Auteur
Associé, Franchisage et distribution, Toronto
Dans une récente décision du Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique, un ex-employé d’un franchisé a déposé une plainte en matière de droits de la personne contre le franchisé, et il a également désigné le franchiseur comme défendeur. Le franchiseur a demandé à être soustrait de la plainte, au motif qu’il n’était pas l’employeur, et qu’il n’avait donc pas qualité de partie dans la procédure.
Le tribunal a rejeté la demande du franchiseur, jugeant qu’il peut exister de la discrimination en l’absence d’une relation d’emploi, si la partie a la capacité d’entraver ou d’influencer la relation d’emploi. Cependant, le tribunal a laissé entendre que le franchiseur aurait pu accroître les possibilités que la demande de rejet soit accueillie s’il avait produit davantage de preuves provenant de sources indépendantes au cours des procédures.
Contexte
Mme Reid (la plaignante) est une ex-employée du centre de conditionnement physique X and A (le franchisé), où elle agissait en qualité de conseillère auprès des membres.
Avant d’occuper cet emploi, la plaignante avait été blessée dans un accident de la route qui restreignait dorénavant sa capacité à accomplir certaines tâches, comme soulever de lourdes charges. Cependant, elle a déclaré être en mesure d’effectuer les principales tâches liées à son poste, moyennant certains accommodements accordés par son supérieur. Mais le franchisé a licencié la plaignante en raison de ses problèmes médicaux et de ses limitations physiques. Mme Reid a allégué la discrimination en matière d’emploi fondée sur la déficience physique, en violation de l’article 13 du Code des droits de la personne de la Colombie-Britannique (le Code), devant le British Columbia Human Rights Tribunal (BCHRT). La plaignante a désigné le franchisé, son propriétaire, Snap Fitness of Canada Inc. et Snap Fitness Inc. (le franchiseur) comme défendeurs.
Questions en cause
Le franchiseur a fait une demande de retrait de la plainte, au motif qu’il n’avait pas qualité de partie dans la procédure. Le franchiseur a soutenu que cela ne servirait pas les fins poursuivies par le Code s’il était désigné défendeur à la plainte parce que le franchisé était détenu et exploité de façon indépendante et que le franchiseur n’a jamais été l’employeur.
La plaignante a produit les preuves suivantes en appui à son argument selon lequel le franchiseur a exercé une influence sur la relation d’emploi :
- son travail était contrôlé en fonction des politiques et des directives du franchiseur;
- la correspondance relative à son emploi figurait sur du papier à en-tête de Snap Fitness;
- elle était payée par chèques portant la marque de Snap Fitness;
- son adresse de courriel au travail était : cloverdale@snapfitness.com.
De plus, le franchiseur émettait directement des rabais à l’intention des membres du centre de conditionnement, il fournissait des affiches publicitaires, surveillait l’accès aux installations de conditionnement de ses franchisés, et il était le point de contact pour les problèmes relatifs au système d’accès par carte magnétique. Enfin, une copie d’une offre d’emploi au Snap Fitness – Cloverdale Group mentionnait que le poste à combler était au sein de l’équipe de Snap Fitness.
Décision du BCHRT
Le BCHRT a rejeté l’argument du franchiseur. Le BCHRT a déclaré que le Code stipule clairement qu’un défendeur n’a pas à être l’employeur d’un plaignant pour contrevenir au Code. Le Code prévoit qu’une « personne », et pas nécessairement un « employeur », ne doit pas exercer de discrimination en matière d’emploi.
Le BCHRT note que, même s’il est plus courant qu’un employeur soit la partie qui contrevient au Code, toute personne dont les actes ou les omissions constituent de la discrimination à l’égard d’une autre personne relativement à l’emploi est en infraction. Le BCHRT a établi que la discrimination peut exister en l’absence d’une relation d’emploi si un défendeur a la capacité d’entraver ou d’influencer la relation d’emploi. De plus, le CHRT a renvoyé à ses décisions antérieures rendues dans les affaires Chein v Tim Hortons et Charthaigh v Blenz, selon lesquelles il peut exister une responsabilité lorsqu’un franchiseur a la capacité d’entraver ou d’influencer la relation d’emploi du franchisé avec ses employés, mais qu’il ne le fait pas.
Le BCHRT a conclu que la preuve de la plaignante et l’affidavit de Mme An laissaient entendre que le franchiseur exerçait une certaine influence sur le franchisé. Il revenait au franchiseur de persuader le BCHRT et de produire les preuves pertinentes en appui à la demande. En l’absence du contrat de franchisage intégral (qui n’a pas été produit par l’une ou l’autre des parties) et d’autres renseignements, le BCHRT s’est dit dans l’incapacité d’évaluer toute l’étendue de l’influence ou du contrôle, et n’était pas convaincu que la procédure relative à la plainte contre le franchiseur ne servirait pas les fins du Code.
Points à retenir
Fait intéressant pour les franchiseurs, le BCHRT affirme qu’il n’existe pas de conclusion universelle selon laquelle un franchiseur n’a pas qualité pour être défendeur à une plainte contre l’un de ses franchisés. L’importance des conditions du contrat de franchisage est mise en lumière dans cette décision. Toute relation de franchise est régie par les conditions du contrat de franchisage, et le franchiseur n’avait produit que deux pages du contrat de franchisage qui en contenait au moins 45. Si le contrat de franchisage avait été produit et qu’il avait clairement établi la relation entre le franchiseur, le franchisé et les employés du franchisé, l’issue aurait peut-être été différente. Toutefois, comme nous l’avons vu dans d’autres affaires récentes, le contrat de franchisage doit assurer la protection du système de franchisage, tout en évitant d’accorder au franchiseur des pouvoirs s’apparentant à ceux de l’employeur.