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Nouveautés sur les marchés financiers américains en 2018 : de la roche au cannabis, et tout ce qu’il y a entre les deux

Auteur(s) : Rob Lando, Jason Comerford

Le 18 décembre 2018

Un certain nombre de décisions rendues par la Securities and Exchange Commission des États‑Unis (la SEC) en 2018 intéresseront particulièrement les sociétés canadiennes et leurs investisseurs dans le très traditionnel secteur des mines et dans le tout nouveau secteur du cannabis. D’autres serviront de mises en garde aux entreprises canadiennes qui sont des sociétés ouvertes ou qui le deviendront, ou encore qui ont l’intention de mobiliser des capitaux aux États-Unis.

La SEC adopte de nouvelles règles pour les sociétés minières

En octobre 2018, la SEC a établi des règles applicables aux sociétés minières visant à moderniser les obligations d’information relatives aux terrains. Les règles proposées reflètent davantage les pratiques du secteur et les normes réglementaires en vigueur partout dans le monde, notamment celles prescrites par la norme canadienne 43‐101 et celles recommandées par le Committee for Reserves International Reporting Standards. L’ancien régime de divulgation de la SEC, défini dans le guide intitulé Industry Guide 7, sera abrogé.

Les principales modifications, par rapport à l’ancien régime de l’Industry Guide 7, comprennent les suivantes :

  • Ressources minérales: Les sociétés minières seront dorénavant autorisées à divulguer certains renseignements précis concernant leurs ressources minérales. L’Industry Guide 7 interdisait la divulgation de l’estimation des réserves relatives aux terrains miniers, alors qu’elle était obligatoire en vertu de la norme canadienne 43‐101 et de la réglementation d’autres pays.
  • Personne qualifiée: Les sociétés minières sont dorénavant tenues de divulguer fidèlement leurs résultats d’exploration, leurs ressources minérales ou leurs réserves minérales, sur le fondement des renseignements et des documents justificatifs préparés par un expert du secteur minier. Cet expert doit satisfaire aux critères énoncés dans la définition du terme « qualified person» donnée dans les nouvelles règles, qui correspond sensiblement à celle de « personne qualifiée » de la norme canadienne 43‐101.
  • Résumé du rapport technique: Les sociétés minières doivent obtenir d’une « personne qualifiée » un résumé du rapport technique aux fins de dépôt. Cette personne doit sélectionner et résumer les renseignements et les conclusions provenant de chaque personne qualifiée quant aux ressources minérales ou aux réserves minérales de chacun des terrains importants de la société minière concernée. Un résumé du rapport technique doit être déposé auprès de la SEC au moment de déclarer les réserves minérales ou les ressources minérales pour la première fois ainsi que lors d’un changement important dans les réserves minérales ou les ressources minérales par rapport à celles déclarées dans le dernier résumé. Ainsi, les exigences de la SEC seront mieux alignées sur celles de la norme nationale 43‐101 qui exige la production et la publication d’un rapport technique dans des circonstances similaires.

Les sociétés minières seront tenues de se conformer aux nouvelles règles pour leur exercice commençant le 1er janvier 2021 ou après cette date, mais elles sont autorisées à s’y conformer volontairement avant.

Par conséquent, les sociétés minières canadiennes ne seront plus contraintes de divulguer leur information de façon différente en vertu de la norme canadienne 43‐101 et de l’Industry Guide 7 lorsqu’elles souhaitent mobiliser des capitaux outre-frontière ou qu’elles doivent s’acquitter de leurs obligations d’information canadiennes et américaines en tant que sociétés ouvertes.

Les gazouillis d’Elon Musk ont irrité la SEC (ou comment un « tweet » se transforme en amende)

En septembre 2018, Elon Musk, le président du conseil et chef de la direction de Tesla Inc., a conclu un règlement en lien avec les accusations de fraude déposées par la SEC et fondées sur ses gazouillis qui évoquaient un éventuel retrait des titres de Tesla de la cote de la Bourse à un prix qui représentait une importante prime par rapport à leur cours boursier. La SEC a allégué qu’Elon Musk avait publié sur Twitter des renseignements trompeurs importants sans fondement raisonnable, laissant entendre que Tesla envisageait une opération de fermeture du capital et, entre autres, que la source de financement pour ce faire était « sûre » et que l’opération allait certainement être conclue, à condition d’obtenir l’approbation des actionnaires, alors qu’il savait pertinemment que l’opération et la source de financement étaient incertaines et dépendaient de nombreuses conditions.

Dans le cadre du règlement qu’il a conclu avec la SEC, Musk a dû payer une amende de 20 millions de dollars américains et abandonner son poste de président du conseil d’administration de Tesla. Tesla s’est aussi vu imposer une amende de 20 millions de dollars américains pour n’avoir pas maintenu des mesures de contrôle adéquates lui permettant d’établir si les « tweets » de Musk contenaient de l’information devant être déclarée dans les documents déposés auprès de la SEC ou d’évaluer l’exactitude ou l’exhaustivité de ces messages.

La leçon à tirer de cet incident est que toute société doit savoir que les renseignements importants qu’elle publie ou qui sont publiés par les membres de sa direction dans les médias sociaux sont assujettis aux obligations d’information applicables en vertu des lois sur les valeurs mobilières des États-Unis, et que ces renseignements devraient être examinés avec soin avant d’être publiés afin d’en assurer la conformité avec la législation en valeurs mobilières.

Parfois, en faire moins, c’est mieux

En août 2018, la SEC a adopté des modifications en vue de simplifier davantage les obligations d’information dans la déclaration d’inscription (registration statement) intégrée aux documents de placement de titres et aux rapports périodiques. Les principales modifications qui touchent les émetteurs étrangers qui sont des sociétés fermées, y compris les sociétés canadiennes ayant recours au Régime d’information multinational (RIM) pour produire leurs déclarations d’inscription, comprennent les suivantes :

  • la société dont les états financiers sont établis dans une monnaie autre que le dollar américain n’est plus tenue de fournir des données sur le taux de change, puisqu’elles sont déjà du domaine public​;
  • elle n’est plus tenue d’inclure les ratios de couverture des charges fixes historiques et pro forma et les pièces afférentes au moment d’inscrire des titres de créance ou des titres privilégiés, puisque les états financiers présentent déjà les éléments normalement utilisés pour calculer ces ratios​;
  • le formulaire 20-F exige que les états financiers audités déposés dans le cadre d’un premier appel public à l’épargne par un émetteur étranger qui n’est pas une société ouverte datent d’au plus 12 mois au moment du dépôt​; la SEC a, par le passé, autorisé une demande de dérogation à cette période de 12 mois à des émetteurs et a allongé la période à 15 mois dans le cas d’un premier appel public à l’épargne​; la SEC élimine l’obligation de demander une dérogation, à condition que l’émetteur étranger soit en mesure de déposer une déclaration selon laquelle cette période de 12 mois n’est pas obligatoire dans son pays et que de s’y conformer serait irréalisable ou représente une contrainte excessive, laquelle déclaration doit être déposée en tant qu’annexe à la déclaration d’inscription (registration statement);
  • le formulaire 20-F exigeait que les émetteurs fermés étrangers fournissent l’historique du cours des actions visées par l’inscription en Bourse et par le placement éventuels​; cette obligation d’information a été éliminée, puisque l’historique de la valeur marchande d’une action fait déjà partie du domaine public​;
  • la SEC a éliminé l’obligation des émetteurs fermés étrangers de divulguer les restrictions associées aux dividendes, puisque ces émetteurs sont déjà tenus de les divulguer dans les notes afférentes à leurs états financiers.

Connectez-vous à Inline XBRL

La SEC exige actuellement que les sociétés ouvertes fournissent des données tirées de leurs états financiers en format eXtensible Business Reporting Language (XBRL). En juin 2018, la SEC a approuvé deux modifications à ses règles concernant XBRL :

  • Les sociétés ne sont plus tenues de publier des données en format XBRL sur leur site Web, car la majorité des utilisateurs ont accès à cette information directement sur le site Web EDGAR de la SEC.
  • L’obligation pour les sociétés d’utiliser Inline XBRL pour déposer leurs documents auprès de la SEC s’appliquera de façon progressive. Inline XBRL permet à une société d’intégrer ses données en format XBRL directement dans les documents qu’elle doit déposer, plutôt que de les consigner dans une annexe à ces documents. La SEC estime que le système Inline XBRL réduira le temps et les ressources que les sociétés allouent à l’établissement des données en format XBRL et offrira aux lecteurs une accessibilité accrue à ces dernières.

Les émetteurs fermés étrangers qui utilisent les IFRS, notamment les émetteurs canadiens (qu’ils aient recours ou non au RIM), seront tenus de déposer leurs documents au moyen d’Inline XBRL pour les exercices se terminant le 15 juin 2021 ou après cette date.

La SEC invite à une hypervigilance en matière de cybersécurité

En février 2018, à la suite d’un certain nombre de cas de cyberattaque majeurs perpétrés contre des sociétés ouvertes, la SEC a publié des directives interprétatives portant sur l’obligation d’information relative aux risques et aux incidents associés à la cybersécurité. Plus particulièrement, la SEC :

  • incite les sociétés à s’écarter des formulations standards et génériques, en fournissant des renseignements précis à propos de leur cybersécurité​; même si la SEC reconnaît que les sociétés ne sont pas tenues de publier de l’information susceptible de servir de guide à toute violation éventuelle de leurs systèmes de sécurité, elles devraient néanmoins divulguer des renseignements pertinents et précis à l’égard d’un incident de piratage, comme l’ampleur de l’atteinte, la quantité des données compromises, ses conséquences, y compris sur sa réputation, ainsi que les risques de poursuites en justice​;
  • incite les sociétés à déclarer l’information en temps opportun​; même si la SEC reconnaît qu’il faut du temps pour enquêter une cyberattaque et en évaluer la pleine mesure, elle souligne qu’en mentionnant l’existence d’une enquête en cours, la société n’est pas dispensée de l’obligation de déclarer un incident important et elle rappelle aux sociétés qu’elles ont l’obligation de mettre à jour leurs déclarations d’incidents antérieurs si des enquêtes postérieures révèlent des renseignements contraires ou supplémentaires​;
  • incite les sociétés à adopter des politiques et des procédures exhaustives en matière de cybersécurité, et à évaluer régulièrement la conformité à celles-ci et leur caractère adéquat​;
  • souligne qu’une cyberattaque grave étant une information importante non publiée, les sociétés devraient modifier leurs politiques sur les opérations d’initiés de manière à interdire toute opération d’initié fondée sur sa connaissance d’un acte de piratage.

En octobre 2018, la SEC a également publié un rapport sur un certain nombre de sociétés ouvertes qui ont été victimes de cyberfraudes. L’objectif du rapport était de déterminer si ces sociétés ouvertes avaient failli à leur obligation, en vertu des lois sur les valeurs mobilières américaines, de maintenir des systèmes de contrôle comptable interne permettant d’assurer raisonnablement la détection et le blocage de ces cyberfraudes. En l’occurrence, la SEC a conclu que le succès de ces cyberfraudes était souvent attribuable au fait que les employés n’avaient pas compris ou n’avaient pas appliqué les procédures de contrôle interne.

Bien que la SEC ait décidé de ne pas prendre de mesures d’application à l’endroit des sociétés concernées, elle a rappelé qu’il incombe aux sociétés ouvertes de s’assurer que leurs employés reçoivent une formation appropriée pour détecter et faire échouer toute tentative de cyberfraude.

L’envers de la médaille

Mobiliser des capitaux au moyen de biens numériques, notamment par le biais d’une première émission de « cryptomonnaie » ou de « jetons », s’est avéré très populaire au cours des dernières années, particulièrement dans le secteur des technologies et auprès des particuliers-investisseurs. Les tentatives de réglementation de l’offre et de la vente de biens numériques en vertu des lois sur les valeurs mobilières existantes ont représenté un véritable casse-tête pour les organismes de réglementation. Au cours de 2018, la SEC a publié plusieurs lignes directrices importantes et a pris de nombreuses mesures d’application sévères concernant les biens numériques et les cryptomonnaies. Veuillez vous reporter à notre article sur les biens numériques et les cryptomonnaies intitulé « Les cryptoactifs en 2018 : chute des prix, application accrue et intérêt institutionnel stable ».

Envol des sociétés de cannabis canadiennes

De multiples jalons ont été posés au cours de la dernière année pour les sociétés de cannabis canadiennes, lesquelles ont mobilisé d’importants capitaux sur les marchés américains. Veuillez vous reporter à nos articles sur le secteur du cannabis intitulés « Les entreprises de cannabis canadiennes ont conquis les marchés financiers américains » et « Le Canada, premier pays du G7 à légaliser la vente au détail du cannabis ».