Passer au contenu

Pratiques exemplaires : le moment est-il venu de réviser votre contrat de franchisage ?

Auteur(s) : Dominic Mochrie

Le 4 octobre 2018

La plupart des franchiseurs canadiens ont maintenant adopté la pratique de faire réviser et de mettre à jour chaque année leurs documents d’information relative aux franchises afin de veiller à ce que les données qui y figurent reflètent les renseignements du dernier exercice financier.[1] Toutefois, ils n’appliquent pas toujours une telle pratique de révision annuelle ou autre à l’égard de leurs contrats de franchisage (et des documents accessoires) afin d’y apporter les modifications requises par l’évolution récente du droit du franchisage, particulièrement à la suite de décisions judiciaires, et par les pratiques exemplaires instaurées à la suite de modifications apportées aux lois commerciales qui régissent leurs systèmes de franchise. En prenant l’habitude de réviser régulièrement les contrats de franchisage, les franchiseurs peuvent s’assurer qu’ils sont en conformité avec les lois pertinentes et qu’ils exploitent leurs systèmes de franchise en respectant les exigences applicables du droit commercial. Cette pratique revêt une importance particulière pour les franchiseurs situés aux États-Unis, dont les documents d’information relative aux franchises et les pratiques locales doivent être adaptés pour être conformes aux lois et aux pratiques en vigueur au Canada.

Les avocats en droit du franchisage d’Osler ont constaté un certain nombre d’exemples de contrats de franchisage non révisés en fonction de l’évolution récente ou pour traiter certaines lacunes. En voici des exemples :

  • Durée et reconduction : Il est devenu évident, à la lumière de cas récents, que s’il existe dans un contrat de franchisage ne serait-ce qu’une allusion à la possibilité que la durée du contrat puisse être assujettie à un droit ou à une option de reconduction ou de prolongation, peu importe les conditions ou les critères applicables, alors le franchiseur sera tenu d’examiner la demande du franchisé de reconduire ou de prolonger le contrat et, ce faisant, devra agir de façon équitable, de bonne foi et conformément à des normes raisonnables du point de vue commercial. C’est pourquoi nous recommandons d’ajouter aux contrats de franchisage une disposition absolue et inconditionnelle stipulant que le contrat n’est pas soumis à quelque forme de reconduction ou de prolongation au moment pertinent.
  • Droits réservés : La plupart des octrois de franchise visent l’exploitation d’un type de franchise bien précis sous une marque nominale ou une marque de commerce en particulier. En règle générale, les octrois ont été limités à un format, à un lieu ou à un territoire donné. Pour se protéger, les franchiseurs se réservent souvent des droits qui, autrement, pourraient être revendiqués comme inclus dans l’octroi de la franchise. Cependant, étant donné que le système de franchise traditionnel s’étend rapidement dans des secteurs non conventionnels, comme les services de transport, les universités, les hôpitaux, les kiosques, d’autres systèmes franchisés, les unités mobiles, les services de commandes en ligne, les services de livraison en ligne et les médias sociaux, pour ne mentionner que ceux-là, il est fortement recommandé que les franchiseurs passent leurs contrats en revue afin de s’assurer qu’ils contiennent une disposition de réserve de droits valide et à jour.
  • Non-concurrence : Les tribunaux ont régulièrement à rendre des décisions sur le caractère exécutoire des clauses de non-concurrence stipulées dans les contrats de franchisage. Les clauses de non-concurrence susceptibles d’être déclarées non exécutoires sont celles qui visent à restreindre les activités d’une « entreprise concurrente » ; qui ne définissent pas de façon claire la nature des activités restreintes ; qui ne limitent pas de façon explicite la concurrence au lieu réel occupé par la franchise ; dont la portée est trop vaste en ce qui a trait aux restrictions géographiques ; dont la période d’applicabilité est trop longue ; qui sont imprécises quant aux endroits visés dans un centre commercial ; ou encore, qui contiennent un nombre de restrictions facultatives parmi lesquelles un tribunal doit trancher (le « critère du crayon bleu »). Les franchiseurs ne semblent pas pressés de savoir si les clauses de non-concurrence de leurs contrats sont susceptibles de ne pas être applicables au moment d’une crise. La meilleure mesure préventive à prendre est de vérifier fréquemment les clauses pertinentes pour les adapter en fonction de changements apportés aux systèmes de l’entreprise ou de nouvelles décisions judiciaires.
  • Engagement ou convention de dépôt préautorisé ou de retrait bancaire automatique : La forme et le contenu de ces engagements ou de ces conventions doivent être conformes aux exigences établies par l’Association canadienne des paiements. Les franchiseurs, surtout ceux situés aux États-Unis, devraient s’assurer que leurs engagements ou leurs conventions contiennent le nouveau libellé obligatoire.
  • Manuels d’exploitation : Nous sommes souvent étonnés de constater que les franchiseurs renvoient aux manuels d’exploitation à l’aide d’une disposition classique dans leurs contrats stipulant simplement que les franchisés sont tenus de respecter les normes d’exploitation énoncées dans ces manuels. Parfois, le terme « manuel » est trop restreint pour comprendre les bulletins, les politiques ou d’autres lignes directrices. Et d’autres fois, le franchiseur n’a même pas de manuel d’exploitation. Compte tenu de leur importance dans presque tous les systèmes de franchise, les dispositions du contrat de franchisage qui renvoient aux manuels doivent être mises à jour régulièrement.
  • Limitation de la responsabilité : Certains contrats de franchise ou certains contrats d’approvisionnement accessoires (p. ex., des licences d’utilisation du logiciels) contiennent des dispositions limitant la responsabilité du franchiseur. Ces dispositions doivent être révisées et mises à jour à la lumière des dernières décisions judiciaires et des nouvelles lois. Par exemple, certaines clauses ne font pas la distinction entre la négligence et la négligence grave. Au Canada, la négligence désigne généralement le fait de ne pas agir avec un niveau de prudence et de diligence qui est raisonnable dans les circonstances, alors que la négligence grave désigne généralement un « écart très marqué » par rapport au niveau de prudence et de diligence raisonnable. Cet « écart très marqué », en ce qui a trait à la négligence grave, comporte un seuil inférieur à celui qui, selon nous, est applicable aux États-Unis. 
  • Tiers bénéficiaires : Certains contrats de franchisage, habituellement ceux de franchiseurs situés aux États-Unis, comprennent des dispositions relatives aux « tiers bénéficiaires ». Il n’y a pas d’équivalent dans les lois canadiennes à la notion de « tiers bénéficiaire » telle qu’elle existe aux États-Unis. Par conséquent, les entités désignées en tant que tiers bénéficiaires (p. ex., un tiers propriétaire d’une marque de commerce ou un membre du même groupe que le franchiseur), même s’ils sont nommés dans le contrat, peuvent ne pas avoir le statut nécessaire devant les tribunaux canadiens pour introduire une action contre un franchisé. Au Canada, l’on doit rédiger des dispositions de fiducie complexes pour obtenir l’équivalent de la notion de tiers bénéficiaire dans un contrat de franchisage ou dans un document accessoire.
  • Lois applicables : Outre le problème lié au fait que certaines dispositions sur les lois applicables renvoient à des lois étrangères (une pratique que nous déconseillons fortement), certains contrats de franchisage renvoient aux lois applicables d’une province (p. ex., l’Ontario) alors que les franchisés sont situés ou exercent leurs activités dans une autre province autre province (p. ex., en Saskatchewan). Outre les difficultés liées à l’exécution de ces dispositions, la jurisprudence de la Cour d’appel de l’Ontario a établi que si, dans un contrat de franchisage, la disposition relative aux lois applicables renvoie aux lois d’une province qui s’est dotée d’une loi sur le franchisage, certains droits accordés aux franchisés en vertu de la loi de cette province pourraient être étendus à un franchisé situé dans une autre province, même si cette autre province ne s’est pas dotée d’une loi sur le franchisage. En pareils cas, les dispositions sur les lois applicables doivent être révisées et modifiées avec soin.
  • Obligation d’agir équitablement : Même si les difficultés associées à de telles dispositions sont pourtant bien connues, nous voyons encore des contrats de franchisage stipulant que le franchiseur se réserve le droit d’agir « de façon arbitraire », sans « entraves » ou à son « seul » gré, dans certaines circonstances. Ces clauses contribuent peu, voire pas du tout, à conférer aux franchiseurs des droits incompatibles avec les obligations prescrites par les lois et la common law d’agir équitablement et de tenir compte des intérêts des franchisés, et, en fait, sont susceptibles d’être déclarées abusives et non exécutoires par les tribunaux.
  • Taux d’intérêt : Conformément à la législation fédérale, si un taux d’intérêt n’est pas exprimé en tant que pourcentage annuel effectif, le taux annuel applicable ne peut pas dépasser 5 %. Si, par exemple, un contrat fixe le taux d’intérêt selon un pourcentage mensuel, il sera nécessaire de réviser ces clauses pour éviter que le taux ne soit établi par défaut à 5 %.

Comme il a été mentionné précédemment, ces exemples ne sont qu’un échantillon des dispositions que nous voyons souvent dans les contrats de franchisage ou dans les documents accessoires et qui doivent absolument être révisées. Même un contrat de franchisage préparé hier pourrait bien devoir être révisé la semaine prochaine s’il y a des développements inattendus dans le droit applicable ou à la suite d’une décision judiciaire. Cependant, selon notre expérience, il n’existe pas de meilleur moyen pour s’assurer qu’un contrat de franchisage demeure valide que de le réviser régulièrement et, par la même occasion, de le mettre à jour (nous recommandons de le faire chaque année, au moment de mettre à jour les documents d’information relative aux franchises). Le temps, les efforts et les coûts nécessaires pour ce faire auront été relativement minimes par rapport aux frais qui devraient être engagés plus tard si une disposition fondamentale du contrat de franchisage ou d’un document accessoire s’avérait non exécutoire.

 

[1] Le présent texte est une mise à jour d’un article qui avait été rédigé par Frank Zaid.