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Les lettres de mandat du gouvernement font ressortir les priorités fiscales; la Mise à jour économique et budgétaire d’automne propose peu de nouvelles mesures

Auteur(s) : Peter Macdonald, Patrick Marley, Gregory Wylie

Le 17 décembre 2019

Dans ce bulletin d’actualités

  • La Mise à jour économique et budgétaire d’automne du gouvernement libéral ne contient aucune nouvelle mesure fiscale importante, mais les lettres de mandats confiées aux ministres du Cabinet fédéral énoncent les priorités fiscales du gouvernement pour les prochains mois
  • Selon les lettres de mandat, les priorités en impôt des sociétés sont notamment d’aller de l’avant avec les changements aux règles sur les options d’achat d’actions, d’instaurer une taxe sur les services numériques et de limiter les montages hybrides
  • La Mise à jour économique et budgétaire et les lettres de mandat proposent un examen exhaustif des dépenses gouvernementales et fiscales, afin de réaliser des économies annuelles de 1,5 G$

La Mise à jour économique et budgétaire d’automne, publiée le 16 décembre 2019 par le gouvernement libéral du Canada, ne contient aucune nouvelle mesure fiscale importante. Toutefois, les lettres de mandat confiées aux ministres du Cabinet fédéral suggèrent que le gouvernement prévoit aller de l’avant avec l’éventuelle nouvelle taxe sur les services numériques, la limitation de certaines déductions d’intérêts, le plafonnement de certains montages hybrides et d’avantages découlant d’options d’achat d’actions, et la réduction du taux d’imposition des entreprises qui fabriquent des produits à zéro émission. 

Mise à jour économique et budgétaire d’automne

La Mise à jour économique et budgétaire d’automne du gouvernement ne contient pas de nouvelles mesures fiscales. Elle fournit des projections fiscales révisées par rapport au Budget 2019 et un déficit budgétaire révisé à la baisse de 26,6 G$ en 2019-2020, pour un ratio du PIB sur la dette de 31 %, ce qui représente une légère hausse. Le déficit devrait atteindre 28,1 G$ pour la prochaine année et des déficits sont attendus durant toute la période prévue (pour s’établir à 11,6 G$ en 2024-2025). 

Lettres de mandat

Les lettres de mandat confiées par le gouvernement à chaque ministre du Cabinet fédéral mettent l’accent sur les priorités fiscales du gouvernement pour les prochains mois, tandis qu’il tentera de gouverner avec une minorité au parlement.

Les priorités fiscales pour les entreprises décrites dans la lettre de mandat du ministre des Finances, M. Bill Morneau, visent de manière générale l’augmentation des revenus en supprimant les échappatoires qui permettent, de l’avis du gouvernement, aux contribuables de tirer avantage de déductions excessives de la dette et de structures transfrontalières complexes, ou à des entités de fournir des services numériques au Canada sans acquitter l’impôt pertinent. La lettre de mandat envisage une réduction d’impôt pour les entreprises qui conçoivent ou fabriquent des technologies à zéro émission et anticipe d’aller de l’avant avec la règle sur les options d’achat d’actions précédemment proposée. 

Sur le plan de l’impôt des particuliers, le gouvernement semble axé sur l’augmentation du montant d’imposition de base des particuliers et l’imposition de la nouvelle taxe sur les voitures de luxe. 

La plupart des priorités s’inspirent de la plateforme électorale du Parti libéral. Il reste à voir si ces éléments feront l’objet de projets de loi et, ultimement, de lois. Les principales mesures principales décrites dans la lettre de mandat du ministre des Finances sont résumées ci-après. 

Priorités en impôt des sociétés

Poursuite des changements liés aux règles sur les options d’achat d’actions

Le ministre des Finances a été chargé de mettre la dernière main aux modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) visant à limiter la déduction pour options d’achat d’actions pour les particuliers à revenu élevé employés par de grandes entreprises bien établies et matures. Le gouvernement a présenté un projet de loi en juin 2019 où il instaurait deux régimes fiscaux : un premier régime pour les options admissibles qui maintiendrait le régime actuel et donnerait aux employés droit aux déductions actuelles des gains en capital et un deuxième régime pour les options non admissibles aux termes duquel les employés n’auraient plus droit au traitement actuel des gains en capital (et qui pourrait donner à l’employeur droit à une déduction). Consulter notre bulletin Actualité Osler intitulé « Le gouvernement du Canada présente des mesures fiscales qui s’appliqueront aux options d’achat d’actions d’employés accordées le 1er janvier 2020 ou ultérieurement », pour en savoir davantage sur le projet de loi. 

Limitation des déductions d’intérêts et des structures transfrontalières complexes

La lettre de mandat ajoute que le ministre des Finances modernisera les règles anti-évitement de manière à empêcher les grandes multinationales de rechercher les plus faibles taux d’imposition en mettant en place des stratégies sophistiquées entre les pays. En parallèle, le ministre des Finances doit réduire les échappatoires qui permettent aux entreprises de déduire excessivement leurs dettes afin de réduire artificiellement l’impôt qu’elles paient.

Sans fournir de détails, la plateforme électorale de 2019 du Parti libéral suggérait de limiter le montant des déductions d’intérêts des entreprises (dont la charge d’intérêt nette excède 250 000 $) aux fins du calcul de leur revenu à 30 % au plus de leur bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA). L’intérêt serait déductible au-delà du seuil de 30 % lorsque la société ferait partie d’un groupe, jusqu’à concurrence du ratio de la charge d’intérêt sur le BAIIA du groupe mondial. Le Parti libéral du Canada a également proposé de limiter les montages hybrides. Le Parti libéral n’a pas précisé l’interaction de ces propositions avec les règles existantes du Canada (comme les règles de capitalisation restreinte qui limitent généralement une déduction des intérêts lorsqu’un ratio d’endettement dans une proportion de 1,5 pour 1 est dépassé).

Imposition d’une taxe sur les services numériques et collaboration avec l’OCDE

Deux éléments de la lettre de mandat portent sur l’imposition des services numériques. Le ministre des Finances est chargé de veiller à ce que les multinationales technologiques paient des impôts appropriés sur les revenus qu’ils génèrent au Canada et de collaborer avec l’OCDE afin que les sociétés numériques internationales dont les produits sont consommés au Canada perçoivent et versent les mêmes taxes que leurs équivalents canadiens.

La plateforme du Parti libéral proposait d’introduire une taxe sur la valeur ajoutée de 3 % applicable aux revenus des entreprises offrant des services de ciblage publicitaire et des services d’intermédiation numériques. Elle s’appliquerait exclusivement aux entreprises dont les revenus mondiaux excèdent 1 G$ et les revenus canadiens excèdent 40 M$. Le projet reproduit le projet de taxe du gouvernement français, qui a récemment encouragé les États-Unis à menacer d’imposer des tarifs douaniers de 100 % sur de nombreux produits français. Ces propositions s’insèrent dans un contexte où l’OCDE tente de convaincre les pays d’abandonner de telles approches « unilatérales » à l’égard de la numérisation de l’économie, pour plutôt se doter d’une « approche unifiée ». La proposition de l’OCDE fait partie d’un grand projet visant à modifier considérablement l’imposition des multinationales. Pour obtenir plus de détails sur ces propositions, consulter les bulletins Actualité Osler intitulés « L’OCDE propose des changements importants qui auront une incidence sur les multinationales » et « L’OCDE publie un document de consultation sur sa proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition », de même que les observations présentées par Osler à l’OCDE relativement aux changements proposés, soit « Osler submission to OECD on Public Consultation Document for ‘Unified Approach’ under Pillar One » (PDF, en anglais seulement) et « Les observations d’Osler présentées à l’OCDE préconisent de rétrécir le champ d’application de la Proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition ».

La semaine dernière, le ministre Morneau a précisé que le Canada entend aller de l’avant avec une taxe sur les services numériques, mais aucun projet de loi n’a encore été déposé.

Réduction d’impôt de 50 % pour les entreprises qui conçoivent et fabriquent des technologies à zéro émission

Le gouvernement prévoit réduire de 50 % les taux d’imposition pour les entreprises qui conçoivent et fabriquent des technologies à zéro émission (le taux d’imposition des petites entreprises passerait de 9 % à 4,5 % et le taux d’imposition général passerait de 15 % à 7,5 %). La lettre de mandat stipule que les activités admissibles englobent la fabrication liée aux énergies renouvelables, la production de carburants renouvelables, les véhicules à zéro émission, les technologies de séquestration et d’élimination du carbone, les batteries destinées aux véhicules à zéro émission, le stockage sur réseau et les systèmes de charge des véhicules électriques.

Priorités en impôt des particuliers

La priorité du gouvernement relativement à l’impôt des particuliers consiste à augmenter le montant personnel de base à 15 000 $, bien que la lettre de mandat indique que les particuliers ayant un revenu plus élevé ne devraient pas bénéficier de cette réduction (mais auront tout de même droit au montant personnel de base actuel). 

Le gouvernement entend également aller de l’avant avec l’imposition d’une taxe de 10 % sur les bateaux et voitures de luxe et les avions personnels de plus de 100 000 $, ce qui, selon le bureau du directeur parlementaire du budget, devrait permettre de générer 600 M$ par an.

Le ministre des Finances a également été mandaté pour travailler avec la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire sur des mesures fiscales visant à favoriser le transfert intergénérationnel des fermes, et pour aider le ministre responsable de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) à limiter la spéculation immobilière en élaborant un cadre et en mettant en place une taxe annuelle de 1 % sur les logements inoccupés et une taxe sur la spéculation sur les propriétés résidentielles applicables appartenant à des non-Canadiens non-résidents.

Examen des dépenses fiscales

La Mise à jour économique et budgétaire ainsi que la lettre de mandat abordent un examen exhaustif des dépenses gouvernementales et fiscales, pour une économie annuelle de 1,5 G$. Le gouvernement prévoit cibler les dépenses fiscales actuelles afin de veiller à ce que les Canadiens plus fortunés ne profitent pas d’allègements fiscaux injustes.

Pour toute question concernant l'information contenue dans ce bulletin ou pour toute autre question sur la fiscalité, veuillez contacter les membres de notre groupe national de fiscalité