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Le débat se poursuit concernant le projet de régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux

Auteur(s) : Jeremy Fraiberg, Shawn Irving, Robert M. Yalden, Noralee Bradley

25 juillet 2014

Le 9 juillet 2014, journée que le ministre des Finances Joe Oliver a qualifiée de « marquante » pour la réforme du régime de réglementation des marchés des capitaux du Canada, le gouvernement fédéral a annoncé que la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick avaient accepté de rejoindre le Canada, la Colombie-Britannique et l'Ontario au sein du régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux (le régime). L'annonce fait suite à l'entente de principe intervenue le 19 septembre 2013 entre les gouvernements du Canada, de la Colombie-Britannique et de l'Ontario prévoyant l'établissement d'un seul organisme de réglementation, indépendant sur le plan du fonctionnement, chargé d'administrer les lois provinciales et fédérales régissant les marchés des capitaux. Avec l'ajout de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick, le gouvernement fédéral peut maintenant se vanter que quatre provinces, représentant environ les trois quarts des sociétés canadiennes cotées en bourse qui totalisent une capitalisation boursière de près de 53 %, ont convenu de signer l'initiative. Au même moment, le gouvernement fédéral a relancé son invitation à se rallier à l'ensemble des autres provinces et territoires.

Le régime a pour but d'éliminer l'inefficacité qui afflige le régime actuel du Canada, qui est composé de 13 commissions des valeurs mobilières distinctes. Le régime exprime la réponse du gouvernement fédéral à une décision rendue en 2011 par la Cour suprême du Canada, qui a établi que la première tentative du gouvernement fédéral d'adopter une loi fédérale établissant un organisme de réglementation des valeurs mobilières national était inconstitutionnelle.

Les composantes principales du régime, qui ont été énoncées pour la première fois dans l'Entente de principe que les gouvernements du Canada, de la Colombie-Britannique et de l'Ontario ont signée en septembre 2013, comprennent ce qui suit :

  • Législation provinciale et territoriale uniforme : une législation uniforme pour chacun des gouvernements provinciaux ou territoriaux participants, portant sur toutes les questions de compétence provinciale ou territoriale en ce qui a trait à la réglementation des marchés des capitaux (la « législation provinciale »).
  • Législation fédérale complémentaire : législation fédérale s’appliquant dans tout le Canada portant sur les questions criminelles et les questions relatives au risque systémique dans les marchés des capitaux nationaux et à la collecte de données à l’échelle nationale (avec la législation provinciale, la « législation sur le régime coopératif »).
  • Un seul organisme de réglementation : un seul organisme de réglementation des marchés des capitaux coopératif, indépendant au plan opérationnel, qui est doté d’un conseil d’administration expert, d'une division de la réglementation et d'un tribunal d’arbitrage, qui administre la législation provinciale et fédérale ainsi qu’un seul ensemble de règlements conformément au pouvoir délégué par les administrations participantes. Il y aurait un seul régulateur en chef, qui agirait à titre de chef de la direction de la division de la réglementation du régime et qui serait notamment chargé de proposer des régulateurs en chef adjoints au conseil (il avait initialement été convenu que les régulateurs en chef adjoints seraient situés en Ontario et en Colombie-Britannique ainsi qu'au Québec et en Alberta si ces dernières décidaient de participer).
  • Conseil des ministres : un conseil composé des ministres responsables de la réglementation des marchés des capitaux de chacune des administrations provinciales participantes et du ministre des Finances du Canada qui supervise le régime, qui rend compte aux administrations participantes de l’exercice du pouvoir de réglementation du régime et auquel le conseil d’administration du régime rend compte de l’exercice de ses pouvoirs de réglementation.
  • Tribunal d'arbitrage : un tribunal d'arbitrage qui comporterait suffisamment de membres pour pouvoir tenir des audiences en anglais et en français à l'échelle du Canada. Tous les membres seraient indépendants et le tribunal, dans son ensemble, présenterait l'expertise requise en matière de marchés des capitaux et d'arbitrage.
  • Bureaux : Des bureaux de la réglementation seraient établis dans chaque administration provinciale participante et offriraient la même gamme de services qu’ils fournissent à l’heure actuelle. Le bureau général de direction serait situé à Toronto.

Les parties ont convenu, dans le cadre de la décision de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick de participer, d'apporter certaines améliorations au régime en adoptant une Entente de principe modifiée. Ces améliorations comprennent ce qui suit :

  • Il y aurait deux régulateurs en chef adjoints régionaux supplémentaires représentant les territoires de réglementation des marchés des capitaux de l'Ouest du Canada et de l'Est du Canada. Au départ, ils seraient situés en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick et la durée de leur mandat serait de cinq ans. Ils s'ajouteraient aux régulateurs en chef adjoints situés en Colombie-Britannique et en Ontario ainsi qu'en Alberta et au Québec, si ces dernières choisissaient de participer.
  • Chaque bureau de la réglementation serait dirigé par un directeur chargé de la prestation des fonctions de réglementation du bureau et de cerner les questions locales devant être soumises à l'attention de leur régulateur en chef adjoint respectif dans le cadre de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques nationales.
  • Les modifications fondamentales au régime nécessiteront l’approbation unanime du Conseil des ministres projeté pendant la période initiale de trois ans suivant la date à laquelle l’organisme de réglementation des marchés des capitaux commencera ses activités, et l’approbation d’au moins les deux tiers des membres du Conseil des ministres et de toutes les administrations ayant de grands marchés des capitaux par la suite.
  • L’organisme de réglementation étudiera les demandes visant à tenir compte des initiatives de développement économique provinciales, dans la mesure où celles-ci n’ont pas d’incidence négative sur les principes fondamentaux du régime et qu’elles n’ont pas d’incidence sur les participants des marchés des autres administrations.

Les parties ont convenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin de donner effet à l'Entente de principe modifiée, y compris conclure des ententes de services visant la prestation provisoire de services au régime par l'autorité intégrée de réglementation financière et de protection des consommateurs dans les territoires participants afin de faciliter l'administration de la législation sur le régime coopératif et d’assurer la prestation de services de réglementation pendant une période de trois ans. 

Les parties ont annoncé qu'elles prévoyaient publier une première ébauche de règlement d'ici le 19 décembre 2014 (au lieu du 31 mars 2014) et adopter des lois provinciales et une législation fédérale complémentaire d'ici le 30 juin 2015 (au lieu du 31 décembre 2014). Elles ont aussi indiqué s'attendre à ce que le régime soit opérationnel avant l'automne 2015 (au lieu du 1er juillet 2015).

La réaction à l'annonce du gouvernement fédéral a été rapide et prévisible: presque immédiatement, ceux qui avaient d'abord appuyé l'initiative ont réitéré leur appui. Les principales associations de l'industrie comme l'Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, le Conseil canadien des chefs d'entreprise, l'Association des banquiers canadiens et l'Association des gestionnaires de portefeuille du Canada, ont louangé l'annonce et encouragé les autres provinces à étudier sérieusement la possibilité de participer. L'honorable John Manley, président et chef de la direction du Conseil canadien des chefs d'entreprise, a indiqué que le Canada serait plus attrayant comme destination d'investissement si le pays modernisait la mosaïque actuelle d'organismes de réglementation des valeurs mobilières.

Le Québec et l'Alberta ont d'autre part fait peu de cas de l'annonce en réitérant leur préférence pour une approche provinciale.

La réaction du Québec et de l'Alberta ne devrait pas surprendre. Le Québec avait déjà indiqué qu'il avait l'intention de contester la législation proposée au Canada. Au cours de la dernière année, l'Alberta a annoncé son propre projet de modèle en vue d'une réforme de la réglementation des valeurs mobilières, soit une structure dans le cadre de laquelle les commissions et les organismes provinciaux actuels seraient conservés, ainsi que : (i) la création d'un organisme national, établi à Toronto, chargé d'appliquer les lois dans le domaine des marchés des capitaux, qui aiderait à l'application des lois en matière criminelle; (ii) un comité national du risque systémique présidé par le gouvernement fédéral; (iii) le remplacement des arbitres des commissions par un comité d'arbitrage national et indépendant, et (iv) les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), qui seraient supervisées par un conseil des ministres national et par les organismes administratifs pertinents.

Les ministres qui participent au régime poursuivent sur leur lancée et ont réitéré leur invitation aux autres provinces et territoires à se joindre à l'initiative. Pendant ce temps, les organismes de réglementation des valeurs mobilières partout au Canada continuent de fonctionner dans le cadre de la structure actuelle, principalement en participant activement aux ACVM (un élément souligné récemment par la British Columbia Securities Commission dans son Rapport annuel 2013-2014 [publié le 23 juillet 2014]). Toutefois, le président du conseil et chef de la direction de l'Alberta Securities Commission (ASC) a souligné dans le Rapport annuel 2014 de l'ASC (publié le 21 juillet 2014) que le débat en cours sur la structure de la réforme et le concours pour le contrôle national fait de l'harmonisation [traduction] « un défi encore plus grand dans un contexte où lois sur les valeurs mobilières sont perçues comme étant appropriées à des fins différentes ».

La réforme et la transformation de la structure semblent inévitables. Il est fortement conseillé aux participants des marchés de suivre l'évolution de cette question.

Lawrence Ritchie, président du groupe Gestion de risques et réponse aux crises d'Osler, a été auparavant vice-président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et vice-président directeur et conseiller principal en politiques au Bureau de transition canadien en valeurs mobilières, l'organisme créé par la loi chargé d'aider le gouvernement fédéral à mener son initiative de réglementation des valeurs mobilières. 

 

Authored by:  Jeremy Fraiberg, Robert M. Yalden, Noralee Bradley, Shawn Irving