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Intéresser la direction dans un marché vendeur

Auteur(s) : Lynne Lacoursière

Le 17 octobre 2018

Il ne fait aucun doute que le marché est favorable aux vendeurs.

Avec les niveaux sans précédent de réserves liquides et la quantité de titres de créance disponibles sur le marché, les vendeurs sont non seulement capables d’obtenir des évaluations élevées, mais ils étudient également de plus près les programmes d’intéressement de la direction mis en place par les fonds de capital-investissement souhaitant éventuellement se porter acquéreur.

Les fonds de capital-investissement doivent veiller à intéresser les équipes de direction de manière adéquate pour plusieurs raisons.

Premièrement, ils ont intérêt à ce que la direction soit motivée à conclure une opération avec eux. Deuxièmement, ils doivent encourager les membres de la direction à poursuivre leurs efforts soutenus une fois l’entente conclue.

S’ils veulent réussir à conclure une opération fructueuse, les fonds de capital-investissement doivent prendre certaines mesures en ce qui concerne la détermination des rémunérations.

Comprendre les ententes existantes

L’étape de la vérification diligente est l’occasion d’en apprendre beaucoup à propos d’une société.

Parfois, la tâche est tellement gigantesque que l’étude du plan d’intéressement de l’équipe de direction n’est pas une priorité. C’est une erreur.

Il est essentiel que les fonds de capital-investissement qui envisagent une acquisition comprennent et examinent les éléments suivants à l’étape de la vérification diligente :

  • À quoi ressemble le régime de primes à base d’actions de l’équipe de la direction à l’heure actuelle? Les primes seront-elles automatiquement acquises à la conclusion de l’opération, ou l’accélération du délai d’acquisition est-elle discrétionnaire?
  • Quelles obligations d’indemnisation devant être versées aux membres de la direction l’opération déclenchera-t-elle? Si les indemnisations sont trop élevées, les membres de la direction pourraient ne pas être assez motivés pour rester une fois l’opération conclue, et les acheteurs pourraient être obligés de trouver une nouvelle équipe de direction.
  • Si des indemnités de type « parachute doré » doivent être versées par une société américaine, ou à un contribuable américain (même par une société qui n’est pas américaine), le montant de l’indemnité déclenchera-t-il l’application de la limite sur la déduction au titre de l’impôt sur les sociétés, ou donnera-t-il lieu à l’imposition de la taxe d’accise de 20 %, respectivement prévues aux articles 280G et 4999 de l’Internal Revenue Code des États-Unis? (Il n’y a pas de règle correspondante au Canada.)
  • L’équipe de direction détient-elle des actions de la société (outre les primes de rémunération à base d’actions)? Ces actions ou une partie de ces actions, le cas échéant, peuvent-elles être transférées dans le cadre d’un régime à imposition différé?

Ce sont des questions importantes que les fonds de capital-investissement devraient prendre en compte et pour lesquelles ils devraient être en mesure d’obtenir des réponses durant le processus de vérification diligente et avant la signature de l’entente.

Si les parachutes dorés dépassent les seuils établis et que l’entreprise visée est une société fermée, une dispense de l’approbation des actionnaires pourrait être une solution qui permettrait d’éviter les conséquences fiscales défavorables.

Et le contrat d’achat devrait contenir une clause prévoyant que la société visée devra prendre les mesures nécessaires afin de soumettre au vote et à l’approbation des actionnaires le droit de percevoir ou de conserver ces parachutes dorés.

Obtenir l’appui de la direction avant la signature

Une fois que les acheteurs ont parfaitement compris quelles sont les attentes des membres de la direction en ce qui concerne leur rémunération et que les acheteurs ont eux-mêmes exprimé leurs propres attentes, vient le temps d’en négocier les conditions.

Souvent, les principales conditions du régime d’intéressement de la direction qui sera mis en place après la conclusion de l’opération sont négociées directement avec les membres clés de la direction, avant même la signature des documents contractuels, ce qui permet à l’acheteur de s’assurer qu’il conservera l’équipe de direction en place.

Ces principales conditions peuvent être résumées dans un accord de principe, qui sera signé en même temps que le contrat d’achat. Si les membres de la direction ont l’intention de transférer une partie de leurs actions ou d’investir avec le promoteur, le montant qui sera transféré ou investi et les principales conditions de la convention d’actionnaires peuvent aussi être intégrés dans l’accord de principe.

Souvent, le salaire de base et les possibilités de primes annuelles demeurent essentiellement les mêmes, à moins que quelqu’un ne soit nommé à un nouveau poste.

L’élément névralgique sera le régime d’intéressement à base d’actions à long terme; les équipes de direction de sociétés de portefeuille se voient souvent accorder un forfait d’intéressement unique à base d’actions qui les oblige à rester en poste (généralement, jusqu’au dessaisissement par l’acheteur) pour pouvoir en réaliser la pleine valeur.

Les régimes d’intéressement à long terme prennent la plupart du temps la forme d’options d’achat d’actions ou de participation aux bénéfices (si la société de portefeuille est une société en commandite), qui récompensent la direction pour avoir augmenté la valeur du capital-actions.

Les primes de pleine valeur comme les unités d’actions de négociation restreinte ou les actions temporairement incessibles sont moins fréquentes parce qu’elles permettent à la direction de réaliser une certaine valeur même si le capital-actions n’a enregistré aucune plus-value.

Une partie des intéressements à base d’actions peut être assujettie à des conditions d’acquisition liées au temps (en règle générale, quatre à cinq ans), et une partie (souvent, la moitié ou plus) peut être assujettie à des conditions d’acquisition liées au rendement, par exemple, le taux de rendement interne, le rendement du capital investi, les objectifs de BAIIA, ou encore un prix de levée indexé ou majoré d’une prime.

Le promoteur en capital-investissement devrait déterminer la taille du fonds permanent de capital-actions et avec la collaboration du chef de la direction de la société visée, il devrait décider comment le répartir entre les membres de la direction actuelle et fixer les niveaux de réserve appropriés pour les futures recrues et les éventuelles promotions.

La taille du fonds permanent dépendra des capitaux propres investis par le promoteur, mais aussi des niveaux hiérarchiques auxquels sera offert le programme de primes.

Le promoteur pourrait établir un barème des primes escomptées selon différents niveaux de rendement du capital investi et se servir de ce barème pour déterminer la répartition appropriée.

Il est également important que les régimes de rémunération soient suffisamment flexibles pour permettre différentes stratégies de sortie, incluant un PAPE ou une vente.

Si la société est vendue, le droit d’acquisition de toutes les actions non acquises devient généralement exigible et la direction participe à la création de richesse. Lors d’un PAPE, les droits d’acquisition ne deviennent pas nécessairement exigibles, mais la direction reçoit des liquidités.

Les plans d’options d’achat d’actions devraient également prévoir les rajustements pour tenir compte des dividendes spéciaux, qui sont parfois déclarés afin de permettre à l’acheteur de réaliser un rendement sans se dessaisir complètement de l’actif.

Les fonds de capital-investissement qui réalisent une acquisition devraient également prendre en compte le traitement des primes en actions si un membre de la direction quitte la société avant la prochaine opération de liquidité.

Si l’un d’eux fait l’objet d’un congédiement justifié, il est déchu de toutes ses options, acquises ou non acquises, et toutes les actions dont il est porteur peuvent être rachetées au moindre des deux montants suivants : le prix d’acquisition ou la juste valeur marchande. La situation est moins claire lorsqu’un membre de la direction donne sa démission ou est congédié sans justification.

Le promoteur doit alors décider s’il lui permet d’exercer ses options acquises avant la prochaine opération de liquidité, ou si ces options demeureront en cours jusqu’à la prochaine opération de liquidité.

Si les options acquises demeurent en cours jusqu’à la prochaine opération de liquidité, l’ancien employé participera à l’augmentation de la valeur du capital-actions même s’il a cessé de contribuer à la croissance de la société.

Si, au contraire, l’employé dispose d’un court laps de temps après sa cessation d’emploi pour exercer ses options d’achat d’actions, ou si l’employé est porteur d’actions, il est important d’évaluer la capacité de la société de racheter ces actions. Les conditions des droits de vente, et la question de savoir s’il y a lieu d’octroyer aux employés des droits d’achat, devraient être négociées à cette étape.

Parachèvement des documents

Les principales conditions du régime d’intéressement de la direction sont confirmées avant la signature du contrat d’achat, mais les régimes de rémunération incitative à base d’actions, la convention d’actionnaires et les contrats de travail sont souvent élaborés et parachevés entre la signature et la clôture de l’opération.

Il est préférable de ficeler ces ententes avec le plus grand souci du détail possible et le plus rapidement possible.

Les fonds de capital-investissement qui réalisent une acquisition ont intérêt à ce que les membres de la direction soient concentrés sur l’opération et motivés par ce nouveau projet, plutôt que rongés par l’inquiétude à l’idée de perdre leur régime d’intéressement.

De plus, toutes les parties devraient envisager l’opération avec sérénité. Si tout fonctionne pour le mieux, les ententes négociées auront permis aux membres de la direction d’avoir des intérêts en jeu et de prendre un certain risque en misant sur l’avenir à plus long terme.

Les membres de la direction devraient avoir l’occasion de participer aux bons résultats, mais aussi de prendre la responsabilité des résultats décevants. Ils doivent être motivés à aider la société à croître afin de protéger leur investissement.

*Remarque : Cet article avait paru à l’origine dans The PE Hub Network.