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L’Alberta publie des procédures de coordination pour la consultation des Premières Nations sur les activités du domaine des ressources énergétiques

Auteur(s) : Shawn Denstedt, c.r., Sander Duncanson, Martin Ignasiak, c.r., Martin Ignasiak, KC

18 juin 2015

Le 10 juin 2015, l’Alberta Energy Regulator (l’AER) a annoncé la publication de procédures de coordination modifiées pour la consultation des Premières Nations sur les activités du domaine des ressources énergétiques (les procédures de coordination) initialement publiées en février 2015, mais par la suite suspendues. Ces procédures renferment les détails tant attendus concernant la coordination du processus d’examen des demandes de l’AER et le processus de consultation des communautés autochtones que l’Aboriginal Consultation Office (ACO) administre en Alberta. Les procédures de coordination devraient enfin clarifier, pour toutes les parties intéressées, le lien entre l’AER et l’ACO. En outre, du point de vue des promoteurs, elles devraient améliorer l’efficacité du processus de réglementation, dans son ensemble. Toutefois, ces procédures pourraient en même temps créer de nouvelles zones grises et mettre au jour certaines inefficacités auxquelles il faudra remédier.

Contexte : la politique et les lignes directrices de l’Alberta en matière de consultation

En août 2013, le gouvernement de l’Alberta a publié une nouvelle politique sur la consultation des communautés autochtones dans la province intitulée The Government of Alberta’s Policy on Consultation with First Nations on Land and Natural Resource Management, 2013. Cette politique annonçait la création d’un nouvel ACO chargé de gérer tous les aspects du processus de consultation de la Couronne. En juillet 2014, de nouvelles lignes directrices en matière de consultation intitulées The Government of Alberta’s First Nations Consultation Guidelines on Land and Natural Resource Management (les lignes directrices) ont été publiées afin de clarifier le processus de consultation de l’ACO et les responsabilités des promoteurs, des Premières Nations et de l’ACO, respectivement. Entre autres, conformément aux lignes directrices, l’ACO est tenu de s’assurer que le processus de consultation des Premières Nations susceptibles d’être touchées par un projet a été mené de façon appropriée avant que l’AER puisse donner son approbation aux termes d’une « disposition particulière » au sens donné au terme specified enactment dans la loi intitulée Responsible Energy Development Act (la REDA), notamment une approbation en vertu des lois intitulées Public Lands Act, Mines and Minerals Act (partie 8), Water Act ou Environmental Protection and Enhancement Act.

Lien entre l’AER et l’ACO

Avant la publication des procédures de coordination, le lien entre l’AER et l’ACO était très ambigu. Par exemple, on ne savait pas vraiment à quelle étape du processus de demande à l’AER les parties devaient avoir mené à bien le processus de consultation de l’ACO. Dans bon nombre de cas, l’ACO considérait que la consultation avait été effectuée de façon appropriée avant que la demande soit présentée à l’AER, mais les Premières Nations touchées présentaient alors leurs mêmes questions et inquiétudes à l’AER dans un exposé de leurs préoccupations (Statement of Concern). De plus, on ne savait pas comment l’AER et l’ACO allaient joindre leurs efforts pour déterminer si le promoteur avait bien évalué les répercussions possibles de son projet sur les droits et les intérêts des communautés autochtones, ni même s’ils allaient travailler de concert à cette fin. Le gouvernement de l’Alberta a publié un arrêté ministériel en octobre 2014 dans le but de donner des lignes directrices générales à l’AER, mais l’AER et l’ACO se sont vus attribuer la tâche d’adopter des procédures de coordination faisant état, en détail, de la façon dont ils allaient coordonner leurs efforts. Certaines questions sont aussi demeurées en suspens à propos de la possibilité d’appliquer l’arrêté ministériel aux demandes présentées aux termes de lois qui ne constituent pas des « dispositions particulières », de même qu’à propos de la façon dont l’AER accédera à certaines exigences formulées dans l’arrêté ministériel.

Procédures de coordination

Après la modification des procédures de coordination initiales publiées en février 2015, l’AER a publié les procédures de coordination définitives le 10 juin 2015. Dans celles-ci, l’AER précise que l’arrêté ministériel ne porte que sur les demandes présentées aux termes de « dispositions particulières », et fournit davantage de détails sur les méthodes conjointes que l’ACO et l’AER emploieront pour donner suite aux exigences de l’arrêté ministériel.

Les procédures de coordination font état de quatre processus différents dans le cadre desquels les responsabilités de l’AER et de l’ACO sont coordonnées. Dans chaque cas, toute demande présentée à l’AER aux termes de « dispositions particulières » (à l’exception des demandes relatives aux activités figurant sur la liste de l’annexe C des lignes directrices) doit dorénavant être accompagnée d’un « supplément à la demande » (application supplement) pour la consultation des Premières Nations. Puis, l’AER étudie la demande suivant l’un des quatre processus suivants :

  • Processus 1 : Demande portant sur des activités ne requérant aucune consultation de la part de l’ACO. Pour ces activités, le supplément à la demande doit comprendre l’évaluation pré-consultation de l’ACO indiquant qu’aucune consultation n’est requise (ou démontrant que l’activité figure à l’annexe C des lignes directrices). L’AER traitera alors la demande conformément à son processus habituel. Si un groupe autochtone dépose un exposé de ses préoccupations, l’AER fournira cet exposé, ainsi que les réponses du promoteur à l’ACO, mais celui-ci ne participera pas officiellement au processus d’examen de l’AER.
  • Processus 2 : Demandes portant sur des activités visées par le processus d’approbation amélioré (Enhanced Approval Process). Pour ces activités, le processus de consultation de l’ACO doit être mené à bien avant qu’une demande puisse être présentée à l’AER. Dans sa décision quant au caractère approprié de la consultation, l’ACO peut conseiller l’AER sur la nécessité de prendre des mesures pour s’attaquer aux répercussions possibles sur les droits issus de traités et les utilisations traditionnelles. Le supplément à la demande joint à la demande de l’AER doit comprendre un tableau des répercussions sur les Premières Nations et des mesures d’atténuation (First Nations Impacts and Mitigation Table) démontrant les conclusions de la consultation effectuée selon le processus de l’ACO ou, autrement, le promoteur peut inclure une copie du rapport de l’ACO quant au caractère approprié de la consultation. L’AER traitera alors la demande conformément à son processus habituel, soit selon le processus 1.
  • Processus 3 : Demandes portant sur des activités non visées par le processus d’approbation amélioré. Pour ces activités, il est possible de présenter une demande à l’AER avant d’obtenir le rapport de l’ACO quant au caractère approprié de la consultation. L’exposé des préoccupations que les groupes d’Autochtones auront déposé fera état des exigences à respecter en ce qui a trait à la consultation de l’ACO ainsi que de la décision qui sera en fin de compte rendue au sujet du caractère approprié de celle-ci. Tout comme le processus 2, le supplément de la demande doit comprendre un tableau des répercussions sur les Premières Nations et des mesures d’atténuation, qui doit aussi être mis à jour une fois que l’ACO aura conclu que la consultation était appropriée. De plus, également comme le processus 2, dans sa décision quant au caractère approprié de la consultation, l’ACO peut conseiller l’AER sur la nécessité de prendre des mesures pour s’attaquer aux répercussions possibles sur les droits issus de traités et les utilisations traditionnelles.
  • Processus 4 : Demandes portant sur des activités nécessitant une consultation à grande échelle (consultation de niveau 3 selon les lignes directrices). Pour ces activités, l’AER élaborera, conjointement avec l’ACO et le promoteur, un plan de consultation conformément aux lignes directrices. Une fois que l’ACO considérera que la consultation prévue par le plan est presque terminée (substantially complete), une demande pourra être soumise à l’AER, et l’ACO produira un avis de fin de consultation (consultation completion notice) informant le promoteur et les Premières Nations que la période de délégation des consultations est presque terminée et prendra fin à la date limite de soumission des exposés des préoccupations à l’AER. À l’instar des processus 2 et 3, le supplément de la demande doit comprendre un tableau des répercussions sur les Premières Nations et des mesures d’atténuation, qui doit être mis à jour une fois que l’ACO aura conclu que la consultation était appropriée. Par la suite, la marche à suivre est la même que pour le processus 3 sauf que, si l’AER tient une audience, l’ACO peut y participer à titre d’observateur et peut présenter un rapport d’audience (hearing report) à l’AER à l’issue de l’audience traitant du caractère approprié de la consultation et des mesures d’atténuation proposées.

Les nouvelles exigences relatives au processus d’examen des demandes de l’AER qui sont exposées ci‑dessus prendront effet le 1er juillet 2015.

Conséquences pour les promoteurs

Les procédures de coordination clarifient les liens entre les processus de l’AER et de l’ACO pour différents types d’activités du domaine des ressources énergétiques. En particulier, l’ACO peut de toute évidence s’attendre à ce que le processus d’application de la réglementation de l’AER fasse partie du processus de consultation de l’Alberta, ce qui devrait permettre le dépôt hâtif de certains types de demandes (c.-à-d. avant la décision quant au caractère approprié de la consultation) et éliminer certaines inefficacités découlant des examens distincts que l’ACO et l’AER effectuaient. Les procédures de coordination clarifient également les exigences relatives au dépôt auprès de l’AER des demandes liées aux questions et aux préoccupations soulevées pendant le processus de consultation de l’ACO.

Toutefois, malgré ces améliorations, les procédures de coordination pourraient aussi donner lieu à des zones grises et à des inefficacités pour les promoteurs. En voici quelques exemples :

  • on ne sait pas trop comment se dérouleront les processus de demandes aux termes de lois qui ne constituent pas une disposition particulière pour lesquelles une consultation est requise, mais auxquelles les procédures de coordination ne s’appliquent pas (c.-à-d. même si la plupart des activités devront être approuvées aux termes d’une disposition particulière, à tout le moins, comme la loi intitulée Public Lands Act, bon nombre d’activités nécessitent aussi une approbation aux termes d’autres lois, comme les permis pour les puits ou les installations aux termes de la loi intitulée Oil and Gas Conservation Act, un permis pour un pipeline aux termes de la loi intitulée Pipeline Act ou l’approbation d’un projet de sables bitumineux aux termes de la loi intitulée Oil Sands Conservation Act, auxquelles les procédures de coordination ne s’appliquent pas);
  • on ne sait pas trop comment l’ACO traitera les nouvelles questions et préoccupations soulevées pendant le processus d’examen de ces exposés par l’AER, et on pourrait faire face à des inefficacités si l’ACO décidait de poursuivre les consultations au moment où, dans le cadre de son processus d’application de la réglementation, l’AER a recours à des mécanismes (comme le mode alternatif de règlement des conflits et des audiences) visant à régler ces préoccupations;
  • on ne sait pas trop comment le promoteur et les intervenants autochtones pourront passer en revue et commenter tout rapport d’audience que l’ACO soumet à l’AER, ce qui serait nécessaire pour respecter les principes de base de l’équité procédurale.

Par conséquent, bien que les procédures de coordination clarifient bon nombre de questions, elles pourraient aussi créer des zones grises et mettre au jour des inefficacités pour les promoteurs auxquelles il faudra remédier.