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La diversité dans les entreprises canadiennes : y a-t-il des progrès?

Le 16 décembre 2022

Durée : 55 min  Date : 2022/12/16
 

 

En octobre 2022, Osler publiait son 8e rapport annuel intitulé Pratiques de divulgation en matière de diversité 2022 - Diversité et leadership au sein des sociétés ouvertes canadiennes. Ce rapport décrit les progrès réalisés par des sociétés qui sont inscrites à la cote de la Bourse de Toronto et qui sont régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions en vue d’améliorer la diversité au sein de la haute direction, et notamment la représentation des femmes, des minorités visibles, des Autochtones et des personnes handicapées à des postes de haute direction.

Dans cet épisode, Colleen Moorehead, chef de la direction client d’Osler, anime une discussion sur les conclusions de ce rapport à laquelle participe l’animateur régulier de la baladodiffusion et coauteur du rapport, John Valley, ainsi que Deborah Rosati, fondatrice et chef de la direction de Women Get on Board.

Ce balado comprend 55 minutes admissibles en tant que crédit de contenu de droit de fond pour les avocats et avocates de l’Ontario. Cliquez pour inscrire vos heures sur le portail du BDLO.


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Portant sur l’évolution des exigences réglementaires, sur l’activisme des investisseurs et sur les effets physiques des changements climatiques sur les activités commerciales ainsi que sur d’autres sujets encore, le plus récent balado d’Osler, Exploration ESG, examine les évolutions et les enjeux qui touchent votre entreprise. Aux côtés d’invités bien informés d’Osler et du monde des affaires, John Valley, associé d’Osler, Droit des sociétés et Chef, ESG, guide les auditeurs sur les sujets essentiels auxquels font face les organisations modernes.

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Hôte(sse)s

Colleen Moorehead
Colleen Moorehead
Conseillère spéciale
Toronto

Invité(e)s

John M. Valley
John M. Valley
Associé, Droit des sociétés
Toronto
Deborah Rosati
Deborah Rosati
Administrateur de sociétés, Fondateur & CEO, Women Get On Board Inc.
Toronto

Transcription

COLLEEN MOOREHEAD : Dans l’épisode d’aujourd’hui de notre baladodiffusion, nous parlons des résultats du rapport d’Osler, Pratiques de divulgation en matière de diversité. Je m’appelle Colleen Moorehead, je suis chef de la direction client chez Osler et, aujourd’hui, je suis en compagnie de mon collègue John Valley. John, associé du cabinet et président de notre groupe de pratique en matière de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), est l’un des auteurs du rapport. J’ai également le grand plaisir d’accueillir Deborah Rosati dans cette baladodiffusion. Deborah est fondatrice et chef de la direction de Women Get On Board, une société comptant plus de 850 membres qui permet aux femmes de réseauter et qui les encourage et les aide à siéger à des conseils d’administration. Merci de vous joindre à nous, John et Deborah.

Deborah, pourquoi ne pas commencer par nous parler de Women Get On Board?

DEBORAH ROSATI : Merci. Très heureuse d’être ici. Merci de m’avoir invitée à votre baladodiffusion et de me donner l’occasion de parler de Women Get On Board. C’est ma raison d’être sociale.

Cette entreprise, que j’ai fondée en 2015, a pour mission de promouvoir l’accès des femmes aux conseils d’administration par le réseautage et le renforcement de leur autonomie. Et notre objectif est tout simplement de faire entrer une femme de plus dans un conseil d’administration, un conseil à la fois. Nous comptons plus de 850 membres partout au Canada, qui présentent des caractéristiques diversifiées en termes de compétences, d’expertise, d’origine ethnique, de race, d’âge et qui sont à différentes étapes de leur parcours vers l’obtention d’un siège dans un conseil d’administration.

Je tiens à remercier Osler d’avoir été un partenaire fondateur dès la création de notre mouvement et, plus récemment, d’avoir été un merveilleux commanditaire lors de notre premier sommet Women Get On Board, qui s’est déroulé en mai 2022. Et ce rôle est vraiment en phase avec l’un de nos objectifs, qui est de favoriser l’autonomisation, c’est-à-dire d’aider nos membres, de leur donner les moyens d’avoir davantage confiance en elles afin d’occuper des postes de direction et de siéger à des conseils d’administration. Cette baladodiffusion est donc tout à fait pertinente, car je sais que nos membres vont vraiment l’apprécier.

COLLEEN MOOREHEAD : Je vous remercie vraiment, Deborah. Nous pensons que vous êtes l’invitée parfaite pour l’épisode d’aujourd’hui. Il me semble que nous devrions commencer par une petite mise en contexte. John, pourquoi ne pas nous donner une idée de l’impulsion à l’origine de ce rapport?

JOHN VALLEY : Deborah, c’est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd’hui. Et je pense qu’il s’agit vraiment d’un excellent partenariat au fil des ans, qui, d’une certaine manière, couvre toute la durée de vie du rapport.

Il s’agit donc de la huitième édition de ce rapport que nous avons commencé à publier en réponse aux changements apportés à la législation sur les valeurs mobilières au Canada pour obliger les émetteurs à fournir dans leur circulaire d’information annuelle de l’information sur la représentation des femmes au sein de leur entreprise.

Et le projet qui avait commencé modestement a grandi. Juste pour vous donner une idée de l’ampleur du mouvement, nous avons recueilli plus de 125 000 points de données individuels pour produire les résultats publiés dans le rapport de cette année. C’est un véritable travail d’équipe. Et il nous semble important à la fois de communiquer les données – ce qui peut être mesuré peut être géré, comme le dit l’adage – et de fournir une feuille de route aux sociétés ouvertes canadiennes et à d’autres entreprises et organisations, afin de les aider à réfléchir à la diversité dans leur propre organisation et à l’augmentation de la diversité dans les conseils d’administration et aux postes de direction.

Cette démarche nous apparaît être d’une importance primordiale et ce volet « feuille de route » est peut-être la pièce maîtresse du rapport. C’est quelque chose qui, nous l’espérons, apportera une valeur ajoutée aux émetteurs tant aujourd’hui que par la suite.

COLLEEN MOOREHEAD : John, vous avez mentionné que le premier rapport avait été rédigé en 2015. Comment ce document a-t-il évolué au fil du temps?

JOHN VALLEY : Et bien, je pense qu’il a changé à certains égards importants. Tout d’abord, il a été lancé en réponse aux nouvelles exigences de la législation sur les valeurs mobilières concernant la divulgation de renseignements sur la représentation des femmes. Et dans les premières années, cet aspect était vraiment central. Ensuite, nous avons commencé à rassembler des données supplémentaires allant au-delà des exigences précises de la législation sur les valeurs mobilières et à examiner d’autres critères dans notre ensemble de données, par exemple, le nombre de femmes PDG, le nombre de femmes présidentes d’un comité, le nombre de femmes présidentes d’un conseil. Cela nous a donné une bonne idée de l’évolution de la situation, de ce à quoi ressemble le pipeline, de la façon dont les femmes progressent dans leur propre parcours vers l’obtention d’un siège dans un conseil d’administration, comme Deborah l’a mentionné, et de l’entrée au conseil d’administration à la présidence d’un comité, dans certains cas. C’est donc un marqueur utile. Nous avons essayé au fil du temps d’obtenir ces données supplémentaires.

Mais le plus grand changement s’est peut-être produit en 2020, lorsque la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA), la loi fédérale sur les sociétés, a été modifiée. Aux termes des modifications qui sont alors entrées en vigueur, toutes les sociétés ouvertes régies par la LCSA se voyaient désormais tenues de fournir dans leurs circulaires de sollicitation de procurations par la direction, c’est-à-dire le document exigé par la législation sur les valeurs mobilières, de l’information non seulement sur la représentation des femmes, mais aussi sur celle des personnes appartenant aux groupes appelés groupes désignés en vertu de la loi, à savoir les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées, et de présenter la répartition de ces groupes au sein de leur conseil d’administration et de leur haute direction. Cela a été un changement majeur.

Pour la première fois, en 2020, nous avons pu obtenir un ensemble de données, parce que nous dépendons pour cela des renseignements fournis par les émetteurs, portant sur des caractéristiques de la diversité autres que le sexe. Pour nous, il s’agit là d’un changement important et d’une évolution marquante pour ce que nous sommes en mesure de présenter dans ce rapport et de communiquer à nos lecteurs.

COLLEEN MOOREHEAD : Excellent. Donc, vous prenez des renseignements accessibles au public et vous en tirez des conclusions. Alors, John, quels sont les principaux points à retenir du rapport de cette année?

JOHN VALLEY : À mon avis, le principal fait marquant de cette année est que nous avons franchi quelques seuils importants. L’évolution a été lente. Et pour ceux qui suivent ce rapport depuis sa création, il y a eu de nombreuses années pour lesquelles nous dirons, en ce qui concerne le conseil d’administration en particulier, que les progrès ont été lents, mais réguliers, pas aussi marqués, pas aussi rapides que nous l’aurions souhaité, mais néanmoins tangibles.

Et quand on regarde les données d’une année à l’autre, c’est l’impression que l’on a. Mais en faisant le bilan de cette année, nous avons constaté pour la première fois que dans nos sociétés inscrites à la TSX, qui constituent le cœur de notre ensemble de données, 26 % des sièges des conseils d’administration étaient occupés par des femmes. C’est la première fois que nous franchissons le seuil des 25 %. Nous sommes à mi-chemin de la parité. Est-ce la fin du voyage? Non. Mais c’est un jalon important qui mérite d’être mentionné.

Et encore une fois, comme je l’ai dit, nous nous concentrons souvent sur ce que nous apprennent les données de l’année en cours. Mais si nous retournons en arrière, en 2015, quand nous avons fait notre premier rapport sur le sujet, ce chiffre était de 10 %. Donc, depuis la première parution du rapport, le nombre de femmes représentées dans les conseils d’administration des sociétés inscrites à la TSX a augmenté de 260 %.

C’est une augmentation à laquelle nous devrions réfléchir un instant, car elle est significative. Cela a pris beaucoup de temps. Il a fallu beaucoup de travail. Et, assurément, il reste encore beaucoup à faire. Mais c’est un grand changement sur lequel nous devons nous arrêter pour en souligner l’ampleur.

Et nous avons observé la même tendance dans l’autre sous-ensemble d’émetteurs que nous suivons. Dans les entreprises constituant l’indice composé S&P/TSX, donc les quelque 240 plus grandes sociétés inscrites à la TSX, les femmes occupent à présent un tiers des sièges au conseil d’administration et des postes dans la haute direction. Ici encore, il s’agit d’un seuil important, et c’est la première fois que nous le franchissons depuis que nous publions le rapport. Et au sein des sociétés de l’indice composé S&P/TSX 60, qui regroupe les 60 plus grandes sociétés inscrites à cette bourse, les femmes occupent 36 % des sièges d’administration.

C’est donc un progrès notable, qui commence à nous rapprocher de la situation que nous observons à l’échelle mondiale. Il y a beaucoup de choses à dire. Mais le fait d’avoir atteint ces jalons me semble être un thème important cette année.

COLLEEN MOOREHEAD : En effet. Et, Deborah, vous surveillez probablement de près toutes ces données. Qu’est-ce qui vous a sauté aux yeux en lisant le dernier rapport d’Osler par rapport à ses versions précédentes et aux tendances historiques? Quel genre de progrès avez-vous constaté jusqu’à présent?

DEBORAH ROSATI : Je suis ce rapport depuis huit ans. Et comme l’a souligné John, les changements ont été graduels d’une année à l’autre. Mais en faisant un retour en arrière, je dois dire que j’ai trouvé ces chiffres vraiment encourageants. Et j’ai pris connaissance de ce record qui a été battu avec, comme l’a mentionné John, 26 % des sièges des conseils d’administration de l’ensemble des sociétés inscrites à la TSX qui sont maintenant occupés par des femmes. Et comme vous l’avez dit, cela signifie que nous sommes maintenant à mi-chemin de la parité.

Et si vous vous souvenez bien, Catalyst avait sollicité la signature d’un accord, dont l’objectif était d’augmenter à 20 % le pourcentage de femmes siégeant à des conseils d’administration. Cet objectif a donc été dépassé.

Aux États-Unis, il existe un organisme qui s’appelait auparavant 20/20 Women in the Boardroom. Il s’appelle aujourd’hui 50/50 in the Boardroom; l’objectif est donc maintenant d’atteindre une représentation à hauteur de 50 % d’ici 2050. Je sais que je ne serai pas là pour en parler quand cela arrivera. Mais nous devrions à mon avis être alors très proches de cette valeur.

Pensons aussi au Club des 30 %. Le mandat ou l’engagement de cet organisme, qui est présent dans le monde entier, et pas seulement au Canada, était d’atteindre 30  %.

Alors, John, si vous pensez des 240 sociétés de l’indice composé S&P/TSX et de celles de l’indice composé S&P/TSX 60, ces entreprises ont atteint ce seuil. Donc si l’on regarde les chiffres globalement, le fait de fixer ces cibles et de travailler à les atteindre a été déterminant. C’est la raison pour laquelle l’examen rétrospectif de cette période de huit ans est intéressant : il permet de prendre du recul et se dire que la situation a bien changé.

Il reste encore des changements à apporter. Il reste encore des progrès à faire. Mais je pense qu’avec des rapports comme celui-ci, avec des investisseurs institutionnels autour de la table qui exercent des pressions - et je sais que nous allons revenir sur les points saillants du rapport concernant les objectifs et la communication de l’information, c’est ce qui permet de se démarquer.

Et je pense aussi que l’autre point de données vraiment remarquable est que pour la première fois, il n’y avait aucun conseil d’administration entièrement masculin, que ce soit dans les sociétés de l’indice composé S&P/TSX ou dans celles du S&P/TSX 60. À mon avis, c’est révélateur. Ensuite, parmi toutes les sociétés inscrites à la TSX, 11,6 % seulement ne comptent aucune femme au sein de leur conseil d’administration, comparativement à 47,5 % en 2015. Pour moi, c’est important.

Ensuite, il y a ce qu’on appelle le pouvoir du chiffre trois. Une femme au conseil d’administration, c’est un symbole. Deux femmes au conseil d’administration, c’est une présence. Et trois femmes au conseil d’administration, c’est une voix. Et c’est ce que nous recherchons.

J’ai joué le rôle de symbole à plusieurs occasions. Je pense qu’il est de mon devoir, de ma responsabilité collective d’y aller pour prouver le contraire. Mais ce concept du pouvoir du chiffre trois, du collectif, peut vraiment permettre d’amener un changement plus profond.

JOHN VALLEY : Je trouve cela intéressant, Deborah, que vous parliez du pouvoir du chiffre trois. Un autre aspect important est que parmi les 60 sociétés les plus importantes inscrites à la TSX, aucune de celles qui nous avaient transmis ses données à notre date limite du 31 juillet ne comptait moins de deux femmes au sein de son conseil d’administration. Cela aussi, c’est un signe de progrès.

Et si l’on regarde le nombre d’entreprises comptant 50 % ou plus de femmes membres de leur conseil d’administration tel qu’il était au moment où nous avons créé le rapport, la liste était tellement courte qu’elle aurait pu être insérée directement dans le résumé du texte. Cette année, pour la première fois, nous avons dû la diviser en colonnes dans un encadré, parce que ce nombre avait augmenté de près de 50 % par rapport à l’an dernier seulement. Il y a donc 27 entreprises de l’ensemble de données du TSX qui comptaient au moins 50 % de femmes au sein de leur conseil d’administration. Encore une fois, c’est tout un progrès. Cependant, il reste encore du travail à faire. Mais assurément, cela va dans le sens de votre principe du pouvoir du chiffre trois.

DEBORAH ROSATI : Je suis d’accord avec vous, John. Je pense qu’il faut voir les choses en face. Au lieu de retourner la question et de parler de ce que nous ne faisons pas, il faut voir ce qui va bien. S’arrêter pour se dire qu’il faudrait célébrer ces résultats. Et nous pouvons continuer à évoluer. Et ne pas oublier.

Et je sais que nous allons en parler. Au Canada, le régime juridique des valeurs mobilières est souple et repose sur le modèle « se conformer ou s’expliquer ». Donc il ne s’agit pas de force. Mais il y a des pressions. Il y a des politiques. Il y a des cibles. Il y a plusieurs moyens de faire ces progrès. Mais globalement, pour revenir à votre question, Patrick, j’ai été encouragée.

COLLEEN MOOREHEAD : Et y a-t-il une de ces statistiques particulièrement dignes de mention qui vous a sauté aux yeux ou qui vous a surprise, Deborah?

DEBORAH ROSATI : Le pourcentage que je souhaiterais voir encore augmenter : les femmes sont 7,4 % à présider un conseil d’administration. Puisque nous sommes à 26 % collectivement, je m’interroge : pourquoi ce chiffre est-il si bas alors que les femmes commencent à se hisser aux sommets, qu’elles ont fait leurs preuves? Est-ce parce qu’elles n’ont pas levé la main? Est-ce parce qu’elles ne sont pas prises au sérieux? Souffrent-elles du syndrome de l’imposteur? Peut-être ne pensent-elles pas qu’elles le méritent?

Je ne sais pas pourquoi. Mais je pense que plus nous aurons de femmes à des postes de direction, qu’il s’agisse de présidences de comités ou de présidence de conseils d’administration, plus nous contribuerons à élever la prochaine génération. Le point de données pour les femmes PDG est de 5,3 %. Donc le pourcentage de femmes présidentes d’un conseil est plus élevé que celui de femmes PDG. Je pense que collectivement, nous pouvons mieux faire à ce sujet. Et j’aimerais voir ces chiffres augmenter au fil du temps.

COLLEEN MOOREHEAD : Bien sûr. Et comme John l’a souligné plus tôt, ce qui est suivi est mesuré. Deborah, vous avez fait allusion il y a un instant, en ce qui concerne la divulgation de l’information, de l’obligation de se conformer ou de s’expliquer. John, pouvez-vous aider nos auditeurs à comprendre ce concept?

JOHN VALLEY : Bien sûr. Notre système est, à plusieurs égards, unique. Et lorsqu’on parle de l’obligation de se conformer ou s’expliquer, c’est qu’il existe en général une mesure que vous êtes censé appliquer, à défaut de quoi vous devez expliquer pourquoi vous ne l’avez pas fait. Autrement dit, nous avons une version modifiée de ce système dans le sens où nous disons « Par exemple, veuillez indiquer si vous avez une cible ou si vous n’en avez pas. Et si vous n’en avez pas, veuillez expliquer pourquoi. » Donc, on ne dit pas aux gens quelle est la cible. On leur demande simplement de dire s’ils en ont une et, s’ils n’en ont pas, d’expliquer pourquoi ils n’en ont pas. C’est utile dans le sens où cela donne une certaine latitude aux émetteurs en ce qui concerne la façon dont ils voient les choses et choisissent de les mesurer. C’est une façon de reconnaître le fait qu’au Canada, nous avons à la fois des émetteurs de très grande envergure et d’autres de taille plus modeste pour qui l’application de certaines de ces mesures prend un certain temps, et cela permet d’adapter son approche à la taille et aux ressources de l’organisation.

C’est donc le fondement de ce système. Et cette latitude peut avoir un coût, parce que vous pouvez vous retrouver avec une divulgation d’information variable selon le niveau de détail que donnent les émetteurs au sujet, par exemple, des raisons pour lesquelles ils n’ont pas de cible ou ne prennent pas en considération la représentation des femmes aux postes de direction. Et il existe plusieurs moyens rhétoriques assez faciles de s’en sortir et de s’en remettre aux principes de la méritocratie. Et nous n’avons pas de cible, ou nous ne tenons pas compte de la représentation des femmes à nos postes de haute direction.

Et de telles affirmations faites sans explication, bien franchement, ne sont pas très convaincantes. Et il y a des émetteurs qui ont choisi de ne pas avoir de cibles ou qui ne tiennent pas expressément compte de la représentation des femmes, et qui fournissent des renseignements très complets sur les raisons pour lesquelles ils ont fait ces choix. Et, encore une fois, c’est une des raisons pour lesquelles nous avons créé ce rapport. L’idée n’est pas de dire aux émetteurs quelle doit être leur réponse. C’est plutôt d’aider les émetteurs, en fin de compte, à savoir comment communiquer efficacement où ils en sont dans leur réflexion sur la diversité dans leur organisation et de leur fournir des outils pour leur faciliter cette tâche. Nous pourrons en reparler de façon plus détaillée tout à l’heure.

Mais ce sont les grandes lignes. Ni la loi sur les valeurs mobilières ni la LCSA n’obligent expressément quelqu’un à obtenir un résultat donné. L’exigence est que si vous n’avez pas de cible, vous devez expliquer pourquoi. Il s’agit donc d’essayer de promouvoir une certaine communication avec les parties prenantes sur ce que vous faites et ce à quoi vous pensez de l’organisation.

DEBORAH ROSATI : Alors, John, réfléchissons à voix haute au sujet de cette communication d’information sur la diversité, je pense qu’il y a ce concept dans les principes ESG sur l’écoblanchiment, il faut le mentionner, même si on ne le met pas en pratique. Et je pense que cela pourrait s’appliquer ici.

Donc, si vous réfléchissez consciemment à votre divulgation d’information sur la diversité dans votre entreprise, il est plus probable que vous y pensiez si vous devez fournir des chiffres. Et si vous vous retrouvez l’année prochaine avec votre circulaire de sollicitation de procurations et que vous n’avez fait aucun changement, cela pourrait vous faire réfléchir, n’est-ce pas? Et si les gens savent qu’il s’agit d’une bonne stratégie d’affaires, que les investisseurs institutionnels s’intéressent à la question et que celle-ci est la cible de nombreux points de pression, alors, le fait de se doter d’une politique en matière de diversité au sein du conseil d’administration, et même d’avoir des cibles, peut aider à aller dans cette direction, car si, année après année, vous ne faites pas de changement et si, année après année, vous devez expliquer pourquoi il n’y a pas de diversité dans votre entreprise, au fil du temps, je pense que vous pourriez vous sentir un peu découragé, ressentir de la honte ou un autre sentiment, peu importe le nom que vous lui donnerez.

Et, comme vous l’avez dit, il y avait 27 entreprises faisant partie de l’indice composé de la TSX, et elles ont obtenu un pourcentage supérieur à 50 %. Donc c’est faisable. Il faut seulement de la détermination. Cela ne signifie pas que vous allez vous présenter dès le premier jour. Et je pense que le pouvoir de l’intention d’avoir de la diversité est un état d’esprit.

JOHN : Et je pense que c’est une des grandes différences que nous avons observées cette année. Et vous parlez de l’influence de la communauté des investisseurs institutionnels et de certains cabinets de conseil en matière de procurations comme ISS et Glass Lewis, par exemple, et de certains changements qu’ils ont apportés aux directives de vote destinées à leurs membres actionnaires institutionnels, tant les institutions elles-mêmes dans certains cas que les cabinets de conseil en matière de procurations ont mis en place des directives concernant leurs attentes en matière de diversité. Et l’un des principaux éléments sur lesquels ils ont concentré leurs efforts est l’idée d’avoir une cible d’au moins 30 %.

Nous avons vu les investisseurs réagir. Ou plutôt, nous avons vu cette année des émetteurs réagir à cela. Nous avons vu plusieurs émetteurs indiquer qu’ils avaient augmenté leur cible concernant le nombre de femmes membres de leur conseil d’administration de près d’un tiers cette année. Nous avons donc pour la première fois une augmentation de plus de 40 %. Et l’année dernière, à près d’un tiers, nous pensions que des progrès tangibles avaient été réalisés. Il est donc encourageant à plusieurs égards de voir ces cibles mises en place.

Maintenant, il faut reconnaître que beaucoup d’entreprises qui avaient déjà atteint la cible l’ont adoptée. Mais il y a aussi le fait que, une fois la cible atteinte, elle constitue un critère de référence par rapport auquel vous savez que vous serez mesuré et vous pouvez vous mesurer au fil du temps. Par conséquent, je pense que le fait d’avoir mis en place ces cibles nous sera très utile avec le temps, alors que nous surveillerons les progrès futurs.

COLLEEN MOOREHEAD : Je vais revenir aux cibles dans une minute, mais j’aimerais comprendre pour quelles raisons les investisseurs ou les conseillers seraient disposés à accepter des situations où les sociétés préfèrent s’expliquer plutôt que divulguer. Quel est votre avis sur cette question, John? Et je serais curieuse d’entendre également votre point de vue, Deborah.

JOHN VALLEY : Oui c’est intéressant. Et il y a certainement des cas, au cours de la dernière année, d’entreprises qui n’ont pas atteint le taux de diversité préconisé par les cabinets de conseil en matière de procurations dans leurs directives de vote, auxquelles les émetteurs ont accès. Et ce qu’ils font dans de tels cas est de recommander que les actionnaires s’abstiennent de voter pour l’élection de certains administrateurs du conseil, en général le poste de président du comité des candidatures, responsable de présenter les candidatures aux postes d’administrateur.

En général, ils recommandent de s’abstenir de voter pour le membre du comité des candidatures responsable de désigner les personnes dont la candidature à un siège d’administrateur sera proposée aux suffrages lors de chaque assemblée annuelle. Donc c’est une tactique très efficace. Vous dites aux administrateurs : nous ne voterons pas pour vous si vous n’avez pas atteint le taux de diversité requis tel que nous l’avons défini.

Et donc c’est assurément un changement. Encore une fois, c’est une des raisons pour lesquelles je pense que l’un des facteurs qui sont examinés est l’adoption de cibles. À certains égards, il est possible de s’expliquer. Mais les directives de vote données par les cabinets de conseil en matière de procurations sont en général très claires : ils s’attendent à ce que vous ayez au moins atteint 30 %, que vous ayez fixé des cibles, etc., et ces exigences deviennent de plus en plus strictes. Ce n’est pas un quota obligatoire, mais c’est un facteur qu’ils évaluent.

Et, à mon avis, il serait difficile d’expliquer de façon convaincante pourquoi vous ne l’avez pas fait, à moins de pouvoir invoquer des circonstances atténuantes. Vous pourriez avoir eu un changement soudain dans la composition de votre conseil en raison de circonstances imprévues. À mon avis, ce type d’argument pourrait être utilisé comme justification pour une année donnée. Je ne pense pas qu’il serait juste d’appliquer ces règles strictes de façon dogmatique et sans exception. Mais je pense qu’ils ont clairement fait savoir qu’ils s’attendent à ce que les gens se conforment aux exigences qu’ils indiquent dans leurs directives de vote, à défaut de quoi ils seront en droit, de recommander aux actionnaires, comme ils l’ont fait au cours de la dernière année, de ne pas voter en faveur des administrateurs qui gèrent le processus de nomination.

COLLEEN MOOREHEAD : Et vous, Deborah, qu’elle est votre opinion? Outre les circonstances atténuantes auxquelles John a fait allusion, quelle est votre réaction lorsque vous voyez des entreprises qui choisissent de s’expliquer plutôt que de divulguer ou d’adopter des cibles?

DEBORAH ROSATI : Comme vous le savez, je milite en faveur du changement. Et je continue à me battre tous les jours. Je reçois des appels de personnes de sociétés cotées en bourse qui n’ont aucune femme siégeant à leur conseil d’administration, et ils me disent, en s’adressant à moi à titre personnel, êtes-vous intéressée? Nous avons besoin de quelqu’un pour présider notre comité d’audit.

Et j’aimerais leur répondre : mais enfin, nous sommes en 2022... et ce n’est que maintenant que vous y pensez? Ou alors on m’appelle pour me dire : bonjour, nous allons devenir une société ouverte dans six semaines et notre conseil d’administration manque de diversité. Êtes-vous intéressée? Et je connais beaucoup de personnes appartenant à cette catégorie. Et je leur dis : mais pourquoi commencez-vous seulement à y penser six semaines avant de devenir une société ouverte?

Donc je pense que certaines de ces conversations pourraient commencer beaucoup plus tôt. Et, dans une perspective de conseil comme Osler le ferait pour ses clients, et comme Women get on Board pour d’autres organisations et cabinets de recherche de cadres supérieurs, je pense qu’une réflexion collective doit être faite à ce sujet avant l’inscription en bourse et par la suite, parce que, John, je sais que le rapport d’Osler suit les dates auxquelles les sociétés deviennent ouvertes, mais l’année dernière, nous avons rédigé un rapport avec un partenaire, irlabs, dans lequel nous avons examiné toutes les sociétés qui ont été introduites en bourse en 2021, que ce soit à la TSX ou la TSXV, ou qui sont passées de la TSXV à la TSX. Globalement, ce qui était très très surprenant était que 15 % seulement des 237 sociétés inscrites en bourse en 2021 comptaient des femmes au sein de leur conseil d’administration.

Par conséquent, je voudrais simplement dire que non seulement les investisseurs institutionnels peuvent exercer une influence sur les sociétés ouvertes, mais nous devrions commencer à une étape plus précoce du processus. Et rien ne justifie de ne pas le faire : une entreprise qui entre sur le marché boursier est tenue à des normes de gouvernance très strictes. Et avoir de la diversité au sein du conseil relève de la bonne gouvernance. J’aurais beaucoup d’autres choses à dire à ce sujet. Mais je pense que l’on peut commencer plus tôt et poser les bonnes questions.

COLLEEN MOOREHEAD : Et il semble qu’une partie de ce processus est l’adoption de cibles. Ma première question à tous les deux, Deborah et John est la suivante : une cible est-elle équivalente à un quota?

JOHN VALLEY : En un mot, la réponse est non. Un quota - et, Deborah, vous pouvez bien sûr intervenir quand vous voulez, est à mon avis quelque chose qui est imposé. Par exemple, la loi pourrait exiger que les conseils d’administration soient composés d’au moins 40 % de femmes. C’est alors une exigence légale. Et dans certains cas, ce pourcentage précis peut être atteint, ou encore il faut expliquer pourquoi ce n’est pas possible. C’est ce qu’on appelle un quota.

Une cible est une valeur que l’entreprise a évaluée avant de l’adopter. Il y a à mon avis certaines nuances à faire, mais c’est la principale différence. Le quota est imposé de l’extérieur. La cible est quelque chose dont on parle, c’est quelque chose que l’entreprise a choisi d’adopter comme son propre objectif.

Et c’est à mon avis une différence vraiment primordiale, car l’une des deux, comme je l’ai dit, a une origine externe. Le quota ne tient pas compte des circonstances, de la taille, du degré de complexité de l’organisation, alors que l’autre, la cible autoadoptée, est quelque chose que l’émetteur peut examiner compte tenu de son âge, de son stade, de ses capacités, de son secteur d’activité ou d’autres circonstances, et choisir une valeur qui est à son avis judicieuse et réaliste pour une entreprise dans sa situation actuelle.

DEBORAH ROSATI : John, j’aimerais juste ajouter quelque chose à ce que vous venez de dire; il est vraiment important de comprendre la différence entre un quota et une cible. Et je pense que John a parfaitement expliqué la distinction entre le volet externe et le volet interne. Mais j’irais même encore plus loin en ce qui concerne le volet externe. L’un des premiers pays européens à imposer un quota a été la Norvège en 2008. Ce quota était de 40 %, comme John l’a indiqué.

Mais l’imposition du quota a eu une conséquence. Une entreprise qui n’atteignait pas ce pourcentage de 40 % à un moment donné pouvait être radiée. Donc certains des quotas avaient des conséquences, c’était la politique de la main de fer dans un gant de velours. Les quotas imposés n’ont pas toujours de conséquences négatives. Mais à mon avis, l’impulsion à l’origine de ces normes externes, du point de vue de l’autorité de réglementation, a parfois des conséquences très préjudiciables pour la société inscrite en bourse.

COLLEEN MOOREHEAD : Du point de vue de la défense des intérêts, Deborah, j’ai l’impression que le concept de quota a parfois une connotation négative. Êtes-vous d’accord? Cette évaluation est-elle juste? Et est-ce une distinction utile? Ou est-il utile d’établir une distinction entre les cibles et les quotas sous l’angle de la défense des intérêts?

DEBORAH ROSATI : On me pose souvent cette question. J’ai participé à de nombreuses conversations sur ce sujet. Et je ne suis pas en faveur des quotas, car leur origine est externe. Ils peuvent causer des réactions négatives.

Mais je pense que les cibles sont une bonne approche et, comme l’a dit John, elles sont autoadoptées. Si vous choisissez des cibles, vous serez par la suite mesuré par rapport à celles-ci. Vous allez travailler à les atteindre. Toutes les parties prenantes de votre entreprise, que ce soit vos investisseurs, vos employés, vos employés retraités, vos clients ou vos fournisseurs, vont avoir les yeux tournés vers vous. C’est donc à mon avis un seuil important à atteindre.

Et pour vous parler franchement, je ne sais pas si les quotas donnent les meilleurs résultats. Je pense que les cibles sont une option très efficace, et une chose qui m’a semblé très encourageante dans votre rapport est qu’il y a eu une adoption plus marquée de cibles, comme vous l’avez mentionné dans votre rapport. Et vous avez indiqué que 79,5 % des sociétés du S&P/TSX 60 avaient mentionné leurs cibles. Ce chiffre était de 41,4 % pour l’ensemble des sociétés inscrites à la TSX. Donc nous ne sommes pas tout à fait à 50 %, mais c’est une mesure significative du nombre d’entreprises qui adoptent des cibles.

COLLEEN MOOREHEAD : John, êtes-vous du même avis? Les données montrent-elles qu’il y a eu une augmentation marquée de l’adoption de cibles? Ce phénomène s’accélère-t-il d’une année à l’autre? Qu’indiquent les données?

JOHN VALLEY : Oui, l’adoption augmente assurément avec le temps. Si l’on revient en arrière, comme on l’a fait pour plusieurs autres points de données, en 2018, 17 % des émetteurs indiquaient avoir défini une cible en matière de représentation des femmes au sein de leur conseil d’administration. Et maintenant nous sommes à 41 %. On peut donc parler d’une augmentation très significative sur cette période de cinq ans. J’irais même jusqu’à dire que ça a plus que doublé.

Ce changement est amené, encore une fois, par des facteurs externes. Cela s’explique en partie par certains changements concernant les attentes des actionnaires institutionnels, certains changements touchant leur façon de voter. Si vous ne suivez pas les directives de vote, nous recommanderons aux actionnaires de s’abstenir de voter. Et je pense que cela a eu de l’effet.

Et bon nombre de cibles - autre chose, lorsque nous regardions les données de façon empirique, nous constations, sans le dire explicitement dans le rapport, que certaines des cibles dont a parlé Deborah tout à l’heure se situaient à 20 % ou à 25 %. Alors qu’aujourd’hui, elles se situent plus majoritairement à 30 %, ce qui est comparable à ce que nous voyons chez ISS, Glass Lewis ou dans des organisations comme le 30 % Club, n’est-ce pas? Les valeurs gravitent naturellement autour de 30 % ou 33 %.

Mais de plus en plus, nous voyons des cibles de l’ordre de 33 %, voire de 40 %, ce qui est tout à fait remarquable. Et elles doivent toutes être comparées à la situation en 2018, où seulement 17 % des sociétés avaient une cible. Il est donc encourageant de voir des gens qui exercent des pressions pour que la cible passe à un tiers et dépasse 40 %.

COLLEEN MOOREHEAD : La définition de cibles me semble être une sorte de point de départ minimal. Mais lorsque des femmes sont membres du conseil, Deborah, où pensez-vous qu’elles peuvent avoir le plus de poids? Est-ce uniquement à la présidence, ou dans quelles fonctions?

DEBORAH ROSATI : De nombreuses données montrent que fondamentalement, l’augmentation du nombre de femmes au sein d’un conseil d’administration s’accompagne d’une amélioration des résultats financiers, des décisions éthiques et des résultats en matière de facteurs ESG et de durabilité. Je pense donc qu’en tant que femmes, nous avons notre mot à dire. Nous sommes là parce que nous apportons à la table nos compétences et notre expérience.

Je dirais qu’en tant que femmes, nous devrions lever la main pour exercer des fonctions de direction, que ce soit pour présider un comité, diriger un comité spécial, être administratrice principale ou présidente du conseil. Il y a beaucoup de femmes très expérimentées qui ont des compétences éprouvées en matière de gouvernance. Je pense donc que notre temps est venu. Nous y sommes.

Et je pense aussi au contexte démographique, l’âge moyen des administrateurs est, je pense, de 62 ans. Nous devons abaisser cet âge. Et je pense que vous avez de plus en plus de femmes... Je sais que nous parlerons plus tard de la Grande démission et de divers autres facteurs, mais je pense que vous avez de plus en plus de femmes qui viennent à la table en pensant à... Nous avons tout le temps des conversations avec nos membres dans les programmes que nous menons, elles y pensent lorsqu’elles arrivent à la mi-quarantaine, ou parfois au début de la quarantaine, et se disent qu’au moment où elles atteindront un certain stade, elles veulent être dans une position et être préparées pour pouvoir être administratrices de sociétés indépendantes.

Donc l’intention est de plus en plus présente. Je fonde beaucoup d’espoirs sur cette nouvelle génération de femmes administratrices de sociétés, car elles sont très fortes. Elles sont très déterminées. Et elles sont très habiles sur le plan stratégique.

COLLEEN MOOREHEAD : D’après votre expérience, y a-t-il des rôles particuliers, que ce soit comme administratrice de société ou dans votre organisation, où vous voyez que les femmes se démarquent vraiment?

DEBORAH ROSATI : Eh bien, John faisait allusion aux présidents des comités de nomination et de gouvernance d’entreprise, à l’égard desquels les actionnaires peuvent s’abstenir de voter selon l’investisseur institutionnel visé, et je pense que le fait que ce soit une femme qui préside ce comité pourrait avoir une énorme incidence. Je ne veux pas insinuer que les candidats masculins qui président un comité de nomination et de gouvernance d’entreprise ne pourraient pas avoir une incidence comparable, mais vous pouvez intervenir et changer la situation. Vous pouvez vous joindre à une voix collective pour dire, désolée, cette offre n’est pas suffisante. La refuser. Nous n’avons pas cherché assez attentivement.

Et je pense que les gens qui occupent ces postes de leadership, que ce soit la présidence du conseil ou la présidence du comité de nomination et de gouvernance d’entreprise, agissent sur le renouvellement ou l’actualisation de ce conseil. Si l’on examine la question du point de vue de la gouvernance, devrait-on parler d’une limite de durée du mandat? Une telle limite pourrait-elle favoriser le renouvellement? Devrait-on déterminer qu’après 10 ans, on n’est plus indépendant, comme au Royaume-Uni?

Est-ce que cela pourrait favoriser le renouvellement du conseil? Devrait-il y avoir une limite d’âge? Certains de ces mécanismes de renouvellement peuvent parfois aider à amener un changement. Et je trouve que ces mesures, parallèlement à l’établissement de cibles, ont un fort potentiel de facilitation du changement.

COLLEEN MOOREHEAD : Je trouve la suggestion de se concentrer sur le rôle unique du président du comité de nomination et de gouvernance d’entreprise vraiment très intéressante. Alors nous avons beaucoup parlé du sexe en particulier. Mais quelles sont les autres caractéristiques qui figurent dans les renseignements divulgués sur la composition des conseils d’administration, John?

JOHN VALLEY : Oui, comme je l’ai mentionné, l’un des changements majeurs que nous avons observés dans la vie du rapport a été l’introduction dans la LCSA de la nouvelle obligation pour les sociétés régies par cette loi de divulguer différentes caractéristiques de la diversité autres que le sexe. Et la loi exige explicitement la communication de renseignements concernant les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées. Et c’est ce qui nous permet maintenant d’examiner et de mesurer ces paramètres depuis quelques années.

Et, en fait, nous avons commencé à voir des sociétés qui ne sont pas régies par la LCSA communiquer spontanément de l’information sur certaines caractéristiques de diversité autres que le sexe. En termes relatifs, une telle situation est encore peu courante. Mais encore une fois, je pense que c’est une réponse à la position que nous observons de la part des actionnaires institutionnels et de certains services d’évaluation de la gouvernance des entreprises, qui demandent aux émetteurs de fournir des renseignements plus nombreux et plus détaillés sur les caractéristiques de la diversité qui vont au-delà du sexe.

Et lorsque nous parlons de sexe, je pense que l’autre chose que nous devrions mentionner est que les exigences en matière de présentation de l’information figurant dans la loi sur les valeurs mobilières parlent des hommes et des femmes. Il n’existe pas vraiment, dans la loi sur les valeurs mobilières, d’appel à la mixité au sein des conseils d’administration de façon plus générale. Encore une fois, depuis la création du rapport, nous n’avons pas vu d’émetteurs fournir de l’information à cet égard. Mais je pense qu’au cours des prochaines années, c’est un aspect qui sera à surveiller, car nous nous attendons à des changements.

Mais nous pouvons parler des sociétés régies par la LCSA et des résultats que nous avons observés à cet égard. Cela dit, de façon générale, c’est ce qui a été le facteur déterminant qui nous a permis d’obtenir nos données sur ces autres caractéristiques liées à la diversité pour ce rapport.

COLLEEN MOOREHEAD : Alors, maintenant que nous disposons des données, à l’évidence, cela nous permet d’effectuer des mesures et d’en discuter. Deborah, à votre avis, quelles sont les caractéristiques autres que le sexe pour lesquelles il faudrait exercer des pressions?

DEBORAH ROSATI : Eh bien, je le vois lorsqu’une entreprise m’appelle pour me dire « Nous voulons faire entrer une femme au conseil, mais - même si le poste est défini par des compétences, nous aimerions beaucoup avoir une personne appartenant à une minorité visible ». Et donc ils la définissent. Je réponds : « d’accord, si c’est ce que vous voulez, vous devez indiquer que vous préférez une personne appartenant à l’un des groupes désignés et préciser quel groupe désigné vous recherchez ». À mon avis, l’intention est plus claire de cette façon.

Il faut donc constituer des communautés et offrir du soutien à tous les groupes désignés, et pas seulement aux femmes. Comme je l’ai déjà dit, nos membres ont des caractéristiques diversifiées sur le plan du sexe, de l’origine ethnique et de la race. J’ai fondé Women Get on Board en accordant une attention particulière aux femmes. Mais je sais que de nombreuses initiatives visent la représentation des femmes originaires d’Amérique latine ou appartenant au groupe des personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC). Donc, c’est faisable.

Je pense, John, que les groupes désignés sont apparus dans la LCSA en 2020. Et nous sommes en 2022. Donc vous en parlez dans votre rapport depuis seulement deux ans, n’est-ce pas? Le pourcentage est collectivement d’environ 10 %.

Si l’on pense au moment où vous avez commencé à faire ce rapport en 2015, uniquement sur les femmes et leur représentation dans les conseils d’administration, vous étiez à 10 %. Et regardez où nous en sommes aujourd’hui.

La sensibilisation, l’intérêt collectif et l’intention que je constate me permettent de croire que nous allons pouvoir changer la donne. Il fallait bien commencer quelque part, et cette mesure est le point de départ.

JOHN VALLEY : C’est une réflexion très pertinente, Deborah, parce que vous regardez la façon dont la réponse aux exigences évolue au fil du temps, et il y a deux choses très importantes au sujet de l’ensemble de données de la LCSA. Une chose à ne pas oublier est que cette année, nous avons recensé 366 entreprises qui ont fourni des renseignements que nous comptons dans notre ensemble de données. L’année dernière, il n’y en avait que 318. Par conséquent, en supposant que la taille de la population des émetteurs demeure relativement constante, 50 entreprises de plus que l’an passé ont communiqué des renseignements. Et si l’on compare avec la première année, en 2020, l’augmentation est comparable.

Il y a donc un plus grand nombre d’entreprises qui communiquent des renseignements, ce qui est encourageant. Le mouvement est en train de s’enraciner. Et Corporations Canada n’a pas ménagé ses efforts pour faire connaître et faire appliquer cette exigence. L’organisation a fait une grande campagne de sensibilisation en 2021. Je pense que cela a eu un effet.

L’autre aspect que nous devons garder à l’esprit au sujet de la population régie par la LCSA de l’ensemble de donnés est que, comme elle couvre des entreprises, ou des émetteurs qui sont inscrits non seulement à la TSX, mais aussi à la TSX-V, à la Bourse des valeurs canadiennes et à d’autres bourses de titres de second rang. On a donc affaire à des organisations qui n’ont pas la taille et l’échelle permettant de recueillir les données et de les déclarer, parce que le processus dépend de l’auto-identification par les administrateurs ou les dirigeants. De plus, ces entreprises se trouvent à un stade différent de leur cycle de vie, où les préoccupations au jour le jour de l’équipe dirigeante et du conseil ne sont pas tout à fait les mêmes.

Mais je pense que ce sont des entreprises qui sont globalement de plus petite taille dans l’ensemble de données de la LCSA (la moitié d’entre elles sont inscrites à la TSX, mais l’autre moitié ne l’est pas) ce qui fait que les normes de déclaration sont différentes d’un groupe à l’autre. Et le temps dont elles ont disposé, dans certains cas, pour s’attaquer réellement à ces questions, ce qui, je pense, va dans le sens de ce que vous avez dit, Deborah, à savoir l’importance de commencer à penser à certains de ces enjeux quand on est encore une société fermée, plutôt que d’attendre d’être une société ouverte; c’est un aspect sur lequel certaines organisations devraient se concentrer...

Mais nous avons observé un changement dans l’ensemble des groupes désignés, selon la définition qu’en donne la LCSA. Donc, les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées constituent environ 10 % de la population des administrateurs dans cet ensemble de données des entreprises assujetties à la LCSA. Mais nous ne devons pas oublier que cette fraction est constituée majoritairement d’administrateurs membres de minorités visibles, soit 8,3 %, comparativement à moins d’un pour cent et presque un demi pour cent pour les Autochtones et les personnes handicapées.

Il y a donc eu des progrès, et ce pourcentage de 8,3 % est une grande amélioration par rapport à ce que nous observions en 2020. Mais les chiffres globaux, en particulier pour les Autochtones et pour les personnes handicapées, demeurent très faibles, en termes tant absolus que relatifs.

DEBORAH ROSATI : John, je voulais juste mentionner un point de référence dans le rapport. Plusieurs entreprises de grande taille, qui font probablement partie de l’indice composé TSX, qui avaient des cibles portant sur des caractéristiques autres que le sexe. Ces cibles concernaient surtout les minorités visibles. Et une société en particulier que vous avez mentionnée s’était fixé une cible portant sur les Autochtones.

Je me demandais s’il y a des secteurs qui ont davantage besoin, en fonction de la nature de leurs parties prenantes et de leur représentation, d’avoir de telles cibles. Je pense donc que la situation n’est pas nécessairement la même dans tous les secteurs d’activité. Par exemple, dans les secteurs pétrolier, gazier et minier, on pourrait retrouver davantage de cibles concernant un groupe désigné en particulier, notamment les Autochtones. Il me semble donc important de tenir compte de ce type de référence.

JOHN VALLEY : C’est vrai. Et une autre chose que nous avons observée est que certaines entreprises ont des cibles ou fournissent des renseignements sur le nombre de membres de leur conseil d’administration qui appartiennent à un ou à plusieurs des groupes désignés. Et elles communiquent les renseignements pour l’ensemble des groupes désignés. De notre point de vue, il devient difficile de ventiler les données, car nous ne pouvons pas déterminer de quel groupe désigné, selon la définition de la LCSA, est issu chacun des administrateurs en question.

C’est quelque chose qui, à mon avis, complique notre tâche quand vient le moment de faire rapport de ces données. Mais à mon avis, cela ne change pas le résultat. Les nombres en termes absolus sont cependant encore très faibles. Et de nombreux aspects peuvent encore être améliorés.

Par ailleurs, les entreprises ont la possibilité de voir plus loin que les groupes désignés décrits par la LCSA, c’est-à-dire les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées, et de s’intéresser à des personnes présentant d’autres caractéristiques liées à la diversité. Mais selon nos observations, cela ne s’est pas encore produit. C’est donc un autre aspect que nous surveillerons. Les émetteurs vont-ils se mettre à fournir ce type d’information? Ici encore, cela dépend de la volonté des administrateurs de s’auto-identifier et de faire paraître cette information dans la circulaire. Nous garderons un œil sur cet aspect.

COLLEEN MOOREHEAD : John, le rapport met en évidence certains résultats frappants dont vous nous avez parlé. Deborah, sur le terrain, voyez-vous des améliorations tangibles pour les groupes désignés, les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées?

DEBORAH ROSATI : J’aimerais pouvoir dire que je vois des améliorations. À mon avis ce ne sont que des petits pas. Chez Women Get on Board, nous avons un programme de mentorat d’une durée d’un an. Il consiste à jumeler des femmes qui aspirent à occuper un siège au sein d’un conseil d’administration à des femmes qui sont des administratrices de société accomplies.

En plus, nous avons des commanditaires. Je souhaiterais que l’intégralité du programme soit commanditée. Mais ce n’est pas le cas. Mais certains commanditaires me disent : « dans le cadre de notre commandite, nous aimerions voir des membres de groupes désignés, des individus, des femmes souhaitant devenir membres d’un conseil qui appartiennent au groupe des personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) ». Donc, c’est très important.

Et lorsque je choisis les mentors, je m’assure de tenir compte de ces caractéristiques de diversité. Il existe donc une intention. Et ni les compétences ni l’expertise ne sont sacrifiées. Il y a une intention parce que ces personnes existent, c’est sûr. Je voulais juste donner un exemple.

COLLEEN MOOREHEAD : Jusqu’à présent, nous avons évoqué principalement la divulgation de renseignements sur la représentation des femmes à des postes d’administratrice. Mais, John, le rapport s’intéresse également aux postes de dirigeante. Pourriez-vous nous décrire rapidement certaines tendances que vous avez observées dans le rapport de cette année?

JOHN VALLEY : Certainement. Que l’on regarde les résultats d’une année à l’autre ou l’évolution au cours des cinq à six dernières années, le constat est le même : les progrès observés au niveau des postes de la haute direction ont été hésitants et beaucoup plus lents que ceux constatés au niveau des conseils d’administration. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Relativement parlant, les postes de direction sont moins nombreux. Leur taux de roulement est donc moins élevé.

On peut augmenter d’un siège la taille du conseil, mais il est plus difficile d’ajouter un autre poste de haute direction. Il n’y a qu’un chef de la direction. Il n’y a qu’un chef des finances.

La progression est donc beaucoup plus lente. Et pendant quelques années, je pense que nous n’étions pas surpris de cela. Je pense que l’on voit un léger progrès depuis la création du rapport, mais c’est très timide par rapport au ton très optimiste avec lequel nous avons commencé la conversation, mais lorsque l’on parle des membres de la haute direction, la progression a été beaucoup plus lente. Cependant, le pourcentage moyen que nous avons observé cette année a atteint 20 % pour la première fois. Soit un cinquième. C’est une amélioration par rapport à notre point de départ. Mais elle est beaucoup plus lente que ce que nous souhaiterions.

COLLEEN MOOREHEAD : Donc nous observons certains progrès. Deborah, on a entendu aux nouvelles différentes histoires au sujet de la Grande démission, la démission silencieuse et d’autres phénomènes qui ont pris naissance pendant ou après la pandémie. Selon vous, quel a été l’effet de ces tendances sur les progrès que nous constatons aujourd’hui, tant pour les sièges au conseil d’administration que pour les postes de haute direction?

DEBORAH ROSATI : Parlons d’abord des postes de haute direction. Je pense que la pandémie a eu une incidence très importante pour les femmes, qui étaient plus nombreuses à rester à la maison pour s’occuper des jeunes enfants, de l’école à la maison. Et je pense qu’à leur retour, elles avaient pris un peu de recul.

Et je pense que le pipeline, John, si nous nous approchons de 20 % des postes de la haute direction occupés par des femmes, je crains que ce pipeline soit percé en raison de ces phénomènes de Grande démission et de démission silencieuse, parce que je pense que comme les gens sont revenus au bureau, et comme nous le savons, il y a le travail en mode hybride… De quoi s’agit-il? D’après ce que j’entends de façon empirique dans les conversations, les femmes sont plus nombreuses à avoir la responsabilité de la garde des enfants après la classe lorsque l’école n’offre pas ce service. Donc elles n’ont pas de contacts directs au bureau. Elles sont peut-être en télétravail.

Donc je pense que les femmes en particulier subissent plus de contraintes du point de vue de l’équilibre travail-vie personnelle. Et je n’ai pas toutes les données. Mais un rapport intitulé Women in the Workplace a été publié en octobre. Et dans ce rapport, il est indiqué que pour chaque femme occupant un poste au sein de la haute direction d’une entreprise qui a obtenu une promotion en 2021, deux femmes au même niveau ont quitté cette entreprise. Par conséquent, au lieu d’augmenter ce nombre, cela revient à faire deux pas en avant, mais cinq pas en arrière, n’est-ce pas?

Et donc je pense que… nous n’avons pas encore les données… mais, John, je pense que lorsque vous rédigerez le rapport pour la prochaine période, c’est-à-dire 2022, il sera vraiment intéressant de voir quelles sont les répercussions. Donc c’est préoccupant. Les organisations et les entreprises doivent trouver des moyens pour engager des femmes à des postes de leadership et faire en sorte qu’elles conservent ces postes, car, si notre pipeline commence à fuir, cela aura des répercussions sur les équipes de direction. Il y aura également des conséquences pour les conseils d’administration.

JOHN VALLEY : Je trouve ce commentaire intéressant, car la situation crée d’une certaine façon des vents contraires; en effet, si l’on regarde le nombre et le pourcentage de femmes siégeant à un conseil d’administration de façon globale, on se dit que, peut-être ce chiffre pourrait agir comme un catalyseur et permettre une amélioration tangible de la situation pour les postes de la haute direction. Cela pourrait avoir d’une certaine façon un effet compensateur. Et, comme l’a dit Deborah, il sera très intéressant de voir ce qu’il se passera au cours des prochaines années.

COLLEEN MOOREHEAD : Oui, à plusieurs égards, avec la pandémie, nous sommes tous devenus des statisticiens amateurs et nous suivons avec intérêt les indicateurs, qu’ils soient positifs ou négatifs. Et je suis frappée par le fait que ce type de tendance ne sera pas confirmée par les données avant quelques années. C’est donc un élément que nous devrions tous surveiller, et nous devrions être plus particulièrement attentifs au risque de fuites dans le pipeline évoqué par Deborah et nous en préoccuper.

Nous allons maintenant passer, je l’espère, à des angles d’approche et des aspects du rapport plus optimistes. John, certaines pratiques exemplaires sont soulignées dans le rapport. Pourriez-vous nous expliquer rapidement de quoi il s’agit? Par la suite, Deborah, nous aimerions beaucoup avoir votre avis sur certaines de ces pratiques exemplaires. Mais tout d’abord, John, il serait utile de remettre les choses dans leur contexte.

JOHN VALLEY : Certainement. Il s’agit de la section du rapport où il est question de présenter une feuille de route, et plusieurs aspects sont abordés. Tout d’abord, il explique certaines des pratiques exemplaires mentionnées par les émetteurs. Il s’agit d’initiatives en matière de diversité, d’équité et d’inclusion qu’ils ont mises en œuvre au sein de leur organisation, ce qu’ils font pour promouvoir le perfectionnement professionnel des femmes employées et pour favoriser leur progression dans le pipeline dont parlait Deborah plus tôt. Et cela nous semble très important, car ce faisant, on montre aux autres émetteurs ce qui est possible, comment les autres entreprises traitent les enjeux auxquels ils font face eux aussi, ce qu’elles en pensent, ce qu’elles font pour tenter d’aller plus loin dans le continuum et comment elles voient la diversité au sein de leur organisation.

Dans le rapport, nous présentons également, et cela nous semble important, certains renseignements divulgués par les émetteurs qui sont des exemples vraiment éloquents, qu’il s’agisse de parler de l’importance de la diversité, des meilleurs pratiques et stratégies pour accroître la diversité, de ce qu’ils pensent des cibles, des raisons pour lesquelles ils n’ont pas adopté de cibles, bref, des exemples parmi les meilleurs à mon avis destinés à aider les entreprises qui n’ont pas défini de cibles ou qui ont des cibles moins exigeantes, à leur expliquer de façon plus concrète pourquoi c’est important au lieu d’invoquer le respect des principes de la méritocratie. Et je pense que cet aspect est très important. De plus en plus, des exemples où les entreprises nous disent : « nous reconnaissons que nous avons des défis à relever. Et nous ne sommes pas où nous souhaiterions être en matière de diversité dans notre organisation ». Voici pourquoi.

Dans le rapport de cette année, nous avons trois ou quatre exemples où les émetteurs reconnaissent sans détour les difficultés qu’ils éprouvent. Et ils expliquent ce qu’ils font pour y remédier. Il me semble que ce type de témoignage est vraiment important, car il permet aux émetteurs d’entamer une réflexion s’ils n’ont pas atteint l’objectif souhaité sur les questions liées à la diversité. Donc, Deborah, je suis curieux de savoir ce que vous pensez de certaines de ces pratiques en particulier.

DEBORAH ROSATI : Oui, nous avons vraiment de la chance. Certains de nos membres figurent parmi les plus importances entreprises au Canada. Et le principe qui sous-tend la démarche est d’accroître la représentation des femmes de premier plan au sein de leur conseil d’administration. Cela ne signifie pas que tout doit être fait aujourd’hui. Pour cette raison, les entreprises élaborent des programmes.

J’ai également animé des ateliers personnalisés pour les très grandes entreprises qui souhaitent vraiment outiller les femmes. Elles ont mis sur pied des groupes et des programmes de réseautage entre femmes au sein de leur organisation. Et elles souhaitent fournir des outils et des ressources afin d’aider les femmes à progresser jusqu’aux postes de direction. J’ai aussi publié récemment un guide accessible en ligne décrivant les avantages de siéger à un conseil d’administration à titre de cadre supérieur. Donc je pense que les organisations peuvent aider les femmes chefs de file de leurs équipes et leur dire que dans le cadre de leur cheminement de carrière, le fait de siéger à des conseils d’administration ne peut que les aider à parfaire leurs compétences en leadership.

Donc il existe des programmes. Et il y a aussi du mentorat. Et de nombreuses grandes entreprises offrent ces types de ressources. Si vous vous voyez vous-même comme un modèle, ou quelqu’un comme vous ou un modèle pour vos pairs ou votre organisation vous aider au moyen de programmes et de ressources, on peut vraiment parler de soutien. Et si vous ne le voyez pas, vous n’aurez probablement pas de motivation à rester dans cette entreprise. Ou encore, la voie menant à un poste de la haute direction pourrait être difficile à trouver.

COLLEEN MOOREHEAD : Donc à la fin du rapport, vous présentez des extraits intégraux de l’information fournie par les entreprises à titre d’exemples de pratiques exemplaires. Alors, Deborah, j’aimerais savoir si l’un de ces exemples vous a frappée, que ce soit par son caractère novateur, son intérêt ou parce qu’il permet vraiment de repousser les limites?

DEBORAH ROSATI : Je citerais Kinaxis à titre d’exemple. C’est une entreprise technologique de la région d’Ottawa. Je connais leur DPRH et j’ai été ravie de voir ce qu’ils font.

Ils ont des pratiques très précises de recrutement et d’embauche, car au moins une des personnes qui mènent les entretiens doit provenir d’un groupe sous-représenté, que ce soit pour un siège au conseil d’administration ou pour un poste de direction. Dans un tel cas, vous recevez de l’empathie. Et votre candidature est examinée de façon pertinente. On voit donc ici le choix délibéré d’avoir, au sein de cette équipe qui mène les entretiens de sélection, une personne appartenant à un groupe sous-représenté. J’ai trouvé que c’était une nouvelle pratique très originale.

John, il y a une autre entreprise, Dream Unlimited, qui, depuis plusieurs années, dépasse les 50 % de femmes candidates à un siège au conseil d’administration. Je sais que cela existe depuis quelques années, c’est sûr. Ils ont des programmes. Ils ont un programme de mentorat au sein de leur organisation visant à favoriser l’émergence de leaders et de mentors. Ils ont un comité. Ce sont donc des programmes internes.

Ensuite, il y a d’autres organisations qui ont des groupes de réseautage et de ressources, comme la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, qui fait partie de ceux que vous avez recensés. Et aussi ATS, Automation Tooling System, qui a des programmes de mentorat, en plus de programmes de ressources offerts au sein de l’organisation. Ils souhaitent contribuer à favoriser cette nouvelle génération de femmes dirigeantes et cette nouvelle génération de femmes membres de conseils d’administration. Dans le rapport, John, j’aime beaucoup le fait de pouvoir consulter toutes vos données et, à la fin, d’avoir ces exemples et ces pratiques exemplaires qui sont comme des phares, parce qu’après en avoir pris connaissance, si vous vous demandez comment procéder, je pense que vous avez une liste vraiment impressionnante d’entreprises qui obtiennent d’excellents résultats.

COLLEEN MOOREHEAD : Le moment est maintenant venu de regarder dans notre boule de cristal et de faire quelques prédictions concernant les prochaines tendances. Alors, à quoi vous attendez-vous tous les deux pour la prochaine année? Commençons par vous, John!

JOHN VALLEY : Merci. Je pense que nous allons continuer à nous acquitter de notre mandat de surveillance de l’évolution de la situation de façon générale. La divulgation de l’information sur la diversité au-delà du genre sera assurément au centre de notre attention. Nous allons voir comment les cibles qui passent par certains membres de la haute direction qui deviennent des forces d’attraction et de pression permettent d’améliorer la représentation des femmes au sein des conseils.

Nous devons tenir compte des vents contraires pouvant être créés par la Grande démission pour freiner l’augmentation du nombre de femmes à des postes de direction, voir comment cela va évoluer… Telles sont à mon avis les tendances en ce qui concerne les données. Et je pense, Deborah, qu’il y a aussi des tendances plus larges qu’il sera aussi intéressant de surveiller.

DEBORAH ROSATI : En effet, je vais présenter les macro-tendances plus larges auxquelles je pense. Il existe une réelle tendance à s’intéresser non seulement à la diversité, mais aussi à l’inclusion. Et je voudrais commencer par une belle citation, qui dit que la diversité, c’est avoir un siège à une table, l’inclusion, c’est avoir une voix, et l’appartenance, c’est faire entendre sa voix. Alors, comment faire pour changer les choses?

Un article de la publication Harvard Business Review posait la question suivante : votre conseil d’administration est-il inclusif ou seulement diversifié? Et les auteurs indiquaient cinq stratégies pour rendre le conseil plus inclusif. Et à l’évidence, un grand nombre de ces principes s’appliqueraient à la constitution de votre équipe de direction et de votre organisation. Mais dans le cas d’un conseil d’administration, comment aller au-delà de la simple représentation, c’est-à-dire atteindre un certain nombre, pour le rendre plus inclusif?

Ce que conseillent les auteurs, c’est d’abord de choisir un président qui sait écouter. Deuxièmement, il faut recueillir des données sur la diversité et sur l’inclusion et en tirer des enseignements. D’accord, maintenant vous recueillez les données. Mais qu’est-ce que cela signifie?

Troisièmement, il faut s’engager auprès des mentors et des candidats issus de la diversité. J’utilise à nouveau Kinaxis à titre d’exemple. Cette entreprise a pris des mesures pour faire participer des groupes sous-représentés afin qu’ils se sentent inclus et sachent qu’ils font partie de l’effort de déploiement de la diversité.

Il faut aussi donner des moyens aux sous-comités. Pas seulement aux comités du conseil d’administration. Ils veulent s’assurer d’avoir de la diversité.

Ce ne sont que des exemples de façons de réfléchir à construire non seulement la diversité, sur laquelle le rapport est axé, ce qui est louable, mais aussi sur l’inclusion, qui est l’étape suivante. Et donc, encore une fois, pour qu’il y ait un sentiment d’appartenance, quel que soit le contexte, il faut être inclusif. Et comme on dit, vous pouvez être invité à une soirée dansante, mais vous devez être invité à danser. De même, il ne suffit pas de siéger au conseil, il faut aussi pouvoir participer à la conversation, faire totalement partie des échanges.

COLLEEN MOOREHEAD : Ce sont des pistes et des suggestions très intéressantes tant pour notre public que pour les autres. Nous essaierons de publier également l’information sur cet article. Deborah, où pouvons-nous trouver de plus amples renseignements sur votre organisation?

DEBORAH ROSATI : Womengetonboard.ca. Nous offrons beaucoup de ressources. Nous organisons des événements. Des événements virtuels. Et nous constituons un collectif. Et en tant que collectif et communauté, avec des partenaires et des commanditaires comme Osler, nous sommes unis par la même volonté de bâtir une communauté plus diversifiée et d’améliorer la gouvernance.

COLLEEN MOOREHEAD : Merci beaucoup, Deborah, d’avoir fait entendre votre voix et de nous avoir raconté votre histoire et expliqué votre point de vue. Je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui. John, vraiment très rapidement, où peut-on se procurer le rapport?

JOHN : La page d’accueil du site Web d’Osler est probablement le moyen le plus facile d’y accéder.