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Les facteurs ESG et l’avenir de la durabilité

Le 1 Juin 2022

Durée: 50 min  Date: 2022/06/01
 

 

Dans cet épisode, Andrew MacDougall, associé d’Osler, s’entretient avec Michael Torrance, vice-président et premier directeur de la durabilité de BMO Groupe financier, de l’importance des facteurs ESG pour la durabilité et la responsabilité des entreprises. Les facteurs ESG renforcent l’idée que pour obtenir une valeur à long terme pour les actionnaires, l’évaluation de la performance d’une entreprise ne se limite pas aux résultats financiers. Une bonne gouvernance exige d’intégrer efficacement les considérations environnementales et sociales dans toutes les décisions de l’entreprise qui ont des répercussions sociales.

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Balado Exploration ESG

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Portant sur l’évolution des exigences réglementaires, sur l’activisme des investisseurs et sur les effets physiques des changements climatiques sur les activités commerciales ainsi que sur d’autres sujets encore, le plus récent balado d’Osler, Exploration ESG, examine les évolutions et les enjeux qui touchent votre entreprise. Aux côtés d’invités bien informés d’Osler et du monde des affaires, John Valley, associé d’Osler, Droit des sociétés et Chef, ESG, guide les auditeurs sur les sujets essentiels auxquels font face les organisations modernes.

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Hôte(sse)s

John M. Valley
John M. Valley
Associé, Droit des sociétés
Toronto
Andrew MacDougall
Andrew MacDougall
Associé, Droit des sociétés
Toronto

Invité(e)s

Michael Torrance
Michael Torrance
Premier directeur de la durabilité
BMO Groupe financier

Transcription

JOHN : Dans cet épisode, nous allons nous entretenir avec Michael Torrance, vice-président et premier directeur de la durabilité de BMO Groupe financier. Michael est responsable de la stratégie et assure la durabilité de la gouvernance, de la communication d’information, de l’engagement et de l’innovation au sein de BMO Groupe financier. Avant d’entrer au service de BMO, il était associé d’un cabinet d’avocats international où il a dirigé la mise en place d’un service de conseils en matière de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Il est également l’hôte du balado des leaders de la durabilité de BMO.

Michael s’entretient avec Andrew Macdougall, un associé au sein du groupe de Droit des sociétés d’Osler et un expert reconnu dans les questions de gouvernance d’entreprise, de rémunération de la haute direction et d’activisme des actionnaires. Andrew conseille fréquemment les conseils d’administration et la direction sur les questions de gouvernance et de communication d’information, y compris la surveillance et la responsabilité en matière de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que la communication d’information au public et les déclarations volontaires sur les questions et les pratiques liées aux facteurs ESG.

ANDREW MACDOUGALL : Michael Torrance, bienvenue dans le balado d’aujourd’hui. C’est tellement merveilleux de vous avoir ici avec nous. Et de pouvoir parler un peu à nos auditeurs de la durabilité et de ce que cela signifie. Donc, pour nos auditeurs, pouvez-vous nous parler un peu de votre rôle en tant que vice-président et premier directeur de la durabilité à la Banque de Montréal et depuis combien de temps vous occupez ce poste ?

MICHAEL TORRANCE : Certainement, je vous remercie, Andrew, et je remercie Osler de m’avoir invité à prendre la parole. C’est toujours un plaisir de voir des cabinets d’avocats s’engager sur ce sujet. Étant moi-même avocat, je pense que les cabinets d’avocats et les conseillers juridiques ont un rôle important à jouer dans ce domaine.

En ce qui concerne mes fonctions actuelles, je supervise la stratégie de la banque en matière de durabilité, de communication d’information et d’engagement externe. Et je me concentre vraiment sur la gestion de la durabilité de notre entreprise. Je tiens à faire cette distinction, car il existe d’autres équipes au sein de la banque qui sont plus axées sur le conseil à la clientèle ou sur le développement de produits et services liés à la durabilité. J’ai pour priorité la gestion de la durabilité de l’entreprise.

En pratique, cela consiste à conseiller notre comité exécutif et notre conseil d’administration, et à travailler avec de nombreuses équipes différentes au sein de la banque afin de développer des programmes et des procédures conformes aux meilleures pratiques internationales en matière de durabilité, qui sont très vastes et peuvent concerner les dimensions environnementales, sociales et de gouvernance, du changement climatique à la diversité et à l’inclusion, en passant par les questions de droits de la personne et les pratiques de gouvernance liées à la durabilité. Mon équipe supervise l’élaboration de nos rapports annuels. Et comme je l’ai mentionné, nous travaillons beaucoup avec les investisseurs et d’autres personnes qui s’intéressent de plus en plus à la manière dont nous gérons ces sujets en tant qu’organisation.

ANDREW MACDOUGALL : Vous êtes donc manifestement bien informé en matière de durabilité et vous avez l’expertise nécessaire pour parler de la signification de l’ESG, le sujet de la conversation d’aujourd’hui. ESG est l’acronyme de « environnement, social et gouvernance ». Et je vais approfondir la signification de chacune de ces composantes. Mais avant cela, j’aimerais prendre quelques minutes pour discuter de certains des autres termes utilisés au fil des ans et que les gens ont pu entendre, comme la responsabilité sociale des entreprises, l’acceptabilité sociale, puis la durabilité en général. Pouvez-vous nous décrire brièvement ce que chacun de ces termes signifie pour vous ?

MICHAEL TORRANCE : Absolument. Je vais peut-être aborder la question en prenant du recul par rapport à cet éventail de termes, même si je les évoque dans mes commentaires. Mais simplement pour essayer d’aller à l’essentiel et savoir de quoi nous parlons.

Ce dont nous parlons, c’est du rôle fondamental de l’entreprise dans la société. Et l’entreprise est un vecteur très puissant pour faire progresser la croissance de l’innovation économique, en générant des rendements financiers pour ceux qui prennent le risque d’investir. Et c’est un incroyable vecteur économique. Cependant, au cours des décennies et même des siècles d’existence de l’entreprise, un dialogue s’est instauré sur le véritable objectif de l’entreprise et sur son orientation stratégique.

Et ce n’est pas encore totalement défini. Mais je pense qu’en ce qui concerne ce sujet, nous constatons une prise de conscience du fait que l’impact d’une entreprise ne se limite pas à un impact économique ou financier. C’est un acteur du monde réel qui a des répercussions sur l’environnement, la société, les personnes et tous les autres facteurs avec lesquels elle interagit. Et elle est également touchée par ces facteurs. Il existe donc une vision de l’impact vers l’intérieur et vers l’extérieur. Par conséquent, l’impact est une considération importante.

Lorsque je pense aux facteurs ESG, je les considère comme les éléments constitutifs de la durabilité. Et quand je pense à la durabilité, je la vois comme la possibilité pour l’entreprise et la société au sens large de perdurer en gérant bien les impacts négatifs et en favorisant les impacts positifs pour dépasser les simples considérations financières. C’est une approche très globale des entreprises et de leur rôle dans la société.

Et cette notion peut être définie de différentes manières. Ainsi, si vous parlez de responsabilité sociale des entreprises, vous mettez l’accent sur le fait que les entreprises doivent penser à leur responsabilité au-delà de leur rôle consistant à générer des bénéfices ou de la croissance. Elles ont une responsabilité envers un plus large éventail d’intervenants, qu’il s’agisse de l’environnement, des collectivités ou des travailleurs.

Et l’acceptabilité sociale n’est qu’une autre façon de penser à cela, mais au fond, elle s’oriente davantage vers une reconnaissance de la dimension internationale de la durabilité, à savoir que la survie même de l’entreprise dépend de sa bonne gestion de ces facteurs. Et c’est ce qui lui donne l’acceptabilité sociale. Mais si elle ne gère pas bien ces facteurs, elle ne jouira pas de cette acceptabilité. Et donc, même le profit ainsi que l’objectif économique et financier de l’entreprise seront entravés par une mauvaise gestion.

Et puis, la notion de durabilité, c’est encore cette idée de la définition de la durabilité. Il existe de nombreuses définitions différentes. Mais l’une d’entre elles est simplement la capacité à endurer et à survivre sur le long terme. Tout dépend à la fois de la manière dont tous les acteurs de la société gèrent ces questions et, plus précisément pour l’entreprise, sa propre survie dépend de sa capacité à les gérer.

Lorsque vous réfléchissez de cette manière, et que vous commencez à définir les sous-éléments de tous les facteurs qui touchent la capacité de l’entreprise à jouir de l’acceptabilité sociale et à perdurer, je pense que ces facteurs sont bien définis par les notions de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. L’environnement étant la pollution générée, la gestion des ressources, les effets sur la biodiversité, la façon dont les entreprises influencent la politique mondiale et les questions sociétales comme le changement climatique.

ANDREW MACDOUGALL : L’utilisation des ressources, la gestion des déchets et tout cela.

MICHAEL TORRANCE : Et l’activité des entreprises, générant toutes sortes de bénéfices positifs pour la société, a aussi ces impacts négatifs potentiels. Il faut donc bien les gérer, car cela entraîne des conséquences sociales et d’autres impacts sociaux. Les entreprises ont des travailleurs, les travailleurs sont des personnes, qui ont des droits. Les entreprises sont en relation avec les collectivités. Elles ont peut-être affecté les droits des autochtones. Les entreprises ont tous les impacts sociaux. Encore une fois, elles doivent être bien gérées.

Et puis, pour ce qui est de la gouvernance, je considère le G comme le G associé à l’E et au S, plutôt que comme le G en soi, parce que lorsque nous parlons de durabilité, il s’agit de savoir si l’entreprise est bien gérée. La question est de savoir si l’entreprise intègre bien ces considérations dans ses activités, que ce soit d’un point de vue stratégique, d’un point de vue des pratiques de gestion ou de la gestion des risques.

Comment l’entreprise aborde-t-elle ces questions ? Comment s’engage-t-elle avec les intervenants externes ? Comment reçoit-elle un retour d’information ? Comment fait-elle preuve de transparence ? Tous ces éléments font partie de l’approche de gouvernance pour la gestion des questions environnementales et sociales.

ANDREW MACDOUGALL : Vous voyez donc que la pratique de gouvernance est une pièce maîtresse du puzzle qui cherche à intégrer les composantes E et S dans la prise de décision au sein de l’organisation. Cette description est-elle correcte ?

MICHAEL TORRANCE : Je le vois comme ça. Je veux dire, ce n’est peut-être pas comme ça que tout le monde le voit, mais moi oui. On se concentre beaucoup maintenant sur l’objectif de la société. Plusieurs efforts ont été déployés pour redéfinir cet objectif, pour l’élargir au-delà du rendement des actionnaires afin de lui attribuer un objectif social et pour encourager les entreprises à le définir. Et c’est ce que nous avons fait au sein de BMO Groupe financier. Nous nous sommes livrés à un exercice dans le cadre duquel nous avons redéfini notre objectif en tant qu’organisation, à savoir accroître audacieusement les bienfaits dans les affaires et dans la vie. Et nous avons créé plusieurs engagements liés à cet objectif qui le concrétisent.

Le premier consiste à promouvoir une économie florissante, ce qui est évidemment au cœur de notre rôle en tant que banque et dans l’économie. Le deuxième consiste à supprimer les obstacles à l’inclusion, notamment en ce qui concerne notre personnel et nos clients. Enfin, le troisième consiste à promouvoir un avenir durable, ce qui comporte plusieurs aspects, notamment la mobilisation de financements durables et une cible de zéro émission nette, afin d’intégrer réellement le changement climatique dans notre stratégie et notre gestion des risques et d’être un leader d’opinion auprès de nos clients pour les aider à passer à une économie à faible émission de carbone.

Et penser à notre objectif, cela correspond en partie à notre rôle. Toutefois, il faut reconnaître consciemment que nous sommes bien plus que de simples machines qui génèrent des profits. Les entreprises n’existent pas dans la société si elles ne jouent pas un rôle social, si elles ne poursuivent pas un objectif social, un bien social qui va au-delà de la simple rentabilité pour les actionnaires. Parce que si elles n’avaient pas ce rôle ou si elles ne servaient qu’à faire du tort, elles n’existeraient pas. La société peut très rapidement mettre fin à leur existence.

Et donc, encore une fois, il faut penser à cela de manière très pragmatique. Il ne s’agit pas de dire que c’est une licence de type réglementaire. On parle d’entreprises et d’investissements qui doivent pouvoir exister pendant des décennies, voire des siècles, c’est l’objectif. Il faut donc avoir une vision de la valeur à long terme si l’on est une véritable entreprise, comme le souhaitent la plupart des grandes et même des petites entreprises. Elles veulent être en mesure de survivre, de perdurer, de réussir et d’avoir de la valeur sur le long terme.

ANDREW MACDOUGALL : J’aime le concept d’objectif, car il permet de définir la place de l’organisation dans le contexte plus large de la société. En effet, toute entreprise n’est qu’un moyen permettant à des êtres humains de réaliser certains projets. Ils pourraient le faire sous différentes formes de sociétés. Ils pourraient le faire au moyen d’une organisation gouvernementale. Mais il faut comprendre comment cette organisation réalise ses objectifs. Je pense qu’il est essentiel de comprendre ce qu’elle cherche à faire.

Merci, Michael, j’aimerais prendre un peu de recul et revenir à l’aspect environnemental des choses. Et en particulier, j’aimerais poser quelques questions sur le changement climatique. Ce sujet semble dominer la discussion ces jours-ci. Et je suis curieux de savoir ce que vous pensez du changement climatique dans le cadre de la partie environnementale en matière ESG. Et si cela va dominer la discussion sur le côté E des choses dans un avenir proche.

MICHAEL TORRANCE : C’est cela. C’est une étude de cas fascinante sur la durabilité. Et encore, je suis avocat de par ma formation. Donc je pense à la durabilité un peu différemment des autres praticiens. Je pense qu’il s’agit d’un processus d’ordonnancement normatif social.

Comme le droit, c’est très semblable au droit, mais c’est différent parce que le rôle de l’État par rapport à celui des autres acteurs est beaucoup plus flou. Il s’agit en grande partie de l’établissement de normes qui s’intègrent dans la gouvernance d’entreprise et qui sont déterminées par les investisseurs et les autres parties prenantes. Mais il y a de plus en plus de règles assez clairement définies auxquelles il faut se conformer pour que l’on considère que l’entreprise instaure de bonnes pratiques ou une bonne gouvernance. Il existe également des mécanismes permettant d’analyser si les entreprises se conforment ou non à ces normes, ainsi que des forces qui peuvent les pousser à s’y conformer si elles ne le font pas, ce qui constitue vraiment les éléments de base de tout système réglementaire.

C’est juste que, dans le cas de la durabilité des entreprises, les normes pourraient être élaborées en mettant en œuvre à la fois des pratiques industrielles et des normes qui pourraient ou non être approuvées par les États. Elles pourraient être élaborées par des associations industrielles. Les mécanismes d’évaluation pourraient être des éléments tels que les notations ESG ou les positions prises par les principaux gestionnaires d’actifs ou les gouvernements. Et pour devenir conforme, on pourrait passer par des choses comme des propositions d’actionnaires ou le vote par procuration, au lieu de passer par les tribunaux ou les organismes de réglementation.

Le climat en est la quintessence. Les impacts énormes que les entreprises et l’activité économique des activités humaines ont sur la planète et sur notre bien-être futur éventuel, la création d’externalités et de dégâts colossaux qui ne sont pas pris en compte comme il se doit par les systèmes financiers ou les systèmes économiques. D’où l’établissement d’un problème et d’une solution.

Le problème consiste à déterminer comment les émissions à l’échelle de l’économie affectent le climat et toutes les autres implications de ce phénomène, les problèmes sociaux qui en découleront. Et la solution consiste à réduire ou à éliminer ces émissions au fil du temps. Je pense que le changement climatique s’est imposé comme une question liée à la durabilité des entreprises, qui peut être abordée en partie par l’engagement des investisseurs et des institutions financières sur le sujet et qui ne sera résolue qu’en passant par une transformation réelle de l’économie qui nécessite l’intervention de l’entreprise et le changement dans la façon dont les entreprises fonctionnent afin de réduire les émissions.

ANDREW MACDOUGALL : D’après moi, peut-être qu’une façon d’envisager le changement climatique est de le voir comme l’une de ces choses qui affecte tout le monde sur la planète. C’est un problème mondial. Il faut donc une solution à l’échelle mondiale.

La solution ne peut donc pas être le fait d’un seul gouvernement, elle doit être le fruit d’un travail de coopération. Ça ne peut pas être une solution mise en place uniquement par le secteur public, mais une solution à laquelle participe le secteur privé. Et cela signifie que tout le monde doit contribuer à la solution qui… Vous voyez, c’est curieux que vous sembliez travailler sur ce très gros problème qui nécessite tant de coordination entre tant d’acteurs très différents comme celui que nous allons cibler et aborder du côté de l’environnement.

MICHAEL TORRANCE : Oui. Je suppose que c’est probablement pour ça, parce que l’on pense qu’il y a d’énormes implications si nous ne le faisons pas. Et cela donne un caractère d’urgence à ce qui est en train de se passer. Mais ce travail nous offre aussi une occasion exceptionnelle. Et je pense que c’est la partie qui est aussi un catalyseur pour l’activité du secteur privé.

Si l’on parle d’un investissement de 150 000 milliards de dollars pour réaliser cette transformation réellement et que cette transformation répond à un réel besoin social, à un besoin environnemental et à un intérêt pour notre bien-être à tous, les gouvernements, le secteur privé et la plupart des membres de la société seront partants. Alors rendre cette transformation concrète représente une très grande occasion. Et à BMO, c’est en partie la raison pour laquelle nous avons établi notre propre ambition carboneutralité.

ANDREW MACDOUGALL : Pouvez-vous nous dire ce qu’est la carboneutralité ? Qu’est-ce que cela signifie d’être carboneutre, et comment vous y prenez-vous ? Est-ce que vous arrêtez simplement tout ?

MICHAEL TORRANCE : Oui. L’idée de base, c’est donc que l’atmosphère est un espace fini. Et la cause du changement climatique est la concentration croissante de CO2 ou de gaz à effet de serre dans cette atmosphère. Et donc, essentiellement parce qu’elle est limitée, il y a une limite à la quantité d’émissions de gaz à effet de serre que nous pouvons rejeter dans l’atmosphère avant d’atteindre certains points de non-retour et que les effets du changement climatique deviennent plus prononcés et plus nuisibles.

L’idée de la carboneutralité est donc que nous devons arriver à un moment où nous n’émettons pas plus de gaz dans l’atmosphère que nous en retirons. Il doit donc y avoir un équilibre. Et c’est exactement cela la carboneutralité. Nous serons, à un moment donné, et le plus tôt sera le mieux, en mesure de capturer et de séquestrer les émissions de CO2, d’avoir des puits de carbone comme les forêts qui les empêchent de se répandre dans l’atmosphère, et de ne pas en rejeter dans l’atmosphère par notre propre activité économique plus que nous ne pouvons en gérer.

D’après la modélisation scientifique, nous devrions y parvenir d’ici 2050 au plus tard. Si nous n’y parvenons pas, nous commencerons à atteindre certains de ces points de non-retour et les effets les plus graves du changement climatique commenceront à se manifester. Le travail en vue de la décarbonisation doit être entrepris en tenant compte de cet horizon.

ANDREW MACDOUGALL : Nous allons faire une pause ici, sur la décarbonisation. Lorsque vous avez parlé des émissions que nous rejetons dans l’atmosphère, à savoir le CO2, quel est le lien avec la décarbonisation ?

MICHAEL TORRANCE : Oui. La décarbonisation consiste simplement à réduire les émissions des activités économiques, quelles qu’elles soient. Ainsi, qu’il s’agisse d’une centrale électrique, d’un cimentier, d’une fonderie ou de voitures, tous produisent des émissions. Notre but est de créer une quantité décroissante d’émissions pour pouvoir être dans cette situation à l’avenir, parce qu’à l’heure actuelle, si rien ne change, nous ne serons jamais en mesure de capturer ou de séquestrer les émissions ou d’avoir des puits de carbone pour faire face à la quantité d’émissions que nous émettons actuellement.

L’objectif est donc d’essayer de réduire les émissions, pas de les éliminer, et je pense que c’est une source de confusion. L’économie générera probablement des émissions même en 2050, c’est juste que nous serons capables de mieux les gérer.

ANDREW MACDOUGALL : Je vois. La décarbonisation signifie donc que nous devons simplement réduire ce que nous faisons actuellement afin d’arriver à un point où nous n’ajouterons pas plus à l’atmosphère que ce que nous pouvons absorber. Et j’imagine que les occasions résident dans ces outils de séquestration et autres pour les retirer de l’atmosphère. Les émissions que nous aurions autrement ajoutées.

MICHAEL TORRANCE : Oui. Soit les capturer pour qu’elles ne se répandent pas en premier lieu, soit, l’idéal serait probablement en fin de compte d’arriver à un point de carboneutralité où nous serions en mesure d’utiliser des choses comme la capture directe de l’air, sur laquelle travaillent des entreprises canadiennes innovantes comme Carbon Engineering, pour développer une technologie permettant de retirer ces gaz de l’air et d’arriver à une situation de carboneutralité si on peut le faire.

ANDREW MACDOUGALL : Quelqu’un a donc décidé que 2050 serait l’année où cet objectif serait atteint ? Cette date sort d’un chapeau ?

MICHAEL TORRANCE : Eh bien, non. Tout est basé sur la meilleure modélisation scientifique dont on dispose. Elle n’a pas la prétention d’être parfaite. Mais beaucoup d’efforts ont été déployés pour analyser ce problème. Il existe une organisation appelée Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, qui est la norme mondiale en matière de compréhension des implications du changement climatique et de l’impact de l’être humain sur le changement climatique. Le GIEC établit réellement les prémisses sous-jacentes qui sont utilisées par les décideurs politiques lorsqu’ils élaborent des accords tels que l’Accord de Paris.

Et donc nous, entreprises du secteur privé, nous devons accepter cette analyse telle qu’elle est, car elle représente le consensus de 196 gouvernements, de toute la société civile et des entreprises. C’est comme ça. Et donc nous devons maintenant, comme j’ai entendu quelqu’un le dire récemment, faire de la carboneutralité un principe d’organisation clé des affaires.

En d’autres termes, les entreprises seront évaluées en fonction de leur respect ou non de cet objectif. Et c’est juste une réalité objective. Vous n’avez pas besoin d’y croire personnellement.

Et donc, en matière de bonne gouvernance, vous devez maintenant, surtout si vous êtes une grande entreprise et que vous avez des investisseurs qui sont activement engagés sur ce sujet et que vous avez un rôle important à jouer dans l’économie, penser à la façon dont cette trajectoire viendra vous toucher ou à la façon dont vous pouvez toucher cet objectif politique.

Et lorsqu’il s’agit d’un secteur financier, d’une organisation comme la nôtre, d’une institution financière, d’un gestionnaire d’actifs bancaires, la principale façon dont nous pouvons influer sur cette situation consiste à allouer des capitaux et d’aider ceux à qui nous offrons des services bancaires et ceux que nous finançons à atteindre leurs objectifs de décarbonisation dans l’économie réelle et d’être l’institution qui peut leur fournir un financement pour atteindre cet objectif, les conseiller sur ce que tout cela signifie et peut-être sur les chemins que leurs industries devraient prendre pour atteindre ces objectifs.

Nous avons donc un rôle très important à jouer dans l’économie pour pouvoir progresser sur ce sujet. C’est pourquoi nous avons intégré l’idée d’une ambition carboneutralité dans notre engagement, parce que nous pensons que c’est un moyen de faire le bien et c’est notre objectif.

Nous nous sommes également penchés sur la manière dont nous collaborons avec nos clients. L’ambition carboneutralité est donc d’être le principal partenaire de nos clients dans la transition vers un monde carboneutre. Parce qu’encore une fois, il ne s’agit pas seulement pour nous de supprimer une partie de notre portefeuille de prêts pour montrer à quel point nous sommes écolos sur le papier. Cela n’a vraiment aucun impact positif sur la société. Nous devons « décarboniser » l’économie réelle. Pour qu’il y ait réellement moins d’émissions.

Le moyen d’y parvenir consiste donc à se pencher sur la question, à s’engager et à être en mesure de proposer des stratégies innovantes à nos clients pour les aider à atteindre cet objectif. Et d’être plus transparents sur ce que nous faisons. Nous venons de nous joindre à l’alliance bancaire Net Zéro, une initiative mondiale lancée par Mark Carney et une organisation appelée Glasgow Financial Alliance for Net Zero. Elle comprend des aspects liés au secteur des assurances, des aspects liés aux gestionnaires d’actifs, des aspects liés aux banques. Nous faisons partie de l’alliance bancaire et de l’alliance des gestionnaires d’actifs pour la carboneutralité.

Et ce cadre nous demande ostensiblement de mettre en œuvre une méthodologie pour quantifier les dimensions financières, puis de comprendre les voies de décarbonisation pour les différents secteurs, et enfin de nous fixer des objectifs que nous pourrons utiliser dans la planification stratégique et la gestion des risques et dans notre façon d’envisager nos efforts pour développer le financement durable, par exemple.

Ces initiatives contribuent donc à intégrer davantage le thème du climat et de la carboneutralité dans nos activités, et à garantir que nous prenons toutes les mesures possibles pour permettre de réaliser cet objectif. Mais nous ne sommes pas en mesure d’atteindre cet objectif nous-mêmes. Le gouvernement doit être un acteur majeur pour nous permettre d’atteindre ce résultat. Prenons l’image d’un tabouret qui a trois pieds ou plus. S’il manque un pied, alors le tabouret tombe.

Mais nous reconnaissons que nous sommes aussi l’un des principaux acteurs et que nous avons un rôle à jouer. Ainsi, l’engagement de l’industrie, comme l’adoption de normes telles que la NZBA ou une autre norme que nous appelons le partenariat pour la comptabilité du carbone, et l’adoption d’approches très techniques pour comprendre les risques et les occasions liés au changement climatique et être transparents à ce sujet, est un moyen important d’y parvenir.

ANDREW MACDOUGALL : J’aime la métaphore que vous avez employée pour décrire que vous ne pouvez pas faire cela tout seul. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il s’agit d’un problème mondial et qu’il faut coopérer entre plusieurs industries et zones géographiques pour trouver une solution. Et une institution financière se trouve aux premières loges, car les décisions qu’elle peut prendre aident différentes organisations et différentes zones géographiques à faire face à la situation.

Permettez-moi de revenir sur un autre de nos concepts, celui de la société juste ou de la transition juste, car l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés à cause du changement climatique est qu’il y a des économies très développées qui se concentrent sur la question, mais aussi un certain nombre d’économies qui ont un long chemin à parcourir. Comment voyez-vous le concept de transition juste dans le cadre du mouvement pour le changement climatique ?

MICHAEL TORRANCE : Bien. La transition juste est un concept important. Et je pense qu’il a différentes significations. Il y a la transition juste et puis il y a la justice climatique. Je pense qu’il s’agit de deux thèmes qui… Lors des réunions de la COP26, par exemple, on a beaucoup parlé de ces thèmes qui ont des significations différentes, et on leur a accordé beaucoup d’attention.

La transition juste reconnaît que nous parlons d’un changement économique majeur. Nous parlons d’un changement à l’échelle de la Révolution industrielle. Ainsi, lorsque vous effectuez ce type de transition, certaines personnes en subiront les conséquences négatives. Leurs emplois pourraient être affectés, les communautés pourraient être affectées par le changement des industries.

Et donc nous ne pouvons pas tout simplement l’ignorer. Nous devons être conscients de cela. Et nous devons, je pense, nous engager dans cette voie avec l’idée que le fait que les gens soient laissés pour compte n’est pas un résultat souhaitable.

Une transition juste prend donc cela en compte. Elle part du principe que l’investissement, la transition et l’innovation incluent l’investissement dans les personnes pour atténuer les pires impacts de la transition d’un point de vue économique. Et je pense que cela peut être valable dans un pays développé ou dans un pays en développement.

La justice climatique est un concept légèrement différent, qui se concentre sur l’impact inégal du climat. Ainsi, les impacts physiques sont souvent ressentis plus sévèrement dans les régions les plus pauvres ou les moins développées du monde. Beaucoup d’analyses sont faites sur les parties du monde qui connaîtront éventuellement des changements de température liés au changement climatique qui les rendront pratiquement inhabitables sans climatisation et sans tout le luxe que nous avons souvent, mais que beaucoup de gens dans le monde n’ont pas, ce qui pourrait affecter les réserves de nourriture et les ressources en eau disponibles.

Et c’est là que l’on craint une migration massive et des flux de populations pour tenter d’éviter ces dangers physiques qui menacent et qui sont exacerbés par le climat. C’est donc ça le sujet de la justice climatique, car il s’agit de communautés qui sont déjà défavorisées. Dans la plupart des cas, ils n’ont probablement pas beaucoup contribué au problème réel créé par les régions les plus industrialisées du monde. Il faut donc faire preuve d’attention et de réflexion sur la manière dont notre approche de l’atténuation du changement climatique et la poursuite d’objectifs politiques tels que la carboneutralité tiennent compte de ces questions et amènent les gens à s’entendre, sans créer de nouvelles situations défavorables pour certaines personnes ou communautés.

ANDREW MACDOUGALL : On ne peut laisser tomber personne. C’est ce que vous dites en fait.

MICHAEL TORRANCE : Oui.

ANDREW MACDOUGALL : Ça tombe bien parce que maintenant nous commençons à nous concentrer sur l’aspect social, la composante S de l’ESG ; l’environnement et le climat ont certainement tendance à dominer la conversation, mais il est grandement nécessaire de s’intéresser aux gens. C’est vrai, les gens sont employés, ils sont employés à la banque, ils sont employés dans les organisations qui sont financées par la banque, ils sont engagés dans les communautés dans lesquelles les organisations exercent leurs activités. Alors, comment la banque s’y prend-elle pour examiner la composante S de l’ESG ?

MICHAEL TORRANCE : Bien. C’est une partie extrêmement importante de la façon dont nous pensons à la durabilité. Et nous avons des équipes à la banque. Par exemple, nous avons une équipe chargée de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. Nous avons une équipe autochtone de services bancaires qui travaille avec l’équipe chargée de la diversité, de l’équité et de l’inclusion et qui est axée sur les questions autochtones du point de vue des ressources humaines ou de l’engagement communautaire. Ce sont des exemples.

Les droits de la personne sont un sujet important. Qu’il s’agisse des droits des Autochtones, comme je viens de le mentionner, ou des droits de la personne, même dans la manière dont nous évaluons les risques dans notre chaîne d’approvisionnement, ou encore dont nous prenons en compte les impacts sur les droits de la personne en appliquant des thèmes, des normes ou des cadres tels que les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui traitent du rôle de la diligence raisonnable. Et de la façon de réfléchir aux impacts directs ou indirects de l’entreprise sur les droits de la personne. Comment essayer d’utiliser un effet de levier pour atténuer ces impacts. Ce sont toutes des dimensions sociales de la durabilité.

L’équipe du développement durable ou l’équipe chargée de la diversité, de l’équité et de l’inclusion a pour rôle de travailler sur ces questions et de comprendre à quoi ressemblent les bonnes pratiques de gouvernance. C’est aussi de pouvoir s’engager en interne, en externe, et de mettre l’accent sur ces questions dans notre façon de gérer le quotidien, ce qui peut passer par la conformité à la loi ou aux attentes légales, mais cela peut même aller bien plus loin. Mais cela inclura sans aucun doute la gestion de la main-d’œuvre, et en grande partie, notre main-d’œuvre se trouve en Amérique du Nord, nous avons donc un régime réglementaire très strict, aussi [inintelligible…] promouvoir, mais nous n’avons aucune barrière à l’inclusion, ce qui est l’un de nos objectifs.

Pourquoi ? D’un point de vue commercial, il y a en fait une très bonne raison à cela. Si les gens peuvent être authentiques au travail et s’y épanouir réellement, la main-d’œuvre sera plus performante, plus motivée et plus loyale. Il y a un lien commercial assez évident. Les équipes diversifiées prennent de meilleures décisions. De nombreuses études empiriques le démontrent.

ANDREW MACDOUGALL : Maintenant, nous entrons à nouveau dans la composante G.

MICHAEL TORRANCE : Bien. Et c’est la bonne chose à faire. Il y a donc cette convergence entre les différentes raisons qui nous animent. Mais en fin de compte, ce que vous essayez de faire, c’est d’être une organisation à l’échelle mondiale. Que devriez-vous faire ? Quelles mesures devriez-vous prendre ? Et cela vous aide à former votre jugement sur les programmes, les domaines d’investissement, les ressources, la formation que vous devez mettre en œuvre pour pouvoir atteindre ces objectifs.

ANDREW MACDOUGALL : Eh bien, merci. C’est très utile. Il nous reste encore un peu de temps et je veux en profiter. Mais je veux profiter du fait que vous êtes dans une institution financière pour aborder un autre terme qui revient souvent, à savoir le concept de finance durable, et un autre terme, l’investissement responsable.

Pouvez-vous dire à nos auditeurs ce que signifie la finance durable ? Et pourquoi est-ce important ? Et en quoi diffère-t-il du concept d’investissement responsable ?

MICHAEL TORRANCE : Absolument, c’est une très bonne question. En fait, fondamentalement, la finance a le potentiel d’influer sur les résultats positifs en matière de durabilité. L’incarnation première de ce concept est l’obligation verte, qui a été lancée par la Banque mondiale, qui, je crois, était la Société financière internationale. C’est elle qui a créé la notion d’obligation verte.

Ainsi, le principe d’une obligation verte consiste à dire à l’investisseur qu’il n’utilisera cet argent que pour investir et développer des initiatives vertes. Et il doit y avoir une communication permanente. Ainsi, chaque année, nous vous présenterons un rapport sur la manière dont nous avons investi dans des initiatives écologiques. La façon dont nous avons affecté ce capital à la construction de parcs éoliens ou pour rendre nos bâtiments plus respectueux de l’environnement, etc. Dans le cas d’une banque, si vous émettez une obligation verte, vous vous engagez probablement à prêter de l’argent à des entreprises vertes, des parcs solaires ou autres. Voilà ce qu’était la première incarnation de la finance durable et le lien explicite entre un instrument financier et un objectif de durabilité.

ANDREW MACDOUGALL : Obtenir un meilleur rendement, s’il s’agit d’une obligation verte plutôt que d’une obligation ordinaire, cela fait-il partie de ce qui vous intéresse ?

MICHAEL TORRANCE : Pas nécessairement. Ce n’est pas comme ça que ça a commencé. Mais maintenant, ce marché a explosé. L’on parle de taux de croissance annuels de 20 à 30 %. Et l’un des principaux catalyseurs de la finance durable et de la création de produits financiers durables a été la demande croissante des investisseurs désireux de détenir ces actifs. Ils veulent avoir cette obligation verte. Cette demande a augmenté de façon considérable.

Vous voyez maintenant qu’il s’agit simplement de l’économie de base de l’offre et de la demande. À quel point ces produits sont demandés. S’ils sont de très bonne qualité. On en arrive à un point où il pourrait y avoir un profit, un profit basé sur le marché.

Ainsi, s’il s’agit d’une obligation, vous pourriez bénéficier d’un taux d’intérêt inférieur en tant qu’entreprise qui crée l’obligation verte. Des primes sont désormais associées à ces produits, maintenant que la demande a vraiment été stimulée. La finance durable s’est donc développée bien au-delà des obligations vertes. À présent, même rien que parmi les obligations, il y a des obligations sociales. Nous venons donc d’émettre cette année une obligation sociale dont nous nous sommes engagés à utiliser le produit pour financer des entreprises appartenant à des femmes.

Nous avons également créé ce que l’on appelle une obligation de durabilité, qui comporte à la fois une dimension verte et une dimension sociale. Cependant, il s’agit d’un concept semblable, nous avons dit au marché ce pour quoi nous avions l’intention d’utiliser les fonds, nous avons donné un cadre clair, nous l’avons fait examiner par un tiers, qui a dit que c’était crédible. Puis, chaque année, nous revenons vers nos investisseurs, nous leur expliquons ce que nous avons fait et nous leur remettons un rapport d’impact. En outre, il existe également des prêts liés à la durabilité, dans le cadre desquels les banques travaillent directement avec les clients pour leur dire qu’ils disposent d’une facilité importante de 100, 200 et 500 millions de dollars sur lesquelles ils peuvent prélever des montants. Vous pouvez l’utiliser. C’est comme une marge de crédit que vous ou moi pourrions avoir pour financer la croissance de votre entreprise ou pour faire ce que vous voulez.

Il faut intégrer la durabilité dans cette démarche. Nous dirons donc que si vous êtes en mesure d’atteindre des objectifs de rendement en matière de durabilité et que vous travaillez directement avec le client pour les développer, mais il peut aussi s’agir d’un objectif de réduction des émissions. Il faudrait peut-être viser une certaine diversité sur le plan de la gestion.

Peu importe, tant qu’il s’agit d’un objectif de durabilité légitime, crédible et mesurable, s’il est atteint, le client peut en tirer un bénéfice positif sur le plan de la réduction du taux d’intérêt à payer. Et s’il ne l’est pas, le client pourrait devoir payer un taux d’intérêt plus élevé. C’est donc un moyen pour les clients d’intégrer leur stratégie financière, ce qui est un impératif stratégique fondamental pour toute entreprise, à leur stratégie de durabilité et de commencer à créer des incitations positives pour atteindre et poursuivre les objectifs de durabilité.

ANDREW MACDOUGALL : Nous constatons vraiment une demande de la part des investisseurs, qui souhaitent avoir plus d’occasions d’investir dans des projets qui ne sont pas seulement bons pour eux, mais aussi pour la société au sens large, et de la part des institutions bancaires et financières, qui s’engagent à fournir ces produits au moyen d’initiatives de finance durable.

MICHAEL TORRANCE : Bien. Tout à fait. J’ai aussi observé ce phénomène. Et je dirais, pour revenir à votre question sur la différence entre l’investissement responsable et la finance durable, que ce que vous venez de décrire concernant l’intérêt des investisseurs est lié à ce que l’on appelle l’investissement responsable. Et l’investissement responsable est du côté des grands groupements de capitaux, détenus par des investisseurs institutionnels, des fonds de pension, des fonds souverains, selon le cas.

S’ils décident d’investir cet argent dans une optique ESG ou de durabilité, il s’agit par définition d’un investissement responsable. Et ils peuvent investir notamment dans des produits ou des services de finance durable. Ils pourraient donc vouloir acheter des obligations vertes ou des produits ou services de la finance durable créés par les marchés financiers avec, encore une fois, la même motivation de faire progresser la durabilité et de l’intégrer dans la finance.

ANDREW MACDOUGALL : Fantastique. Nous approchons de la fin de notre entretien, Michael. Et cela a été une mine d’informations pour nous tous. J’ai pensé que je pourrais poser la question suivante : avez-vous des prédictions sur l’évolution des facteurs ESG dans un avenir proche ? Est-ce que cela prend de l’ampleur ? Est-ce que cela va se concentrer sur certains domaines ? Juste quelques réflexions.

MICHAEL TORRANCE : Eh bien, je pense que sur le plan des tendances, le climat a été une préoccupation majeure. Je pense que l’accent sera également mis sur d’autres sujets très importants et souvent liés, comme la biodiversité, par exemple, qui est un domaine sur lequel nous nous sommes vraiment concentrés. Nous avons présidé le projet transsectoriel sur la biodiversité, qui est un partenariat entre une association du secteur financier, les Principes de l’Équateur, une association du secteur minier, l’ICMM, et une association du secteur énergétique, l’IPIECA, toutes axées sur les meilleures pratiques en matière de biodiversité.

Ce sujet fait l’objet d’une attention particulière, en partie en raison de la publication prochaine d’un nouveau cadre mondial pour la biodiversité, qui définira le cadre politique de l’atténuation des impacts sur la biodiversité. Une grande partie de ces impacts sur la nature doivent réellement être atténués afin d’atteindre les objectifs climatiques. Donc beaucoup de facteurs sont interconnectés. Ce sera donc un thème majeur.

Et les droits de la personne sont dans le collimateur depuis longtemps. Je pense que cela va prendre de plus en plus d’importance. Mais globalement, je dirais que la tendance à la durabilité est d’intégrer tout cela.

La durabilité fera de moins en moins partie de la réflexion des organismes de réglementation en matière financière ou économique. Les entreprises seront de moins en moins novatrices dans leur réflexion sur la planification stratégique et le fonctionnement de la gouvernance. Et donc, à cet égard, dans 5 ou 10 ans, que vous soyez un professionnel de la gouvernance ou que je sois un professionnel de la durabilité, je pense que de plus en plus, cet aspect sera considéré comme faisant partie intégrante de la bonne gouvernance.

ANDREW MACDOUGALL : C’est vrai. La durabilité était peut-être à un moment donné une option. Un atout à avoir ou auquel on prête un peu d’attention, mais pas tant que ça. Et maintenant, ce que nous allons faire, c’est l’inculquer à l’ensemble du processus, l’intégrer à la gouvernance, à la prise de décision, au cadre de responsabilité que nous avons déjà établi pour les rapports financiers et la prise de décision en général. Et cela est très excitant.

Et j’aime beaucoup cette perspective, Michael. Merci. Un dernier commentaire avant de conclure ?

MICHAEL TORRANCE : La seule autre chose que j’aimerais souligner est que le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité a pris une initiative importante dans le cadre des IFRS. Et le Canada s’est récemment vu attribuer un rôle majeur en y accueillant un bureau. Tous deux ont été très favorables à cette initiative. Donc, juste pour votre gouvernance, je dirais que c’est un domaine à ne pas perdre de vue et que ce serait peut-être un sujet intéressant pour un prochain balado.

ANDREW MACDOUGALL : Oh, absolument. Intégrer l’écoute dans le cadre de l’information financière. Nous allons certainement le faire. Michael, merci beaucoup de nous avoir consacré du temps aujourd’hui. Cela a été incroyablement instructif.

Et vous devez vraiment aimer votre travail, car cela se ressent dans la discussion d’aujourd’hui. Et je pense que vous avez aussi votre propre balado, que vous organisez avec la banque. Et vous êtes l’un des animateurs de Sustainability Leaders, il me semble que c’est ainsi que ça s’appelle ?

MICHAEL TORRANCE : C’est exact. Oui.

ANDREW MACDOUGALL : J’encourage donc tous les auditeurs à écouter également ces balados et à profiter de toutes les connaissances qu’ils apportent. Merci encore.

MICHAEL TORRANCE : Merci Andrew.

JOHN : Excellente discussion entre Andrew et Michael. Nous avons abordé beaucoup de sujets au cours de cette conversation.

ANDREW MACDOUGALL : Il est assurément très passionné par le sujet et très bien informé. Donc, un excellent entretien. C’était un plaisir de discuter avec lui.

JOHN : Absolument. Nous avons donc entendu Michael parler longuement de l’objectif de l’entreprise et de son rôle dans la société, notamment en ce qui concerne le sujet des facteurs ESG. Et j’ai été frappé par le commentaire de Michael selon lequel BMO Groupe financier s’est donné pour mandat de promouvoir audacieusement la notion de bien dans les affaires et dans la vie. Et cela semble certainement être une évolution par rapport aux notions précédentes encore reconnues par beaucoup de gens. Peut-être juste à l’intention de nos auditeurs, quelles préoccupations entendez-vous de la part des conseils d’administration et à quoi pensez-vous ou que conseillez-vous lorsque vous parlez aux conseils d’administration aujourd’hui ? Quelles questions vous posent-ils ?

ANDREW MACDOUGALL : Ce sont donc de bonnes questions à poser, Patrick, car le concept de primauté des actionnaires a fait l’objet d’un grand mouvement de rejet, particulièrement pertinent aux États-Unis, mais ayant eu une certaine influence au Canada. Cela signifie que l’évaluation des rendements d’une société ne se limite pas aux résultats financiers qu’elle obtient.

Il s’agit en fait du croisement entre les intérêts des actionnaires et ceux des autres intervenants de l’entreprise. Le fait est que, pour obtenir de bons résultats à long terme pour les actionnaires, il faut être capable de prendre en compte et de traiter les intérêts des autres intervenants, car les entreprises n’agissent pas en vase clos. Elles sont intégrées dans notre société, dans notre cadre social. Ce qui entraîne des avantages et des obligations pour les autres citoyens.

Et je pense que la Cour suprême du Canada a fait du très bon travail lorsqu’elle a déclaré que les entreprises doivent être de bonnes entreprises citoyennes. À l’époque, nous ne comprenions pas vraiment le sens de leur démarche, mais je pense que c’est un concept important qui est désormais intégré à la législation canadienne et à notre approche. Et sur le plan du conseil, cette idée de prendre en compte les intérêts des intervenants est absolument envisagée.

Les facteurs ESG constituent sans aucun doute un sujet de débat, de même que la nécessité de comprendre qui sont vos intervenants, lesquels sont les principaux moteurs de votre succès et ceux qui ont un impact clé sur les concepts relatifs aux aspects extérieurs et intérieurs soulevés lors de la session. Tout cela fait l’objet de discussions au sein du conseil. C’est donc tout à fait cohérent avec notre orientation et les changements qui se produisent aujourd’hui.

JOHN : Absolument. Alors que nous rendons intelligible la notion d’entreprise citoyenne, il peut être utile de parler un peu de ce à quoi les conseils d’administration pensent ou de ce dont nous parlons aux conseils d’administration en ce qui concerne leurs obligations et l’équilibre des intérêts des parties prenantes, la distinction entre les indicateurs des facteurs ESG pour être utile et comment nous débrouillons ces concepts au cours de ces discussions. Mais que faut-il faire pour essayer d’expliquer cette distinction aux conseils d’administration ?

ANDREW MACDOUGALL : Je considère que la distinction entre les facteurs E et S est très utile. L’aspect environnemental et l’aspect social sont deux choses bien distinctes. Il existe une démarcation nette entre les deux.

C’est la partie G que je ne retrouve pas vraiment. Elle est très utile dans le cadre de l’analyse. Selon moi, il s’agit vraiment de savoir comment superviser les parties E et S. Comment intégrez-vous ces facteurs environnementaux et sociaux dans les décisions prises au sein de l’organisation, afin d’en être responsable ?

Je pense que Michael a souligné qu’à un moment donné, il y aura une fusion des concepts ESG et de gouvernance. Et à mon avis, je pense que nous sommes en train de nous diriger vers cette fusion. Et la partie G de la composante ESG va en quelque sorte tout englober et tout cela ne fera plus qu’un.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Nous avons encore du chemin à parcourir. Séparer les composantes environnementales et sociales me semble donc très logique. Afin que vous puissiez réfléchir à ces questions.

JOHN : Je pense que vous avez raison. Il est évident que nous avons encore beaucoup à approfondir et, bien sûr, beaucoup de chemin à parcourir avant de passer à autre chose. Merci Andrew pour cet excellent entretien et nous nous réjouissons de vous revoir dans le balado pour continuer à explorer ces questions liées aux facteurs ESG.