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Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières proposent d’importantes modifications au régime des offres publiques d’achat

Auteur(s) : Alex Gorka, Jeremy Fraiberg, Emmanuel Pressman, Douglas Marshall, Allan Coleman, Robert M. Yalden, Clay Horner

19 septembre 2014

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont annoncé leur intention de publier un appel de commentaires sur des modifications (le « projet de modification du régime des OPA ») qui, si elles sont mises en œuvre, entraîneront de profonds changements au régime des offres publiques d’achat au Canada.

Selon la proposition des ACVM, qui devrait être publiée à des fins de consultation au cours du premier trimestre de 2015, toutes les OPA ne faisant pas l’objet d’une dispense (y compris les OPA partielles) seront assujetties aux exigences « 50-10-120 » suivantes :

  1. Condition de dépôt minimal de 50 % : Les offres seront subordonnées au dépôt minimal obligatoire de plus de 50 % de tous les titres visés en circulation (à l’exclusion des titres détenus par l’initiateur et ses alliés). La condition de dépôt minimal de 50 % vise à donner aux actionnaires individuels la garantie qu’une offre ne sera acceptée que si elle est appuyée par une majorité d’actionnaires indépendants. Cependant, cela pourrait aussi limiter la capacité d’un actionnaire de faire en sorte que ses actions soient acquises dans le cadre d’une offre, puisque la prise en livraison des actions dépendra de la décision que prendront les autres actionnaires.
  2. Prolongement automatique de 10 jours : Une fois que la condition de dépôt minimal de 50 % aura été remplie et que l'initiateur aura annoncé son intention de procéder à la prise en livraison et au règlement des titres déposés en réponse à l’offre, les offres seraient automatiquement prolongées de 10 jours, période durant laquelle les actionnaires qui n’avaient pas encore déposé leurs titres auraient la possibilité de le faire. Ce prolongement automatique de 10 jours réduit ce que certains observateurs ont décrit comme étant un aspect coercitif du régime actuel des OPA, en permettant aux actionnaires d’attendre de voir si une offre a été acceptée avant de décider s’ils veulent déposer leurs actions. En l’absence d’un tel prolongement automatique, les actionnaires pourraient déposer leurs titres dans le cadre d’une offre avant d’être autrement disposés à le faire, de crainte de ne pas pouvoir les déposer après l’expiration de l’offre.
  3. Période d’ouverture de 120 jours : Les offres devraient demeurer ouvertes pour une période minimale de 120 jours, sous réserve de la capacité du conseil d’administration de l’émetteur visé de renoncer, de façon non discriminatoire en cas d’offres multiples, à la période minimale pour une période d'au moins 35 jours (la période d’ouverture minimale actuelle). Une période minimale de 120 jours donnera au conseil d’administration de l’émetteur visé plus de pouvoir de négociation avec l'initiateur d'une offre non sollicitée et plus de temps pour mener un processus de vente contrôlé dans l’éventualité où il ferait face à une offre non sollicitée faite à un moment potentiellement opportuniste.

Le projet de modification du régime des OPA des ACVM fait suite aux commentaires reçus sur le projet sur les régimes de droits des porteurs des ACVM (la « proposition des ACVM ») et le document Un regard différent sur l’intervention des autorités en valeurs mobilières dans les mesures de défense (la « proposition de l’Autorité) publié par l’Autorité des marchés financiers du Québec (l’« Autorité »), tous deux publiés en mars 2013 et tous deux abandonnés. Pour lire le bulletin d’Actualités Osler du 15 mars 2013 résumant les propositions des ACVM et de l’Autorité, cliquez ici. Même si le projet de modification du régime des OPA intègre certains aspects et thèmes communs aux propositions des ACVM et de l’Autorité, il représente une nouvelle approche qui met l’accent sur des objectifs de politique précis qui consistent à empêcher que les actionnaires soient victimes de coercition et à donner aux conseils d’administration des émetteurs visés plus de temps pour réagir à une offre non sollicitée.

Incidences et questions en suspens

Les détails entourant le projet de modification du régime des OPA doivent être abordés dans la proposition détaillée, dont la publication est prévue pour le premier trimestre de 2015. Toutefois, on peut d’ores et déjà faire les observations suivantes :

  • Plus de temps pour réagir à une offre. Le projet de modification du régime des OPA donnera aux administrateurs des sociétés visées plus de temps pour répondre à une OPA et envisager des alternatives à l’offre. Selon le cadre actuel, un régime de droits fait généralement l’objet d’une interdiction d’opérations par les autorités en valeurs mobilières dans les 50 à 70 jours suivant le début d’une offre (bien qu’on ait vu des variations considérables dans de récentes décisions concernant des pilules empoisonnées). En règle générale, les régimes de droits des porteurs prévoient une période d’« offre permise » de 60 jours. Le projet de modification du régime des OPA fera en sorte que les conseils d’administration auront au moins 120 jours pour répondre à une offre non sollicitée.
  • Hausse possible des coûts et des risques pour les initiateurs. Le fait de donner plus de temps aux sociétés visées pour réagir à une OPA pourrait avoir pour conséquence d’accroître les coûts et les risques pour les initiateurs. Des coûts de financement plus élevés, par exemple, ainsi que la probabilité accrue de l’intervention d’un offrant présentant une offre supérieure, pourraient faire augmenter les coûts et les risques du point de vue de l’initiateur.
  • Possibilité de conclure des transactions amicales en 35 jours. Les conseils d’administration pourront encore accepter des offres amicales dans la période prescrite actuelle de 35 jours, puisque le projet de modification du régime des OPA prévoit que les conseils d’administration des émetteurs visés pourront abréger, de façon non discriminatoire en cas d’offres multiples, la période minimale à pas moins de 35 jours.
  • Plus de certitude. Le projet de modification du régime des OPA offre plus de certitude, en ce sens que, dans le cadre du régime actuel, les audiences devant les organismes de réglementation des valeurs mobilières en vue d’obtenir une interdiction d’opérations à l’endroit d’un régime de droits entraînent une incertitude réglementaire (étant donné que la position des organismes varie d’une offre et d’une province à l’autre) et une incertitude quant au moment des offres.
  • Réglementation et rôle des régimes de droits. L’annonce du projet de modification du régime des OPA ne précise pas la démarche que les ACVM proposent de suivre à l’égard de la réglementation des régimes de droits. Les propositions initiales des ACVM et de l’Autorité demandaient aux organismes de réglementation des valeurs mobilières de se retirer de la réglementation des régimes de droits, à moins de circonstances exceptionnelles. Il sera intéressant de voir si les ACVM proposeront une approche semblable lorsque le projet de modification du régime des OPA sera publié pour consultation, de sorte qu’un régime de droits sera généralement inefficace (et fera l’objet d’une interdiction d’opérations) à la suite d’une offre respectant les nouvelles exigences « 50-10-120 ». De plus, comme le projet de modification du régime des OPA ne s’applique pas aux offres faisant l’objet d’une dispense, les régimes de droits auront toujours un rôle à jouer dans la protection des sociétés visées contre des prises de contrôle rampantes (p. ex. des offres faisant l’objet des dispenses relatives aux achats dans le cours normal des activités et aux contrats de gré à gré).
  • Diminution du nombre d’OPA partielles et élimination des offres visant une partie ou la totalité des titres. Le projet de modification du régime des OPA découragera l’utilisation des OPA partielles (puisqu’il deviendra plus difficile de les réaliser en raison de la condition de dépôt minimal de 50 %) et éliminera la possibilité de procéder à des offres visant une partie ou la totalité des titres.
  • Examen plus global des mesures de défense. L’avis des ACVM indique clairement que, pour le moment, les ACVM n’envisagent aucune modification à l’Avis 62-202 relatif aux mesures de défense contre une offre publique d’achat. Nous accueillerions favorablement un examen plus global de cette politiqueen ce qui concerne le rôle des administrateurs, des organismes de réglementation, des tribunaux et des actionnaires dans le contexte des OPA. Nous reconnaissons toutefois qu’il faudrait consacrer beaucoup de temps à formuler et à mettre en place les solutions de rechange examinées dans le cadre d’un tel examen. L’adoption du projet de modification du régime des OPA n’empêchera pas les organismes de réglementation des valeurs mobilières d’envisager d’autres modifications à l’avenir.

 

Authored by: Allan Coleman, Jeremy Fraiberg, Donald Gilchrist, Alex Gorka, Clay Horner, Douglas Marshall, Emmanuel Pressman, Robert M. Yalden