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Le gouvernement de l’Ontario modernise la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction – Ce que vous devez savoir notamment sur les paiements rapides et l’arbitrage obligatoire

Auteur(s) : Richard Wong, Roger Gillott, Joel Heard, Ethan McCarthy, Marissa Kirsh

Le 6 juin 2017

Dans ce bulletin d'Actualités

  • Dépôt du projet de loi 142 le 31 mai 2017 en vue de moderniser la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction
  • Aperçu du nouveau régime de paiements rapides
  • Aperçu du nouveau régime d’arbitrage obligatoire
  • Dispositions d’intérêt pour les projets de diversification des modes de financement et d’approvisionnement
  • Modifications techniques relatives aux retenues, aux privilèges, aux cautionnements et aux fiducies
  • Signification de ces modifications pour les acteurs de l’industrie

Introduction

Le 31 mai 2017, le gouvernement de l’Ontario a déposé le projet de loi 142 (le projet de loi) qui, s’il est adopté, constituerait une refonte majeure de la Loi sur le privilège dans l’industrie de la construction, dans le but de créer un régime de paiements rapides, d’adopter l’arbitrage obligatoire de certains différends en construction et de mettre en œuvre diverses autres modifications pour actualiser la Loi.   Le projet de loi intègre la majeure partie des 100 recommandations formulées dans un rapport complet commandé par le gouvernement en 2015. Ce rapport est l’aboutissement d’une vaste consultation des parties intéressées de l’industrie qui s'est déroulée pendant environ 14 mois.

Compte tenu de l’ampleur des modifications proposées, le but de ce bulletin d’Actualités Osler est de donner un aperçu des quatre modifications principales suivantes :

  • le nouveau régime de paiements rapides;
  • le nouveau régime d’arbitrage obligatoire;
  • les précisions sur l’application de la Loi aux projets de diversification des modes de financement et d’approvisionnement;
  • les modifications techniques relatives aux retenues, aux privilèges, aux cautionnements et aux fiducies.

Ce bulletin sera suivi d’analyses complètes de quelques-unes des incidences commerciales dans les prochains bulletins Actualités Osler.   Cependant, étant donné l’équilibre inhérent du projet de loi entre les mesures prescrites et la liberté contractuelle, il est clair que les propriétaires, les entrepreneurs, les concepteurs, les sous-traitants et autres joueurs de l’industrie de la construction devront modifier et envisager de revoir leurs contrats commerciaux à la lumière des modifications proposées.

Le projet de loi 142 a été adopté en première lecture et passera en deuxième lecture et au comité d’examen lorsque l’Assemblée législative siégera à nouveau au début de septembre.  On s'attend alors à ce que le gouvernement fasse passer le projet de loi par toutes les étapes du processus législatif le plus rapidement possible, compte tenu de l’élection provinciale de l’année prochaine qui aura lieu le 7 juin 2018.

Paiements rapides

Un nouveau régime de paiements rapides à effet domino devrait simplifier le processus de paiement dans toute la pyramide de la construction, en imposant des délais de paiement aux entrepreneurs et aux sous-traitants, tout en respectant la liberté fondamentale des parties de contracter des modalités de paiement reposant sur une « facture en bonne et due forme ».

Le concept de facture en bonne et due forme est essentiel à la compréhension de cet équilibre inhérent. Les exigences minimales d’une facture en bonne et due forme sont décrites dans le projet de loi et englobent l’information de base attendue concernant les travaux, mais aussi toute autre information pouvant être prescrite par la réglementation, ainsi que tout autre document sur lequel les parties se sont entendues dans le contrat et qui pourrait comprendre notamment les déclarations solennelles ou les confirmations relatives à la CSPPAT.  Il faut noter que toute disposition contractuelle subordonnant la remise d’une facture en bonne et due forme à la certification préalable du paiement ou à l'approbation préalable du propriétaire sera sans effet; toute telle certification ou approbation devrait avoir lieu après la remise de la facture en bonne et due forme.  Le moment de la remise d'une facture en bonne et due forme fait l'objet d'une exigence mensuelle si un contrat est silencieux sur ce point, mais nous nous attendons à ce que les parties envisagent l'application d’autres modalités de paiement, y compris les paiements jalonnés liés à des étapes ou d'autres événements.   Les sous-traitants peuvent demander si de tels paiements jalonnés sont prévus aux termes du contrat.

Lorsqu’un propriétaire se voit remettre une facture en bonne et due forme par l’entrepreneur, les délais sont prescrits; le propriétaire est tenu de payer le montant dû au plus tard 28 jours après avoir reçu la facture. Toutefois, le propriétaire peut refuser de payer la totalité ou une fraction du montant dû s’il donne un avis de non-paiement à l’entrepreneur – où il est précisé le montant qui ne sera pas payé et les raisons du non-paiement – au plus tard 14 jours après avoir reçu la facture en bonne et due forme. Si un montant n’est pas payé lorsqu'échu, des intérêts obligatoires commenceront à courir sur le solde impayé. Ces obligations se répercutent ensuite sur l’entrepreneur et les sous-traitants, avec délais plus serrés.

Un entrepreneur est tenu de payer les sous-traitants dans les sept jours suivant la réception du paiement du propriétaire. À moins que l’entrepreneur donne un avis de non-paiement au sous-traitant, précisant la somme qui n'est pas payée et les raisons du non-paiement, l’entrepreneur est quand même tenu de payer à chaque sous-traitant le montant qui lui est payable, même si le propriétaire omet de payer la totalité d'une facture en bonne et due forme à l'entrepreneur

De même, un sous-traitant (peu importe le niveau) est ensuite tenu de payer ses sous-traitants dans les sept jours de la réception du paiement, à moins de leur signifier un avis de non-paiement.

Arbitrage

Le projet de loi comporte un nouveau régime d’arbitrage intérimaire obligatoire (ou « adjudication ») ayant pour but d’accélérer la résolution des différends et de minimiser les conflits liés aux paiements et autres éléments de perturbation des projets. Les décisions d’arbitrage de différends seront rapides et lieront les parties sur une base intérimaire – c.-à-d. qu’elles auront force obligatoire à moins que le différend soit ultimement porté devant une cour ou envoyé en arbitrage. Le processus d’adjudication doit s’appliquer à tous les contrats et les contrats de sous-traitance conclus après l’entrée en vigueur de la loi.  

Le nouveau processus permet à une partie d’aller en arbitrage, pourvu que le différend porte sur l’un de ces enjeux :

  • la valeur des services ou des matériaux;
  • les paiements, y compris les ordres de modification;
  • les différends qui font l’objet d’un avis de non-paiement;
  • les compensations;
  • le versement des retenues.

Le nouveau processus permet aussi aux parties de soumettre à l’arbitrage d'autres questions qui peuvent être énoncées dans les règlements ou sur lesquelles les parties peuvent s’entendre.

Les affaires doivent être entendues par des arbitres agréés et approuvés par une autorité ayant un pouvoir d’approbation et désignée par le gouvernement. Il faut noter que les parties ne peuvent pas désigner à l’avance le nom d'un arbitre intérimaire dans le contrat. Il faut plutôt que la partie qui soumet un différend à l’arbitrage propose un arbitre intérimaire, et les parties peuvent s’entendre sur ce choix ou demander à l’autorité ayant le pouvoir d’approbation de nommer un arbitre intérimaire pour l'affaire en litige.

Toutefois, compte tenu de l’équilibre inhérent du projet de loi entre les mesures prescrites et la liberté contractuelle, et conformément à ce qui se fait dans d’autres territoires de compétence, les parties peuvent convenir de leurs propres procédures d’adjudication dans le contrat ou le contrat de sous-traitance (surtout celles qui ont élaboré des modèles d'adjudication sur mesure), pourvu que ces procédures respectent les nouvelles exigences du projet de loi en matière d’adjudication.  

Tel qu’il est actuellement défini, le processus d’adjudication est entamé par la partie qui a remis l’avis d’arbitrage, en donnant une copie du contrat (ou du contrat de sous-traitance) à l’arbitre intérimaire et les documents sur lesquels elle a l’intention de s’appuyer. L’arbitre intérimaire détient des pouvoirs relativement vastes. Il peut mener l’arbitrage de manière inquisitoire, demandant des documents et prenant les mesures qu’il juge nécessaires. Sous réserve d’une prorogation, l’arbitre intérimaire doit rendre une décision écrite dans les 30 jours de la réception des documents fournis par la partie ayant remis l’avis d’arbitrage. Les prorogations sont permises, mais uniquement avec le consentement des parties, et si la prorogation est demandée par l’arbitre intérimaire, elle ne doit pas dépasser les 14 jours.

La décision de l’arbitre intérimaire ne peut être portée en appel, bien que la décision subséquente d'un tribunal ou d'un arbitre n’est pas liée par la décision rendue par l’arbitre intérimaire. Une partie qui est tenue de payer un montant aux termes de la décision de l’arbitre intérimaire doit payer ce montant dans les 10 jours, à défaut de quoi le bénéficiaire du paiement peut suspendre les travaux.  Une partie peut également présenter au tribunal une requête en exécution de la décision de l'arbitre intérimaire.

Les parties se répartissent également le paiement des honoraires de l’arbitre intérimaire et chaque partie paie ses propres frais. L’arbitre intérimaire peut uniquement condamner une partie aux dépens lorsque cette partie a agi, à l’égard des améliorations, d’une façon qui est frivole, vexatoire, qui constitue un abus de procédure, ou autrement que de bonne foi.

Projets de DMFA/PPP

L’une des grandes motivations de la modernisation de la Loi est l’émergence de partenariats public-privé connus sous la désignation de projets de « diversification des modes de financement et d’approvisionnement » en Ontario, ou DMFA.  Le recours aux projets de DMFA a augmenté considérablement en Ontario et dans d’autres territoires de compétence au Canada, et cela touche maintenant un large pan de l’industrie de la construction. Toutefois, en Ontario, il existe une certaine confusion dans l’application de la Loi à de telles structures, y compris la question de savoir qui est un « propriétaire », quel niveau de contrat devrait être considéré comme étant le « contrat » aux fins des retenues, et d'autres enjeux commerciaux exacerbés par la grande ampleur et les échéanciers plus longs des projets de cette magnitude. Par conséquent, plusieurs dispositions du projet de loi 142 clarifient ces questions et offrent la souplesse tant souhaitée pour l’approvisionnement et les structures de projets de DMFA.

En plus de reconnaître le modèle de DMFA, le projet de loi précise expressément que l’entité ad hoc qui entreprend le projet pour le compte d’un promoteur du secteur public est réputée être le « propriétaire » à la place de la Couronne, de la municipalité ou de l’organisme du secteur parapublic pour qui le projet est entrepris, et que l’accord conclu entre le promoteur du secteur public et l’entrepreneur est réputé être le « contrat » à l’égard des améliorations. Ces dispositions déterminatives se limitent toutefois à certains articles de la Loi, y compris ceux sur les obligations en matière de paiements rapides et d’arbitrage obligatoire, ainsi que les règles régissant la certification ou la déclaration d’exécution pour l’essentiel. Pour toutes les autres parties de la Loi, la Couronne, la municipalité ou l’organisme du secteur parapublic serait encore considéré comme le propriétaire. 

Ces précisions reflètent généralement la pratique actuelle de la communauté de la DMFA et devraient être accueillies par l’industrie.

Un autre changement apprécié porte sur les projets regroupés ou multiphases. Certains projets de DMFA, tels que le projet de modernisation des installations de la Police provinciale de l’Ontario d’Infrastructure Ontario – projet de construction de 18 nouveaux détachements et autres installations de la Police provinciale un peu partout en Ontario – sont divisés en sites distincts chapeautés par un seul contrat regroupé; cette façon de faire s’explique par les économies d’échelle. Dans ce type de scénario, si le contrat intervenu entre le promoteur du secteur public et l’entrepreneur porte sur un groupe de projets sur des sites distincts non adjacents, les nouvelles dispositions du projet de loi permettraient aux parties de considérer l’administration de chacun de ces sites comme s’il s’agissait d’améliorations distinctes sous contrat distinct, facilitant du coup le versement des retenues par site. De plus, les nouvelles dispositions permettent aux parties de convenir du versement par échelonnement des retenues de base pour une amélioration donnée. Il faut noter que le concept d’échelonnement n’est pas défini dans le projet de loi; il devra donc être clairement défini dans le contrat sous-jacent. 

Modifications techniques

Le projet de loi propose un certain nombre de modifications à la Loi, qui vont au-delà de la simple adoption d’un titre plus court pour la Loi, soit la « Loi sur la construction »; nous estimons que l’industrie de la construction devrait en prendre note compte tenu de leurs ramifications commerciales. Quelques-unes de ces modifications sont brièvement présentées ci-après :

Pratiques en matière de retenues

  • Au lieu d’être conservées sous forme de fonds, les retenues peuvent désormais prendre aussi la forme d’une lettre de crédit, d’un cautionnement de remboursement de retenue sur demande ou toute autre forme prescrite, ce qui valide quelques-unes des pratiques commerciales déjà employées dans l’industrie.
  • Le versement de la retenue de base et de la retenue pour l’achèvement des travaux sera désormais obligatoire lorsque les exigences en matière de versement en vertu de la Loi sont satisfaites. Toutefois, le responsable du paiement peut retenir le montant à payer, en tout ou en partie, s’il publie un avis conformément aux règlements et de la manière qui doit être prescrite.
  • En plus du versement de la retenue par échelonnement, les retenues peuvent aussi être versées en partie ou sur une base annuelle, pourvu que le contrat le stipule, que le prix du contrat soit supérieur au montant qui doit être prescrit et que tous les privilèges qui ont été enregistrés ont été annulés ou que mainlevée en a été donnée. 

Délai relatif aux privilèges

  • Le délai de 45 jours pour la revendication de privilège passera à 60 jours. Ce délai aura une incidence sur le calendrier des paiements, notamment le versement des retenues et les jalons financiers, y compris certaines avances sur prêt à la construction.
  • Le délai d’opposabilité d’un privilège de 45 jours sera prolongé jusqu’à 90 jours, à compter du dernier jour où le privilège aurait pu être conservé.
  • La résiliation du contrat sera ajoutée à l’achèvement et l’abandon, comme événement déclencheur du délai de conservation des privilèges.

Nouvelle obligation de cautionnement pour les contrats du secteur public

  • Tous les entrepreneurs qui exécutent des travaux dans le cadre d’un « contrat du secteur public » – c.-à-d. un contrat relatif à une amélioration conclu avec la Couronne, une municipalité ou un organisme du secteur parapublic de l'Ontario – seront tenus de fournir un cautionnement garantissant le paiement de la main-d’œuvre et des matériaux et un cautionnement d’exécution, chacun d’une valeur d’au moins 50 % du prix du contrat.  Pour nos lecteurs américains, l’Ontario adopte en fait une approche à la Miller Act en matière de contrats publics. Toutefois, il faut noter que la Loi ne s’applique pas aux projets sous réglementation fédérale situés en Ontario. 

Comptabilité de fiducie

  • Les dispositions sur les fiducies seront modifiées de sorte que les fiduciaires en vertu de la Loi devront déposer des fonds en fiducie dans un compte bancaire au nom du fiduciaire et tenir des livres distincts par écrit pour chacune des fiducies dont il est responsable. Les fonds de plusieurs fiducies peuvent être déposés ensemble dans un seul compte, de sorte que le fiduciaire n’ait pas à tenir un compte bancaire en fiducie pour chaque projet.

Prochaines étapes

Visitez notre nouveau pôle d’échanges sur les paiements rapides au Canada pour obtenir de plus amples renseignements sur d’autres initiatives en matière de paiements rapides au fédéral et dans d'autres provinces, et demeurez à l’affût des bulletins d'Actualités Osler qui offrent une analyse détaillée d’éléments précis du projet de loi et de la réglementation connexe, qui est en train d'être élaborée au cours de l’été.