Auteur(s) :
Kenza Salah, Terri-Lee Oleniuk, Jeremy Barretto
22 septembre 2016
Le 19 septembre 2016, le ministre de l'Environnement de la Saskatchewan a refusé [PDF anglais] d’accorder une approbation au point de vue environnement pour le projet d’énergie à Chaplin (le projet). Le projet proposé est une installation éolienne de 177 mégawatt (MW) près de la municipalité rurale de Chaplin, située 200 km à l’ouest de Regina. Il s’agissait de la première étude d’impact sur l’environnement pour un projet éolien en Saskatchewan.
Saskatchewan Power Corporation (SaskPower) est le service public et le principal fournisseur d’électricité de la province. Windlectric Inc. (Windlectric), filiale d’Algonquin Power Co., a remporté le processus de demande de proposition de SaskPower en 2012 et les parties ont signé un contrat d’achat d’énergie de 25 ans visant la construction d’installations de production d’énergie éolienne. Le projet proposé par Windlectric comprenait au maximum 79 éoliennes et installations accessoires sur 19 000 hectares de terres privées et appartenant à la Couronne.
Processus d'étude d'impact sur l'environnement
La loi intitulée The Environmental Assessment Act [PDF anglais], c. E-10.1 SS (la Loi) exige l’approbation par le ministère d’un « projet d’exploitation » (development), défini dans la Loi comme un projet qui pourrait avoir un impact considérable prescrit sur l’environnement ou causer des inquiétudes auprès du public en raison des modifications potentielles de l’environnement. Si le projet est considéré comme un « projet d’exploitation » en vertu de la Loi, le promoteur doit effectuer une étude d’impact sur l’environnement et présenter au ministre un énoncé des incidences environnementales (EIE) sur le projet. Lorsque les exigences de la Loi sont remplies, le ministre peut approuver le projet d’exploitation en vue de sa mise en œuvre, avec les conditions nécessaires, ou refuser de l’approuver en vertu de l’article 15 de la Loi.
En juillet 2013, Windlectric a présenté une proposition de projet à l’Environmental Assessment Branch de la Saskatchewan. La proposition a été envoyée au Saskatchewan Environmental Assessment Review Panel (SEARP), groupe d’experts dans le domaine technique et en réglementation provenant de tous les secteurs du gouvernement de la Saskatchewan. À la suite de l’examen technique interne du SEARP, on a jugé que le projet proposé répondait à la définition de « projet d’exploitation » en vertu de la Loi. Une étude d’impact sur l’environnement était donc requise et Windlectric allait devoir présenter une EIE.
Windlectric a réalisé son EIE pour le projet en septembre 2015, après avoir réglé des lacunes dans son EIE initiale de mars 2015 soulignées par le SEARP. Le ministre de l’Environnement a procédé à un examen public de l’EIE en vertu des articles 11 et 12 de la Loi et il a reçu 137 réponses. La principale préoccupation soulevée pendant la consultation publique est le fait que le projet se situe au nord du lac Chaplin, qui se trouve près de zones importantes pour la conservation des oiseaux et d’un couloir de migration connu.
Compte tenu de l’EIE, de l’examen technique et de l’examen public, le ministre a refusé d’approuver le projet en vertu de l’alinéa 15(1)b) de la Loi. Dans ses motifs, le ministre a conclu ce qui suit :
- le caractère unique de la zone du projet et l’importance du maintien des populations d’oiseaux de rivage et de sauvagines migrateurs en Saskatchewan et dans l’hémisphère occidental rendent cruciale la protection de ces sites ;
- pendant l’étude d’impact sur l’environnement pour le projet, des préoccupations ont été soulevées au sujet de son emplacement et de la possibilité de mortalité d’oiseaux migrateurs, notamment des espèces en péril, et de l’incidence sur des voies migratoires ;
- le modèle d’évaluation des risques de mortalité des oiseaux utilisé par le promoteur était essentiellement incertain, ce qui a pu causer une sous-estimation du potentiel de mortalité des oiseaux migrateurs causée par le projet ;
- aucune des mesures de réduction proposées visant des éléments individuels (p. ex., une distance de recul, l’enfouissement des lignes de collecteur, la disposition des turbines et les mesures de réduction réactives) ne pourrait régler de façon satisfaisante les effets potentiels du projet dans un couloir de migration connu.
Le projet ne peut être mis en œuvre sans l’approbation du ministre en vertu de la Loi.
Incidence sur les promoteurs d'énergie éolienne en Saskatchewan
La décision illustre les risques potentiels liés à l'approbation réglementaire des projets d'énergie éolienne en Saskatchewan. Elle est particulièrement notable en raison de l'engagement de SaskPower d’augmenter sa capacité de production installée tirée de sources renouvelables, soit l’énergie éolienne, solaire, tirée de la biomasse, géothermique et hydroélectrique, pour la faire passer de 25 à 50 % d’ici 2030. SaskPower a annoncé qu’elle obtiendrait 100 MW d’énergie éolienne en 2016 et qu’elle allait obtenir jusqu’à 1 600 MW de nouvelle production éolienne entre 2019 et 2030.
Il est intéressant de noter que la Saskatchewan a publié de nouvelles lignes directrices concernant la sélection d'un site pour les projets d’énergie éolienne ou d’autres projets de production d’énergie renouvelable le 19 septembre 2016, soit le même jour que la décision Chaplin. Les lignes directrices prévoient une zone tampon de cinq kilomètres autour des zones écosensibles à éviter. Ces lignes directrices mentionnent également que le fait de placer des projets d’énergie éolienne sur des sites à risque élevé pourrait entraîner des retards d’approbation, l’imposition de restrictions visant l’exploitation et une hausse des coûts liés à l’étude environnementale. Le ministre de l’Environnement a affirmé que l’expérience obtenue pendant l’examen du projet Chaplin avait été précieuse pour l’élaboration des nouvelles lignes directrices concernant la sélection d’un site pour les projets d’énergie éolienne ou d’autres projets de production d’énergie renouvelable. Il reste maintenant à savoir si le processus d’étude d’impact sur l’environnement de la Saskatchewan et les nouvelles lignes directrices suffisent pour attirer des investissements suffisants en vue d’atteindre les objectifs d’énergie renouvelable de la province tout en protégeant l’environnement.