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La nouvelle normalité de la tarification du carbone : l'Ontario sur le point de dévoiler un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission dans le but de réduire les émissions de gaz à...

Auteur(s) : Richard J. King, Jennifer Fairfax, Daniel Kirby, Jack Coop, Rebecca Hall-McGuire, Patrick G. Welsh

14 avril 2015

Le 13 avril 2015, la première ministre Kathleen Wynne a annoncé que l'Ontario conclura une entente sur le plafonnement et l'échange de droits d'émission avec le Québec dans le but de limiter les émissions de gaz à effet de serre (les émissions de GES) en Ontario. Cette annonce marque le début d'un processus de consultation qui s'étendra sur plusieurs mois et qui permettra d'établir les détails du système de plafonnement et d'échange de droits d'émission. Bien que les rouages du système n'aient pas encore été déterminés, certains éléments de base ont été annoncés.

Premièrement, le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission « plafonnera fermement » les émissions de GES dans chaque secteur de l'économie. Les entreprises qui auront des besoins plus grands que le quota qui leur a été attribué seront tenues d'acheter des permis supplémentaires sur le marché; les entreprises qui ont des permis d'émission excédentaires seront en mesure de les vendre. Deuxièmement, l'Ontario adhérera au système de plafonnement et d'échange de droits d'émission dans le cadre de la Western Climate Initiative, le plus grand marché du carbone en Amérique du Nord, qui englobe le Québec et la Californie. À ce titre, l'Ontario projette de collaborer étroitement avec les deux administrations afin d'harmoniser son marché d'émissions de GES avec les leurs. Troisièmement, le gouvernement réinvestira « de façon transparente » l'argent recueilli par le biais du système de plafonnement et d'échange de droits d'émission dans des projets qui réduiront davantage les émissions de GES et aideront les entreprises à rester compétitives.

La première ministre Wynne a déclaré qu'il serait « irresponsable » de spéculer sur le coût éventuel du système de plafonnement et d'échange de droits d'émission, particulièrement en raison du fait qu'il n'a pas encore été conçu. Un récent document d'information du gouvernement sur le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission indique que le système se traduirait par un ajout de 2 à 3,5 sous au prix du litre d'essence. Le document d'information du gouvernement souligne aussi qu'en Colombie-Britannique, l'utilisation de combustibles fossiles a chuté de 17 % cinq après la mise en application d'une tarification du carbone (perçue par l'entremise d'une taxe sur chaque tonne de carbone émise), et que l'économie de la province avait surpassé celle d'autres provinces dans la foulée de cette mesure.

Le Québec a lancé son système de plafonnement et d'échange de droits d'émission en janvier  2013 et l'a associé au marché de la Californie l'année suivante. Dans le cadre du système québécois, le gouvernement délivre des permis aux entreprises qui émettent 25 000 tonnes ou plus de dioxyde de carbone. Ces permis précisent la quantité de carbone que l'entreprise est autorisée à émettre. Si une entreprise veut dépasser la limite permise, elle doit acheter des permis supplémentaires lors d'une vente aux enchères. Lors de la dernière vente aux enchères conjointe tenue par le Québec et la Californie, un permis autorisant l'émission d'une tonne de dioxyde de carbone coûtait en moyenne environ 15 dollars canadiens. En date de février 2015, le Québec avait réalisé des ventes aux enchères de crédits d'émission valant 190 millions de dollars.

Quand l'Ontario aura adopté son système de plafonnement et d'échange de droits d'émission, plus de 75 % des Canadiens vivront dans des provinces où l'on applique une forme quelconque de tarification du carbone. De plus, des climatologues ont affirmé qu'en se joignant au marché du carbone du Québec et de la Californie, l'Ontario facilitera la vie aux autres provinces qui voudraient lui emboîter le pas.

À l'heure actuelle, la Loi sur la protection de l’environnement de l'Ontario prévoit l'établissement d'« approches axées sur le marché, notamment l’échange de droits d’émission », au moyen d'une réglementation. 

Discussion

L'annonce du 13 avril 2015 constitue une importante étape de plus franchie par le gouvernement de l'Ontario en vue du déploiement de sa stratégie de réduction des émissions de GES (voir notre Actualité Osler du 21 février 2013 pour de plus amples renseignements).  Toutefois, on en sait encore peu sur le fonctionnement du système de plafonnement et d'échange de droits d'émission et, en particulier, sur l'approche voulant que des plafonds soient établis pour chaque secteur.   Le gouvernement de l'Ontario a insisté sur le fait qu'il aidera certains secteurs de manière à s'assurer que ce système ne les désavantagera pas sur le plan concurrentiel (au Québec, par exemple, des crédits d'émission gratuits ont été accordés à certaines industries).  Un des plus grands défis sera de s'assurer que l'attribution des permis entre les secteurs et au sein des secteurs est équitable et n'engendre pas de contraintes indues. Par exemple, a) comment seront traités les premiers utilisateurs de permis, et b) est-ce que les répercussions  économiques seront également réparties?  Il coûtera peut-être plus cher à certains secteurs et à certaines entreprises de réduire leurs émissions.  Ce problème sera probablement examiné de près par la communauté des affaires, à moins que les coûts finals soient peu prohibitifs.

Les coûts accrus auxquels feront face les entreprises seront probablement absorbés par les consommateurs au bout du compte.  Quoi qu'il en soit, le gouvernement de l'Ontario a clairement indiqué que la tarification du carbone arrive en Ontario et il a averti les entreprises qu'elles allaient devoir s'adapter à cette nouvelle réalité.  Tout comme dans le cas de n'importe quel marché créé par un gouvernement, des occasions de profiter du système s'offriront peut-être aux entreprises, particulièrement celles qui travailleront activement à réduire leurs émissions de GES et qui seront en mesure de vendre leurs crédits d'émission.  On s'attend à ce que les cabinets d'avocats soient sollicités pour aider l'industrie à présenter des mémoires dans le cadre du processus de consultation de l'Ontario, et à s'adapter au nouveau régime de plafonnement et d'échange de droits d'émission lorsqu'il sera dévoilé.  Alors que les entreprises attendent impatiemment de connaître les détails du système ontarien de plafonnement et d'échange de droits d'émission, elles doivent aussi commencer à se préparer à appliquer la « nouvelle normalité » de la tarification du carbone en Ontario.