Passer au contenu

Le gouvernement du Québec annonce des plans visant à conserver les sièges sociaux au Québec

Auteur(s) : Niko Veilleux, Christopher Greenaway, Robert M. Yalden

28 février 2017

Dans ce bulletin d’Actualités : 

 Le 21 février 2017, le gouvernement du Québec (le « Gouvernement ») a publié Un plan pour que l’économie québécoise soit davantage une économie de dirigeants (le « Plan »).

  • Le Plan présente une série de mesures destinées à favoriser la croissance des entreprises du Québec, et à assurer le positionnement le plus avantageux possible des intérêts québécois dans le cadre d’opérations de changement de contrôle.
  • Un certain nombre de ces mesures sont particulièrement pertinentes pour les parties qui envisagent des possibilités de fusion et d’acquisition au Québec, notamment les suivantes :
    • Le Plan annonce la création du Groupe d’initiative financière, appelé à veiller sur l’évolution du contexte économique et financier afin de prévoir les risques de vente ou d’offre publique d’achat hostile visant les entreprises du Québec et ayant une incidence sur la localisation des sièges sociaux. Le Groupe d’initiative financière sera aussi appelé à conseiller le Gouvernement dans ses efforts visant à assurer que les besoins en capital des entreprises en pleine croissance du Québec sont satisfaits d’une façon qui contribue à favoriser l’émergence d’un plus vaste bassin de grandes entreprises québécoises ayant leur siège social dans la province.
    • Le Plan énonce clairement que le Gouvernement ne prévoit pas modifier le cadre juridique des prises de contrôle hostiles et des mesures de défense en place, mais il vise plutôt à accroître la compréhension des conseils d’administration et équipes de direction à l’égard de la manière dont le cadre juridique en place peut être utilisé pour réduire le risque d’être la cible d’une offre publique d’achat hostile. 

Par ailleurs, le Plan contient un certain nombre de mesures fiscales visant à harmoniser le traitement des options d’achat d’actions avec l’approche adoptée par d’autres provinces canadiennes, et à faciliter le transfert intergénérationnel des entreprises.

 

Réagissant aux préoccupations exprimées au Québec depuis un certain temps et selon lesquelles des entreprises phares de la province font l’objet d’acquisitions par des intérêts non québécois, le 21 février 2017, le gouvernement du Québec (le « Gouvernement ») a publié Un plan pour que l’économie québécoise soit davantage une économie de dirigeants (le « Plan »).[1] Le Gouvernement souligne d’abord qu’au cours des quinze dernières années, deux fois plus de sociétés étrangères ont été achetées par des sociétés québécoises que de sociétés québécoises ont été vendues à des intérêts étrangers, et qu’entre 2000 et 2014, 171 entreprises québécoises se sont jointes au groupe des entreprises dont le revenu brut annuel est supérieur à 1 milliard de dollars, alors que 75 entreprises québécoises ont quitté ce groupe. Néanmoins, le Gouvernement a subi des pressions politiques soutenues visant à le faire réagir aux critiques qui l’enjoignent à faire plus pour préserver les sièges sociaux et pour prévenir le transfert à l’extérieur du Québec de fonctions stratégiques de sociétés.

Le Plan présente une série de mesures destinées à assurer un équilibre selon lequel, d’une part, le marché des fusions et acquisitions au Québec sera exempt d’interventions gouvernementales indues, et d’autre part, seront privilégiées les initiatives visant à favoriser la croissance des entreprises du Québec et à assurer le positionnement le plus avantageux possible d’intérêts québécois dans le cadre d’opérations de changement de contrôle. Le Plan contient un certain nombre de mesures particulièrement pertinentes pour les parties qui envisagent des possibilités de fusion et d’acquisition au Québec.

D’abord, le Plan annonce la création du Groupe d’initiative financière. Formé de représentants d’institutions financières du Québec (notamment Investissement Québec, des fonds institutionnels locaux et des institutions provenant des secteurs bancaire et coopératif), le Groupe d’initiative financière aura comme mandat premier de veiller sur l’évolution du contexte économique et financier afin de prévoir les risques de vente ou d’offre publique d’achat hostile visant les entreprises du Québec et ayant une incidence sur la localisation des sièges sociaux. Le Groupe d’initiative financière sera également appelé à conseiller le Gouvernement dans ses efforts visant à assurer que les besoins en capital des entreprises en pleine croissance du Québec sont satisfaits d’une façon qui contribue à favoriser l’émergence d’un plus vaste bassin de grandes entreprises québécoises ayant leur siège social dans la province. On ignore encore ce que sera le rôle du Groupe d’initiative financière lorsque s’amorcera une importante opération de fusion et d’acquisition qui pourrait donner lieu au transfert du contrôle d’une grande entreprise québécoise à des intérêts non québécois. 

Le Plan vaut également d’être souligné, car il énonce clairement la position du Gouvernement face au spectre des prises de contrôle hostiles, notamment que cette menace est souvent exagérée et qu’en pratique, il est extrêmement rare que le contrôle d’une entreprise québécoise soit perdu aux mains d’un initiateur hostile de l’extérieur du Québec. Par conséquent, le Gouvernement a décidé de ne pas donner suite aux propositions présentées au cours des dernières années relativement à l’adoption de mesures destinées à protéger les entreprises du Québec contre les offres publiques d’achat hostiles. En fait, le Gouvernement a conclu que l’encadrement réglementaire des valeurs mobilières au Québec établit un juste équilibre entre les droits des investisseurs de disposer à leur guise des titres qu’ils possèdent et l’objectif de favoriser le maintien d’un contrôle québécois des entreprises cotées en bourse. À la lumière du récent débat au Canada concernant la réglementation de mesures de défense, il est important de souligner que le Plan établit clairement que le Gouvernement ne prévoit pas modifier le cadre juridique des prises de contrôle hostiles et des mesures de défense en place. 

Le Gouvernement a par ailleurs annoncé qu’il s’emploiera à accroître la compréhension des conseils d’administration et des équipes de direction de la province à l’égard de la manière dont le cadre juridique en place peut être utilisé pour réduire le risque d’être la cible d’une offre publique d’achat hostile. Malgré la réticence d’un certain nombre de gestionnaires de caisses de retraite et d’investisseurs institutionnels à investir dans des sociétés dont la structure de capital est à double catégorie d’action, le Gouvernement prend la peine de souligner qu’il prévoit sensibiliser les entreprises au rôle que peut jouer une structure avec actions à vote multiple pour écarter les prétendants non désirés. Le Gouvernement entend aussi sensibiliser les entreprises aux autres moyens juridiques qui leur sont offerts pour atténuer le risque d’opérations de changement de contrôle injustifiées. Par exemple, le Gouvernement signale son intention de faire jouer un rôle actif à Investissement Québec dans la prestation de conseils aux entreprises québécoises relativement à la réduction des incitatifs financiers offerts à la direction pour qu’elle effectue des opérations de changement de contrôle (notamment en réduisant les avantages financiers que les dirigeants ou les administrateurs pourraient tirer de ces opérations).

Le Plan comporte également un certain nombre de mesures fiscales. Ces mesures visent à harmoniser le traitement des options d’achat d’actions avec l’approche adoptée par d’autres provinces canadiennes (ce qui supprime un incitatif à déménager pour les dirigeants) et à faciliter le transfert intergénérationnel des entreprises (plutôt que de laisser le changement de génération servir de catalyseur à une opération de changement de contrôle).

Il est peu probable que le Plan mette fin au débat sur le rôle que le Gouvernement devrait jouer pour éviter la perte d’entreprises « fleurons » dont le siège social est au Québec. Chose certaine, le Gouvernement ne prévoit pas, pour le moment, apporter des modifications législatives afin de donner aux entreprises québécoises des outils, pour faire obstacle aux offres non sollicitées, qui ne sont pas offerts dans le reste du Canada.