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Projet de loi 210 de l’Ontario : Élargissement considérable du pouvoir des RLISS sur les fournisseurs de services de santé

Auteur(s) : Michael Watts, David Solomon

28 juillet 2016

Le projet de loi 210 de l’Ontario, soit la Loi de 2016 donnant la priorité aux patients, a passé l’étape de la première lecture le 2 juin 2016 et, s’il est adopté tel qu’il est présenté, élargira considérablement le pouvoir des réseaux locaux d’intégration des services de santé (les « RLISS ») sur les « fournisseurs de services de santé » de deux façons importantes (notamment) :

  • il attribue aux RLISS le mandat de déterminer les besoins du système de santé local en matière d’« effectifs médicaux » et de prendre des dispositions à leur égard;
  • il attribue aux RLISS le pouvoir de gérer les effectifs médicaux au moyen d’ententes de responsabilisation en matière de services (les « ERS ») qu’ils pourront imposer de façon unilatérale aux « fournisseurs de services de santé », à titre de mandataires du Ministre de la Santé et des Soins de longue durée.

Cette mesure a de grandes incidences sur les médecins et les praticiens, qui sont rémunérés aux termes d’accords sur les autres modes de financement (les « AAMF ») plutôt que d’être rémunérés à l’acte par Assurance-santé de l’Ontario, ce qui, selon une diversité de modèles actuels, pourrait couvrir ou comprendre ce qui suit :

  • les équipes Santé familiale et les centres de santé communautaire,
  • des collectivités particulières et des services médicaux spécialisés mal desservis,
  • des services individuels dans un seul hôpital,
  • des services entiers de tous les médecins dans un seul hôpital,
  • des services de tous les spécialistes à plein temps dans un centre hospitalier universitaire,
  • des services de gynécologie-oncologie, d’oncologie du rayonnement et d’oncologie médicale à l’échelle de la province,
  • des services d'urgence dans les hôpitaux, services spécialisés dans le Nord et des ententes avec des spécialistes et sous-spécialistes affiliés à des centres hospitaliers universitaires,
  • des centres de traumatologie régionaux pour que des soins de haut niveau puissent être dispensés 24 heures sur 24 à des patients ayant un grave traumatisme (accords de financement global pour les chefs d’équipes de traumatologie),
  • des centres hospitaliers universitaires, pour les services cliniques, la formation et la recherche,
  • des services comme la psychiatrie, le Regional Surgical Network, la neurochirurgie/ neurologie et l’anesthésie dans les régions du Nord.

(Source : Professions Santé Ontario).

La situation a également de grandes incidences sur les hôpitaux dans lesquels des AAMF sont en vigueur en plus des ERS propres aux hôpitaux (les « ERS‑H »), puisqu’il semble que des responsabilités prévues par la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local (la « LISSL ») et la Loi sur les hôpitaux publics se chevaucheront en ce qui concerne la supervision et la gestion des ressources hospitalières et leur utilisation, surtout dans les services d’urgence.

Le document de consultation intitulé « Priorité aux patients », que le Ministère de la Santé et des Soins de longue durée a publié en juin 2016, prévoyait que « les RLISS, en partenariat avec les chefs cliniques locaux, seront chargés de la planification des soins primaires et de l'amélioration du rendement » et que le Ministère donnerait « plus de responsabilités aux RLISS en ce qui concerne la planification des ressources en médecins dans le cadre du système de santé ».

Le projet de loi 210 modifie la Loi sur l’assurance-santé en vue de permettre au Ministre de constituer un RLISS comme son mandataire chargé d’exercer toute fonction ou obligation ou tout droit aux termes d’une ERS ou d’un AAMF, dans la mesure où le Ministre donne un avis de la constitution d’un tel mandataire aux autres parties à l’arrangement. Le RLISS détiendra l’ensemble des droits et obligations du Ministre « malgré toute disposition de l’entente ».

Le projet de loi 210 donne également aux RLISS le pouvoir d’enjoindre aux fournisseurs qui reçoivent un financement d’eux a) d’engager un vérificateur pour vérifier leurs comptes et leurs opérations financières ou les y autoriser et b) de procéder à un examen de gestion ou à un examen par des pairs de leurs activités ou d’autoriser un tel examen. Ces mesures s’ajoutent au pouvoir dont disposent déjà les RLISS d’obliger les fournisseurs à fournir « les plans, rapports, états financiers et autres renseignements » dont ils ont besoin pour exercer les fonctions que leur attribue la LISSL.

La portée des renseignements qui pourraient être demandés est étendue. Le projet de loi 210 permet au lieutenant-gouverneur en conseil (le premier ministre) d’exiger, par règlement pris en vertu de la LISSL, que « les personnes et entités prescrites » fournissent des renseignements et des rapports à un RLISS au sujet des éléments suivants :

  1. les questions liées aux effectifs médicaux, comme l’ouverture et la fermeture de cabinets de médecins, les transitions et les changements au sein des cabinets, les départs à la retraite et les changements d’emplacement des cabinets;
  2. les pratiques médicales dans le système de santé local, comme les politiques d’acceptation et de mise en congé des patients, le profil des cabinets, les délais d’attente et la permanence après les heures normales de travail, pendant les vacances, les congés et d’autres absences.

Le pouvoir de financement que le projet de loi 210 confère aux RLISS leur permettra également de financer des fournisseurs à l’égard de services fournis au sein de leur propre RLISS ou pour celui‑ci ou au sein d’un autre RLISS. Les fournisseurs devront conclure des ERS avec le RLISS, dont les modalités, si la négociation de bonne foi est infructueuse, peuvent être « fixées » par le RLISS moyennant un avis donné au fournisseur et au Ministre. À cet égard, il semble que tous les AAMF, peu importe leur nom (autres modes de financement, régime de rémunération, EGMMRN, financement du programme de permanence des services de garde, etc.), deviendront tous des ERS en vertu du projet de loi 210.

Enfin, le projet de loi 210 confère aux RLISS le pouvoir de nommer des enquêteurs ou des superviseurs de fournisseurs qui ont conclu des ERS (mais ce pouvoir ne s’applique pas aux foyers de soins de longue durée ou, dans le cas des superviseurs, aux hôpitaux). Le seul « mécanisme de contrôle » sur ce pouvoir est le pouvoir que le projet de loi 210 confère au Ministre de donner des directives contraignantes aux RLISS ou de nommer des enquêteurs ou des superviseurs des RLISS.

La version anglaise de cet article a été publiée initialement sur Hospital News.