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Le marché de l'énergie au Canada montre des signes de redressement

Auteur(s) : Neal Ross

1 mai 2017

Le secteur pétrolier et gazier canadien a récemment traversé des zones de turbulence.

Les sociétés d'énergie canadiennes ont pâti du passage des prix du pétrole de 100 $ à moins de 50 $ le baril sous l'effet d'une offre excédentaire. Le déclin total en capitalisation boursière des sociétés pétrolières et gazières canadiennes de juillet 2014 à février 2016 a excédé 230 G$, selon des estimations fondées sur les données de S&P Capital IQ. Luttant pour leur survie, nombre de producteurs ont été forcés d'apporter des changements pour faire bonne figure dans une conjoncture difficile.

En outre, ces conditions ont incité de nombreux investisseurs à voir le marché d'un autre œil. Les fonds souverains et les sociétés d'État, qui faisaient preuve d'un énorme appétit pour les actifs pétroliers et gaziers canadiens il y a tout juste quelques années, ont diminué leurs dépenses ou quitté le marché canadien, à l'instar de certains gros acquéreurs stratégiques étrangers.

En mars 2017, la société Royal Dutch Shell (RDS), établie aux Pays-Bas, a annoncé la vente de ses actifs dans les sables bitumineux à Canadian Natural Resources pour un montant de 8,5 G$, ce qui constitue l'une des plus importantes transactions de l'histoire dans le secteur pétrolier et gazier intérieur. Il faut noter, cependant, que cette vente faisait partie d'un programme de désinvestissement de 30 G$ annoncé antérieurement par RDS. « Cette transaction est importante pour Canadian Natural Resources, car elle accroît la fiabilité des flux de trésorerie sous-jacents prévisibles », affirme le président Steve Laut dans une déclaration publiée dans le Financial Post. « Elle nous permet de nous concentrer sur nos forces opérationnelles essentielles ».

Également en mars, ConocoPhillips a accepté de vendre ses intérêts dans la coentreprise FCCL Partnership, à savoir une zone de sables bitumineux, et certains actifs dans le gaz naturel de l’Ouest canadien à Cenovus Energy pour 12,74 G$. La cession par ConocoPhillips de ses actifs dans les sables bitumineux à une société canadienne est le troisième grand désinvestissement conclu ou annoncé en 2017.

Athabasca, Canadian Natural Resources et Cenovus ont chacune estimé que la possession d'actifs plus importants représentait une valeur future suffisante pour justifier une augmentation de leurs intérêts dans les sables bitumineux. De plus, contrairement aux rapports selon lesquels les capitaux étrangers fuient le secteur des sables bitumineux, Statoil, RDS et ConocoPhillips ont toutes pris en retour des positions importantes dans le capital-actions des acquéreurs de leurs intérêts.

Il ne fait aucun doute que l'industrie pétrolière et gazière canadienne vit une période difficile après des années de croissance. Toutefois, même si d'aucuns considèrent ce point d'inflexion comme le moment de quitter le marché, d'autres, comme Cenovus et Canadian Natural Resources, y voient l'occasion de pénétrer davantage le secteur énergétique canadien à un prix convenable et avant que le marché ne se redresse, ce qui est inévitable.

Malgré la conjoncture, on constate d'autres signes positifs. Au début de mars, le premier ministre Justin Trudeau a réaffirmé son engagement à l'égard du secteur pétrolier et gazier après la critique plus tôt cette année de certains commentaires qu'il avait émis. « Aucun pays ne trouverait 173 milliards de barils de pétrole dans son sous-sol et ne les laisserait là. La ressource sera exploitée », de dire Trudeau, s'exprimant à l'occasion de la conférence CERAWeek, qui réunit des dirigeants de l'industrie internationale de l'énergie et des représentants gouvernementaux.

Par ailleurs, l'autorisation accordée par le président américain Trump pour construire l'oléoduc Keystone constituera une bénédiction pour le pétrole des sables bitumineux canadiens, qui s'écoulera vers les raffineries américaines et arrivera, à terme, sur le marché. M. Trudeau a également approuvé le projet de prolongement de l'oléoduc Trans Mountain. En contrepartie de cette approbation, Kinder Morgan, responsable de ce projet, a accepté de payer annuellement au gouvernement de la Colombie-Britannique entre 25 et 50 M$, montants qui alimenteront un fonds de protection de l'environnement.

En réponse à ce coup de pied dans la fourmilière et à l'engagement du Canada envers l'industrie, de nombreux professionnels hautement compétents lancent ou s'apprêtent à démarrer leur propre société d'énergie. Des personnes possédant une grande expérience comme chef de direction, chef des finances, chef de l'exploitation ou ingénieur forment des équipes de direction afin de mettre sur pied de nouvelles sociétés en quête de possibilités de création de valeur dans le secteur pétrolier et gazier. Ces nouvelles sociétés recherchent aussi un soutien financier privé selon une stratégie au cas par cas. Et celle-ci fonctionne.

Constatant le caractère toujours volatil du marché de l'énergie canadien, les sociétés de capital-investissement estiment néanmoins que le temps est venu d’investir. Nombre d'entre elles affichent d'ailleurs un intérêt soutenu à l'égard des nouvelles sociétés et les soutiennent financièrement en leur accordant fréquemment une marge de crédit garantie se situant entre 100 et 500 M$. Les sociétés de capital-investissement financent les opérations de croissance au moyen d'appels de fonds, souvent selon un échéancier de prélèvement de cinq ans. L'objectif consiste à être le premier à investir, et il n’y a pas de meilleur moment que maintenant pour le faire étant donné la faiblesse des cours du pétrole et la grande quantité d'actifs en vente.

De nombreuses caisses de retraite parmi les plus importantes au Canada, dont l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, ont conclu des accords de cette manière, de même que plusieurs sociétés de capital-investissement locales et étrangères.

Ainsi, Aspenleaf Energy, dont les membres de l'équipe travaillaient auparavant chez Shell Canada et ont pour président et chef de la direction Bryan Gould, a été fondée dans le but d'acquérir et d'exploiter des actifs dans l'Ouest canadien renfermant du pétrole léger et du gaz riche en liquides.

Elle reçoit le soutien d'ARC Financial Corp, une société de capital-investissement canadienne active dans le secteur de l'énergie, et du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Les deux investisseurs ont consenti à Aspenleaf une marge de crédit garantie de 365 M$ pour acquérir les actifs et assurer leur croissance. En 2015, Aspenleaf a acquis la totalité des actions en circulation d’Arcan Resources Ltd., société engagée dans l'exploration, le développement et l'acquisition d'actifs pétroliers et gaziers dans le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien. 

De même, RimRock Oil and Gas a été fondée en 2016 par une équipe antérieurement à l'emploi de Talisman et dirigée par James Fraser.  Warburg Pincus a financé RimRock à hauteur de 500 M$ US pour la recherche de gisements de pétrole et de gaz au Canada et aux États-Unis.

Osler, Hoskin & Harcourt LLP a agi il y a peu de temps comme conseiller juridique auprès d'Aspenleaf et de RimRock ainsi que de plusieurs autres équipes de direction de sociétés semblables, entre autres Northern Blizzard Resources, qui a lancé son premier appel public à l'épargne en 2014; Steel Reef Infrastructure Corp.; et Kanata Energy Group.

La formation de ces nouvelles sociétés et la structuration unique de leur capital résultent en partie des coûts de forage accrus en raison de l'utilisation des nouvelles technologies. L'achat d'un puits peut coûter énormément plus cher que les puits traditionnels, et bien sûr, il existe toujours la possibilité qu'un puits ne donne rien. Les entreprises qui auparavant foraient seules ou sans le soutien de capital privé ont maintenant besoin du financement que peuvent leur consentir les sociétés de capital-investissement et les caisses de retraite.

En outre, les nouvelles sociétés assurent souvent leur croissance au moyen d’acquisitions. Tirant parti de cette tendance à la formation d'équipes hautement talentueuses ayant besoin d'un capital important, des sociétés de capital-investissement américaines comme Apollo Global Management, NGP Energy Capital Management, Pine Brook Partners, Riverstone Holdings et Warburg Pincus LLC ont toutes utilisé cette stratégie pour financer des entreprises canadiennes du secteur pétrolier et gazier.

D'autres gestionnaires d'actifs commencent tout juste à se préparer pour la reprise. À la fin de l'année dernière, le gestionnaire de fonds de couverture américains Bridgewater Associates a entamé la collecte de nouveaux capitaux pour son fonds Pure Alpha, dont le portefeuille accorde une grande place au secteur pétrolier et gazier. D'autres sociétés se préparent également. Par exemple, en mars 2017, Fengate Real Asset Investments a fermé aux nouvelles souscriptions son premier fonds, LPF Equities Fund, dont le capital totalise 300 M$. L'investisseur canadien avait déjà investi dans Cricket Energy Group, fournisseur de services et de solutions énergétiques résidentielles et commerciales.

Un autre signe positif est le nombre de sociétés d'énergie soutenues au moyen de capital-investissement, telles que BOS Solutions Holdings (gestion des fluides), Source Energy Services (sable de fracturation) et STEP Energy Services (tubes spiralés et services de fracturation), qui ont récemment jugé bon de tâter les marchés des actions en proposant ou, dans le cas de Source Energy Services, en lançant un premier appel public à l'épargne.

Tout cela laisse penser que malgré le nombre restreint d’opérations conclues au début de 2017 par opposition au nombre impressionnant de fusions et acquisitions annoncées dans le secteur énergétique, le marché pétrolier et gazier canadien montre des signes de vitalité, et les sociétés de capital-investissement occupent une position privilégiée pour profiter des possibilités émergentes.