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Nouveau cadre sur les redevances de l’Alberta

Auteur(s) : Janice Buckingham, c.r.

2 février 2016

Le vendredi 29 janvier 2016, le gouvernement de l’Alberta a rendu publics les résultats du comité consultatif chargé de réviser le régime de redevances (le « comité »), mettant fin à la grande incertitude qu’avait d’abord suscitée l’annonce de la révision. Beaucoup de choses dépendaient de l’issue de la révision, tant sur le plan économique pour le secteur gazier et pétrolier, que sur le plan politique pour le gouvernement néo-démocrate de l'Alberta.

Acceptation des recommandations du comité

Le gouvernement a annoncé qu’il acceptait entièrement les recommandations contenues dans le rapport du comité, sans ajout. Le rapport du comité a conclu que les taux de redevance actuels pour les sables bitumineux sont appropriés et devraient être maintenus, avec certains légers ajustements à l'égard des coûts admissibles et de la transparence. Le rapport recommandait que le cadre de redevances modernisé soit mis en place le 1er janvier 2017 et que les puits forés avant cette date versent les redevances aux termes du cadre actuel pendant une période de dix ans. Le nouveau cadre sur les redevances mettra également en œuvre une structure de revenus moins les coûts (RMC), visant à favoriser l’efficacité et à permettre aux exploitants de prévoir avec plus d’exactitude les périodes de récupération pour les projets d’immobilisations. D’autres détails seront dévoilés d’ici le 31 mars 2016, notamment la formule précise qui servira à calculer les taux de redevance et certains incitatifs destinés à « ajouter de la valeur ».

Faits saillants du nouveau régime de redevances en vigueur le 1er janvier 2017

On connaît bien la complexité du régime de redevances actuel de l’Alberta, et le signal envoyé par la première ministre Notley selon lequel le nouveau régime sera prévisible et simple sans augmenter les coûts de production à court terme est une bonne nouvelle1]  Si les redevances à échelle variable sont maintenues, on accroît cependant la simplicité par rapport au régime actuel. Le nouveau pourcentage de redevance sera appliqué au revenu brut généré par tous les hydrocarbures, éliminant la nécessité d’accoler l'étiquette « pétrole » ou « gaz » à un puits. Le cadre RMC remplacera les divers crédits et exonérations temporaires de redevances accordés aux termes du régime actuel. Un taux de redevance fixe de 5 % sera appliqué aux puits en vertu du nouveau cadre jusqu’à ce que les revenus dépassent un montant normalisé d'allocation pour les coûts, qui sera fondé sur la profondeur des puits verticaux et la largeur des puits horizontaux. Le montant de cette allocation pour les coûts reste à déterminer, mais l’effet combiné de ces modifications pourrait inciter les producteurs à faibles coûts à forer davantage de puits et encourager les producteurs à coûts élevés à réduire leurs coûts, tout en éliminant aussi les conséquences économiques potentiellement négatives découlant de la perte de stimulants lorsque les hydrocarbures récupérés ne sont pas ceux qui étaient visés.

Compétitivité du nouveau cadre sur les redevances de l’Alberta

La leçon la plus importante tirée de la dernière révision en profondeur du régime de redevances ordonnée par le premier ministre albertain Ed Stelmach en 2007 est sans doute la nécessité pour les gouvernements de rester compétitifs par rapport aux autres territoires de compétence afin d’attirer des investisseurs. À l’époque, l’augmentation des taux de redevance avait provoqué une grave érosion des dépenses en immobilisations en Alberta, qui avaient plutôt trouvé leur chemin en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et dans certains États américains, comme le Dakota du Nord, le Montana, le Wyoming et le Texas. Le premier ministre Stelmach avait réagi en procédant à un « examen de la compétitivité » en 2010 et mis en place deux programmes en réaction à l’utilisation réussie des crédits de redevances et des stimulants aux nouvelles technologies de production en Colombie-Britannique : l’Emerging Resources Technologies Program et le Natural Gas Deep Drilling Program. Or, dans bien des cas, ces initiatives arrivaient trop tard pour freiner la fuite des investissements vers d’autres territoires de compétence.

Même s’il a fait campagne sur l’hypothèse selon laquelle les Albertains ne recevaient pas leur juste part, le gouvernement Notley semble mieux apprécier le rôle joué par le régime de redevances de l’Alberta dans la course aux investissements. Pour évaluer la compétitivité de l’Alberta par rapport aux autres territoires de compétence, le comité a demandé à la société-conseil Wood Mackenzie de mener un examen de 22 territoires de compétence comparables dans le monde, en tenant compte de tous les éléments de la compétitivité, comme la qualité des ressources, les coûts, les types de puits et les taux de redevance. Selon le rapport de Wood Mackenzie, les Albertains sont convenablement dédommagés pour la production et la vente de leurs ressources, mais l’Alberta est moins attrayante pour les investissements lorsqu'on la compare à d’autres territoires de compétence à l’intérieur et à l’extérieur du Canada.

Le régime de redevances actuel de l’Alberta tient compte des prix et des niveaux de production pour calculer le taux de redevance sur un puits donné. Toutes choses étant égales par ailleurs, un puits qui produit davantage quotidiennement paie un pourcentage plus élevé de redevances qu’un puits qui produit moins, ce qui désavantage les sociétés qui exploitent des zones énergétiques non classiques souvent caractérisées par une production initiale élevée suivie d’une baisse prononcée. Les sociétés qui exercent ce genre d’activités sont des moteurs importants de l’innovation dans le domaine des méthodes de production, d’où l’accueil favorable que le milieu devrait faire à la disparition de la composante production dans la formule de calcul des redevances (sauf pour les puits matures qui ont de très faibles taux de production). Après la période précédant la récupération et avant qu'un puits atteigne l’« état de puits mature » aux termes du nouveau cadre sur les redevances, le taux de redevance d'un puits variera uniquement en fonction du prix des produits de base.

Les programmes Emerging Resources Technologies Program et Natural Gas Deep Drilling Program seront remplacés par une redevance fixe de 5 % jusqu’à ce que les coûts normalisés du puits soient récupérés. Cette approche simple, qui permet un certain rendement du capital avant d’augmenter les taux de redevance, rehausse la capacité du secteur à dégager un rendement du capital investi, composante essentielle de toute décision d’investissement, et vise à favoriser l’adoption de technologies de production innovantes afin de réduire les coûts de production. Le régime de redevances actuel a pour conséquence involontaire d’inciter les exploitants à forer plusieurs puits moins efficaces pour être exemptés de redevance fixe sur chaque puits et profiter de taux de redevances plus bas en raison d'une production plus faible. Selon le cadre modernisé sur les redevances, les exploitants sont encouragés à forer peu importe le taux de production prévu, ce qui permet des périodes de récupération plus prévisibles et des gains d’efficacité susceptibles d’accroître la compétitivité actuelle de la province.

Afin de promouvoir la diversité économique et de stimuler l’investissement en Alberta, le comité a également exploré certaines possibilités de diversification comme le raffinage et la valorisation du pétrole, ainsi que le développement de l’industrie pétrochimique en Alberta2], sans cependant fournir de détails. Le comité a recommandé que le gouvernement entreprenne d'élaborer une stratégie à valeur ajoutée à l’égard du gaz naturel en Alberta, et qu’il évalue le potentiel de valorisation partielle du bitume dans la province.

Le nouveau cadre sur les redevances est conçu pour atteindre la neutralité économique (c.-à-d., entraîner des taux de rendement semblables) par rapport au cadre actuel. Même s’il ne risque pas de susciter beaucoup de réactions négatives, compte tenu des nombreux détails encore inconnus et de l’effet continu des faibles prix des produits de base sur la mise en valeur, il reste à voir si le nouveau cadre sur les redevances atteindra l’équilibre souhaité entre les mesures de stimulation de l’investissement, générant des revenus pour le gouvernement, et la promotion de la mise en valeur efficace des ressources de la province. Pour l’instant, le rapport permet à tout le moins de rassurer le principal secteur d’activité de la province en ce sens que la stratégie qui se trouve derrière ces détails reconnaît certains des défis actuels du secteur et vise à créer des occasions de création de valeur plutôt qu’à les restreindre.

 

[1] Daily Oil Bulletin, “Royalty Review Will Not Increase Producer Costs ‘In the Near Future’, Notley Promises”, par Elsie Ross, 13 janvier 2016.

[2] Calgary Herald, “Alberta Eyes Value-Added Jobs; PetroChemical Firms Say Royalty Review Could Lure Billions in Investment”, par Chris Varcoe, 18 janvier 2016.