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Le département du Trésor des États-Unis publie un nouveau modèle de convention fiscale

Auteur(s) : Kevin Colan

22 février 2016

Le département du Trésor des États-Unis a publié un modèle révisé de convention fiscale bilatérale (le « modèle de convention de 2016 »), qui constitue une mise à jour importante du modèle de 2006. Les États-Unis utilisent un modèle de convention fiscale comme texte de base pour négocier les conventions fiscales. 

Le modèle de convention de 2016 contient de nombreuses modifications, dont plusieurs ne sont pas des modifications de fond, mais reflètent plutôt les améliorations techniques apportées dans le cadre de négociations de conventions bilatérales. Les versions révisées des dispositions préliminaires diffusées par le Trésor pour commentaires en mai 2015 font partie des changements et ajouts importants contenus dans le modèle de convention de 2016. Ces dispositions portent sur les éléments suivants :

  • Régimes fiscaux spéciaux – La disposition du régime fiscal spécial refuse les avantages prévus aux termes d’une convention relativement aux intérêts, aux redevances et à certaines commissions de garantie payés à une personne liée qui est assujettie à un régime fiscal spécial (un taux d’imposition faible ou nul) pour ce qui est de ces revenus. La définition de régime fiscal spécial est plus étroite (par rapport à la version préliminaire de cette disposition publiée en mai 2015) et fournit une liste exclusive des situations où une loi, un règlement ou une pratique administrative est considéré comme un régime fiscal spécial. Dans le modèle de convention de 2016 , un régime fiscal spécial s’entend généralement d’un régime qui prévoit un traitement préférentiel des intérêts, des redevances ou des commissions de garantie, par rapport aux revenus tirés de la vente de biens et services. Un régime fiscal spécial comprend aussi un régime préférentiel destiné à des sociétés qui ne sont pas exploitées activement dans le pays de résidence. Des exceptions s’appliquent à certains instruments de placement collectif et fonds de placement immobilier établis pour atteindre un taux d’imposition unique (au niveau de l’entité ou de l’actionnaire). Une exception vise également les régimes préférentiels qui sont généralement censés entraîner un taux d’imposition d’au moins à i) 15 % ou ii) 60 % du taux général d’imposition de la société dans le pays source, selon le moins élevé des deux.

    Contrairement à la version de mai 2015 de la disposition du régime fiscal spécial, la modification proposée ne traite pas les « déductions d’intérêts notionnels » permises par certains régimes étrangers comme un régime fiscal spécial. Le modèle de convention de 2016 prévoit plutôt une disposition autonome selon laquelle la convention ne s’applique pas aux paiements d’intérêts faits à une « personne liée » lorsque cette personne profite de déductions d’intérêts notionnels relativement aux montants traités comme capitaux propres dans le pays de résidence du propriétaire bénéficiaire du revenu d’intérêt.
  • Entités expatriées – Ces dispositions refusent les avantages prévus aux termes de conventions relativement aux retenues d’impôt des États-Unis sur les dividendes, les intérêts, les redevances et certaines commissions de garantie de source américaine versés par une société américaine qui est une « entité expatriée » selon les règles anti-inversion énoncées dans le Code des impôts des États-Unis, pendant la période de dix ans après que la société a réalisé une opération d’expatriation. Ces dispositions sont fondées sur les règles nationales américaines relatives aux inversions en vigueur au moment de la signature de la nouvelle convention.
  • Règle de limitation des avantages – En général, la règle de limitation des avantages a pour but d’empêcher que des résidents de pays tiers profitent d’un accord réciproque entre les États-Unis et un autre pays, en limitant les avantages prévus par la convention aux résidents du pays signataire qui respectent une série de critères objectifs visant à établir un lien suffisant avec le pays de résidence. Le modèle de convention de 2016 révise de façon importante la règle de limitation des avantages contenue dans le modèle de convention de 2006. Entre autres modifications, le modèle de convention de 2016 comprend, pour la première fois dans un modèle de convention fiscale américaine, une disposition relative aux avantages dérivés, qui permet à une société de réclamer des avantages prévus par une convention qui seraient autrement refusés en vertu de la règle sur la limitation des avantages, si la société est détenue directement ou indirectement à 95 % par sept « bénéficiaires équivalents » ou moins dans un pays signataire d’une convention comparable, sous réserve du respect du critère relatif à l’érosion de la base d’imposition. Une certaine forme de cette disposition relative aux avantages dérivés est déjà inscrite dans la convention conclue entre les États-Unis et le Canada ainsi que dans la plupart des conventions fiscales américaines signées avec les pays de l’Union européenne.
  • Modifications législatives ultérieures – Cette disposition exige que les États-Unis et leur partenaire se consultent afin de déterminer si des modifications à la convention sont nécessaires pour rétablir une distribution appropriée des droits d’imposition entre les deux pays, conformément à l’objet de la convention d’éliminer la double imposition sans entraîner de non-imposition. Elle vise des situations, par exemple, où un pays signataire modifie son régime fiscal général des sociétés pour faire en sorte de ne plus imposer les revenus transnationaux des sociétés résidentes. La disposition prévoit explicitement que, si ces consultations ne débouchent pas sur une entente, un pays signataire pourrait informer l’autre signataire par voie diplomatique qu’il suspend certains avantages prévus par une convention en ce qui concerne les paiements versés à des sociétés. La disposition s’applique lorsque le taux général d’imposition des sociétés du pays signataire est inférieur à 15 % ou à 60 % du taux général d’imposition des sociétés dans l’autre pays, selon le moins élevé des deux.
  • Règle de l’établissement stable triangulaire – Cette disposition (dont une forme est déjà inscrite dans certaines conventions fiscales américaines depuis les années 1990, mais pas dans celle conclue avec le Canada) limite les avantages prévus par une convention pour ce qui est d’un revenu que le pays de résidence traite comme découlant i) d’un établissement stable assujetti à un taux d’imposition effectif combiné qui est inférieur à 60 % du taux général d’imposition de la société dans le pays de résidence ou ii) d’un établissement stable qui se trouve dans un troisième pays qui n’a pas conclu de convention fiscale avec le pays source, sauf si le pays de résidence inclut par ailleurs le revenu dans sa base d’imposition.
  • Arbitrage exécutoire obligatoire – Le modèle de convention de 2016 prévoit un processus d’arbitrage exécutoire obligatoire (l’approche de la « dernière meilleure offre ») pour résoudre les litiges entre autorités fiscales. La nouvelle disposition est calquée sur la disposition contenue dans quatre conventions fiscales américaines en vigueur (dont celle conclue avec le Canada) et trois autres qui attendent l’avis et le consentement du Sénat.

Le préambule du modèle de convention de 2016 note que le nouveau modèle intègre un certain nombre de recommandations du projet BEPS OCDE/G20, dont un préambule révisé qui dit clairement que l’objet d’une convention fiscale est d’éliminer la double imposition sans créer d’occasions de non-imposition ou d’imposition réduite par le biais de l’évitement fiscal. Le préambule mentionne toutefois aussi que le modèle de convention de 2016  ne suit pas les recommandations du projet BEPS concernant les seuils d’établissement stable, notamment les règles révisées relatives aux mandataires dépendants et indépendants et l’exemption en cas d’activités de nature préparatoire ou auxiliaire, évoquant des préoccupations quant à l’application uniforme de ces dispositions par les pays signataires.

Les dispositions du modèle de convention de 2016  ne s’appliquent pas directement aux conventions fiscales déjà signées par les États-Unis, mais elles signalent aux contribuables la trajectoire qu’empruntera dorénavant la politique américaine sur les conventions fiscales. Le modèle de convention de 2016 a ceci de notable qu’il réaffirme clairement la position des États-Unis selon laquelle des règles objectives (comme la règle de limitation des avantages ou les exigences relatives aux régimes fiscaux spéciaux) sont une solution plus efficace aux enjeux abordés par le projet BEPS que des mesures subjectives (comme le critère ouvert des objectifs principaux). Il reste à voir si cette position influencera la politique sur les conventions des autres pays de l’OCDE.

Beaucoup d’aspects de fond des modifications proposées dans le modèle de convention de 2016  demeurent flous et exigent des travaux plus approfondis, ce qu’une explication technique permet normalement de faire. Le département du Trésor des États-Unis a indiqué son intention de publier, au printemps, une explication technique détaillée du modèle de convention de 2016  et invite le public à envoyer ses observations sur les questions soulevées par ce nouveau modèle de convention fiscale. Les parties intéressées ont jusqu’au 18 avril 2016 pour faire parvenir leurs commentaires.