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Le Canada entame le processus de ratification de la convention fiscale multilatérale pour mettre en œuvre le BEPS

Le 7 février 2018

Dans ce bulletin d'actualités

  • Le Canada a entamé ses procédures internes de ratification de la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’OCDE (l’IM).
  • L’IM modifiera un grand nombre de conventions fiscales bilatérales déjà existantes, notamment jusqu’à 75 conventions fiscales couvertes du Canada.
  • La modification la plus importante sera l’ajout d’une règle anti-évitement étendue.
  • Un aperçu du moment où l’IM devrait entrer en vigueur à l’égard des conventions fiscales couvertes particulières.
  • Un exposé des récents commentaires de l’OCDE relatifs à l’IM.

La Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’OCDE a été déposée à la Chambre des communes le 31 janvier 2018. Il s’agit de la première étape du processus de ratification de l’IM par le Canada, qui l'a signé en juin 2017.

L’IM a été signé par 78 juridictions, dont le Canada. Une fois en vigueur, l’IM modifiera un grand nombre de conventions fiscales bilatérales existantes, dont jusqu’à 75 conventions fiscales bilatérales du Canada (appelées « conventions fiscales couvertes »; voir la liste exhaustive). La modification la plus importante sera l’ajout à ces conventions fiscales d’une règle anti-évitement étendue, appelée « critère de l’objet principal », ou « COP ». Selon le COP, un avantage au titre d’une convention pourrait être refusé s’il est raisonnable de conclure que l’octroi de cet avantage était l’un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction, à moins qu’il soit établi que l’octroi de cet avantage serait conforme à l’objet et au but des dispositions pertinentes de cette convention. Parmi les autres modifications importantes aux termes de l’IM, on compte l’amélioration du règlement de différends (notamment en étendant le recours à l’arbitrage contraignant) et l’augmentation éventuelle du seuil d’« établissement stable ».

Calendrier d’entrée en vigueur de l’IM

L’IM entrera en vigueur pour une convention fiscale couverte en particulier, une fois que les procédures internes de ratification au Canada et dans l’autre juridiction qui est partie à la convention sont accomplies. Les procédures de ratification applicables au Canada consistent en ce qui suit :

(i) l’IM doit être soumis à la discussion pendant 21 jours de séance du Parlement (ces jours de séance ont débuté le 31 janvier 2018 et devraient prendre fin vers le 22 mars 2018);

(ii) un projet de loi doit ensuite être présenté en vue de transposer l’IM dans une loi nationale canadienne (le projet de loi de mise en œuvre), qui devra faire l’objet de débats tant à la Chambre des communes qu’au Sénat, avant que ces deux chambres ne soumettent éventuellement le projet de loi de mise en œuvre à l’étude d’un comité;

(iii) le projet de loi de mise en œuvre doit être approuvé par le Parlement et recevoir la sanction royale;

(iv) un décret doit ensuite être pris pour informer l’OCDE de la conclusion des procédures de ratification au Canada.

Dans le cas des conventions fiscales couvertes, l’IM entrera en vigueur le premier jour du mois commençant trois mois après que le Canada et le partenaire de la convention pertinente auront transmis leurs avis à l’OCDE et, il prendra effet à l’égard (a) des retenues à la source, le premier jour de l’année civile suivante; et, (b) des autres impôts, pour les années d’imposition commençant six mois après l’entrée en vigueur de l’IM. À ce jour, seules l’Autriche, l’Île de Man, Jersey et la Pologne ont informé l’OCDE qu’elles avaient terminé leurs procédures de ratification.

Par exemple, si les deux parties à une convention fiscale couverte ont informé l’OCDE en août 2018 qu’elles ont terminé leurs procédures de ratification, l’IM entrerait en vigueur relativement à la convention fiscale couverte pertinente le 1er décembre 2018. L’IM prendrait alors effet dans le cas de cette convention fiscale couverte (a) à l’égard des retenues à la source, le 1er janvier 2019, et (b) à l’égard des autres impôts, pour les années d’imposition commençant le 1er juin 2019 ou ultérieurement.

Commentaires récents de l’OCDE relatifs à l’IM

L’instrument multilatéral vise à permettre une mise en œuvre rapide des mesures fiscales contenues dans le Projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) de l’OCDE et du G20. En signant l’IM, le Canada a accepté d’adopter les normes minimales convenues dans le BEPS (la règle anti-évitement du COP, la modification du préambule des conventions fiscales et des procédures de règlement des différends, y compris un éventuel recours à l’arbitrage contraignant), et a décidé de se garder une réserve quant à diverses autres dispositions de l’IM (y compris l’augmentation du seuil d’« établissement stable »). Voir une liste exhaustive des positions provisoires du Canada à l’égard de l’IM. 

Le 21 novembre 2017, l’OCDE a publié sa plus récente mise à jour du modèle de convention fiscale de l’OCDE (le Modèle OCDE). Les diverses dispositions du BEPS contenues dans l’IM sont maintenant intégrées au Modèle OCDE. Le Modèle OCDE et ses commentaires éclaircissent l’éventuelle interprétation du Canada sur les normes minimales (qu’il a déjà acceptées), ainsi que sur les autres dispositions de l’IM (si le Canada abandonne ses réserves actuelles).

L’article 29 du Modèle OCDE comprend une règle de limitation des avantages, et comportera dorénavant la règle du COP de l’Instrument multilatéral. À cet égard, le Modèle OCDE commente sur l’évitement fiscal et sur le critère de l’objet principal, ce qui peut s’avérer pertinent pour interpréter l’IM. D’après le commentaire sur le Modèle OCDE, l’inclusion d’un COP explicite dans le Modèle OCDE confirme simplement un principe général qui était déjà implicite dans les versions précédentes du Modèle OCDE. Bien que cette affirmation ne semble pas compatible avec l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans MIL Investments, elle pourrait être plus pertinente lorsqu’on l’applique à une convention fiscale couverte comportant un préambule modifié faisant référence à une intention de ne pas créer de possibilités d’imposition réduite via des pratiques d’évasion fiscale ou de fraude fiscale/évitement fiscal (résultant notamment de la mise en place de stratégies de chalandage fiscal). Les commentaires sur le Modèle OCDE soulignent qu’en règle générale, il ne devrait pas y avoir de conflit entre le COP et les règles internes anti-évitement (p. ex. la règle générale anti-évitement du Canada ou RGAE, à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada)). Compte tenu de cette opinion, qui est conforme à la jurisprudence relative à la RGAE, lorsqu’un COP est en litige, il incombe à la Couronne de prouver qu’une transaction contrevient à l’objet ou au but de la convention fiscale en question.  

Comme nous l’avons mentionné, le Canada s’est gardé une réserve sur l’augmentation du seuil d’« établissement stable »; mais, il est possible que le Canada modifie sa position préliminaire dans l’IM avant d’avoir achevé son processus de ratification. Fait intéressant, le Canada ne s’est pas gardé de réserve quant à l’élargissement de la définition d’« établissement stable » à l’article 5(5) du Modèle OCDE. L’article 5(5) du Modèle OCDE prévoit qu’un État a le droit d’imposer une entreprise dans certaines situations lorsque l’entreprise n’a pas d’installation fixe d’affaires dans cet État. Sous réserve de l’exception relative à l’agent indépendant, l’article 5(5) prévoit qu’une entreprise sera considérée comme participant à des activités commerciales (et donc, ayant un établissement stable) dans un État où une personne (i) conclut habituellement des contrats au nom de l’entreprise; (ii) conclut habituellement des contrats qui seront exécutés par l’entreprise; ou (iii) joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats qui, de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise. Selon le commentaire sur le Modèle OCDE, lorsque cela se produit, les actions de la personne vont « au-delà de la simple promotion ou publicité », et débouchent sur la conclusion de contrats dans l’État concerné. 

Bien que le Canada ne se soit pas gardé de réserve relativement à l’article 5(5) du Modèle OCDE, il est à espérer qu’il continuera de s’en garder quant aux dispositions équivalentes de l’IM. Plus particulièrement, l’adoption de ces modifications dans les conventions fiscales du Canada pourrait faire augmenter considérablement le nombre de situations où l’on trouverait des établissements stables, ce qui provoquerait une hausse des coûts d’observation et d’administration en raison des exigences supplémentaires en matière de déclaration fiscale. Une telle modification pourrait avoir des effets négatifs sur l’assiette fiscale canadienne. Plus précisément, lorsque des sociétés résidantes canadiennes sont considérées comme ayant des établissements stables dans d’autres juridictions, le Canada est généralement tenu d’accorder un crédit d’impôt à l’égard d’impôts étrangers perçus sur le revenu d’une société résidant au Canada qui serait attribuable à un établissement stable étranger.

Pour un complément d’information sur l’IM – y compris un exposé sur le rapport final du Projet BEPS de l’OCDE (comprenant des recommandations sur l’IM et 14 autres actions à mettre en œuvre), sur les dispositions facultatives de l’IM et sur les procédures de mise en œuvre du Canada – veuillez consulter nos bulletins Actualités Osler « Rapports finaux 2015 du Projet BEPS – Réforme de la fiscalité internationale », « Importantes modifications aux conventions fiscales proposées dans la convention multilatérale », « Le Canada signe une convention fiscale multilatérale » et « Nouvelle règle COP dans l’Instrument multilatéral de l’OCDE pour déloger la RGAE canadienne? ».

Pour plus de renseignements sur l’instrument multilatéral, la règle COP ou sur d’autres questions fiscales, veuillez communiquer avec un membre du groupe de droit fiscal d’Osler.