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Miser sur l’avenir : la montée de l’industrie du jeu

Auteur(s) : Eric M. Levy, Ilkim Hincer

9 décembre 2015

En 2015, l’ambitieux plan du gouvernement de l’Ontario visant la modernisation de la prestation de services de jeu et de divertissement a repris son élan, après avoir fait face à un certain nombre de défis et de retards. Ce plan de modernisation est un autre exemple (qui vient s’ajouter au PAPE d’Hydro One et à la restructuration des circuits de vente au détail de la bière dans la province) du désir de l’Ontario d’optimiser ses actifs et de réunir des fonds pour des objectifs prioritaires comme le transport en commun et l’infrastructure. La revitalisation de l’industrie du jeu donne lieu à des occasions d’expansion et de croissance dans la province.

Le chemin de la modernisation

Sur bien des plans, la Société des loteries et des jeux de l’Ontario (OLG), société de la Couronne responsable de l’exploitation et de la gestion des activités de jeu commerciales en Ontario, est l’une des plus grandes organisations de jeu en Amérique du Nord. Comptant plus de 30 établissements de jeu et 10 000 points de vente de billets de loterie, OLG enregistre des produits de près de 7 milliards de dollars par année, et fournit à la province environ 2 milliards de dollars de bénéfices nets, destinés à des priorités publiques, telles que les soins de santé, l’éducation et l’infrastructure. De plus, les municipalités hôtes reçoivent au total un peu moins de 100 millions de dollars de produits du jeu annuellement.

Reconnaissant le besoin d’augmenter le bénéfice net de la province et d’optimiser la prestation des services de jeu traditionnel, le gouvernement a entrepris son ambitieuse initiative de modernisation en 2012. À l’époque, le secteur du jeu traditionnel comptait plus de 23 000 machines à sous et 500 tables de jeu. OLG possédait et exploitait presque tous les établissements de jeu; dans quelques-unes des installations, la prestation des services au jour le jour était assurée par des exploitants du secteur privé. OLG avait un effectif d’un peu moins de 18 000 personnes en Ontario. Le coût de toutes ces propriétés et de ces employés était assumé au moyen des fonds publics. À quelques exceptions près, toutes les améliorations apportées aux immobilisations dépendaient aussi entièrement des deniers publics.

Constatant que ce modèle n’était pas viable à long terme, OLG a entrepris un examen stratégique des activités, des consultations auprès des parties intéressées et des analyses comparatives du jeu dans plusieurs territoires. Après avoir reçu l’approbation du gouvernement, OLG a lancé son plan de modernisation. Dès le départ, les principaux moteurs de la modernisation étaient la réduction du fardeau que représentaient les coûts en capital pour les fonds publics et la maximisation des occasions d’investissement du secteur privé. Il a également été reconnu, comme autre facteur important, que l’expertise du secteur privé pouvait, et devrait, être mieux utilisée, non seulement pour favoriser le développement et les investissements, mais aussi en vue d’offrir des services opérationnels améliorés, axés sur le client, dans le cadre d’un modèle fortement réglementé. Compte tenu des investissements de capitaux prévus du secteur privé de l’ordre de 3 milliards de dollars qui allaient stimuler l’activité économique, l’ensemble des initiatives de modernisation devrait générer un bénéfice net annuel supplémentaire de 1,3 milliard de dollars d’ici 2017, de même que la création de plus de 2 300 nouveaux emplois dans le secteur du jeu, et plus de 4 000 emplois dans le secteur des services connexes, comme l’industrie du tourisme d’accueil.

Le gouvernement provincial a toujours envisagé la création ou le réaménagement d’installations de « jeux de casino » en Ontario, avec l’objectif d’avoir les risques liés au capital et à l’exploitation assumés par le secteur privé, plutôt que par le secteur public, ainsi qu’une OLG rationnalisée assurant la surveillance de « l’exploitation et la gestion ». Parallèlement, on prévoyait qu’une initiative de modernisation du secteur du bingo de bienfaisance, visant à transformer les salles de bingo participantes en centres de bingo électronique, allait rapporter plus 475 millions de dollars aux organismes de bienfaisance au cours de sa période de mise en œuvre.

Défis et obstacles

Malgré les bonnes intentions des parties impliquées, la mise en œuvre de l’initiative de modernisation a subi des retards, en raison de ce qui suit :

  • le contrecoup de la décision du gouvernement provincial d’abolir le programme de financement de l’industrie des courses de chevaux, qui était assuré par la présence de machines à sous dans les hippodromes

  • la décision subséquente de maintenir le financement de l’industrie des courses de chevaux et d’intégrer les courses de chevaux au jeu

  • l’élaboration d’une nouvelle formule de financement des collectivités hôtes

  • la décision de certaines municipalités de refuser les nouvelles installations ou le déménagement des installations existantes

  • le changement de direction, notamment le pdg d’OLG et le conseil d’administration

  • les changements au gouvernement de l’Ontario, notamment la première ministre et le ministre des Finances

  • le processus d’approvisionnement d’OLG qui a pris plus de temps que prévu

Surmonter les retards dans la modernisation

En 2015, la modernisation de l’industrie du jeu a pris un nouvel élan en raison de certains développements clés :

  • la nomination de Stephen Rigby, ex-conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre du Canada, au poste de président et chef de la direction d’OLG

  • la clôture de sept dossiers liés à la demande de présélection, notamment pour la région du Grand Toronto, dans le cadre du processus d’approvisionnement visant à accroître la participation du secteur privé

  • l’approbation par le Conseil municipal de Toronto, après de nombreux débats houleux et de longues consultations, de l’expansion des jeux offerts à l’hippodrome de Woodbine, en vue de créer un complexe de divertissement intégré comportant un casino

  • l’engagement renouvelé du gouvernement de l’Ontario à intégrer les courses de chevaux aux jeux de casino

  • l’attribution de la première zone de jeu (la zone de jeu « Est » de l’Ontario comprend les installations de Belleville, Peterborough et des Mille-îles) à la Great Canadian Gaming Corporation, près de trois ans après le début du processus d’approvisionnement

Même si le plan de mise en œuvre initial et les projections ont été révisés en raison du caractère évolutif de la modernisation, les initiatives continuent de susciter beaucoup d’intérêt de la part d’exploitants de jeux, de concepteurs et de financiers de calibre mondial. En raison de la remontée des activités l’an dernier, et de la publication anticipée de multiples demandes de proposition au cours des semaines et des mois qui viennent, le gouvernement provincial est prêt à effectuer la transition vers un modèle de surveillance plus moderne, fondé sur un partenariat renouvelé avec le secteur privé. L’objectif d’ensemble est de stimuler l’activité économique, de mettre en place une exploitation durable, moderne et efficace, et d’offrir aux Ontariens et aux touristes en Ontario des choix de divertissements novateurs, d’une façon socialement responsable, qui optimisera le financement des bonnes causes.

Le portrait global des fusions et acquisitions

Tandis qu’OLG se concentrait sur la modernisation, l’industrie mondiale du jeu était submergée par une vague de fusions et d’acquisitions, déclenchée en grande partie par l’importante multiplication des plateformes mobiles et en ligne, l’instauration de nouvelles mesures fiscales et l’augmentation de la réglementation qui s’en est suivie. L’obligation de satisfaire à des exigences réglementaires plus rigoureuses, et la nécessité accrue de promouvoir des produits dans un contexte concurrentiel ont fait grimper les coûts de la conformité et les frais d’exploitation des acteurs de l’industrie. Dans ces circonstances, les économies d’échelle ont donné lieu à une hausse de fusions et acquisitions dans le secteur.

En raison du nombre et de l’envergure des opérations réalisées en 2015, ce fut une année record en matière de fusions et d’acquisitions dans ce secteur. Nous avons été témoins de trois mégaopérations : la fusion, évaluée à 2,3 milliards de livres sterling, de Ladbrokes et de Gala Coral, en juillet 2015; la fusion, évaluée à 6 milliards de livres sterling, de Betfair et Paddy Power en août 2015, et l’acquisition, par GVC , de Bwin.party, pour un montant de 1,1 milliard de livres sterling, en septembre 2015.

Ces opérations ont fait suite à la mégaopération d’acquisition au Canada qui a été conclue à l’été 2014, lorsque la société Amaya Inc. (Amaya), de Montréal, représentée par Osler, a acheté la société fermée Oldford Group, qui était alors le propriétaire-exploitant de PokerStars et de Full Tilt, au coût de 4,9 milliards de dollars américains (l’acquisition d’Oldford Group). Avant et après l’acquisition d’Oldford Group, Amaya a procédé à une série de ventes d’actifs, en se départissant de ses actifs de jeu traditionnel et d’autres éléments d’actif secondaires. Ces ventes d’actifs ont contribué au lancement d’un premier appel public à l’épargne de trois nouveaux émetteurs : The Intertain Group Ltd. (TSX: IT), NYX Gaming Group Ltd. (TSXV: NYX) et Innova Gaming Group Inc. (TSX: IGG).

À la suite de ces opérations et d’autres qui ont eu lieu sur le marché, le Canada a été rapidement reconnu comme l’un des territoires les plus importants au niveau international en ce qui concerne l’exploitation des sociétés de jeu.

Nos homologues européens ont eu leur part d’activités, eux aussi, incluant l’acquisition d’IGT, au coût de 3,591 milliards de livres sterling, par Gtech en juillet 2014, suivie de l’achat de Bally Technologies, au coût de 3,04 milliards de livres sterling, par Scientific Games, en novembre 2014.

Il faut noter que certaines sociétés d’investissement privé parmi les plus grandes et les plus réputées dans le monde ont participé au financement des récentes activités de fusion et d’acquisition, ce qui laisse entendre que ces activités, dans l’industrie des jeux canadienne et mondiale, poursuivront leur essor en 2016. Si l’on y ajoute l’attribution prévue, par OLG, de multiples zones de jeux, et les activités concomitantes en matière de développement, d’exploitation et de transition, l’industrie du jeu, au Canada, devrait être effervescente en 2016.

Remarque : en 2015, Osler a créé un groupe spécialisé en droit du jeu.