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Entreprises liées au cannabis : ce qu’il faut savoir sur les exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent

Auteur(s) : Kashif Zaman

Le 6 juillet 2017

Contexte

Au Canada, il est légal de produire, de distribuer et de vendre de la marijuana à des fins médicales, moyennant l’obtention d’une licence fédérale. Le gouvernement canadien a annoncé son intention de légaliser également la production, la vente et la consommation de cannabis à des fins récréatives au Canada. Malgré la légalisation des entreprises liées au cannabis et l’acceptation croissante de la légitimité de ces entreprises (y compris dans les opérations sur les marchés financiers), certaines institutions financières du Canada continuent de considérer ces entreprises comme des clients à haut risque. Une partie de l’évaluation du risque à laquelle procèdent les institutions financières a trait à leurs exigences en matière de conformité à la législation canadienne sur la lutte contre le blanchiment d’argent (composée de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT), de règlements connexes et de certains articles du Code criminel) (la législation sur la LRPC). Nous nous attendons à ce que la législation sur la LRPC, en ce qui concerne les entreprises liées au cannabis, soit rationalisée (et gérable) par les institutions financières, compte tenu de la réglementation qui évolue et de la surveillance de ces entreprises par les organismes de réglementation fédéraux.

Aux termes de la législation sur la LRPC, les (i) « entités déclarantes » (telles que les institutions financières) sont tenues de se conformer aux exigences en matière d’identification des clients, de tenue de dossiers et de déclaration, et (ii) il est interdit à quiconque (et non seulement aux entités déclarantes) d’exercer des activités relatives aux produits du crime ou à tout bien qui peut être utilisé dans des activités terroristes. Cette note porte sur les exigences applicables aux entités déclarantes, qui peuvent s’appliquer aux entreprises liées au cannabis.

Les « entités déclarantes » comprennent les institutions financières et certains autres types d’entreprises (p. ex. les maisons de courtage, les compagnies d’assurance-vie, les casinos, les entreprises de services monétaires), mais non les entreprises liées au cannabis. Cependant, les entreprises liées au cannabis seraient avisées de se familiariser avec les exigences qui s’appliquent à elles en tant que clientes d’institutions financières.

Exigences relatives à la « notoriété du client »

Les entités financières sont tenues de vérifier l’identité des clients, dans le cadre de certaines activités et opérations. Ces exigences comprennent l’identification des clients au moyen de certaines méthodes prévues, y compris la confirmation de l’existence d’entités. Les entités peuvent être des personnes morales, des fiducies, des sociétés de personnes, des fonds, ou des organisations ou des associations sans personnalité morale. Lorsqu’elles confirment l’existence d’une entité qui est une personne morale, les entités financières doivent en vérifier la dénomination sociale et l’adresse, ainsi que les noms de ses administrateurs.

Lorsque des entités financières établissent des « relations d’affaires » avec un client, il leur incombe d’exercer une surveillance continue à l’égard de ce client. Par exemple, une entité financière est en relation d’affaires avec une personne ou une entité qui détient un compte dans son établissement. Dans le cas de relations non fondées sur un compte, les entités financières sont considérées comme étant en relation d’affaires avec toute personne qu’elles ont dû identifier au moins deux fois, et avec toute entité dont elles ont dû confirmer l’existence au moins deux fois.

Voici des exemples d’opérations pour lesquelles les entités financières sont tenues d’identifier les clients :

  • ouverture de comptes et création de fiches-signatures;
  • ouverture de comptes de carte de crédit;
  • opérations importantes en espèces;
  • opérations douteuses;
  • télévirements de 1 000 $ ou plus;
  • opérations de change de 3 000 $ ou plus;
  • émission ou rachat de mandats-poste, de chèques de voyage ou d’autres titres négociables semblables de 3 000 $ ou plus.

Déclaration

Les entités financières sont tenues de déclarer certaines opérations et certains biens au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Le CANAFE est l’organisme fédéral chargé d’administrer la législation sur la LRPC. Voici des exemples d’opérations que les entités financières sont tenues de déclarer au CANAFE :

  • Opérations importantes en espèce : lorsqu’une entité financière reçoit 10 000 $ ou plus au cours d’une seule opération ou de plusieurs opérations dans un délai de 24 heures, elle doit présenter une déclaration dans les 15 jours civils qui suivent.
  • Télévirements : lorsqu’une entité financière envoie ou reçoit les instructions d’un client demandant d’effectuer un télévirement de 10 000 $ ou plus à l’étranger au cours d’une seule opération ou de plusieurs opérations dans un délai de 24 heures, elle doit présenter une déclaration dans les cinq jours civils qui suivent.
  • Opérations douteuses : dans les 30 jours suivant le constat qu’il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu’une opération ou une tentative d’opération est liée à la commission ou à la tentative de commission d’une activité de blanchiment d’argent ou d’une infraction de financement d’activités terroristes, les entités financières sont tenues d’en faire la déclaration.
  • Biens appartenant à un groupe terroriste : lorsqu’une entité financière sait que des biens en sa possession ou à sa disposition appartiennent à un terroriste ou à un groupe de terroristes, ou qu’ils sont à leur disposition, elle est tenue d’en faire la déclaration. Il lui incombe également d’en faire la déclaration à la Gendarmerie royale du Canada et au Service canadien du renseignement de sécurité.

Tenue de documents

Il incombe aux entités financières de tenir et conserver certains documents relatifs aux comptes, aux opérations et à l’identification des clients. Ces documents doivent être tenus et conservés de façon à pouvoir être produits au CANAFE à 30 jours d’avis, le cas échéant. En général, on exige que les documents soient conservés pendant cinq ans à partir de la date de l’exécution de l’opération pertinente et de la création du document ou, dans certains cas, de la fermeture du compte. Voici des exemples d’activités et d’opérations de clients pour lesquelles les entités financières sont tenues de conserver des documents :

  • Documents concernant les déclarations d’opérations douteuses;
  • Documents concernant les déclarations d’opérations importantes en espèces;
  • Relevés d’opérations de change de 3 000 $ ou plus;
  • Si l’entité financière reçoit 3 000 $ ou plus pour l’émission de chèques de voyage, de mandats-poste, ou d’autres titres négociables semblables;
  • Si l’entité financière rachète un ou de multiples mandats-poste de 3 000 $ ou plus;
  • Relevés de télévirements de 1 000 $ ou plus;
  • Fiches d’opération de change;
  • Documents concernant une ouverture de compte;
  • Fiches-signatures;
  • Utilisation prévue d’un compte;
  • Documents concernant un compte;
  • Relevés de dépôt;
  • Relevés de compte;
  • Chèques compensés;
  • Ententes de crédit;
  • Documents concernant l’ouverture d’un compte de carte de crédit;
  • Documents sur les mesures raisonnables.