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Les premiers pas dans la danse des brevets pharmaceutiques canadiens

Auteur(s) : J. Bradley White, Nathaniel Lipkus

Le 5 octobre 2018

En septembre 2017, le gouvernement canadien a apporté des modifications fondamentales et étendues au système de lien entre la mise en marché et les brevets du Canada. Les modifications apportées au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (RMBAC) harmonisaient le système de lien entre la mise en marché et les brevets du Canada avec les obligations du Canada aux termes de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG).

Comme nous l’avions souligné il y a un an dans notre article intitulé Bienvenue dans la danse des brevets pharmaceutiques canadiens, avant les modifications apportées en 2017, le RMBAC s’était attiré des critiques, tant au pays qu’à l’étranger. La procédure de litige, aux termes du règlement antérieur, était censée être une procédure sommaire et efficace, s’appuyant sur un dossier papier et des contre-interrogatoires hors cour. Mais, au fil du temps, et compte tenu des enjeux, les procédures sont devenues plus lourdes et coûteuses, en plus de nécessiter d’importantes ressources. Les juges ont dû trancher des affaires de brevets fondées sur des dizaines de volumes de preuves d’experts contradictoires, sans pouvoir compter sur la comparution de témoins.

L’une des principales critiques formulées à l’égard du processus de litige de l’ancien RMBAC était que, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, par exemple, il ne réglait pas les cas de contrefaçon contestés ni les questions d’invalidité. Le régime précédent était un système à deux voies comportant à la fois une procédure sommaire aux termes du RMBAC et un éventuel processus de litige en matière de contrefaçon de brevet et d’invalidité, en vertu de la Loi sur les brevets, portant sur les mêmes questions sous-jacentes. Les décisions rendues aux termes du RMBAC n’étaient pas des jugements définitifs en matière de contrefaçon ou de validité de brevets. De plus, si l’approbation réglementaire était accordée au plaideur fabricant de produit générique pendant que l’appel d’un titulaire de brevet perdant aux termes du RMBAC était en cours, cet appel devenait controversé. Cela a eu pour effet de créer une situation dans laquelle une partie perdante dans ses procédures aux termes du RMBAC (qu’il s’agisse d’un produit de marque ou d’un générique) pouvait intenter une action distincte à l’égard des questions pour lesquelles elle avait perdu.

L’AECG exigeait que le Canada instaure un système offrant des « droits équivalents et des recours efficaces » aux plaideurs assujettis à un système de mise en lien avec les brevets (c.-à-d. le Canada). Cependant, compte tenu des préoccupations susmentionnées, les modifications apportées en 2017 au RMBAC sont allées plus loin, dans le but de simplifier le processus par l’élimination du système à deux voies. Les modifications apportées en 2017 prévoyaient une seule action aux termes du RMBAC, avec égalité de droits d’appel pour les titulaires de brevet et les fabricants de génériques, le témoignage de vive voix au procès, et des décisions exécutoires en matière de contrefaçon et de validité. Les modifications établissaient également de nouvelles règles relativement à la planification, à la production de documents, à la confidentialité et à l’étendue des dommages-intérêts.

Comme les premières affaires instruites aux termes du RMBAC seront jugées vers la fin de 2019, nous assistons aux premiers pas des plaideurs du domaine pharmaceutique dans la nouvelle danse des brevets pharmaceutiques canadiens. Dans cet article, nous donnons un premier aperçu du Règlement.

Le temps écoulé avant le procès : de la valse au quickstep

L’an dernier, nous avions prédit que l’une des conséquences des modifications serait la création d’un nouveau rôle d’audience à propulsion rapide en Amérique du Nord, dans le cadre duquel des actions complexes seraient jugées en moins de 24 mois.

La Cour fédérale, qui a compétence pour instruire des actions relatives au RMBAC, a adopté une approche pratique pour gérer les délais de 24 mois. Chaque action liée au RMBAC est une procédure faisant l’objet d’une « gestion particulière » pour laquelle est désigné un juge responsable de la gestion de la cause en vue d’accélérer le processus. Ce juge peut fixer des délais précis pour la réalisation des étapes intermédiaires du processus, ordonner un examen de l’état de l’instance ou des conférences préparatoires au procès, ou donner des directives visant le règlement rapide d’une affaire. La Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de prolonger les délais au-delà de 24 mois, mais des indications laissent entrevoir que la Cour s’emploiera à trancher les questions dans ces délais.

Par exemple, dans l’affaire Genentech, Inc. et autres c. Amgen Canada Inc, mettant en cause quatre brevets associés au médicament Herceptin®, malgré d’importantes requêtes préalables au procès, la juge responsable de la gestion de la cause n’a pas accueilli des arguments selon lesquels la période de 24 mois ne suffisait pas pour régler les questions en l’espèce. Elle a rejeté catégoriquement la proposition selon laquelle les délais étaient « accélérés » ou inéquitables car le demandeur devait faire face à une requête en irrecevabilité dans des délais serrés. En l’espèce, et dans un procès parallèle mettant en cause Celltrion, pour laquelle notre cabinet agissait à titre de conseiller juridique, la Cour a insisté pour tenir des procès dans les 21 mois suivant le début des procédures, et a limité le procès à 10 jours pour régler tous les litiges en matière de brevet ainsi que toutes les questions de contrefaçon et d’invalidité découlant de quatre revendications de brevets. En comparaison, dans les procédures introduites peu avant les modifications à l’ancien RMBAC et mettant également en cause Celltrion, pour lesquelles il n’y avait pas de comparution de témoins, la Cour avait prévu 15 jours pour une audience portant sur quatre revendications de brevets. Les procédures de Genentech contre Amgen ont été abandonnées, mais le procès dans l’affaire Genentech-Celltrion est prévu pour septembre 2019; ce sera le premier procès tenu dans le cadre du nouveau système.

La Cour saisit manifestement l’occasion que présentent les nouvelles modifications pour ordonner un resserrement des délais. Cette évolution était tout à fait prévisible, étant donné les tensions qu’exerçaient les anciennes règles sur les ressources. Il est également évident que pour atteindre ces objectifs, la Cour s’attend à une plus étroite collaboration entre les conseillers juridiques et qu’elle s’emploie à la susciter. Les Lignes directrices sur les actions intentées en vertu du règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), dans sa version modifiée, qui donne une vue d’ensemble de la façon dont le temps consacré aux litiges devrait être réparti, ont été publiées le jour où les modifications sont entrées en vigueur. Selon ces Lignes directrices, la Cour s’attend à ce que tous les procès liés au RMBAC s’achèvent en moins de deux semaines, soit 10 jours ouvrables. L’une des façons dont il est prévu de condenser les procès est d’exhorter les parties à produire leur preuve principale par voie d’affidavit, avec contre-interrogatoire des témoins au procès. La Cour incite également les parties à se communiquer sans tarder leur interprétation des revendications, leurs plans et leurs requêtes en admission des faits, en vue de limiter les questions en litige dès les premières étapes. Le temps dira si ces interventions hâtives produisent l’effet attendu.

Bien qu’aucune de ces actions intentées aux termes du nouveau règlement ne soit parvenue à la phase du procès, les contraintes de temps imposées par un procès de 10 jours pourraient poser un véritable défi. Dans certains cas, par exemple, de multiples médicaments nouveaux aux indications diverses ont été présentés, et plusieurs actions afférentes ont été intentées relativement aux brevets multiples. Les conseillers juridiques des deux parties devront rajuster et prioriser soigneusement leur preuve et leurs arguments pour régler efficacement toutes les questions soulevées en un procès de 10 jours. Hors du contexte du RMBAC, ce genre de procès aurait duré au moins un mois. Les plaideurs ont tenu compte des nouvelles contraintes de la Cour. Dans les affaires relatives à Celltrion, même si les interrogatoires préalables ne sont pas encore terminés, les allégations de contrefaçon de brevet pour l’une des quatre revendications de brevet ont été retirées.

Au moment de rédiger ces lignes, la Cour fédérale était saisie de plus de 25 affaires relevant du RMBAC. Dans 13 de ces affaires, la date du procès avait été fixée, et toutes devaient être entendues en 10 jours, peu importe le nombre de brevets et de produits en cause. Il semble que le rôle d’audience à propulsion rapide du Canada ait décollé.

Les figurants : les parties concernées dans une procédure relative au RMBAC

L’une des questions pratiques qui a fait jour avec la modification du Règlement est la détermination des parties concernées dans une affaire. Aux termes du Règlement, seulement l’entreprise qui vend un médicament de référence (appelée « première personne »), le titulaire de brevet, et le demandeur d’approbation de médicaments génériques ou biosimilaires (appelé « seconde personne ») sont des parties autorisées dans une procédure relative au RMBAC. Étant donné qu’une procédure relative au RMBAC est une action intentée avant que le demandeur d’approbation de médicaments génériques ou biosimilaires ne pénètre le marché, cette règle restreint de façon raisonnable la portée de l’action.

Cependant, il existe plusieurs manières dont une tierce partie peut devenir un acteur important dans une procédure relative au RMBAC, comme le démontrent les procédures dans Genentech, Inc et al. v Celltrion Healthcare Co, Ltd. Dans ces procédures, les audiences publiques ont révélé que Celltrion est le fabricant d’une version biosimilaire du médicament Herceptin®, qui doit être distribué par Teva Canada. Bien que Teva Canada ne soit pas partie à l’action, elle a volontairement présenté une communication préalable afin de favoriser le règlement de l’action dans les délais de 24 mois. Par ailleurs, une société affiliée aux demandeurs, Roche Basel, n’est pas partie à l’action. Cependant, la demande introductive d’instance réserve le droit d’ajouter Roche Basel comme partie réclamant des dommages-intérêts, advenant le lancement d’un produit biosimilaire alors que l’action n’est pas encore réglée.

Si un produit générique ou biosimilaire est lancé alors qu’une procédure aux termes du RMBAC est en cours, les parties au litige peuvent ajouter des parties plus tard au cours de la procédure, et cette mise en cause tardive d’une partie pourrait avoir une forte incidence sur la planification de l’affaire et les droits des parties. On ignore comment la Cour réglera cette situation lorsqu’elle se présentera.

Style libre : le nouvel avis d’allégation

Aux termes du nouveau règlement, l’avis d’allégation (AA), déclaration d’allégations factuelles et juridiques faite par le demandeur d’approbation de médicament générique à l’égard de la société de marque, définit la totalité de la portée de la procédure relative au brevet. Un fabricant de génériques serait limité aux arguments avancés dans l’AA. Toute allégation qui n’a pas été présentée en détail et soutenue dans l’AA serait déclarée insuffisante pour soutenir l’allégation en cour. À la suite des modifications apportées en 2017, il n’est nécessaire de fournir un AA détaillé que pour les allégations d’invalidité de brevet, et même dans ce cas, un fabricant de génériques peut ajouter un dossier d’antériorité ou d’autres allégations dans l’affaire (même si cela risque de prolonger le délai de 24 mois). Il en résulte de la souplesse pour les fabricants de génériques au moment de rédiger un AA, car la diminution des détails ne limitera pas les arguments qui peuvent être soulevés dans le cadre des procédures. Parallèlement, les fabricants de génériques doivent maintenant régler tous les litiges en matière de brevets, y compris les revendications relatives aux processus de fabrication, qui n’étaient pas pertinentes aux termes de l’ancien règlement.

Même si l’importance de l’AA quant à la portée du litige a été diminuée, elle n’en est pas moins présente. Tant aux termes de l’ancien règlement que du nouveau, si un titulaire de brevet omet de répondre à un AA dans les 45 jours suivant sa réception, le fabricant de génériques sera autorisé à commercialiser ses produits au Canada, à condition que toutes les exigences liées à la santé et à la sécurité aient été respectées. De plus, si le titulaire de brevet omet de répondre à l’AA alors qu’il avait « un motif raisonnable d’intenter une action », il lui serait dorénavant interdit d’intenter une poursuite ultérieurement. Alors, même s’il se peut qu’un AA détaillé ne soit pas requis, il pourrait être dans l’intérêt supérieur du fabricant de génériques de disposer de suffisamment de détails pour que le titulaire de brevet soit réputé avoir un motif raisonnable d’intenter une action, advenant qu’il ne reçoive pas de réponse dans les 45 jours.

Danser dans le noir : la confidentialité et la production hâtive aux termes du nouveau Règlement

Selon l’ancien Règlement, lorsqu’un fabricant de médicaments génériques ou biosimilaires signifiait un AA, la production de documents n’était pas requise. Le Règlement modifié exige dorénavant la production de tous les documents sur lesquels reposent les allégations d’invalidité, et la production de documents doit maintenant avoir lieu au moment de la signification de l’AA. De même, si on le leur demande, les titulaires de brevets doivent désormais communiquer des documents relatifs aux allégations touchant les prétendues propriétés de l’invention revendiquée, y compris les carnets de laboratoire et les coordonnées de l’inventeur.

De plus, les nouvelles exigences en matière de production sont accompagnées de nouvelles règles visant la confidentialité de certains types de renseignements. Certains renseignements qu’un fabricant de génériques communique avec son AA sont probablement très sensibles au point de vue commercial. Le paragraphe 5(3.5) du Règlement modifié permet d’imposer des règles raisonnables afin de préserver la confidentialité de ces renseignements. Ces règles sont contraignantes pour tous les représentants qui reçoivent des documents produits conformément au paragraphe 5(3) du Règlement.

Si le titulaire de brevet considère que les règles sont déraisonnables, il peut présenter une requête à la Cour fédérale en vue de les faire modifier ou annuler. Dans Genentech, Inc et Hoffmann-La Roche Limited c. Pfizer Canada Inc, le demandeur d’approbation de médicaments biosimilaires Pfizer a refusé que les demandeurs Roche et Genentech aient accès aux documents de production précoces, à moins que Roche et Genentech acceptent les restrictions de Pfizer en matière de confidentialité. Les documents étaient sur une clé USB cryptée, et le mot de passe de déchiffrement n’a pas été dévoilé. Avant d’intenter une procédure relative au brevet, Roche et Genentech ont présenté une requête visant l’obligation de leur donner accès à la production, selon les règles de confidentialité moins restrictives. La Cour a statué qu’une telle requête ne peut être présentée que dans le contexte d’une action existante. Genentech et Roche n’avaient pas encore intenté d’action à la suite de l’AA, et la Cour a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour trancher une requête en l’absence d’action sous-jacente.

Dans la plupart des cas, il est possible qu’en démontrant la collaboration entre les conseillers juridiques susmentionnés, les parties soient parvenues à conclure des ententes raisonnables concernant la protection de renseignements confidentiels échangés avant le procès. La Cour fédérale n’est pas encore fixée concernant la manière de traiter la confidentialité préalablement au procès. La Cour s’est éloignée des ordonnances préventives et a insisté pour que les parties parviennent à des ententes de protection sans intervention de la Cour, les ordonnances préventives n’étant rendues qu’en cas d’absolue nécessité. Cette politique de la Cour en matière de confidentialité fait actuellement l’objet d’un appel.

La danse doit continuer : la barre est haute pour les rejets de brevets hâtifs

Une fois que l’AA et les documents justificatifs sont produits, le titulaire de brevet dispose de 45 jours pour intenter une action à la suite de l’AA. Lorsque l’action est déposée, une interdiction automatique de 24 mois (à moins qu’il n’y soit expressément renoncé) empêche le fabricant de génériques de commercialiser ses produits au Canada. Comme la Cour l’avait reconnu aux termes de l’ancien Règlement, compte tenu du caractère onéreux de l’interdiction automatique de 24 mois et de l’importance des ressources nécessaires pour intenter des poursuites, il est essentiel de cerner rapidement les procédures non fondées et de les débouter. L’article 6.08 du Règlement modifié permet à un fabricant de génériques (le défendeur dans l’instance) de présenter une requête visant à faire rejeter une action au motif qu’elle est « inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou qu’elle constitue par ailleurs un abus de procédure ». Une action peut être frivole ou vexatoire s’il est clair et indéniable, d’après les documents réglementaires, qu’il n’y a pas eu contrefaçon. Le fabricant de génériques a le droit présenter une requête au titre de l’article 6.08 à tout stade de l’action, même avant que l’interrogatoire préalable soit terminé. Cela correspond à l’objectif de rejeter les réclamations non fondées aux stades préliminaires des procédures.

Cependant, il s’est avéré difficile de faire accueillir une requête au titre de l’article 6.08. À la Cour fédérale, la première décision rendue à la suite du dépôt d’une requête aux termes de l’article 6.08, dans Genentech Inc et autres c. Amgen Canada Inc, la Cour a conclu que « radier une action [dans ce contexte] demeure un recours extraordinaire, et le seuil pour ce genre de requête est élevé ». Le fabricant de génériques devrait démontrer qu’il est « évident » qu’il n’existe pas de possibilités que la réclamation puisse être accueillie. La Cour a également déclaré qu’en raison des modifications apportées au Règlement et interdisant aux titulaires de brevets d’intenter des poursuites ultérieurement si la réclamation est radiée, il faut faire preuve « d’encore plus de prudence » lorsqu’on songe à déposer une requête aux termes de l’article 6.08. Par conséquent, ces requêtes ne devraient être accueillies que dans les cas les plus manifestes. En l’espèce, des requêtes avaient été déposées en vue de faire rejeter des procédures à l’égard de deux brevets, et la Cour a statué que les différends relatifs à l’interprétation de revendications, ainsi que les observations factuelles (biffées dans le jugement public), faisaient obstacle à cette détermination précoce. La Cour a souligné que son rôle n’est pas de tenir une audience sur le bien-fondé de la requête, mais plutôt de déterminer si la cause est défendable, hors de tout doute en faveur du titulaire de brevet.

À la suite du rejet de la requête d’Amgen dans Hoffmann-La Roche Limited c. Pfizer Canada Inc, Pfizer a tenté une autre approche, en présentant une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire. Pfizer avait déposé deux présentations de drogue nouvelle, l’une avec « étiquette complète », et l’autre, avec étiquette restreinte, car elle ne comprend pas l’ensemble des indications. La requête visait l’étiquette restreinte. Même si Pfizer a présenté sa requête en temps utile, la Cour l’a rejetée, en observant qu’un tel jugement ou procès sommaire devrait progresser en parallèle avec l’action principale et prendrait près d’un an à trancher, et il était peu probable que procéder ainsi raccourcisse l’instance de plus de cinq mois. La Cour a par ailleurs observé qu’un procès portant sur l’étiquette complète serait nécessaire de toute façon, et que, compte tenu de la conduite des parties à ce jour, il était peu probable qu’elles collaborent à mesure qu’une requête en recours sommaire progressait.

Même s’il s’agit des premières (et sans doute pas des dernières) escarmouches sur les questions de rejet précoce, il est évident que la Cour établit un seuil élevé concernant ces questions. Une procédure accélérée est préférable, mais il sera très difficile de faire radier les actes de procédure aux termes de l’article 6.08 ou d’obtenir un jugement ou un procès sommaire.

La « danse de la sûreté » : le statu quo pour le délai de 24 mois

Dans l’article de l’an dernier, nous parlions d’une nouvelle souplesse stratégique dont disposaient les titulaires de brevets : la capacité d’écarter le délai de 24 mois qui était auparavant systématique. Aux termes de l’ancien Règlement, au début d’un litige, le titulaire de brevets bénéficiait systématiquement d’un délai de 24 mois empêchant Santé Canada d’approuver le médicament d’un fabricant de génériques. Renoncer à cette suspension mettrait fin aux procédures.

Aux termes du nouveau Règlement, le titulaire de brevet peut expressément renoncer au délai de 24 mois, sans subir de préjudice aux premiers stades de l’action. S’il renonce à la suspension à ce moment, le titulaire de brevet évite l’éventuelle responsabilité de dommages durant le litige, au cas où il n’aurait pas gain de cause. Par contre, il serait permis au produit générique d’entrer immédiatement sur le marché canadien, ce qui mettrait fin au monopole des titulaires de brevets. Cependant, cet accès précoce au marché pourrait exposer le fabricant de génériques à la responsabilité de dommages-intérêts pour contrefaçon de brevet, s’il sort perdant du procès.

On ignore encore l’issue de tels scénarios. À ce jour, aucun demandeur n’a renoncé à son droit au délai de 24 mois.

Une compétition de danse : qui a les meilleurs pas?

Alors que nous approchons du premier anniversaire de ces changements fondamentaux apportés au déroulement de l’instruction, nous n’avons pas encore été témoins de l’ensemble des effets de ces modifications. À ce jour, nous n’avons vu que les quelques premières décisions préliminaires rendues dans des instances relatives au RMBAC. À mesure que les instances se dérouleront, nous pourrons observer la façon dont la Cour aborde les nouvelles réalités de la planification, la portée appropriée des interrogatoires préalables, la tenue d’instances liées au MBAC, et les dommages-intérêts. La danse des brevets au Canada bat son plein : nous découvrirons bientôt les pas qui sont les meilleurs, et surtout, qui mène la danse.

Les auteurs aimeraient remercier Rama Panford-Walsh pour son aide dans l’élaboration de cet article, publié à l’origine dans Managing Intellectual Property : The Global IP Resource.