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La levée des sanctions économiques canadiennes contre l’Iran créera d’importants débouchés commerciaux pour les entreprises canadiennes

10 février 2016

Le 5 février 2016, Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères, et Chrystia Freeland, ministre du Commerce international, ont annoncé des modifications majeures aux sanctions économiques canadiennes contre l’Iran en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) et à la Loi sur les Nations Unies (LNU). Ces modifications avaient été déclenchées non seulement par la levée des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU), en raison de l’accord sur le programme nucléaire intervenu avec le gouvernement iranien, mais aussi par la perception que les entreprises canadiennes étaient fortement défavorisées par rapport à leurs concurrents de l’Union européenne qui avaient, dans certains cas, déjà conclu des ententes avec des entreprises iraniennes en prévision de la signature de l’accord sur le programme nucléaire. Comme on peut le lire dans le communiqué publié par le gouvernement canadien : « [l]es entreprises canadiennes seront maintenant mieux positionnées pour concurrencer les autres entreprises à l’échelle mondiale ».

En résumé, les éléments les plus étendus et les plus restrictifs de ces sanctions ont maintenant été supprimés, ce qui permet aux entreprises canadiennes d’envisager de faire des affaires sur le marché iranien. Toutefois, certaines interdictions continuent de s’appliquer dans un cadre législatif et réglementaire complexe, ce qui exige des dirigeants d’entreprises canadiennes qu’ils fassent preuve de prudence et qu’ils effectuent les vérifications diligentes appropriées pour s’assurer que leurs activités ne contreviennent pas à l’une ou l’autre des sanctions économiques maintenues par le Canada. De plus, les entreprises canadiennes et, dans certains cas, leurs administrateurs et dirigeants qui sont des Américains, de même que les entreprises qui appartiennent à des sociétés mères américaines, devront aussi jongler non seulement avec les sanctions canadiennes qui sont toujours en vigueur, mais également avec les sanctions économiques complexes imposées par les États-Unis. L’allègement des sanctions américaines contre l’Iran se déroule actuellement à un rythme plus lent et cible les mesures liées au programme nucléaire.

On constate par ailleurs la complexité des règles applicables dans les documents d’information préparés par le gouvernement canadien sur les modifications apportées aux sanctions contre l’Iran, dans lesquels on note que « les entreprises canadiennes devront adopter une approche prudente à l’égard du marché iranien et suivre les conseils de leurs conseillers juridiques ».

Contexte

Depuis 2006, le CSNU a infligé diverses sanctions à l’Iran en raison des nombreuses préoccupations que soulève le programme nucléaire iranien. Ces mesures ont été mises en œuvre au Canada aux termes de la LNU. Un certain nombre de pays, dont le Canada, ont même édicté des interdictions supplémentaires à celles du CSNU. Le Canada a imposé ses sanctions de concert avec ses principaux partenaires commerciaux, dont les États-Unis et l’Union européenne, en vertu de la LMES. Les sanctions de la LMES ont progressivement été élargies au cours des années qui ont suivi de manière à englober le commerce, les investissements et la prestation de services, notamment financiers, ainsi que dans le but de geler les avoirs de certaines personnes physiques ou morales iraniennes désignées. Les sanctions établies par le CSNU ont abouti à l'acceptation, par l’Iran en juillet 2015, des modalités du Plan d’action global commun  (Plan d’action), lequel a été entériné par la Résolution 2231 du CSNU. La date d'adoption du Plan d’action était le 18 octobre 2015 et il a été mis en œuvre le 16 janvier 2016.

Levée des sanctions

Le 16 janvier 2016, l’Agence internationale de l’énergie atomique a confirmé que l’Iran avait honoré ses engagements dans le cadre du Plan d’action. Suite à cela, le CSNU a levé la majorité des sanctions qu’il avait infligées à l’Iran. Le Canada a maintenant lui aussi modifié ses sanctions contre l’Iran aux termes de la LNU et la LMES de manière à permettre un réengagement économique contrôlé entre les pays, sauf en ce qui a trait aux armes, aux matières nucléaires, ainsi qu’à certains biens et technologies à double usage. Plus précisément, les modifications lèvent les interdictions qui s’appliquaient :

  • aux importations en provenance de l’Iran et aux exportations vers l'Iran, à l’exception de certains produits énumérés dans le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran (produits visés);
  • au transfert, à l’approvisionnement ou à la communication de certaines données techniques à l’Iran, à l’exception des données techniques liées aux produits visés;
  • à la prestation ou à l’acquisition de services financiers ou autres à l'Iran ou auprès de l’Iran;
  • aux investissements dans des entités en Iran;
  • à la prestation de services à certains navires iraniens.

Les modifications touchent également la liste de personnes physiques ou morales figurant dans le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran, avec qui il est interdit de faire des affaires (entités visées).

Sanctions maintenues

La réglementation prise en vertu de la LNU à l’égard de l’Iran continuera d’interdire les exportations, l’assistance technique, le financement et d'autres activités visant des biens ou des technologies liés au nucléaire, ainsi que des systèmes de missiles balistiques et d'armes lourdes.

Le Canada continuera par ailleurs de maintenir l’annexe dans laquelle figurent les entités visées aux termes de la réglementation prise en vertu de la LMES à l’égard de l’Iran, et continuera d'imposer aux institutions financières canadiennes des obligations relatives à la recherche, au gel, à la surveillance, à la divulgation et aux vérifications diligentes, pour veiller à ce qu’aucun service financier ne soit fourni à une entité visée.

Certains types d’opérations resteront interdits en vertu de la réglementation prise en vertu de la LMES à l’égard de l’Iran, notamment :

  • toute opération mettant en jeu un bien avec une entité visée qui est assujettie à un gel de ses avoirs en vertu de la LMES;
  • l’exportation, la vente, la fourniture ou l’expédition en Iran ou à une personne en Iran d’un produit visé;
  • le transfert, la fourniture ou la divulgation en Iran ou à une personne en Iran de données techniques liées à un produit visé.

Le Canada restreint toujours l’exportation vers l’Iran d’un large éventail de produits sensibles figurant sur la Liste des marchandises d’exportation contrôlée (LMEC) en vertu de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation. Les demandes de licence d’exportation pour les produits énumérés dans la LMEC seront traitées au cas par cas, mais il existe une présomption de refus d’exportation pour certains produits sensibles.

Occasions croissantes et atténuation des risques

La ministre Freeland a souligné que l’allègement des sanctions contre l’Iran permettra aux entreprises canadiennes de se positionner de façon concurrentielle en vue d’exploiter de nouveaux débouchés commerciaux, tout en permettant au gouvernement canadien de garder un contrôle rigoureux sur les activités qui peuvent soulever des préoccupations relativement à la prolifération. Le ministre Dion a insisté sur l’importance pour les entreprises canadiennes de gagner l’accès à un marché de 80 millions de personnes.

L’allègement des sanctions placera les entreprises canadiennes en meilleure position pour livrer concurrence sur le marché iranien. Cependant, il est essentiel de noter que d’importantes sanctions demeurent en vigueur en ce qui a trait à l’Iran et que le cadre dans lequel ces interdictions sont administrées est complexe. L'application des sanctions américaines aux biens et aux technologies d’origine américaine, y compris lorsque des activités à valeur ajoutée canadiennes se déroulent à l’extérieur des États-Unis, peuvent entraîner l’application des sanctions économiques américaines. Les sanctions économiques américaines peuvent également s’appliquer aux Américains qui se trouvent au Canada, notamment lorsqu’ils sont employés par des entreprises canadiennes.

Les entreprises canadiennes devraient réaliser des vérifications diligentes rigoureuses en ce qui a trait à leurs partenaires commerciaux, clients ou fournisseurs éventuels en Iran ou ayant des liens avec l’Iran, de façon à s’assurer de ne pas contrevenir aux sanctions canadiennes et aux sanctions américaines qui ont une large portée. En même temps, les sanctions pourraient s’appliquer à une activité proposée qui ne transgresse pas leur esprit et leur but véritables. Selon la nature de l’activité proposée, il peut être possible d’obtenir une dispense ministérielle autorisant une entité à exercer une activité qui aurait été autrement été défendue.