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Taxe sur le carbone de l’Alberta - Le projet de loi 20 : la Climate Leadership Implementation Act

Auteur(s) : Paula Olexiuk, Kevin Lemke, Komal Jatoi, Lorne Carson

1 juin 2016

Introduction

Le 24 mai 2016, la ministre de l’Environnement et des Parcs de l’Alberta, Shannon Phillips, a présenté le projet de loi 20, intitulé Climate Leadership Implementation Act, qui impose une taxe sur le carbone aux Albertains et aux entreprises albertaines, ce que le gouvernement avait déjà annoncé dans son Plan de lutte contre les changements climatiques.

Le projet de loi 20 comprend deux nouvelles lois, la Climate Leadership Implementation Act (la Loi) et l’Energy Efficiency Alberta Act, ainsi que des modifications à l’Alberta Corporate Tax Act, à la Alberta Personal Income Tax Act et à la Climate Change and Emissions Management Act. Même si le projet de loi 20 a été adopté en première lecture, les dispositions des nouvelles lois et les modifications sont sujettes à débat et à révision avant d’être mises au point et d’entrer en vigueur.

L’objet de cette loi est d’imposer une taxe sur le carbone aux contribuables pour tous les combustibles qui émettent du carbone dans la chaîne d’approvisionnement en combustible. En vertu de cette loi, les recettes générées par la taxe sur le carbone ne peuvent servir qu’aux fins suivantes :

  1. réaliser des initiatives liées à la réduction des émissions de gaz à effet de serre;
  2. offrir du soutien à l’Alberta dans sa capacité à s’adapter aux changements climatiques;
  3. consentir des remboursements ou des rajustements relativement à la taxe sur le carbone aux contribuables, aux entreprises et aux collectivités.

Cette restriction relative à l’utilisation des recettes tirées de la taxe sur le carbone s’harmonise avec l’engagement que la première ministre avait déjà pris, selon lequmlebel le produit de la taxe sur le carbone resterait et servirait à des projets en Alberta. En novembre 2015, lors de l’annonce du Plan de lutte contre les changements climatiques, la première ministre Notley n’avait pas exclu la possibilité d’utiliser un jour ces recettes pour rembourser la dette publique; cependant, la Loi ne permet pas, actuellement, d’utiliser les recettes tirées de la taxe sur le carbone pour le remboursement de la dette ou pour des dépenses générales. Cela dit, la formulation « pour réaliser des initiatives relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou pour offrir du soutien à l’Alberta dans sa capacité à s’adapter aux changements climatiques » est assez vaste et pourrait permettre d’affecter le produit à un large éventail d’initiatives, notamment des paiements compensatoires aux collectivités touchées ainsi qu’à des infrastructures vertes et à d’autres fins qui ont été annoncées en même temps que le Plan de lutte contre les changements climatiques.

Taxe sur le carbone

La Loi prévoit une taxe sur le carbone pour toutes les ventes et les importations de combustible, sous réserve de certaines exemptions. Les taux particuliers dépendent du type de combustible, mais ils sont tous fixés d’après un taux de base de 20 $ la tonne de CO2 à compter de 2017, taux qui passera à 30 $ la tonne, en 2018.

Type de combustible Taux au 1er janvier 2017 (20 $/tonne) Taux au 1er janvier 2018(30 $/tonne)
Diesel 5,35 ¢/l 8,03 ¢/l
Essence 4,49 ¢/l 6,73 ¢/l
Gaz naturel 1,011 $/GJ 1,517 $/GJ
Propane 3,08 ¢/l 4,62 ¢/l

Source : Alberta Treasury Board and Finance

La taxe sur le carbone s’appliquera à toute la chaîne d’approvisionnement en combustible, notamment au point de livraison, à l’importation, à la prise en livraison à la raffinerie, au terminal, à l’usine, à l’installation pétrolière ou gazière. Par ailleurs, la taxe sur le carbone s’appliquera également lorsque le destinataire brûle le combustible à la torche ou le disperse dans l’atmosphère, ou exerce des activités visées par la Loi.

La Loi prévoit plusieurs exemptions à la taxe sur le carbone, notamment dans les cas suivants :

  1. le combustible acheté en vertu d’un certificat d’exemption de taxe sur le carbone ou d’une licence d’exonération délivrée par la ministre;
  2. le combustible utilisé par un contribuable dans l’exploitation d’une installation émettrice de gaz à effet de serre, selon ce qui est prescrit par règlement;
  3. le combustible utilisé par un contribuable avant 2023, selon ce qui est prescrit par règlement;
  4. le combustible utilisé à des fins agricoles;
  5. le combustible qui ne sert pas à alimenter un système qui produit de la chaleur ou de l’énergie (c.-à-d. les produits combustibles qui ne sont pas utilisés en tant que carburants, comme dans un procédé industriel ou comme solvants ou diluants).

En vertu de l’article 79 de la Loi, le lieutenant‑gouverneur en conseil est autorisé à établir des règlements relativement à ces opérations exonérées. On ignore la portée ou l’application de ces exemptions tant que les règlements n’auront pas été édictés.

Exigences en matière d'inscription

L’article 27 de la Loi établit une exigence en matière d’inscription, qui interdit certaines activités, dont la production et le traitement de combustible, la vente et l’importation de combustible, et la prise en livraison de combustible d’une raffinerie ou d’une usine, sans être inscrit. Le processus de demande d’inscription sera précisé par règlement, et la ministre a le pouvoir de refuser, de révoquer ou de suspendre une inscription. Il s’agit d’une nouvelle exigence réglementaire pour les contribuables du secteur pétrogazier, notamment les producteurs, les raffineurs de pétrole et les commerces ou l’on vend de l’essence.

Obligations des tiers et des administrateurs

La Loi autorise la ministre à percevoir les montants exigibles en vertu de la Loi auprès de tiers ou des administrateurs d’une société. Si la ministre sait qu’un tiers effectuera un paiement à une personne qui doit de l’argent en vertu de la Loi (le débiteur), elle peut exiger du tiers qu’il paie cette somme à la ministre, au titre de la dette du débiteur. Cela peut s’appliquer aux opérations de prêt dont la ministre a connaissance, auxquels cas la ministre peut ordonner au prêteur de lui verser l’intégralité ou une partie du capital, au titre d’une somme due en vertu de la Loi.

De même, les administrateurs d’une société peuvent être tenus responsables des montants dus en vertu de la Loi dans certains cas, y compris lorsque la société fait l’objet d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité. La ministre ne peut percevoir un paiement auprès des administrateurs que si tous les efforts raisonnables ont été déployés pour le percevoir de la société, et moyennant un préavis aux administrateurs. Comme on le voit couramment dans ce type de régimes, les administrateurs peuvent invoquer le moyen de défense de la diligence raisonnable, selon lequel l’administrateur ne sera exonéré du défaut de paiement s’il a fait preuve de diligence raisonnable en tentant de s’assurer que la société a correctement payé ou versé la taxe sur le carbone.

Modifications aux lois fiscales

Afin que les remboursements promis par la première ministre dans son annonce de novembre 2015 puissent être accordés, le projet de loi 20 modifie l’Alberta Personal Income Tax Act de façon accorder des remboursements aux contribuables à l'égard des montants versés en vertu de la Loi. Les particuliers sans personnes à charge qui gagnent jusqu’à 47 500 $ recevront un remboursement de 200 $ par année, et les couples sans personnes à charge gagnant jusqu’à 95 000 $, recevront un remboursement de 300 $ par année. Les parents recevront un remboursement de 30 $ de plus par enfant, jusqu’à un maximum de quatre enfants. Aucun remboursement n’est accordé pour les particuliers sans personnes à charge et qui gagnent plus de 55 000 $, ni pour les couples sans personne à charge qui gagnent plus de 102 500 $. Si les remboursements contrebalancent les hausses des frais de chauffage, de carburant de transport et d’autres biens de consommation pour 60 % des ménages albertains, on ignore si la taxe sur le carbone incitera les Albertains à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. On ignore également si les remboursements suffiront à compenser l’accroissement des coûts pour le contribuable albertain à faible revenu.

De plus, le projet de loi 20 modifie l’Alberta Corporate Tax Act de façon à réduire le taux d’imposition des petites entreprises, le faisant passer de 3 % à 2 %. Cela rejoint l’annonce du gouvernement, dans son budget provincial, à savoir qu’il allait réduire le taux d’imposition des petites entreprises albertaines afin de compenser la hausse des frais d’exploitation de celles-ci.

L'efficacité énergétique en Alberta

Le projet de loi 20 crée également une nouvelle société de la Couronne, l’Energy Efficiency Alberta, en vertu de l’Energy Efficiency Alberta Act, annexée au projet de loi 20. Le vaste mandat d’Energy Efficiency Alberta est de réaliser ce qui suit :

  1. sensibiliser les consommateurs d’énergie à l’égard de leur utilisation d’énergie et aux conséquences de celle-ci;
  2. promouvoir, concevoir et mettre en œuvre des programmes relatifs à l’efficacité énergétique, à la conservation de l’énergie et à l’élaboration de systèmes énergétiques à petite échelle, et à très petite échelle (microgénération);
  3. promouvoir le développement d’une industrie de services en efficacité énergétique.

L’Alberta est actuellement l’unique province qui ne soit pas dotée d’un organisme responsable de promouvoir l’efficacité énergétique. Energy Efficiency Alberta, une fois établie, jouera ce rôle dans la province.

Modifications à la Climate Change and Emissions Management Act

Le projet de loi 20 modifie également la Climate Change and Emissions Management Act (CCEMA). La CCEMA demeure en vigueur. Il s’agit d’un régime de réglementation qui s’applique à tous les grands émetteurs industriels de carbone dont les émissions de carbone annuelles s’élèvent à 100 000 tonnes ou l’équivalent. En édictant le projet de loi 20, le gouvernement a élargi la portée du paragraphe 10(3) de la CCEMA sur l’utilisation des fonds afin d’englober les initiatives de formation, le versement de salaires et le paiement de frais, au gouvernement et à des exploitants indépendants d’installations, engagés pour soutenir les programmes de lutte contre les changements climatiques de l’Alberta.

Le 26 mai 2016, la première ministre Notley et la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, ont annoncé la conclusion d’un protocole d’entente (PE) entre la Climate Change and Emissions Management Corporation (CCEMC) de l’Alberta et les Centres d’excellence de l’Ontario (CEO), qui seront partenaires dans des initiatives, en matière d’énergie et de changements climatiques, axées sur la réduction des gaz à effet de serre et sur le passage à une économie à faibles émissions de carbone, grâce au développement technologique et à des projets de démonstration dans le domaine de l’environnement. Ce PE met à profit le Programme d’innovation Alberta-Ontario, évalué à 8 millions de dollars et qui est géré conjointement par Alberta Innovates – Technology Futures et par les CEO, et réunit les chefs de file du secteur industriel et les universités de l’Ontario et de l’Alberta afin de trouver des solutions aux principaux enjeux sectoriels.

Points saillants du Plan de lutte contre les changements climatiques

Comme nous l’avons déjà souligné dans un précédent bulletin d’Actualités Osler intitulé « Nouveau plan de lutte contre les changements climatiques de l’Alberta », les quatre points saillants du plan sont les suivants : 1) l’élimination accélérée de l’utilisation du charbon; 2) une taxe sur le carbone applicable à tous les secteurs de l’économie; 3) un plafond absolu pour les émissions provenant de l’exploitation des sables bitumineux; 4) un plan de réduction des émissions de méthane. Le projet de loi 20 n’instaure que la taxe sur le carbone à tous les secteurs de l’économie; il ne comporte aucune disposition visant les trois autres éléments du plan gouvernemental. Nous attendons toujours que l’Alberta Electric System Operator publie les détails du processus d’adjudication concurrentiel des crédits d’énergie renouvelable et que le gouvernement de l’Alberta publie d’autres détails relatifs à l’élimination de l’utilisation du charbon ainsi qu’à l’expansion des programmes d’énergie renouvelable et à d’autres programmes incitatifs pour les projets axés sur l’énergie renouvelable.