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La décision de la Cour fédérale démontre à quel point il est difficile de faire renverser les décisions scientifiques de Santé Canada

Auteur(s) : Nathaniel Lipkus

24 février 2017

Dans le présent bulletin d’Actualités

  • La Cour fédérale du Canada a récemment maintenu la décision de Santé Canada de refuser une demande d’homologation pour un produit générique d’hormone substitutive (progestérone) présentée par Apotex.
  • La décision de la Cour dans l’affaire Apotex Inc. c. Canada (Santé) renferme des lignes directrices à propos du niveau de l’obligation d’équité procédurale dont Santé Canada doit faire preuve lorsqu’elle prend des décisions scientifiques portant sur l’innocuité et l’efficacité d’un produit.
  • L’affaire Apotex renferme aussi des indications utiles pour les futurs auteurs de demandes d’homologation qui sont en désaccord sur certains aspects scientifiques avec les évaluateurs de Santé Canada à propos de la création d’un comité d’examen externe, de la diffusion d’un projet de décision avant l’audience, de l’examen de la preuve ex parte et du délai écoulé avant le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire.
  • Leçon à tirer de cette décision : Lorsqu’il s’agit de questions scientifiques contestées, les auteurs de demandes d’homologation devraient faire de leur mieux dès le départ et présenter des arguments scientifiques bien étayés qui traitent de l’état actuel de la science de façon claire, honnête et persuasive.

 

Le 1er février 2017, la Cour fédérale du Canada a maintenu la décision de Santé Canada de refuser la demande d’homologation pour un produit générique d’hormone substitutive (progestérone) présentée par Apotex. La décision rendue par le juge Phelan dans l’affaire Apotex Inc c. Canada (Santé), 2017 CF 127 renferme des lignes directrices à propos du niveau de l’obligation d’équité procédurale dont Santé Canada doit faire preuve lorsqu’elle prend des décisions scientifiques portant sur l’innocuité et l’efficacité d’un produit. La décision devrait convaincre les auteurs de demandes d’homologation de l’importance de présenter le plus tôt possible des arguments scientifiques bien étayés à Santé Canada afin d’éviter que les demandes d’homologation soient jugées d’avance en raison de questions scientifiques contestées.

Examen du produit de progestérone d’Apotex effectué par Santé Canada

Malgré des efforts louables, Apotex n’a pas réussi à faire renverser la décision de Santé Canada de ne pas homologuer son produit de progestérone. Santé Canada a formulé des préoccupations à propos du volume élevé d’ingrédients non médicinaux (laurylsulfate de sodium, SDS) dans le produit. Apotex a tenté de régler sans détour la question dans sa demande d’homologation, mentionnant notamment que la FDA avait déjà homologué des produits renfermant des niveaux encore plus élevés de SDS. Santé Canada a quand même refusé d’homologuer le produit d’Apotex.

Apotex a demandé un nouvel examen du dossier, et Santé Canada a créé un comité scientifique interne pour examiner la question. Le produit d’Apotex a encore été refusé. Le comité était d’accord avec certains aspects des arguments scientifiques d’Apotex, mais a choisi d’adopter une méthode conservatrice. Dans le cadre du contrôle judiciaire, Apotex a contesté l’équité procédurale de la décision.

Aucun manquement à l’obligation d’équité procédurale selon la Cour fédérale

Le juge Phelan hésitait à se mêler des conclusions scientifiques du comité, indiquant que son examen était détaillé, technique et fondé sur des connaissances d’experts. Son analyse de la question renferme des indications utiles pour les auteurs de demandes d’homologation éventuels qui sont en désaccord sur certains aspects scientifiques avec les évaluateurs de Santé Canada :

  • Création d’un comité externe : Lorsque des questions sont en litige, les auteurs de demandes d’homologation exigent souvent la création d’un comité d’examen externe parce qu’ils craignent que le personnel de Santé Canada soit peu enclin à changer d’avis. En l’espèce, la Cour a conclu qu’Apotex n’avait aucune raison légitime de s’attendre à ce qu’un comité d’examen externe soit créé. Cependant, elle pouvait en toute légitimité s’attendre à ce qu’un comité indépendant et impartial soit créé conformément aux lignes directrices de Santé Canada. Selon la Cour, le comité respectait ces critères.
  • Rédaction de la décision provisoire : La Cour a conclu que le président du comité n’avait pas nourri une crainte raisonnable de partialité lorsqu’il a fait circuler un projet de décision avant la réunion du comité. La question de savoir si le projet de décision nourrit une crainte raisonnable de partialité dépend de la question de savoir s’il est modifiable ou non. La Cour a conclu que, malgré le projet de décision, le comité avait fait preuve d’ouverture d’esprit.
  • Examen de la preuve ex parte : Même si le comité a effectué ses propres recherches et a présenté de nouvelles études à l’audience, la Cour a conclu qu’Apotex n’avait pas été privée de son droit d’être entendue. Apotex a eu l’occasion d’examiner les mêmes recherches et aurait pu demander qu’on lui accorde un certain délai pour se pencher sur la nouvelle preuve.
  • Délai aux fins du contrôle judiciaire : Même si Apotex a attendu que le nouvel examen soit terminé avant de demander le contrôle judiciaire de la décision de Santé Canada, la Cour a accueilli sa demande. La Cour n’a pas pénalisé Apotex pour avoir choisi de demander d’abord un nouvel examen, indiquant que celle-ci avait clairement exprimé son intention de continuer à contester la question et que, en réalité, Santé Canada ne subissait aucun préjudice.

Leçon à tirer : faire de son mieux dès le départ

Bien que les organismes de réglementation des produits de santé partout dans le monde appliquent des normes très semblables, elles tirent souvent des conclusions différentes à propos du même produit. On constate souvent ces divergences dans les domaines scientifiques contestés ou de pointe, et elles peuvent avoir des conséquences énormes sur les auteurs de demandes d’homologation. La décision à propos du produit de progestérone d’Apotex démontre à quel point il est difficile de faire renverser une décision scientifique de Santé Canada même lorsque les autres organismes de réglementation ont formulé une conclusion différente.

Alors, quelle leçon doit-on tirer de cette décision?

Lorsqu’il s’agit de questions scientifiques contestées, les auteurs de demandes d’homologation doivent faire de leur mieux dès le départ et présenter des arguments scientifiques solides, voire appuyés par des preuves d’experts qui décrivent l’état actuel de la science de façon claire, honnête et persuasive. Afin d’éviter de se retrouver à la merci des organismes de réglementation, les auteurs de demandes d’homologation devraient profiter des possibilités raisonnables qui s’offrent à eux pour discuter des questions litigieuses avec leurs évaluateurs avant que ceux-ci ne se forgent une opinion au sujet de leur produit.

Un conseiller juridique externe peut être d’une aide précieuse pour la rédaction de mémoires d’arguments scientifiques à soumettre aux organismes de réglementation avec vos demandes d’homologation portant sur des produits essentiels à votre entreprise. Si vous avez besoin d’aide pour défendre vos points devant Santé Canada dans le cadre d’un différend de nature scientifique, communiquez avec Nathaniel Lipkus au 416.862.6787 ou à nlipkus@osler.com.