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Coinvestissement : Pourquoi les commandités canadiens devraient tenir compte des recommandations de la SEC

Auteur(s) : Shahir Guindi, Ad. E.

Le 30 avril 2018

Tout le monde parlait de coinvestissement lors du dernier colloque PartnerConnect East 2018 à Boston. Que ce soit du point de vue des commandités ou des commanditaires, les questions liées au coinvestissement ont suscité beaucoup de débats et de délibérations, non sans raison.

Les recommandations formulées par la Securities and Exchange Commission des États-Unis (la SEC) sur la façon dont les gestionnaires de fonds d’investissement privés américains devraient répartir les occasions de coinvestissement ont soulevé de nombreuses discussions au sud de la frontière, et elles ont des répercussions sur les commandités américains et leurs investisseurs.

Bien que les recommandations de la SEC, qui invitent à mettre en œuvre des politiques écrites et à faire preuve d’une plus grande transparence quant à la façon dont les commandités définissent les droits de coinvestissement, ne s’appliquent pas au Canada techniquement parlant, les commandités canadiens auraient intérêt à trouver un moyen de se conformer, de leur propre initiative, à ce nouveau cadre.

Les commandités canadiens devraient consigner des politiques de coinvetissement claires et strictes, respecter ces politiques, et faire preuve de transparence à l’égard de leurs commanditaires en ce qui concerne le contenu de leurs politiques. Ils disposent d’une marge de manœuvre quant au contenu de la politique de coinvestissement, mais l’esprit de la politique consiste à garantir la transparence du processus de coinvestissement en précisant quand, comment et à qui seront présentées les occasions d’investissement.

Il ne faut pas oublier de prendre en compte les incidences financières éventuelles liées au coût et à la répartition des frais d’investissement des échecs, qui peuvent être l’objet d’un coinvestissement d’un sous-groupe de commanditaires d’un fonds particulier.

Par exemple, en cas de rupture d’un accord de coinvestissement, le commandité pourrait faire faire absorber la totalité des frais connexes au fonds principal, alors que seuls certains commanditaires auraient participé au bénéfice de ce coinvestissement; en conséquence, la répartition des coûts et le partage des occasions de coinvestissement entre les porteurs de parts seraient inégaux.

Pourquoi les commandités canadiens devraient-ils s’adapter?

Pour différentes raisons, les commandités canadiens auraient intérêt à adopter un cadre stratégique sur la divulgation et la conformité en matière de coinvestissement inspiré des recommandations de la SEC.

Par exemple, au Canada, comme aux États-Unis, les commandités sont assujettis à une obligation fiduciaire générale envers les commanditaires. La conformité aux normes des États-Unis favorise une plus grande transparence et une uniformisation des règles, tout en offrant une plus grande équité aux commanditaires; elle permet également de freiner la répartition tactique des droits préférentiels, une pratique examinée de près par la SEC et les commanditaires.

De plus, maintenant que les commandités américains devront se conformer aux recommandations de la SEC, les commandités canadiens pourraient essuyer les critiques des commanditaires américains en cas de non-divulgation ou de manque de transparence concernant leurs politiques de coinvestissement.

Enfin, de nombreux commandités canadiens sont également parties prenantes dans des transactions aux États-Unis, soit pour collecter des fonds, soit pour investir. Ils pourraient donc être assujettis à la compétence de la SEC et par conséquent, il serait judicieux de leur part de se conformer aux normes des États-Unis. Étant donné que les commandités canadiens se font concurrence sur un marché où les commandités américains obéissent aux règles, la meilleure stratégie pour eux consisterait à leur emboîter le pas.

Une demande croissante pour les droits de coinvestissement

Les droits de coinvestissement sont désormais l’une des conditions les plus négociées pour les placements dans les fonds.

Les économies découlant de la réduction des frais de gestion et de la sélection d’opérations directes qui sont associées aux droits de coinvestissement, comparativement aux investissements indirects classiques, en font une solution complémentaire attrayante aux produits d’investissement dans les fonds.

Les droits et les conditions de coinvestissement se négocient âprement au moment du placement. Ces négociations peuvent être longues, autre raison pour laquelle l’existence de politiques transparentes peut contribuer à faciliter le processus.

Les conditions négociées en ce qui concerne les droits de coinvestissement comprennent notamment la répartition des frais et charge, la gouvernance, les instruments de placement, etc. Le conseiller juridique devrait être consulté tout au long du processus afin de faciliter les négociations et de veiller à ce que les pratiques exemplaires soient respectées.

Malheureusement, la mise en application des droits de coinvestissement peut être assez problématique dans la réalité.

En effet, la stratégie de placement, la rapidité du processus décisionnel et les caractéristiques de l’investissement du commandité et des commanditaires participants doivent être prises en compte à chaque nouvel investissement; or, tous ces facteurs ne concordent pas nécessairement, ou ne sont pas nécessairement identiques pour toutes les parties prenantes. En conséquence, les commandités constatent qu’il n’est pas toujours facile de faire valoir ces droits lorsque des occasions de coinvestissement se présentent.

Dans le contexte d’aujourd’hui, où de grands regroupements de capitaux sont à l’affût des occasions d’investissement qui se font plus rares et où les évaluations sont en hausse, la situation économique a basculé en faveur des commandités. Étant donné la quantité de capitaux de commanditaires à la recherche d’investissements directs, et l’intensification de la demande pour des coinvestissements, nous nous retrouvons devant un scénario où les commandités pourraient très bien devenir plus exigeants pour leurs commissions et leurs coûts de portage, ou d’autres concessions en contrepartie de ces droits de coinvestissement tant convoités.

Dernières réflexions

Maintenant que les instruments de coinvestissement suscitent de plus en plus d’intérêt dans le monde, les commandités canadiens auraient avantage à mettre en œuvre leurs propres politiques et à harmoniser leur pratique avec les normes préconisées par la SEC, comme nous l’avons vu plus haut.

Les commanditaires sont de plus en plus nombreux à vouloir un accès direct à l’investissement, ce qui procure un meilleur levier aux commandités. Cette situation pourrait se traduire par des données économiques et des conditions plus avantageuses pour les commandités au cours des 12 à 18 prochains mois.

*Cet article avait paru à l’origine dans The PE Hub Network.