Les tarifs douaniers de Trump : le décret imposant des tarifs douaniers sur l’« automobile » fait passer l’intégration de l’industrie automobile en Amérique du Nord en marche arrière Les tarifs douaniers de Trump : le décret imposant des tarifs douaniers sur l’« automobile » fait passer l’intégration de l’industrie automobile en Amérique du Nord en marche arrière

1 avril 2025 7 MIN DE LECTURE

Le 26 mars 2025, le président américain Trump a émis un décret (le décret) imposant des tarifs douaniers ad valorem de 25 % sur les véhicules automobiles importés (appelés collectivement « automobiles » (automobiles) dans le décret) à compter du 3 avril 2025 et sur certaines pièces automobiles à compter du 3 mai 2025 au plus tard. Ces tarifs douaniers sont imposés en vertu de l’article 232 de la loi des États-Unis intitulée Trade Expansion Act of 1962.

Le décret précède ce qui devrait être une autre escalade importante dans l’utilisation des tarifs douaniers par l’administration Trump : l’annonce prévue le 2 avril 2025 de tarifs douaniers « réciproques » sur divers pays, y compris éventuellement le Canada. 

Quels sont les produits couverts par les tarifs douaniers sur l’automobile?

Les tarifs douaniers s’appliqueront aux importations d’automobiles ou de pièces automobiles. Il n’est pas précisé dans le décret quelles sont les automobiles et les pièces assujetties aux tarifs douaniers; cela sera plutôt indiqué dans les annexes, une fois le décret publié dans le Federal Register (ci-après, le Registre fédéral). D’après le libellé du décret, les tarifs douaniers s’appliqueront probablement aux produits suivants :

  • les véhicules de tourisme (berlines, véhicules utilitaires sport, véhicules utilitaires multisegments, minifourgonnettes et fourgonnettes)
  • les camions légers
  • certaines pièces ou certains composants essentiels pour l’automobile (moteurs et pièces de moteur, transmissions et pièces du groupe motopropulseur et composants électriques)

Le décret prévoit la mise en place, dans les 90 jours, d’une procédure prévoyant l’inclusion de pièces supplémentaires à l’intérieur du champ d’application des tarifs douaniers.

Les tarifs douaniers de 25 % s’ajoutent à tous les autres droits, frais, exactions et charges applicables aux véhicules et aux pièces.

Quels sont les pays visés?

Sous réserve d’exemptions ou de suspensions de dernière minute, les tarifs douaniers s’appliqueront à tous les pays du monde, mais le décret prévoit des dispositions spéciales pour les véhicules et les pièces considérés comme étant originaires du territoire d’un pays ACEUM, comme il est décrit ci-dessous.

Quand les tarifs douaniers entreront-ils en vigueur?

Les tarifs douaniers de 25 % sur l’automobile s’appliqueront aux marchandises déclarées pour la consommation (ou retirées d’un entrepôt pour la consommation) à partir de 0 h 01 le 3 avril 2025. Les tarifs douaniers de 25 % sur l’automobile entreront en vigueur à une date qui sera précisée dans le Registre fédéral, mais au plus tard le 3 mai 2025, sauf en ce qui concerne les pièces qui bénéficient d’un traitement préférentiel en vertu de l’ACEUM, comme il est décrit ci-dessous.

Le décret ne prévoit pas d’exemption pour les envois déjà en transit vers les États-Unis.

Autres caractéristiques notables

Règles spéciales pour les véhicules et les pièces originaires du territoire d’un pays ACEUM

Pour les automobiles qui bénéficient d’un traitement tarifaire préférentiel en vertu de l’ACEUM, les importateurs peuvent soumettre au U.S. Secretary of Commerce (ci-après, le secrétaire) des documents indiquant la quantité de contenu américain[1] dans chaque modèle importé aux États-Unis. Le secrétaire aura le pouvoir discrétionnaire d’appliquer les tarifs douaniers de 25 % uniquement à la valeur du contenu de l’automobile qui n’est pas américain. Le décret n’explique pas comment le secrétaire exercera ce pouvoir discrétionnaire.

Compte tenu de la complexité des chaînes d’approvisionnement et des intrants automobiles, il peut être extrêmement difficile pour les entreprises de déterminer et d’isoler le contenu américain afin de bénéficier de cette exonération partielle. En outre, le décret prévoit que, si U.S. Customs and Border Protection (le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis) détermine que le contenu américain déclaré a été surestimé, les tarifs douaniers de 25 % seront appliqués à la valeur totale de l’automobile, quel que soit son contenu américain réel, et à tous les véhicules du même modèle, à la fois rétroactivement et prospectivement, jusqu’à ce que la surestimation soit corrigée et que la correction soit vérifiée. Face au risque d’application de tarifs douaniers potentiellement énormes, éventuellement sans critères clairs et prévisibles, il reste à voir comment les entreprises réagiront.

Les tarifs douaniers de 25 % ne s’appliqueront pas non plus aux pièces automobiles qui bénéficient d’un traitement préférentiel en vertu de l’ACEUM jusqu’à ce que le secrétaire mette en place un processus permettant d’appliquer les tarifs exclusivement à la valeur du contenu de ces pièces automobiles qui n’est pas américain.

Cette approche réduit en lambeaux les règles d’origine applicables aux automobiles soigneusement négociées dans le cadre de l’ACEUM en ne tenant pas compte du contenu canadien et mexicain admissibles en vertu de l’ACEUM et en soumettant ce contenu aux tarifs douaniers sur l’automobile (parce que, comme le stipule l’article 232, le contenu automobile canadien et mexicain menace prétendument la sécurité nationale des États-Unis).

Aucun remboursement possible pour les tarifs douaniers

Aucun remboursement ne sera possible pour les tarifs douaniers imposés en vertu du décret. Cela signifie, par exemple, que l’importateur qui paie les tarifs douaniers prévus par le décret sur des composants automobiles qu’il importe aux États-Unis en provenance du Canada et qui les exporte par la suite dans un véhicule fini ne pourra pas en obtenir le remboursement.

Contexte et fondement du décret

Les tarifs douaniers dont il est question ici découlent des mesures prises par le président Trump au cours de son premier mandat. En 2019, le secrétaire en poste à l’époque a remis au président Trump un rapport en vertu de l’article 232, dans lequel il concluait que des automobiles et certaines pièces automobiles étaient importées aux États-Unis en quantités et dans des circonstances telles qu’elles menaçaient de porter atteinte à la sécurité nationale des États-Unis. Le secrétaire a recommandé plusieurs mesures, notamment l’imposition éventuelle de tarifs douaniers de 25 % sur les automobiles (et de 35 % sur les VUS et les VUM). Le président Trump a ensuite émis la proclamation 9888 en 2019, chargeant le United States Trade Representative (le représentant américain au commerce) de poursuivre les négociations afin de répondre à la menace pour la sécurité nationale, et le secrétaire de surveiller les importations ultérieures.

Le 1er juillet 2020 est entré en vigueur l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), qui a semblé résoudre les préoccupations relevées dans le rapport concernant le Canada et le Mexique. Néanmoins, le décret indique que le secrétaire a depuis fait savoir que la menace pour la sécurité nationale posée par les importations d’automobiles et de pièces demeurait et s’était aggravée, et que les modifications apportées aux accords commerciaux tels que l’ACEUM – qui a modifié les règles d’origine applicables aux automobiles à la demande de la première administration Trump, et que le président Trump a loué à l’époque – n’ont pas « donné de résultats positifs suffisants » (yielded sufficient positive outcomes). En conséquence, le décret affirme que les tarifs douaniers ont été imposés pour ajuster les importations d’automobiles et de pièces afin que les importations ne menacent plus de porter atteinte à la sécurité nationale.

Un dernier clou pour l’ACEUM?

Les tarifs douaniers sur l’automobile, qui font suite aux tarifs douaniers généraux de 25 % actuellement suspendus de l’administration Trump imposés sur toutes les marchandises en provenance du Canada et du Mexique, et aux tarifs douaniers de 10 % sur les marchandises énergétiques et la potasse, remettent encore plus en question l’avenir de l’ACEUM.

Alors que le premier ministre du Canada, Mark Carney, et le président Trump se sont entretenus la semaine dernière lors d’un appel qu’ils ont qualifié de « constructif », au cours duquel ils ont apparemment discuté de négociations en vue de l’établissement de nouveaux rapports en ce qui a trait à l’économie et à la sécurité, le défi pour le Canada sera de savoir comment il peut négocier tout type d’arrangement durable avec une administration américaine qui a fait preuve d’un mépris pour ses engagements commerciaux.


[1] Le contenu américain fait référence à la valeur de l’automobile attribuable aux pièces entièrement obtenues, produites entièrement ou substantiellement transformées aux États-Unis. Voir la clause (2) du décret.