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Le Canada propose des changements aux retenues d’impôt sur les paiements compensatoires au titre de dividendes

Auteur(s) : Timothy Hughes, Lisa Mantello, Kashif Zaman

Le 12 avril 2019

Le budget fédéral du Canada (le « budget de 2019 ») déposé le 19 mars 2019 (la « date du budget ») comporte des changements fiscaux importants pour les participants au marché des prêts de titres. Il propose des changements à la retenue d’impôt canadien sur les paiements compensatoires au titre de dividendes en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR ») et des conventions fiscales canadiennes. Dans ce bulletin d’Actualités Osler du groupe des produits dérivés, nous présentons une vue d’ensemble de certaines propositions du budget de 2019 relatives au prêt de titres, certains aspects qui pourraient être améliorés et notre compréhension de modifications qui pourraient être apportées à ces propositions.

Dans le cadre d’une opération de prêt de titres mettant en cause les actions d’une société, une partie (le prêteur) transfère des actions à une autre partie (l’emprunteur) généralement conformément à une convention aux termes de laquelle l’emprunteur accepte d’effectuer en faveur du prêteur des versements équivalant à la somme des dividendes versés sur l’action pendant la durée de la convention et de fournir au prêteur une garantie assurant au prêteur son obligation de lui remettre l’action à la conclusion de la convention.

Selon les règles de la LIR en vigueur applicables aux « mécanismes de prêt de valeurs mobilières » (au sens de la LIR), si l’emprunteur est un résident du Canada qui entreprend de telles activités au Canada et le prêteur est un non-résident, les conséquences relatives à la retenue d’impôt concernant les paiements compensatoires au titre de dividendes effectués par l’emprunteur en faveur du prêteur seront tributaires du type et du montant de la garantie fournie par l’emprunteur dans le cadre du mécanisme. En particulier, si l’emprunteur fournit une garantie sous forme de liquidités ou de titres de créance du gouvernement d’une juste valeur marchande d’au moins 95 % de la juste valeur marchande de l’action prêtée et qu’il a le droit de jouir, directement ou indirectement, des avantages de la totalité ou de la quasi‑totalité du revenu tiré de la garantie fournie (ci-après le « critère de garantie d’une valeur de 95 % »), le paiement compensatoire au titre de dividendes sera réputé être un dividende versé sur une action canadienne. Ainsi, les paiements compensatoires au titre de dividendes à l’égard d’actions étrangères prêtées à l’emprunteur qui est un résident du Canada dans le cadre de telles conventions sont réellement traités comme des dividendes versés sur des actions canadiennes aux fins de la retenue d’impôt.

Le budget de 2019 propose de corriger le résultat inhabituel décrit ci-dessus en dispensant de la retenue d’impôt canadien les paiements compensatoires au titre de dividendes sur certains prêts de titres mettant en cause des actions étrangères. L’exemption proposée s’appliquerait dans les cas où le titre emprunté constitue une action d’une catégorie du capital‑actions d’une société non résidente et que le critère de garantie d’une valeur de 95 % est respecté. Nous comprenons que le ministère des Finances a proposé une exemption uniquement pour les prêts de titres qui respectent le critère de garantie d’une valeur de 95 % par crainte que des prêts non entièrement garantis servent de financement déguisé. Lorsqu’un emprunteur canadien offre une garantie qui respecte le critère de garantie d’une valeur de 95 %, ce risque est prétendument atténué, puisque l’emprunteur canadien aurait pu plus facilement utiliser les liquidités et les titres de créance du gouvernement fournis en garantie pour répondre à ses besoins en matière de financement.

L’inquiétude du ministère des Finances relativement à l’utilisation des prêts de titres comme une forme de financement déguisé ne date pas d’hier. En effet, lorsque les règles relatives aux ententes de prêt de titres ont été ajoutées à la LIR en 1989, l’intérêt versé par un non-résident du Canada sur les emprunts était assujetti à une retenue d’impôt sauf lorsque l’emprunt respectait certains critères d’exemption complexes. Il était alors peu probable qu’un prêt de titres convenu entre un emprunteur canadien et un prêteur étranger qui respectait le critère de garantie d’une valeur de 95 % soit structuré pour se soustraire à la retenue d’impôt. Toutefois, en 2008, la LIR a été modifiée afin d’éliminer la retenue d’impôt sur les emprunts ordinaires sans lien de dépendance, et une clause a été ajoutée à la Convention fiscale Canada–États-Unis afin d’éliminer l’impôt sur les intérêts payés sur de tels emprunts dans les contextes avec et sans lien de dépendance.

Puisque la retenue d’impôt canadien ne s’applique plus aux emprunts ordinaires sans lien de dépendance et à certains emprunts similaires avec lien de dépendance conclus entre les résidents de pays de la convention fiscale, l’inquiétude historique du ministère des Finances à l’égard des prêts sur titres et des financements déguisés devrait être atténuée. Par conséquent, il s’avère surprenant que l’exemption d’impôt proposée dans le budget de 2019 sur les versements de dividendes sur les prêts sur titres non canadiens ne s’applique qu’aux prêts qui respectent le critère de garantie d’une valeur de 95 %. Osler a soulevé cette question au ministère des Finances. La réponse est encourageante : nous comprenons que le ministère des Finances envisage de modifier les propositions du budget de 2019 afin d’étendre l’exemption aux prêts sur titres sans lien de dépendance qui ne respectent pas le critère de garantie d’une valeur de 95 %. À notre avis, il serait logique d’étendre l’exemption à tous les prêts sur titres étrangers avec lien de dépendance, sous réserve que les parties ne soient pas assujetties à une retenue d’impôt sur les dividendes à l’égard d’un emprunt ordinaire.

Le budget 2019 modifiera également la retenue d’impôt sur les paiements compensatoires au titre de dividendes sur les prêts sur titres canadiens. Comme pour les actions étrangères, les paiements compensatoires au titre de dividendes effectués dans le cadre de mécanismes de prêt de valeurs mobilières qui respectent le critère de garantie d’une valeur de 95 % sont réputés être des dividendes de source canadienne en vertu de la législation en vigueur. Les paiements effectués dans le cadre de mécanismes qui ne respectent pas ce critère de garantie sont actuellement réputés être des versements d’intérêt et sont assujettis à un autre régime de retenue d’impôt. L’avant-projet contenu dans le budget de 2019 considérerait tous les paiements compensatoires au titre de dividendes effectués par les emprunteurs qui sont des résidents du Canada en vertu des mécanismes canadiens de prêt de valeurs mobilières (et des « mécanismes de prêt de valeurs mobilières déterminés » au sens de la LIR) comme des dividendes de source canadienne, peu importe si le prêt sur titres respecte le critère de garantie d’une valeur de 95 %.

Le budget de 2019 propose également de modifier la façon dont le traitement des dividendes aux fins d’une convention fiscale s’applique aux paiements compensatoires au titre de dividendes dans le cadre d’un prêt sur titres. Si un prêteur non‑résident transfère une action canadienne à un emprunteur canadien, le prêteur non‑résident serait réputé à cette fin être le propriétaire véritable de l’action canadienne, et le « paiement compensatoire (MPVM) » (au sens de la LIR) effectué par l’emprunteur canadien en faveur du prêteur est réputé, aux fins d’une convention fiscale, être effectué par l’émetteur de l’action canadienne.  Osler s’est enquis auprès du ministère des Finances à savoir si ce traitement s’appliquerait à d’autres articles de conventions fiscales que celle portant sur les dividendes (p. ex. à l’exemption d’impôt générale des sociétés exonérées conformément à l’article XXI de la Convention fiscale Canada–États-Unis). Nos échanges avec le ministère des Finances nous permettent de comprendre que tous les articles de conventions fiscales seront traités de manière similaire et qu’une modification de clarification sera préparée.

Des propositions du budget de 2019 concernant les paiements compensatoires au titre de dividendes sur des actions étrangères s’appliqueraient à l’égard de montants payés ou payables ou crédités à compter du jour du budget. Les autres propositions traitées ci‑dessus s’appliqueraient à l’égard de montants payés ou crédités à titre de paiements compensatoires (MPVM) à compter du jour du budget, sous réserve d’un droit acquis pour les versements effectués avant octobre 2019 conformément à un arrangement écrit conclu avant le jour du budget.