Auteurs(trice)
Associé, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges, Calgary
Associée, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges et Insolvabilité et restructuration, Montréal
Table des matières
Revue de la jurisprudence sur la protection de la vie privée
R. v. Bykovets, 2024 SCC 6
Faits
L’appelant, Bykovets, a été déclaré coupable de fraude par carte de crédit. Au cours de leur enquête, les services de police ont obtenu de Moneris, une société tierce de traitement des paiements, les adresses IP utilisées pour les opérations de l’appelant. Ils ont fait cette démarche sans autorisation judiciaire préalable.
L’appelant a allégué que la demande faite par la police à Moneris avait violé son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives garanti par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (Royaume-Uni), 1982, c. 11 (Charte canadienne). La question soumise à la Cour suprême était celle de savoir si un individu avait une attente raisonnable au respect de sa vie privée à l’égard de son adresse IP.
Décision
La Cour suprême a accueilli l’appel à la majorité et ordonné un nouveau procès, estimant que l’adresse IP d’un individu est protégée par l’article 8 de la Charte canadienne. Les services de police sont donc tenus d’obtenir une autorisation judiciaire avant de se procurer une adresse IP auprès d’un tiers.
La Cour a interprété l’article 8 de la Charte canadienne de manière large et téléologique. Définir une « attente raisonnable au respect de la vie privée » est une opération de mise en balance. En l’espèce, la balance penche en faveur de l’extension de l’attente raisonnable au respect de la vie privée aux adresses IP. Le caractère éminemment privé des renseignements que peut révéler une adresse IP suggère fortement que le droit du public de ne pas être importuné devrait l’emporter sur le droit du gouvernement de réaliser ses objectifs d’application de la loi.
Internet a fait augmenter de manière exponentielle tant la qualité que la quantité de renseignements stockés à propos des internautes. Il a permis à des sociétés privées de suivre les utilisateurs et d’établir des profils contenant des renseignements que les utilisateurs ne savent pas qu’ils dévoilent. En concentrant cette masse de renseignements entre les mains de tiers du secteur privé, Internet a modifié la topographie de la vie privée sous le régime de la Charte canadienne. Il a ajouté un tiers à l’écosystème constitutionnel, et a fait de la relation horizontale entre l’individu et l’État une relation tripartite.
Bien que l’article 8 de la Charte canadienne ne s’applique pas aux tiers eux-mêmes, ceux-ci jouent le rôle de médiateur(s) dans une relation directement régie par cet article – celle entre le défendeur et la police. La surveillance judiciaire est donc le moyen approprié pour enlever aux sociétés privées le pouvoir de décider s’il convient de dévoiler des renseignements et, le cas échéant, en quelle quantité.
Les juges dissidents auraient rejeté l’appel, car, selon eux, l’appelant n’avait pas d’attente raisonnable au respect de sa vie privée à l’égard de son adresse IP. Par conséquent, la police n’aurait pas eu besoin d’une autorisation judiciaire.
Point principal à retenir
L’attente raisonnable au respect de la vie privée comprend la protection de l’adresse IP d’un individu et est donc protégée par l’article 8 de la Charte canadienne. Il faut donc se procurer une autorisation judiciaire préalable pour obtenir une adresse IP auprès d’un tiers.