Voter contre l’élection d’un administrateur, nouveau délai pour les propositions d’actionnaires et autres modifications de la LCSA en vigueur

28 Sep 2022 13 MIN DE LECTURE

Le 31 août 2022, des modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la LCSA) et au Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001) (le Règlement de la LCSA) sont entrées en vigueur, ce qui a une incidence sur la façon d’élire les administrateurs des sociétés régies par la LCSA ayant des titres cotés en bourse et d’autres « sociétés ayant fait appel au public ». Les modifications comportent également de nouveaux délais de soumission des propositions d’actionnaires, entre autres.

Voter contre l’élection d’un administrateur

Les actionnaires des sociétés régies par la LCSA qui sont des « sociétés ayant fait appel au public » pourront désormais voter pour ou contre l’élection de chaque candidat à un poste d’administrateur lorsque le nombre de candidats est égal au nombre de postes à élire à l’assemblée (élection d’administrateurs sans opposition). Un candidat au poste d’administrateur est élu s’il reçoit plus de voix « pour » que de voix « contre » à l’assemblée, à moins que les statuts n’exigent un nombre plus élevé de voix « pour »[1].

Cette modification ne s’appliquera pas s’il y a plus d’un candidat à l’élection d’un administrateur d’une « société ayant fait appel au public » régie par la LCSA. Lors d’une élection avec opposition, le choix des actionnaires continueront de se limiter à voter « pour » l’élection d’un candidat ou à s’abstenir de voter pour ce candidat. Les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA et les sociétés constituées en vertu d’autres lois sur les sociétés au Canada continueront de n’offrir aux actionnaires que le choix de voter en faveur du candidat ou de s’abstenir de voter, peu importe que l’élection ait lieu avec ou sans opposition.

Le vote majoritaire aux termes des règles de la TSX

Dans le passé, des administrateurs des « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA ont été élus à la majorité simple – les administrateurs ayant obtenu le plus de voix étaient élus jusqu’à ce que tous les postes disponibles soient pourvus. Lors d’une élection d’administrateur sans opposition, un candidat serait considéré comme étant élu s’il obtenait au moins une voix lors de son élection, quel que soit le nombre de personnes s’étant abstenues de voter.

La Bourse de Toronto (TSX) exige que toutes les sociétés inscrites aient une politique relative au vote majoritaire qui prévoit, lors d’une élection d’administrateur sans opposition, que tout administrateur pour lequel un plus grand nombre de personnes se sont abstenues de voter qu’il y a eu de voix exprimées à l’élection de l’administrateur, remette sa démission au conseil d’administration, que le conseil doit accepter, sauf en cas de circonstances exceptionnelles[2]. Dans le passé, il est arrivé qu’un conseil n’a pas accepté la démission d’un administrateur, malgré le résultat du vote, et les actionnaires ont estimé qu’aucune circonstance exceptionnelle ne s’appliquait. Selon les modifications apportées à la LCSA, il ne sera plus nécessaire d’exiger qu’un administrateur qui n’obtient pas suffisamment de voix démissionne, puisque l’administrateur n’aura pas été élu. La TSX a indiqué précédemment que les modifications apportées à la LCSA satisferaient probablement aux exigences en matière de vote majoritaire de la TSX et, par conséquent, les sociétés régies par la LCSA inscrites à la cote de la TSX ne seraient plus tenues d’avoir une politique relative au vote majoritaire[3]. Par conséquent, les sociétés régies par la LCSA inscrites à la cote de la TSX peuvent désormais abroger leurs politiques relatives au vote majoritaire et les retirer de leurs sites Web si elles le souhaitent.

Incidence sur le formulaire de procuration

Selon les modifications apportées au Règlement de la LCSA, le formulaire de procuration d’une « société ayant fait appel au public » doit désormais donner aux actionnaires la possibilité de voter pour ou contre chaque candidat au poste d’administrateur lors d’une élection sans opposition. Toutefois, lors d’une élection d’administrateur avec opposition, le Règlement de la LCSA exige que les actionnaires aient plutôt la possibilité de voter en faveur des candidats ou de s’abstenir de voter pour chaque candidat au poste d’administrateur.[4]

Le Règlement de la LCSA crée une incertitude qui n’a pas encore été résolue, puisqu’une société, au moment où elle envoie ses documents de procuration aux actionnaires, ne peut pas confirmer si l’élection des administrateurs aura lieu avec ou sans opposition.  Comme les élections des administrateurs à la plupart des assemblées annuelles se déroulent sans opposition, la société sera normalement tenue de fournir un formulaire de procuration donnant à l’actionnaire le choix de voter pour ou contre chaque candidat. Cependant, après l’envoi d’un formulaire de procuration de la direction, un dissident pourrait envoyer une circulaire de dissident et un formulaire de procuration afin de proposer des candidats supplémentaires au poste d’administrateur, ou un actionnaire inscrit ou un fondé de pouvoir pourrait proposer des candidats supplémentaires au poste d’administrateur lors de l’assemblée annuelle, sans effectuer de sollicitation[5].

Si une élection d’administrateurs sans opposition était prévue au moment où la société a envoyé ses documents de procuration pour l’assemblée et qu’elle devient par la suite une élection avec opposition :

  • Est-ce que le formulaire de procuration de la direction demeure valide, puisque les actionnaires n’ont pas la possibilité de s’abstenir de voter lors d’une élection de candidats aux postes d’administrateur au lieu de voter contre eux? La société doit-elle envoyer un nouveau formulaire de procuration et recommencer tout le processus de l’assemblée annuelle afin de se conformer aux exigences d’envoyer un formulaire de procuration en la forme prescrite et d’envoyer un avis de convocation à l’assemblée des actionnaires à chaque actionnaire ayant le droit de recevoir l’avis de convocation[6]?
  • Si le formulaire de procuration de la direction est toujours valide, de quelle manière les voix doivent-elles être comptées lors de l’assemblée? Les voix « contre » un candidat au poste d’administrateur annulent-elles les voix en faveur de ce candidat, de sorte que l’administrateur nommé par la direction se retrouve avec moins de voix « pour » sur une base nette que le nombre total de voix exprimées en faveur d’un candidat au poste d’administrateur dissident (pour qui les options étaient de voter « pour » ou de s’abstenir de voter)?

Des questions similaires se posent également lorsqu’une société envoie un formulaire de procuration de la direction, ce qui suppose que l’élection des administrateurs lors de l’assemblée se déroulera avec opposition, mais que le dissident décide plus tard de ne pas nommer d’administrateurs supplémentaires ou parvient par la suite à un règlement avec la société. Le formulaire de procuration de la direction envoyé aux actionnaires n’aura offert que les options « pour » et « abstention », même si au moment de l’assemblée, l’élection est sans opposition et qu’il y a autant de candidats qu’il y a de postes à pourvoir au moment du vote.

En l’absence de directives de Corporations Canada, les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA pourraient envisager de modifier leur formulaire de procuration de la direction de façon à préciser de quelle manière les directives de procuration seront interprétées si une élection d’administrateur sans opposition en devienne une avec opposition (ou inversement) ou pour fournir aux actionnaires à la fois l’option de voter contre un candidat et de s’abstenir de voter.

Les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA devraient également envisager de modifier les dispositions de leur règlement administratif sur les préavis afin de faire passer le délai de prévis de 30 jours à 90 jours avant la date de l’assemblée, ou d’adopter un règlement administratif sur les préavis, si elles ne l’ont pas déjà fait. Ce délai aidera à atténuer le risque qu’une élection d’administrateur sans opposition en devient une avec opposition après l’envoi du formulaire de procuration de la direction.

Propositions d’actionnaires

Auparavant, une société n’était pas tenue d’inclure une proposition d’actionnaires dans ses documents de procuration si la proposition n’était pas soumise au moins 90 jours avant la date d’anniversaire de l’avis d’assemblée annuelle de l’année précédente, et il n’y avait aucune date limite à respecter pour faire parvenir une proposition d’actionnaires. À la suite des modifications apportées à la LCSA, une « société ayant fait appel au public » régie par la LCSA n’est pas tenue d’inclure la proposition d’actionnaires si elle ne l’a pas reçue au cours d’une période de 60 jours à compter du 150e jour précédant la date anniversaire de la dernière assemblée annuelle des actionnaires.[7] En pratique, cela permet aux actionnaires de soumettre des propositions plus tard dans le cycle de l’assemblée annuelle, ce qui donne aux sociétés moins de temps pour dialoguer avec les auteurs des propositions ou leur soumettre une réponse avant d’envoyer les documents de procuration.

La LCSA exige qu’une circulaire de procuration de la direction fixe la date limite à laquelle les actionnaires doivent soumettre des propositions d’actionnaires en vue de l’assemblée annuelle des actionnaires[8]. Dans leurs circulaires de procuration de la direction de 2022, les sociétés auraient indiqué une date limite antérieure à la nouvelle date limite de soumission des propositions des actionnaires. Nonobstant la date limite antérieure indiquée dans leur circulaire de procuration de la direction de 2022, les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA devront se conformer au nouveau délai de soumission des propositions d’actionnaires et devront accepter les propositions d’actionnaires reçues avant la date limite calculée selon les modifications à la LCSA.

Autres modifications

Parmi les autres modifications apportées à la LCSA et au Règlement de la LCSA actuellement en vigueur, mentionnons les suivantes :

  • Administrateurs après terme : Lors d’une élection d’administrateur sans opposition, si l’administrateur en exercice d’une « société ayant fait appel au public » régie par la LCSA ne reçoit pas plus de voix « pour » que de voix « contre », l’administrateur non élu peut néanmoins demeurer en fonction jusqu’au premier en date des jours suivants : le 90e jour jour suivant la date de l’élection; le jour de la nomination ou de l’élection de son remplaçant.[9]
  • Nomination subséquente d’un administrateur non élu : Un candidat au poste d’administrateur d’une « société ayant fait appel au public » régie par la LCSA qui ne reçoit pas plus de voix « pour » que de voix « contre » lors d’une élection d’administrateur sans opposition ne peut pas être nommé par le conseil d’administration pour combler un poste vacant avant la prochaine assemblée des actionnaires, à moins que la nomination ne permette à la société de se conformer à l’exigence d’avoir un minimum de trois administrateurs en fonction ou de satisfaire aux exigences relatives au lieu de résidence des administrateurs canadiens[10]. Cette exception ne s’applique pas lorsqu’un administrateur est requis pour satisfaire aux exigences d’indépendance du comité d’audit ou aux exigences d’inscription en bourse – le candidat au poste d’administrateur qui n’a pas été élu ne peut pas être nommé ou autorisé à demeurer membre du conseil après la date limite prévue pour que les administrateurs toujours en poste après terme cessent d’exercer leurs fonctions.
  • Élections annuelles individuelles des administrateurs : Toutes les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA sont désormais tenues d’élire les administrateurs chaque année sur une base individuelle (c’est-à-dire aucun suffrage plurinominal ou d’élections échelonnées)[11].  Les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA et inscrites à la cote de la TSX étaient déjà soumises à ces exigences aux termes des règles d’inscription de la TSX, mais elles s’appliquent maintenant à toutes les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA.
  • Modifications administratives diverses : Les modifications apportées au Règlement de la LCSA modifient également certaines exigences en matière de tenue de registres, transfèrent les délais de conservation de la LCSA vers le Règlement de la LCSA et traitent de certaines exigences techniques concernant les dénominations sociales.

Conclusion

À la lumière des modifications apportées à la LCSA et au Règlement de la LCSA, les « sociétés ayant fait appel au public » régies par la LCSA devraient considérer les modifications proposées bien avant le début de leur processus d’assemblée annuelle.


[1] Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44, para. 106(3.4).

[2] Guide à l’intention des sociétés de la TSX, art. 461.3.

[3] Toronto Stock Exchange, Notice of Housekeeping Rule Amendment to the TSX Company Manual (4 juin 2020).

[4] Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001),, DORS/2001-512, para. 54.1(1) et 54.1(2).

[5] Si une société a adopté une disposition sur les préavis du règlement administratif, le dissident devra se conformer aux exigences de préavis de cette disposition, mais la disposition sur les préavis prévue au Canada exige qu’un avis soit donné aussi peu que 30 jours avant la date de l’assemblée, ce qui est souvent après la date à laquelle la société a envoyé le formulaire de procuration de la direction et la circulaire de sollicitation de procurations.

[6] Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44, para. 149(1).

[7] Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001), DORS/2001-512, art. 49.

[8] Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001), DORS/2001-512, alinéa 55(2)(d).

[9] Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44, para. 106(6.1).

[10] Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral (2001), DORS/2001-512, art. 45.2.

[11] Loi canadienne sur les sociétés par actions L.R.C. (1985), ch. C-44, para. 106(3.3); Guide à l’intention des sociétés de la TSX, art. 461.2.