre de sources d’approvisionnement, mais exposera le marché canadien à une plus vaste concurrence. Ainsi, le PTPGP présente à la fois de nouvelles occasions et de nouveaux défis pour les entreprises canadiennes.
* Pour plus de renseignements, veuillez consulter le bulletin d’Actualités Osler intitulé « Guide de renseignements utiles sur la PI dans l’Accord États-Unis–Mexique–Canada », sur osler.com.