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Le PAPE de Hydro One et la restructuration de The Beer Store : l’Ontario passe à l’action

Auteur(s) : Terrence Burgoyne, Steven Smith

9 décembre 2015

À l’instar de bien d’autres gouvernements provinciaux du Canada, le gouvernement ontarien de la première ministre Kathleen Wynne s’emploie à trouver des moyens de faire face à l’accroissement de la dette et de financer son « programme activiste », notamment ses efforts pour régler le déficit de l’Ontario en matière d’infrastructures, compte tenu de l’incertitude économique. L’approche de la première ministre Wynne comportait donc le recours à des personnes et des stratégies novatrices pour obtenir conseils et solutions.

Conseil consultatif de la première ministre sur la gestion des biens provinciaux

En 2014, la première ministre Wynne s’est adjoint les services d’un allié exceptionnel en nommant Ed Clark (un dirigeant d’entreprise chevronné qui était sur le point de prendre sa retraite à titre de chef de la direction de la Banque TD, et qui avait aussi de solides antécédents en matière de politique publique) au poste de président du nouveau Conseil consultatif de la première ministre pour la gestion des biens provinciaux. Récemment, elle a élargi le mandat de M. Clark en le nommant conseiller spécial pour les affaires économiques.

Le mandat du Conseil était de conseiller le gouvernement afin qu’il tire davantage de recettes de ses actifs, qu’il réduise le déficit de l’Ontario et qu’il soutienne l’ambitieux programme d’investissement dans les infrastructures du gouvernement. Le Conseil devait d’abord procéder à l’examen de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO), de Hydro One et d’Ontario Power Generation (OPG).

Le rapport préliminaire

Le Conseil a publié un rapport préliminaire à la fin de 2014. Dans ce rapport, le Conseil rejetait la privatisation de la LCBO pour privilégier d’autres recommandations destinées à accroître la rentabilité de celle-ci, tout en instaurant des améliorations graduelles en matière d’expérience client et de compétitivité. Le Conseil suggérait également la tenue d’un plus vaste examen de la distribution des boissons alcoolisées en Ontario, en se concentrant sur le quasi-monopole exercé par le secteur privé , à savoir The Beer Store (appartenant à Labatt, Molson et à Sleeman, toutes trois contrôlées par des intérêts étrangers) et les magasins de détail externes d’établissements vinicoles, en vue d’accroître la concurrence sélective et d’assurer que le public tire sa juste part des bénéfices de ces réseaux.

Dans son rapport préliminaire, le Conseil a également considéré l’opportunité d’apporter des améliorations opérationnelles aux entreprises d’Hydro One. Le Conseil suggérait notamment que le gouvernement dilue sa participation dans l’entreprise de distribution de Hydro One par l’apport de capital privé, afin de favoriser l’efficacité de la distribution de l’électricité.

Rapport sur le secteur de l’électricité

En avril 2015, le Conseil a publié son rapport final sur le secteur de l’électricité, intitulé Atteindre un juste équilibre : Amélioration du rendement et augmentation de la valeur dans le secteur ontarien de l’électricité. Le Conseil y recommandait notamment ce qui suit :

  • la province devrait procéder à la vente partielle d’un pourcentage de sa participation dans Hydro One afin de créer une société axée sur la croissance ayant son siège en Ontario;
  • la vente partielle des intérêts de la province dans Hydro One devrait se faire au moyen d’un placement public, dans le cadre duquel environ 15 % des actions d’Hydro One seraient offertes sur le marché, initialement;
  • le gouvernement devrait indiquer son intention de conserver le reste de ses actions après avoir ramené sa participation à 40 %, et le reste devrait être détenu par un grand nombre d’actionnaires, sans qu’aucun n’en détienne à lui seul plus de 10 %.

Le 5 novembre 2015, Hydro One et la province ont réalisé un premier appel public à l’épargne visant 81 100 000 actions ordinaires de Hydro One Limited, au moyen d’un placement secondaire par la province, au prix de 20,50 $ l’action ordinaire. Le 12 novembre 2015, les preneurs fermes ont exercé leur option d’acquérir 8 150 000 actions ordinaires supplémentaires au prix d’offre initial. La province a tiré un produit brut d’environ 1,83 milliard de dollars du placement, ce qui en fait non seulement le plus important PAPE au Canada en 2015, mais aussi des 15 dernières années. La province a conservé 84 % des actions ordinaires émises et en circulation de la Société, mais selon les recommandations du Conseil, elle a déclaré vouloir en vendre d’autres au fil du temps, jusqu’à ce que sa participation dans Hydro One Limited soit ramenée à environ 40 %.

Rapport sur la distribution et la vente au détail de la bière

En avril 2015, la Conseil a publié un autre rapport, intitulé Atteindre un juste équilibre : modernisation de la vente au détail et de la distribution de la bière en Ontario. Le rapport comportait un sommaire des modalités, ou un « cadre des principes clés » (« l’entente-cadre »), qui avait fait l’objet de négociations entre le Conseil, d’une part, et The Beer Store (TBS) et ses propriétaires, d’autre part. L’entente-cadre constituait la base des négociations futures avec The Beer Store et ses propriétaires, qui se sont soldées par la conclusion d’une série d’ententes, signées et annoncées en septembre (les « nouvelles ententes relatives à la vente de bière »).

Une fois qu’elles auront intégralement été mises en œuvre, les nouvelles ententes relatives à la vente de bière modifieront sous bien des aspects la vente et la distribution de bière en Ontario :

  • Tous les brasseurs qui ont des installations en Ontario et qui vendent de la bière par l’entremise de TBS auront la possibilité de détenir des actions de cette société.
  • La gouvernance de TBS sera plus transparente et responsable : les petits brasseurs seront représentés au conseil, et quatre administrateurs indépendants (sélectionnés conjointement par la province et par les propriétaires initiaux de TBS) représenteront les intérêts du grand public.
  • TBS sera exploitée selon le principe du recouvrement des coûts, tous les brasseurs payant leur juste part.
  • TBS investira 100 millions de dollars en immobilisations afin d’améliorer l’expérience client.
  • La vente de caisses de 12 bières fera l’objet d’un projet pilote dans les magasins de la LCBO.
  • La bière sera en vente dans quelque 450 épiceries en Ontario.

Ces modifications constituent un compromis typiquement canadien : elles permettent de conserver l’actuel régime de vente au détail et de distribution de l’Ontario (qui est à relativement faible coût et offre un bon équilibre entre les recettes publiques et des prix à la consommation moins élevés, en comparaison avec d’autres territoires de compétence canadiens), tout en rendant le système plus équitable pour tous les intéressés et en accroissant la commodité pour les consommateurs.

Le conseiller spécial pour les affaires économiques de la première ministre : l’Ontario a maintenant un chef du développement

Dans son rôle de conseiller spécial pour les affaires économiques de la première ministre, Ed Clark met la réputation enviable qu’il s’est taillée au sein de la communauté d’affaires nord-américaine (le magazine Barron l’a nommé deux fois parmi les 30 plus grands PDG du monde) au service du programme de la première ministre Wynne. Récemment, il a fait part de certaines initiatives qu’il croit nécessaires pour que l’Ontario accroisse sa vigilance et mise sur ses points forts (comme ses systèmes d’éducation et de santé publics, son ouverture et sa tolérance, et son système fiscal concurrentiel à l’échelle mondiale) :

  • devenir un chef de file dans la fabrication « intelligente » et l’innovation;
  • aider les petites entreprises à s’orienter davantage vers l’exportation, afin qu’elles puissent réaliser des économies d’échelle et se concentrer sur la croissance continue, plutôt que sur la liquidation;
  • réduire les lourdeurs administratives inutiles en adoptant une approche réglementaire axée sur les résultats, afin de faire du gouvernement une source d’avantages concurrentiels;
  • faire de l’économie de l’Ontario une économie fondée sur le savoir et axée sur l’exportation de services;
  • tirer parti des excellents hôpitaux de l’Ontario et les relier plus étroitement au secteur privé, afin d’en faire des exportateurs de services de santé;
  • se concentrer sur la compétitivité dans des secteurs où les gens sont mieux rémunérés, plutôt que moins bien, comme la fabrication de pointe, la santé, les universités et les services-conseils;
  • tirer un meilleur profit des très vastes centres d’innovation ontariens situés à Ottawa, à Toronto et à Kitchener-Waterloo.

Ces initiatives, si elles sont couronnées de succès, pourraient avoir des répercussions cruciales sur l’économie de l’Ontario, et du Canada dans son ensemble.

Autres provinces

Les autres provinces doivent faire face à des problèmes semblables, ou à des défis qui leur sont propres, mais elles sont peu nombreuses à avoir un conseiller de la trempe d’Ed Clark disponible pour leur prêter main-forte. On peut s’attendre à ce que les autres provinces examinent les initiatives de l’Ontario et se posent des questions similaires : quels sont les éléments d’actifs du gouvernement qui pourraient aider à financer les investissements nécessaires dans l’infrastructure? Comment les gouvernements peuvent-ils attirer les entreprises et favoriser leur croissance en allégeant leur fardeau réglementaire? Comment leurs économies peuvent-elles passer des secteurs d’activité traditionnels aux nouveaux secteurs d’activité? Nous continuerons de suivre l’évolution de la situation à l’échelle du pays afin de déterminer dans quelle mesure les initiatives qui seront, sans nul doute, mises en œuvre au cours des prochains mois et des prochaines années auront été couronnées de succès.

Remarque : Osler a agi pour le compte de Hydro One, dans le cadre de son PAPE, et pour le compte du Conseil consultatif de la première ministre sur la gestion des biens provinciaux, dans le cadre de son travail relatif à The Beer Store.