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Points saillants des technologies en 2018 : croissance de l’intelligence artificielle et modernisation du système de paiement

Auteur(s) : Wendy Gross, Michael Fekete, Simon Hodgett, Ted Liu, Sam Ip

Le 18 décembre 2018

L’utilisation et l’intégration des technologies dans les affaires et dans le quotidien se sont encore accrues cette année. Tant le secteur public que le secteur privé au Canada ont investi efforts et argent dans les technologies, de manière à gagner en efficience et à transformer leurs activités, particulièrement dans les villes de Toronto, de Montréal et de Vancouver. Les tendances observées en 2017 se maintiennent. Bien que la montée fulgurante de la valeur des cryptomonnaies ait été suivie par une baisse importante, l’activité touchant les applications technologiques et financières des chaînes de blocs demeure élevée.

Les technologies, comme celles de l’intelligence artificielle (l’IA), des chaînes de blocs et autres technologies du grand livre distribué, de l’impression 3D, et des appareils intelligents connectés à l’Internet des objets (l’IdO), ont une incidence accrue sur les principaux secteurs traditionnels et commencent à converger. Les avancées dans les domaines comme ceux des véhicules autonomes, des villes intelligentes, des opérations financières et des placements automatisés, de la gestion des soins de santé et de la génomique font toutes appel à au moins une de ces technologies, chacune de ces dernières ayant des incidences réglementaires, contractuelles et sur le plan éthique uniques et nouvelles. Il en découle un champ de pratique extraordinairement complexe et riche pour tout professionnel du droit averti.

Les changements dans le secteur des paiements se bousculent également. De nouveaux modes de paiement et de nouveaux participants (comme Stack et Ali Pay) ont fait leur entrée sur le marché. De plus, dans le secteur des paiements, les activités portant sur la modernisation intégrale de l’infrastructure de paiements canadienne ont véritablement commencé. Ce projet de modernisation, qui pourrait bien être le plus ambitieux en son genre jamais lancé dans le monde, aura une incidence importante sur tous les participants de l’écosystème de paiements pour de nombreuses années à venir.

Nous analysons, ci-dessous, deux des principaux domaines en évolution en 2018 :

Utilisation croissante de l’intelligence artificielle : défis juridiques et d’éthique

De toutes les avancées technologiques de la dernière année, l’IA se démarque. Nous avons vu bon nombre d’exemples de fournisseurs et d’utilisateurs qui ont mis en place des applications d’IA pour tout un éventail d’usages, l’an dernier.

L’IA désigne la capacité pour les ordinateurs de reproduire des éléments de l’intelligence humaine et des comportements humains. Par exemple, dans l’apprentissage automatisé, une sous-catégorie de l’IA, on établit des algorithmes et des modèles mathématiques permettant aux ordinateurs d’apprendre et de progressivement améliorer leur performance, et de faire des prédictions ou de prendre des décisions sur le fondement des données à leur disposition sans que chaque tâche n’ait besoin d’être programmée. Une des formes étendues de l’apprentissage automatisé est l’« apprentissage profond », qui organise des couches d’algorithmes en réseau neurologique artificiel capable d’apprendre et de décider seul en se servant de grands ensembles de données. Vu que les capacités de l’IA, comme l’apprentissage profond, continuent d’évoluer, elles soulèvent de fascinantes nouvelles questions juridiques et d’éthique pour les utilisateurs, les juristes du domaine des technologies et les personnes responsables de l’élaboration des politiques.

Par exemple, dans les domaines suivants :

  • Propriété intellectuelle – il n’est pas clair à qui appartient le droit de propriété intellectuelle dans les algorithmes générés de façon automatisée et ce droit doit être géré avec la plus grande prudence. La législation en matière de propriété intellectuelle n’a pas été rédigée ni adaptée pour tenir compte des objets générés automatiquement. Il n’y a pas d’« auteur » au sens de la législation sur le droit d’auteur ni d’« inventeur » au sens donné à ce terme dans la législation sur les brevets. Les législateurs et les tribunaux commencent à traiter de ces questions, mais les lois ne sont pas encore établies.
  • Droit aux données – en règle générale, les consommateurs de services et de logiciels considèrent leurs données comme représentant un actif de valeur. Par conséquent, les contrats stipulent généralement que les biens tirés de ces données ou fondés sur celles‑ci « appartiendront » au client. L’apprentissage automatisé génère ses propres données et ses propres conclusions à l’égard de ces données. Il s’agit d’un point de discussion important dans les négociations actuelles que de savoir comment répartir le droit de propriété sur ces données et les droits de licence sur celles-ci entre les parties.
  • Confidentialité – la conformité avec les lois sur la protection de la vie privée doit être prise en compte en ce qui concerne l’utilisation des données générées par l’apprentissage automatisé et par les algorithmes dérivés. Les lois canadiennes ont établi un cadre réglementaire fondé sur le consentement, en matière de vie privée. Le cœur de ce régime repose sur l’obligation d’informer l’utilisateur du but de la collecte de ses renseignements personnels et de l’utilisation qui en sera faite. Comme l’IA se complexifie, le but et l’utilisation peuvent devenir de plus en plus opaques.

À ce jour, au Canada, aucune loi ne réglemente directement l’IA. Ceci présente des défis, car les utilisateurs et les conseillers, y compris les avocats, doivent déterminer comment s’applique un cadre réglementaire qui ne tient pas compte de l’IA (ou d’autres technologies nouvelles) et qui, souvent, a été établi avant l’existence de telles technologies. Il y a aussi le risque perçu que l’IA donne lieu à des conflits de travail alors que l’automatisation entraîne la mutation de travailleurs.

En 2018, le gouvernement fédéral a commencé à établir les fondements de politiques destinées à régir l’IA. Ils comprennent les éléments suivants :

  • Stratégie nationale relative aux données  le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a lancé une consultation nationale sur la transformation numérique et la transformation de données afin de savoir comment le Canada peut encourager l’innovation, préparer les Canadiens au milieu du travail du futur et assurer la confiance des Canadiens quant à l’utilisation de leurs données. Cette consultation abordera, entre autres, les nouveaux problèmes que posent les capacités nouvelles et émergentes de l’IA.
  • Révision du droit d’auteur  dans le cadre de sa révision de la Loi sur le droit d’auteur, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique examine les observations concernant une nouvelle exception qui permettrait la libre utilisation de travaux acquis légitimement et qui sont associés aux techniques d’apprentissage automatisé et autres techniques d’IA faisant appel à l’analyse d’information.
  • Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE)  on parle de plus en plus de la nécessité de permettre l’utilisation responsable de renseignements personnels qui ne serait pas assujettie à l’obligation d’obtenir un consentement éclairé.
  • Transparence  le gouvernement du Canada a publié un rapport préliminaire intitulé Comment dois-je mettre en place un système de décision automatisé​? qui porte, entre autres, sur les principes devant servir à assurer la transparence et la responsabilisation associées à son utilisation de l’IA.
  • Gouvernance  le Canada a tenu la Conférence multipartite du G7 sur l’intelligence artificielle. La question était de savoir comment mettre en place des environnements dans lesquels les sociétés auraient confiance et permettre l’adoption responsable de l’IA, tout en travaillant en fonction d’une conception commune de l’IA humanocentrique.

Ces initiatives sont les premiers pas d’un effort qui sera ultimement concerté sur plusieurs années pour trouver réponse à ces questions ainsi qu’à d’autres questions juridiques et en matière d’éthique. L’atteinte d’un cadre réglementaire bien équilibré qui favorisera efficacement la croissance de l’IA au Canada et traitera les risques nouveaux de nature juridique et éthique que présente l’IA ne se fera ni facilement ni rapidement. D’ici là, vu l’absence de surveillance réglementaire ou législative particulière à l’IA, il est important que la répartition des risques et des responsabilités associés aux problèmes que présente l’IA fasse l’objet d’un contrat entre les parties.

Sur le plan international, il y a émergence de normes qui viendront aider à la prolifération et à l’adoption de l’IA. Cette année, le comité mixte récemment formé d’IEC et d’ISO (le comité mixte ISO/IEC JTC1/SC 42) a été chargé d’élaborer des normes pour l’IA et a tenu sa réunion inaugurale. Le comité a établi des priorités, lesquelles comprennent : 1) l’établissement de normes fondamentales offrant un cadre et un vocabulaire commun pour l’IA​; 2) le traitement des questions portant sur la confiance, comme la fiabilité, l’exactitude, la sécurité et la confidentialité et 3) le repérage des domaines propres à l’IA (p. ex., les médias sociaux et les systèmes embarqués) et leur contexte d’utilisation (p. ex., les technologies financières, les soins de santé, etc.), dont le comité mixte SC 42 tiendra compte lors de l’élaboration des normes relatives à l’IA.

En 2019, nous nous attendons à ce que l’intégration de l’IA dans les activités de nos clients s’accélère et continue de présenter de nouveaux défis juridiques.

La modernisation du système de paiement est en cours

Introduction de nouveaux systèmes
À la fin de 2017, Paiements Canada, l’organisme fédéral auquel est confiée la responsabilité de voir à l’infrastructure de compensation et de règlement, aux procédures et aux règles essentielles aux opérations de paiement, a publié à cet égard sa vision détaillée de l’état cible ultime de la modernisation du système de paiement au Canada. L’avenir des paiements décrit par Paiements Canada repose sur des systèmes principaux et leurs structures d’appui fondamentales, comme le risque et les exigences réglementaires, les modèles et les plateformes technologiques d’accès et de règlement.

L’objectif de Paiements Canada est de moderniser les systèmes de paiement canadiens pour qu’il soit possible de compenser et de régler rapidement, de façon sécurisée et souple, les paiements assortis de mégadonnées. L’état cible décrit par Paiements Canada s’appuie sur la mise en place de trois nouveaux systèmes, qui fonctionneront dans un cadre renforcé de gestion des risques, de réglementation et de règles établissant un juste équilibre entre le besoin de sécurité et de solidité et l’accessibilité voulue pour stimuler l’innovation :

  • Lynx : Lynx remplacera l’actuel Système de transfert de paiements de grande valeur. Lynx est un système de paiement de grande valeur qui facilite les paiements en temps réel sécurisés avec irrévocabilité du règlement et qui prend en charge le règlement d’autres réseaux de paiement et infrastructures de marchés financiers.
  • Compensation des effets de détail avec paiements en différé améliorés : Un nouveau système remplacera l’actuel Système automatisé de compensation et de règlement et l’actuel Système d’échange en bloc d’effets U.S. Le nouveau système assurera la compensation des paiements de détail en différé et il permettra également des transferts automatisés de fonds plus rapides et plus pratiques – un type de paiement généralement associé à la rémunération du personnel et aux paiements de factures.
  • Paiements en temps réel : Cette nouvelle infrastructure de paiements toujours en fonction permettra d’effectuer des paiements immédiats. Elle permettra des paiements et des transferts de fonds rapides et pratiques et constituera une plateforme pour l’innovation future, où les participants au système de paiement pourront établir des liens et mettre au point des façons nouvelles et emballantes pour les Canadiens de payer des biens et des services et de transférer de l’argent.

La consultation sur l’état cible proposé par Paiements Canada s’est terminée au premier semestre de 2018.

L’initiative de modernisation du système de paiement est extraordinairement complexe. Essentielle à chaque système est l’intégration de la norme ISO 20022 relative aux messages de paiement, qui permet la circulation de plus amples données avec les paiements. Outre la nécessité de remplacer les systèmes existants afin de répondre aux exigences de la norme ISO 20022, les systèmes devront être conçus de manière à satisfaire aux nouvelles normes réglementaires et aux nouvelles règles sur les paiements, non seulement au Canada, mais à l’échelle internationale. Quelques exemples de problèmes et de défis nouveaux que pose cette initiative comprennent, par exemple :

  • Des projets technologiques en vue de la modernisation des paiements ont déjà été lancés activement par bon nombre de nos clients en 2018. Bien que la norme ISO 20022 soit une exigence connue, un certain nombre des exigences pour atteindre l’état cible des systèmes de paiement ne sont pas encore établies et continueront d’évoluer dans les années à venir. Les participants aux écosystèmes de paiements devront adopter une approche de modernisation capable de s’adapter en temps réel au fur et à mesure que ces exigences évoluent.
  • L’infrastructure de paiements et l’écosystème de paiements concernent un grand nombre de participants et impliquent de nombreux systèmes par participant – cela présente d’importants défis d’intégration de données et de systèmes pour chaque participant.
  • La transition de l’état actuel des systèmes de paiement à l’état futur modernisé sera compliquée et risquée. Les participants à l’écosystème de paiements procéderont à la modernisation à différents moments, et, comme nous l’avons souligné, les exigences évolueront en parallèle. La gestion du risque opérationnel de ces systèmes si critiques à la mission en tant que partie intégrante du processus de modernisation sera une tâche ardue.
  • Un élément clé de l’état cible futur sera la capacité d’envoyer des paiements assortis de mégadonnées. En ce qui concerne les paiements en temps réel en particulier, les participants à l’écosystème auront l’occasion de développer des capacités cognitives permettant de tirer profit des mégadonnées associées à cette nouvelle fonctionnalité. Ce nouveau monde des paiements assortis de mégadonnées créera de nouveaux problèmes de confidentialité. En évoluant dans un monde peuplé de participants multiples à l’écosystème, dont bon nombre sont susceptibles d’avoir une responsabilité partagée à l’égard des données en jeu, il y aura davantage de problèmes en matière de consentement, de fraude et de sécurité des données (entre autres) alors que le cadre offert par la LPRPDE risque de ne pas suffire.

Projet Jasper
Cet automne, Paiements Canada, en collaboration avec la Banque du Canada, le Groupe TMX, Accenture et R3, a publié ses résultats concernant la troisième phase du Projet Jasper. Le Projet Jasper est une initiative de recherche collaborative dont la mission est d’expérimenter l’utilisation d’une plateforme intégrée de règlement de valeurs mobilières et de paiements fondée sur la technologie du grand livre distribué (TGLD). Les participants au projet ont conclu que la TGLD pouvait être utilisée par les systèmes de règlement des valeurs mobilières et de paiements, quoique la portée du projet n’était pas suffisamment large pour permettre de déterminer si des économies de coûts ou des gains d’efficience pouvaient être réalisés.

Nous nous attendons à ce que l’activité associée aux paiements et à la modernisation des paiements continue de s’étendre et de croître en importance et en complexité en 2019 et dans les années à venir.